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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 23:53
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE 6, 1...8

1  L'année de la mort du roi Ozias,
    je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ;
    les pans de son manteau remplissaient le Temple.
2  Des séraphins se tenaient au-dessus de lui.
3  Ils se criaient l'un à l'autre :
    « Saint ! Saint ! Saint, le SEIGNEUR de l'univers !
    Toute la terre est remplie de sa gloire. »
4  Les pivots des portes se mirent à tremble
    à la voix de celui qui criait,
    et le Temple se remplissait de fumée.
5  Je dis alors :
    « Malheur à moi ! Je suis perdu,
    car je suis un homme aux lèvres impures,
    j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures ;
    et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l'univers ! »
6  L'un des séraphins vola vers moi,
    tenant un charbon brûlant
    qu'il avait pris avec des pinces sur l'autel.
7  Il l'approcha de ma bouche et dit :
    « Ceci a touché tes lèvres,
    et maintenant ta faute est enlevée,
    ton péché est pardonné. »
8  J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait :
    « Qui enverrai-je ?
    Qui sera notre messager ? »
    Et j'ai répondu :
    « Me voici :
    envoie-moi ! »
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SAINT ! SAINT ! SAINT, LE SEIGNEUR DE L’UNIVERS !

Le grand prophète Isaïe nous donne ici le récit de sa vocation. Conscient de sa petitesse devant le Dieu de l’univers, il est saisi par un sentiment d’indignité ; mais puisque c’est Dieu qui l’a choisi, c’est Dieu aussi qui le purifiera.

Isaïe n’était pas prêtre, mais pourtant, il situe sa vocation au Temple de Jérusalem : » L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ». Quand Isaïe nous dit « je vis », cela veut dire qu’il s’agit non pas d’un récit, mais d’une vision ; ne cherchons donc pas dans son évocation un déroulement logique d’événements. Les livres prophétiques sont émaillés de visions fantastiques : à nous de décoder ce langage extrêmement suggestif, même s’il surprend notre mentalité contemporaine.

Isaïe nous dit qu’en ce qui le concerne, cela s’est passé « l’année de la mort du roi Ozias » : c’est une indication précieuse. Il est rare que nous puissions évoquer des dates avec autant de précision ; cette fois, nous le pouvons car on sait que le roi Ozias a régné à Jérusalem de 781 à 740 av. J.-C. Depuis la mort du roi Salomon (en 933, c’est-à-dire depuis près de deux cents ans), le royaume de David et de Salomon est divisé : il y a deux royaumes, deux rois, deux capitales : au Sud, Ozias est roi de Jérusalem, au Nord, Menahem est roi de Samarie. On sait également que Ozias était lépreux et qu’il est mort de cette maladie à Jérusalem en 740. C’est donc cette année-là qu’Isaïe a reçu sa vocation de prophète : ensuite, il a prêché pendant environ quarante ans (là on est moins précis) et il est resté dans la mémoire collective d’Israël comme un très grand prophète et en particulier le prophète de la sainteté de Dieu.1

 « Saint ! Saint ! Saint, le SEIGNEUR de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire » : vous avez reconnu le Sanctus de nos messes. Il date donc au moins du prophète Isaïe. (Peut-être cette acclamation faisait-elle déjà partie de la liturgie au Temple de Jérusalem, mais on n’en a pas la preuve ; on a seulement retrouvé des expressions équivalentes plus anciennes en Égypte).

Dire que Dieu est « Saint », au sens biblique, c’est dire qu’il est Tout Autre que l’homme. Dieu n’est pas à l’image de l’homme ; bien au contraire, la Bible affirme l’inverse : c’est l’homme qui est « à l’image de Dieu » ; ce n’est pas la même chose !

Cela veut dire que nous devrions rester très modestes et très prudents chaque fois que nous parlons de Dieu ! Parce que Dieu est le Tout Autre, il nous est radicalement, irrémédiablement impossible de l’imaginer tel qu’il est, nos mots humains ne peuvent jamais rendre compte de lui. 2

 

TOUTE LA TERRE EST REMPLIE DE SA GLOIRE 

La première partie de la vision d’Isaïe dit bien cette prise de conscience fondamentale ; et ce qu’il nous décrit ressemble étrangement à d’autres évocations des grandes manifestations de Dieu dans la  Bible : Dieu est assis sur un trône très élevé, une fumée se répand et remplit tout l’espace, une voix tonne... elle tonne si fort que les lieux tremblent... Isaïe ne peut pas s’empêcher de penser à ce qui s’était passé pour Moïse sur la montagne du Sinaï, au moment où Dieu avait fait alliance avec son peuple et donné les tables de la Loi ; c’est le livre de l’Exode qui raconte : « La montagne du Sinaï était toute fumante, car le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; la fumée montait, comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait violemment. La sonnerie du cor était de plus en plus puissante. Moïse parlait et la voix de Dieu lui répondait. » (Ex 19,18-19).

L’homme Isaïe mesure alors sa petitesse et il ressent comme une sorte de crainte : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l’univers ! »  Cette « crainte », comme découverte de notre petitesse, du fossé infranchissable qui nous sépare de Dieu si Dieu lui-même ne le comble pas, est une première étape indispensable dans notre relation à Dieu. Mais Dieu n’en reste pas là. D’ordinaire, dans la Bible, il y a toujours cette parole de la part de Dieu : « ne crains pas »... Ici, la parole n’est pas dite mais elle est remplacée par un geste très suggestif : un des séraphins, un de ceux qui, justement, proclament la sainteté de Dieu, va accomplir le geste qui purifie l’homme, qui comble le fossé, qui permet à l’homme d’entrer en relation avec Dieu : « L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche... » Manière de dire que c’est Dieu qui prend l’initiative de se faire proche de l’homme ; ce fossé qui nous sépare de Dieu, c’est Dieu lui-même qui le comble.

Quand Isaïe parlera de Dieu, plus tard, il lui arrivera souvent de l’appeler « Le Saint d’Israël » : cette expression dit bien que Dieu est le Saint, le Tout-Autre, mais aussi qu’il s’est fait proche de son peuple, puisque celui-ci peut aller jusqu’à revendiquer une relation d’appartenance (Dieu est « Le Saint d’Israël »).

La merveille, c’est que ce qui est vrai pour le peuple d’Israël l’est désormais pour notre Église et pour chacun d’entre nous.

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Notes

1 – Le livre qui porte le nom d’Isaïe comporte soixante-six chapitres : ce n’est pas l’œuvre d’un seul homme, mais un ensemble de trois recueils.

Les chapitres 1 à 39 sont majoritairement l’œuvre du prophète qui nous relate ici sa vocation (à l’intérieur de ces 39 chapitres, certaines pages sont probablement postérieures) ; les chapitres 40 à 55 sont l’œuvre d’un prophète qui prêchait pendant l’Exil à Babylone (au sixième siècle avant notre ère) ; les chapitres 56 à 66 rapportent la prédication d’un troisième prophète, contemporain de la période du retour de l’Exil.

2 - La sainteté n’est pas une notion morale, ni même un attribut de Dieu, elle est sa nature même ; car l’adjectif « divin » n'existe pas en hébreu, il est remplacé par le mot « saint » qui signifie Tout-Autre (sous-entendu Tout-Autre que l'homme), celui que nous ne pouvons jamais atteindre par nous-mêmes, celui qui nous dépasse infiniment, à tel point que nous n’avons aucune prise sur lui. Ce que le prophète Osée traduisait : « Moi, je suis Dieu et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint. » (Os 11,9). Pour cette raison, dans la Bible, aucun humain n’est jamais considéré comme saint, tout au plus peut-on être « sanctifié » par Dieu et, de ce fait, refléter son image, ce qui est de tout temps notre vocation ultime.

Et, bien évidemment, nous ne pouvons pas imaginer quelqu’un qui est Tout-Autre que nous-mêmes. D’où la réaction d’effroi du prophète Isaïe : « Je suis un homme aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l’univers ».

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PSAUME 137 (138), 1-5.7c-8

1  De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce,
    tu as entendu les paroles de ma bouche.
    Je te chante en présence des anges,
2  vers ton temple sacré, je me prosterne.

    Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
    car tu élèves au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
3  Le jour où tu répondis à mon appel,
    tu fis grandir en mon âme la force.

4  Tous les rois de la terre te rendent grâce
    quand ils entendent les paroles de ta bouche.
5  Ils chantent les chemins du SEIGNEUR :
    « Qu'elle est grande, la gloire du SEIGNEUR ! »

7c Ta droite me rend vainqueur.
8  Le SEIGNEUR fait tout pour moi !
    SEIGNEUR, éternel est ton amour :
    n'arrête pas l'œuvre de tes mains.
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DE TOUT MON CŒUR, SEIGNEUR, JE TE RENDS GRÂCE

Il se dégage de ce psaume une impression très particulière, très douce, de joie profonde et de sérénité. Dès le premier verset, tout est dit. Par exemple, l’expression « rendre grâce » est répétée : « De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce »… « Je rends grâce à ton nom ». Le croyant est celui qui vit dans la grâce de Dieu et qui le reconnaît tout simplement, le cœur noyé de reconnaissance.    

J’ait dit « le croyant », mais ce croyant n’est pas un individu particulier, c’est le peuple d’Israël, comme toujours dans les psaumes, qui parle ici et qui rend grâce pour l’Alliance que Dieu lui a proposée. Cela s’entend à la répétition du nom « SEIGNEUR » que l’on entend à plusieurs reprises dans ces quelques versets. C’est le fameux NOM de Dieu, ce que nous appelons le « tétragramme » puisqu’il s’agit de quatre consonnes, ce Nom révélé par Dieu à Moïse au Sinaï au moment de l’épisode du buisson ardent (Ex 3). Dieu s’est encore révélé à Moïse au cours de l’Exode dans le Sinaï, sous le nom de « amour et vérité » : nous l’entendons également ici : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». Nous retrouvons cette même expression « amour et vérité » à plusieurs reprises dans d’autres psaumes et dans l’ensemble de la Bible ; c’est la précieuse découverte d’Israël, grâce au souffle de Dieu, bien sûr. On peut la lire au chapitre 34 de l’Exode : « (je suis) le SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ». (Ex 34,6). Et ce n’est pas un hasard si cette révélation de la tendresse de Dieu est intervenue après l’épisode du veau d’or, c’est-à-dire une infidélité caractérisée du peuple. Car c’est précisément à l’occasion de ses infidélités répétées que le peuple d’Israël a fait l’expérience de l’inépuisable miséricorde de Dieu.

C’est cette fidélité de Dieu que l’on chante inlassablement au Temple de Jérusalem : « Vers ton temple sacré je me prosterne » ...  le décor ici est le même que dans le récit de la vocation d’Isaïe que nous avons lu en première lecture… et le psaume continue : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». Dans le récit de la vocation d’Isaïe, l’accent était mis sur la sainteté de Dieu, le fossé qui nous sépare de Dieu, et que nous ne pouvons combler par nos propres forces ni par aucune action, si méritoire soit-elle... C’est Dieu lui-même qui en permanence comble ce fossé et nous invite à entrer dans son intimité. Dans ce psaume, nous découvrons en quoi consiste la sainteté de Dieu : Dieu est Amour et vérité : voilà sa sainteté... et il est vrai qu’en cela un fossé nous sépare de Lui.

À la fin du psaume, nous retrouvons une autre expression de cette prise de conscience de l’amour de Dieu : « éternel est ton amour », vous avez reconnu le refrain du psaume 135 (136) qui est, lui aussi, un rappel de la libération de l’Exode. L’allusion à la « droite » (traduisez la main) de Dieu (dans le verset « Ta droite me rend vainqueur ») est encore un autre rappel de l’Exode : car, selon l’expression consacrée, Dieu nous a libérés « à main forte et à bras étendu » (Dt 4,34).

TOUS LES ROIS DE LA TERRE TE RENDRONT GRÂCE

Cette Alliance du Sinaï a fait d’Israël le bénéficiaire de la Révélation, le confident de Dieu ; et c’est ce qui vient d’être exprimé de plusieurs manières. Mais Israël a découvert également que ce n’est pas le tout d’être le confident de Dieu. Désormais, il doit en être le prophète : c’est-à-dire qu’il a la charge, la responsabilité de proclamer l’amour et la vérité de Dieu à l’ensemble de l’humanité.

C’est le sens du verset : « Tous les rois de la terre te rendent grâce »1. À dire vrai, c’est pour le moins une anticipation ! Tous les rois de la terre ne sont pas encore convertis, ni au temps de David, ni même à la fin de l’Ancien Testament, et pas encore non plus aujourd’hui... loin de là ! Mais cette anticipation, on y tient : elle est un rappel du double aspect de la vocation d’Israël dont je viens de parler. Pour que les rois de la terre s’inclinent devant Dieu, il faudra qu’ils aient entendu la Bonne Nouvelle. Le psaume dit bien : « Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche ». Quand Israël aura rempli sa mission de témoin de Dieu, alors on pourra chanter vraiment : « De tout mon cœur je te rends grâce // tous les rois de la terre te rendent grâce ».

Dernière remarque à propos d’une phrase apparemment toute simple : « Je te chante en présence des anges ». Il est intéressant de noter que, dans la Bible en hébreu, la formule était : « Je te chante devant les dieux ». C’était une sorte de profession de foi, manière d’affirmer qu’Israël ne tombe pas dans l’idolâtrie : Dieu seul est Dieu, les dieux des autres peuples ne sont que néant. Mais s’il est utile de l’affirmer, c’est que le danger n’est pas totalement écarté. Cela sonne donc plutôt comme une résolution.

En revanche, quand la Bible hébraïque a été traduite en grec, les traducteurs, considérant probablement qu’il n’y avait plus de danger d’idolâtrie ont remplacé le mot « dieux » par « anges ». D’où notre verset : « Je te change en présence des anges ». (Or notre psautier liturgique s’inspire du grec).

Enfin, le psaume se termine par une prière : « N’arrête pas l’œuvre de tes mains », ce qui veut dire « continue malgré nos infidélités répétées » ; il faut lire ensemble les deux phrases « SEIGNEUR, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. » C’est parce que l’amour de Dieu est éternel que nous savons qu’il n’arrêtera pas « l’œuvre de ses mains ».

Et c’est bien pour cela que nous ne cessons de rendre grâce : « Le SEIGNEUR fait tout pour moi », chante le psaume. Nous savons que nous sommes enveloppés en permanence de sa présence et de sa sollicitude. Comme dit saint Paul : « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment » (Rm 8,28), c’est-à-dire « qui lui font confiance ».

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Note

1 – « Tous les rois de la terre te rendent grâce » : cette traduction par un indicatif présent est un choix. La forme du verbe en hébreu (qu’on appelle un inaccompli) pourrait tout aussi valablement être traduite par un futur (« Tous les rois de la terre te rendront grâce ») ou un subjonctif (« Que tous les rois de la terre te rendent grâce »). Cela change évidemment quelque peu le sens.

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LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS 15, 1-11

1  Frères,
    je vous rappelle la Bonne Nouvelle
    que je vous ai annoncée ;
    cet Évangile, vous l'avez reçu ;
    c’est en lui que vous tenez bon,
2  c’est par lui que vous serez sauvés
    si vous le gardez tel que je vous l'ai annoncé ;
    autrement, c'est pour rien que vous êtes devenus croyants.
3  Avant tout, je vous ai transmis ceci,
    que j'ai moi-même reçu :
    le Christ est mort pour nos péchés
    conformément aux Écritures,
4  et il fut mis au tombeau ;
    il est ressuscité le troisième jour
    conformément aux Écritures,
5  il est apparu à Pierre, puis aux Douze ;
6  ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois
    - la plupart sont encore vivants,
    et quelques-uns sont endormis dans la mort -,
7  ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres.
8  Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis.
9  Car moi, je suis le plus petit des Apôtres,
    je ne suis pas digne d'être appelé Apôtre,
    puisque j'ai persécuté l'Église de Dieu.
10 Mais ce que je suis,
    je le suis par la grâce de Dieu,
    et sa grâce, venant en moi, n'a pas été stérile.
    Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ;
    à vrai dire, ce n'est pas moi,
    c'est la grâce de Dieu avec moi.
11 Bref, qu'il s'agisse de moi ou des autres,
          voilà ce que nous proclamons,
          voilà ce que vous croyez.
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LES DEUX PILIERS DE NOTRE FOI : CHRIST EST MORT – CHRIST EST RESSUSCITÉ

« Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu... » nous dit Paul. Si nous sommes ici, à lire les lettres de saint Paul, c’est parce que depuis deux mille ans, génération après génération, l’Évangile se transmet : notre foi, nous la devons à ceux qui nous ont précédés. On peut comparer cette transmission de l’Évangile à une course de relais : sur le même parcours, régulièrement, les coureurs sont remplacés par de nouvelles équipes, de nouveaux concurrents, auxquels ils transmettent un objet (qu’on appelle le « relais », le « témoin ») ; entendons-nous bien, la foi n’est pas un objet, mais gardons l’idée d’une course ; pour l’Évangile, le relais se transmet depuis deux mille ans sans défaillance.

Paul ne fait pas partie de l’équipe qui a pris le départ la première : en dehors de l’apparition sur le chemin de Damas, il n’a pas connu le Christ, il n’a pas été témoin des événements de la vie de Jésus de Nazareth. Mais il peut citer ses sources : ce sont les Apôtres de la première génération, si l’on peut dire (et pour lui, plus précisément, Ananie, Barnabé et la communauté chrétienne d’Antioche de Syrie) ; grâce à eux, lui, Paul, a reçu le témoin et il le transmet à son tour. Ce qu’il transmet c’est l’Évangile, la Bonne Nouvelle qui tient en deux phrases, mieux en deux mots ! Deux phrases, les voici : « le Christ est mort pour nos péchés, il est ressuscité le troisième jour » ; deux mots : mort / ressuscité ; ce sont les deux piliers de notre foi.

Pour appuyer son propos, Paul affirme que tout cela est conforme aux Écritures (c’est-à-dire, à l’heure où il écrit, à l’Ancien Testament) : « Le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures ». En réalité, on ne trouve nulle part dans les Écritures des affirmations concernant explicitement la mort et la résurrection du Messie : la formule « conformément aux Écritures » ne signifie pas que tout était écrit d’avance ; la formule « selon les Écritures » signifie que tout ce qui est arrivé est conforme au dessein bienveillant de Dieu ; on pourrait remplacer ici le mot « Écritures » par le mot « projet de Dieu » ou « promesse de Dieu » : conformément à la promesse de Dieu, le Christ est mort pour nos péchés, c’est-à-dire nos péchés sont effacés... Conformément à la promesse de Dieu, le Christ est ressuscité, c’est-à-dire la mort est vaincue. L’Ancien Testament résonnait de ces promesses : promesses de pardon des péchés, promesses de salut, promesses de vie.

Par exemple, l’expression « le troisième jour », à elle seule, dans l’Ancien Testament, évoquait une promesse de salut, de libération ; dire « il y aura un troisième jour » revenait à dire « Dieu interviendra ».

LE TROISIÈME JOUR, CONFORMÉMENT AUX ÉCRITURES

Le troisième jour, au mont Moryyah, Dieu avait suggéré à Abraham la solution pour sauver Isaac (Gn 22,4) ; le troisième jour, Joseph, en Égypte, avait rendu la liberté à ses frères  (Gn 42,18) ; le troisième jour, le Seigneur s’était manifesté à son peuple rassemblé au pied du Mont Sinaï (Ex 19,11.16) ; le troisième jour, Jonas enfin converti avait retrouvé la terre ferme et sa mission (Jon 2,1) ; c’est bien ainsi qu’on interprétait la parole d’Osée : « Il nous guérira après deux jours ; au troisième jour nous serons ressuscités et nous vivrons devant lui. » (Os 6,2).

Le troisième jour n’est donc pas une donnée chronologique mais l’expression d’une espérance : celle du triomphe de la vie au bénéfice de tous. Proclamer « Le Christ est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures » est donc bien l’affirmation d’un salut pour tous. Un salut qui est le triomphe de la vie ; un salut actuel pour tous les temps et pour tous les hommes puisque le Christ est vivant pour toujours.

 Cette Bonne Nouvelle, nous dit Paul, il faut absolument y rester attachés : « Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu, c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé. » « Vous serez sauvés », c’est-à-dire vous pourrez participer à ce triomphe de Jésus-Christ sur la mort et le péché : grâce à lui, ou greffés sur lui, vous ferez partie de cette humanité nouvelle désormais animée par l’Esprit Saint.

Ce salut, Paul l’a expérimenté lui-même, lui le persécuteur pardonné, converti et transformé en colonne de l’Église... lui qui n’oubliera jamais qu’il a été un persécuteur des chrétiens : « Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. » Plus qu’aucun autre il est bien placé pour en parler ! Il suffit de croire au pardon pour être pardonné... Voilà la merveille de l’amour de Dieu pour l’humanité, un amour sans conditions, un amour sans cesse offert. C’est cela qu’en théologie, on appelle la « grâce ». Une grâce qu’il nous suffit d’accepter. Paul, comme Isaïe, comme Pierre, a grande conscience de son péché ; mais il laisse la grâce de Dieu agir en lui : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et la grâce, venant en moi, n’a pas été stérile : je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. » D’un persécuteur Dieu a fait un apôtre, le plus ardent qui soit, tout comme, de Jérémie, le jeune homme timide, il avait fait un prophète intrépide, comme d’Isaïe aux lèvres impures, il a fait la « bouche de Dieu », comme de Pierre, le renégat, il a fait le fondement de son Église.

Un salut qu’il suffit d’accepter : c’est vraiment une Bonne Nouvelle ! Il ne reste plus qu’à la crier sur les toits !
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT LUC 5, 1-11

    En ce temps-là,
1  la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu,
    tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth.
2  Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ;
    les pêcheurs en étaient descendus
    et lavaient leurs filets.
3  Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon,
    et lui demanda de s'écarter un peu du rivage.
    Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait les foules.
4  Quand il eut fini de parler,
    il dit à Simon :
    « Avance au large,
    et jetez vos filets pour la pêche. »
5  Simon lui répondit :
    « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ;
    mais, sur ta parole,
    je vais jeter les filets. »
6  Et l’ayant fait,
    ils capturèrent une telle quantité de poissons
    que leurs filets allaient se déchirer.
7  Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque
    de venir les aider.
    Ceux-ci vinrent,
    et ils remplirent les deux barques,
    à tel point qu'elles enfonçaient.
8  À cette vue,
    Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant :
    « Éloigne-toi de moi, Seigneur,
    car je suis un homme pécheur. »
9  En effet, un grand effroi l'avait saisi,
    lui et tous ceux qui étaient avec lui,
    devant la quantité de poissons qu'ils avaient pêchés ;
10 et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon.
    Jésus dit à Simon :
    « Sois sans crainte,
    désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
11 Alors ils ramenèrent les barques au rivage
    et, laissant tout, ils le suivirent.
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AVANCE AU LARGE, ET JETEZ VOS FILETS

On n'a pas beaucoup l'habitude de comparer l'Apôtre Pierre au prophète Isaïe, et pourtant le rapprochement des textes de la liturgie de ce cinquième dimanche nous y invite, en nous faisant lire les récits de leurs vocations. Le décor n'est pas le même : pour Isaïe, cela se passait au cours d'une vision qui se déroulait dans le temple de Jérusalem ; Pierre, lui, est sur le lac de Tibériade (appelé aussi lac de Génésareth). L'un et l'autre sont subitement mis en présence de Dieu lui-même : Isaïe au cours de sa vision, Pierre parce qu’il assiste à un miracle. Les précisions apportées par Luc ne laissent aucun doute là-dessus : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre », c’est le constat de l’homme de métier. Puis, le succès inespéré de l’entreprise pourtant vouée à l’échec à vues humaines : si la pêche ne donne rien la nuit, elle a encore moins de chances d’être fructueuse le jour, tous les pêcheurs le disent ; mais sur la simple parole de Jésus, le miracle se produit : « Ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. »

Et tous les deux, Pierre et Isaïe, ont la même réaction devant cette irruption de Dieu dans leur vie ; tous les deux ont une même conscience de la sainteté de Dieu et de l’abîme qui nous sépare de lui. Et leurs expressions à tous les deux se ressemblent beaucoup : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur », dit Pierre ; et Isaïe disait « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l’univers ! »

Mais, apparemment, ce n’est pas notre péché, notre indignité qui arrête Dieu ! Il lui suffit que nous en prenions conscience, que nous soyons en vérité devant lui. Car le jour où nous prenons conscience de notre pauvreté, Dieu peut nous combler. Tous les deux, Pierre et Isaïe, sont donc en proie à une espèce de crainte devant la manifestation évidente de Dieu. Alors, toujours dans sa vision, Isaïe voit s’accomplir le geste qui le purifie et le rassure ; Pierre, lui, entend la parole de réconfort de Jésus : « Sois sans crainte ». Enfin, tous les deux reçoivent une vocation, au service du même projet de Dieu, bien sûr, qui est le salut des hommes. Isaïe sera un messager, un prophète. Pierre sera un pêcheur d’hommes, un « sauveteur ».

« Ce sont des hommes que tu prendras » : en grec, le sens du mot employé ici est « prendre vivant » ; quand il s’agit de poissons, c’est le mot qu’on emploie pour la pêche au filet : capturer des poissons, les arracher à la mer, c’est les tuer parce que la mer est leur milieu naturel... Mais quand il s’agit des hommes que l’on arrache à la mer, il signifie sauver : prendre vivants des hommes, les arracher à la mer, c’est les empêcher de se noyer, c’est les sauver.

SUR TA PAROLE, NOUS JETTERONS LES FILETS

Sur cette phrase de Jésus, « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras », Pierre ne répond pas ; la simplicité du texte est impressionnante : « Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. »  Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « suivre » : les disciples ne se contenteront pas de suivre le maître pour l’écouter ; ils seront associés à sa tâche, ils deviendront ses collaborateurs. Même si l’entreprise paraît vouée à l’échec à vues humaines, il faudra continuer à lancer les filets. Nous sommes placés là devant le mystère extraordinaire de notre collaboration à l’œuvre de Dieu : nous ne pouvons rien faire sans Dieu, mais Dieu ne veut rien faire sans nous. Comme disait Paul dans la deuxième lecture, c’est la grâce de Dieu qui fait tout : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile : je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »

La seule collaboration qui nous est demandée, si on y réfléchit, c’est la confiance et la disponibilité. Tout a commencé parce que Pierre a fait confiance : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » À ce maître qu’il vient d’entendre parler à la foule longuement, il fait confiance, assez pour l’écouter, assez pour se risquer à une nouvelle tentative de pêche ; après le miracle, il ne dit plus « Maître », il dit « Seigneur », le nom réservé à Dieu ; et c’est aux pieds du Seigneur qu’il se prosterne ; et alors il est prêt à entendre l’appel : pour se risquer à cette nouvelle sorte de pêche que lui propose Jésus, il faut le reconnaître comme le Seigneur.

Grâce à la générosité d’Isaïe qui a accepté de devenir messager, grâce à la générosité de Pierre et de ses compagnons qui ont tout laissé pour suivre Jésus, grâce à la générosité de Paul qui, après le chemin de Damas, a consacré le reste de sa vie à témoigner du Christ ressuscité, à notre tour, nous sommes là ; la parole du Christ résonne encore à nos oreilles : « Avance au large, et jetez les filets »... À notre tour de répondre : « Sur ta parole, nous jetterons les filets ».

Moralité : faisons confiance et acceptons de jeter nos filets. Pour que la pêche soit miraculeuse, il suffit de croire en Lui.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 9 02 2025, 5e dimanche du temps ordinaire C

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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 22:17
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE MALACHIE 3, 1-4

    Ainsi parle le Seigneur Dieu :
1  Voici que j'envoie mon messager
    pour qu'il prépare le chemin devant moi ;
    et soudain viendra dans son Temple
    le Seigneur que vous cherchez.
    Le messager de l'Alliance que vous désirez,
    le voici qui vient, dit le
Seigneur de l'univers.
2  Qui pourra soutenir le jour de sa venue ?
    Qui pourra rester debout lorsqu'il se montrera ?
    Car il est pareil au feu du fondeur,
    pareil à la lessive des blanchisseurs.
3  Il s'installera pour fondre et purifier.
    Il purifiera les fils de Lévi,
    il les affinera comme l'or et l'argent :
    ainsi pourront-ils, aux yeux du
Seigneur,
    présenter l'offrande en toute justice.
4  Alors, l'offrande de Juda et de Jérusalem
    sera bien accueillie du
Seigneur,
    comme il en fut aux jours anciens,
    dans les années d'autrefois.
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LE MESSAGER DE L'ALLIANCE QUE VOUS DÉSIREZ

On ne sait pas trop comment accueillir ce texte : est-il bonne ou mauvaise nouvelle ? D’autre part, pourquoi le prophète Malachie insiste-t-il si fortement sur le Temple, les lévites (ou les prêtres si vous préférez), les offrandes et tout ce qui relève du culte ? Pour comprendre cette insistance, il faut se rappeler le contexte historique : il y a à cela au moins trois raisons :

Premièrement, Malachie écrit vers 450 av. J.-C. à un moment où il n’y a plus de roi, descendant de David, en Israël ; le pays est sous domination perse ; au sein du peuple juif, ce sont les prêtres qui détiennent l’autorité ; un prédicateur de cette époque-là insiste donc tout normalement sur l’alliance que Dieu a conclue avec la famille sacerdotale. Ils sont les représentants de Dieu au milieu de son peuple ; pour le dire autrement, l’Alliance entre Dieu et son peuple passe par eux en quelque sorte.

Deuxièmement, pour oser dire que l’Alliance passe par eux, il faut bien rappeler la légitimité de ce lien privilégié entre Dieu et cette descendance de Lévi : on va donc auréoler le passé et rappeler à satiété que Dieu a choisi cette famille tout spécialement pour lui confier le sacerdoce.

Troisièmement, Malachie assiste à une dégradation de la conduite de cette caste sacerdotale : ils accomplissent le culte n’importe comment, ils négligent leur devoir d’enseignement et leurs décisions de justice sont partiales. Peu avant Malachie, Néhémie disait : « Souviens-toi de ces gens, mon Dieu : ils ont souillé le sacerdoce et l’alliance des prêtres et des lévites ! » (Ne 13,29). Il est donc très important de rappeler l’idéal et la responsabilité du sacerdoce.

Cette alliance avec les prêtres est bien sûr au service de l’Alliance de Dieu avec son peuple (tout comme l’Alliance avec David était au service du peuple) ; et c’est de celle-là qu’il est question dans le début de notre texte d’aujourd’hui : « Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez, l’Ange de l’Alliance que vous désirez... » Malachie s’adresse à tous ceux qui attendent, qui désirent, qui cherchent ; il vient leur dire ‘vous n’avez pas attendu, cherché, désiré pour rien : votre désir, votre attente vont être comblés’. Et c’est pour bientôt.

 

LE SEIGNEUR VIENDRA DANS SON TEMPLE

« Soudain » (on peut traduire également « subitement »), est un mot qui signifie à la fois soudaineté et proximité. C’est aussi fort que l’expression « Le voici qui vient » ; je vous propose de regarder d’un peu plus près la construction de ces versets : ces deux expressions synonymes « Soudain viendra » et « Le voici qui vient » encadrent (inclusion) l’annonce de la venue du Seigneur. « Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez, l’Ange de l’Alliance que vous désirez, le voici qui vient... »

Cet Ange de l’Alliance vient pour rétablir l’Alliance, justement : l’alliance avec les fils de Lévi, d’abord, mais surtout à travers elle, l’Alliance avec le peuple tout entier. Cet Ange de l’Alliance, c’est Dieu lui-même ; dans la Bible, pour ne pas citer Dieu lui-même, par respect, on emploie souvent l’expression « l’Ange de Dieu » ; c’est donc de la venue de Dieu qu’il s’agit ici ; dans son tout petit livre qui ne fait que quatre pages dans nos Bibles, Malachie parle plusieurs fois du jour de sa venue ; il l’appelle le « Jour du Seigneur », et chaque fois, ce jour nous paraît à la fois souhaitable et inquiétant : par exemple, au verset qui suit immédiatement notre texte d’aujourd’hui, Dieu dit « je m’approcherai de vous pour le jugement » (verset 5), c’est-à-dire « je vais vous débarrasser du mal » ; cela c’est souhaitable. Souhaitable pour les justes, au moins, redoutable pour les méchants, pourrait-on dire en première approximation. Mais on sait bien que la frontière entre le bien et le mal passe au milieu de chacun de nous : seul le mal sera éliminé et nous en serons débarrassés. L’objectif du fondeur, c’est la beauté de l’œuvre ; l’objectif du blanchisseur aussi.

Justement, pour nous préparer à ce tri qui doit être fait en nous au jour du jugement, un messager doit précéder la venue du Seigneur ; il appellera le peuple entier à la conversion, comme dit Malachie, il préparera le chemin devant lui.

Plus tard, Jésus a cité précisément cette prophétie de Malachie à propos de Jean-Baptiste : « Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.’ » (Mt 11,7-10). Par le fait même, Jésus s’identifiait lui-même à l’Ange de l’Alliance qui vient dans son temple ; nous verrons cela en étudiant l’évangile de saint Luc pour cette fête de la Présentation.
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PSAUME 23 (24), 7,8,9,10

7  Portes, levez vos frontons,
    élevez-vous, portes éternelles :
    qu'il entre, le roi de gloire !

8  Qui est ce roi de gloire ?
    C'est le
Seigneur, le fort, le vaillant,
    le Seigneur, le vaillant des combats.

9  Portes, levez vos frontons,
    levez-les, portes éternelles :
    qu'il entre le roi de gloire !

10 Qui donc est ce roi de gloire ?
    C'est le
Seigneur, Dieu de l'univers ;
    c'est lui, le roi de gloire.
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PORTES, LEVEZ VOS FRONTONS !

« Portes, levez vos frontons ... » Vous avez remarqué cette formule un peu étonnante : « Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles ... ». On imagine mal que les linteaux des portes puissent se lever ! On comprendrait mieux une formule du genre « Ouvrez vos portes à deux battants » (sous-entendu pour laisser passer le cortège) ! Mais, bien sûr, on est en poésie, ici ! C’est une hyperbole pour dire la grandeur de ce roi de gloire qui entre solennellement dans le temple de Jérusalem. Cette expression « roi de gloire » désigne Dieu lui-même, le Seigneur de l’univers.

On ne peut pas ne pas penser à la grande fête de la Dédicace du Premier Temple par le roi Salomon vers 950 av.J.C. Imaginez l’immense procession, les marches grouilllantes de fidèles... Comme dit le psaume 67/68 : « Dieu, ils ont vu tes cortèges, les cortèges de mon Dieu, de mon roi, dans le sanctuaire : en tête les chanteurs, les musiciens derrière, parmi les filles jouant du tambourin » (Ps 67/68,25).

La Dédicace du premier Temple par Salomon est décrite dans le premier livre des Rois : « Salomon rassembla auprès de lui à Jérusalem les anciens d’Israël et tous les chefs des tribus, les chefs de famille des fils d’Israël, pour aller chercher l’arche de l’Alliance du Seigneur dans la Cité de David, c’est-à-dire à Sion. Tous les hommes d’Israël se rassemblèrent auprès du roi Salomon au septième mois, durant la fête des Tentes. Quand tous les anciens d’Israël furent arrivés, les prêtres se chargèrent de l’Arche. Ils emportèrent l’arche du Seigneur et la tente de la Rencontre avec tous les objets sacrés qui s’y trouvaient ; ce sont les prêtres et les Lévites qui les transportèrent. Le roi Salomon et, avec lui, toute la communauté d’Israël qu’il avait convoquée auprès de lui devant l’Arche offrirent en sacrifice des moutons et des bœufs : il y en avait un si grand nombre qu’on ne pouvait ni le compter ni l’évaluer. Puis les prêtres transportèrent l’Arche à sa place, dans la Chambre sainte que l’on appelle le Saint des saints, sous les ailes des kéroubim. Ceux-ci, en effet, étendaient leurs ailes au-dessus de l’emplacement de l’Arche : ils protégeaient l’Arche et ses barres. » (1 R 8,1-7)

Au passage, il faut préciser que les keroubim (les chérubins), dans la Bible, ne ressemblent pas aux petits angelots de notre imagination. Ce sont des animaux ailés à visage humain qui ressemblent plutôt aux sphynx Égyptiens. En Mésopotamie, c’étaient les gardiens des temples. Dans le Temple de Jérusalem, au-dessus de l’Arche d’Alliance étaient disposées deux statues en bois doré représentant ces animaux. Leurs ailes déployées au-dessus de l’Arche symbolisaient le trône de Dieu

 

QU’IL ENTRE LE ROI DE GLOIRE, LE MESSIE SAUVEUR

Dans ce contexte, on imagine bien (ce n’est bien sûr qu’une hypothèse), la foule ou une chorale chantant « Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles ; qu’il entre le roi de gloire ! » Et un autre chœur répond « Qui est ce roi de gloire ? C’est le Seigneur, le fort, le vaillant, le Seigneur le vaillant des combats. » Derrière ces titres guerriers qui nous surprennent aujourd’hui, il faut entendre le rappel de toutes les batailles qu’il a fallu livrer pour se faire une place au soleil, si j’ose dire : depuis le don de la Loi au Sinaï, l’Arche accompagnait le peuple d’Israël dans tous ses combats, signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple.

Je reviens à notre cortège qui entre dans le Temple : si l’on retient cette hypothèse d’une grande procession avec l’Arche d’Alliance, cela oblige à imaginer que ce psaume soit très ancien, puisqu’on a perdu toute trace de l’Arche depuis l’Exil à Babylone : aucun texte biblique ne parle plus d’elle de façon claire ni pendant ni après l’Exil ; on ne sait pas ce qu’elle est devenue : a-t-elle fait partie du butin emporté par Nabuchodonosor au moment de la prise de Jérusalem et de l’Exil ? A-t-elle été cachée par Jérémie au mont Nebo, comme certains le racontent ? Personne n’en sait rien.

Et pourtant ce psaume a été chanté régulièrement dans les cérémonies au Temple de Jérusalem bien après l’installation de l’Arche par Salomon, et même bien après l’Exil à Babylone ; à une époque, donc, où il n’y avait plus de procession autour de l’Arche. Il n’en a pris que plus d’importance d’ailleurs ; après qu’on ait définitivement perdu ce signe tangible de la présence de Dieu, ce psaume était tout ce qui restait de la splendeur passée ; il enseignait au peuple le dépouillement nécessaire : la présence de Dieu n’est pas attachée à un objet si chargé de mémoire soit-il !

Et puis, peu à peu, au cours des siècles, il se chargeait d’un sens nouveau : « qu’il entre le roi de gloire ! » est devenu le cri de l’impatience pour la venue du Messie ; oui, qu’il vienne enfin, le roi éternel qui régnera sur l’humanité renouvelée de la fin des temps. Il sera vraiment « le Seigneur des combats », celui qui remporte la victoire définitive sur le Mal et les puissances de mort ; il sera vraiment le « Seigneur, Dieu de l’univers1 », car c’est l’humanité tout entière qui partagera sa victoire.

Cela, c’était l’attente d’Israël qui se creusait de siècle en siècle ; évidemment, on ne s’étonne pas que la liturgie chrétienne chante précisément ce psaume 23/24 le jour où elle célèbre la fête de la Présentation de l’enfant Jésus au Temple de Jérusalem : manière d’affirmer que cet enfant est le roi de gloire, c’est-à-dire Dieu lui-même.

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Note

1 – La traduction liturgique donne au verset 10 un accent nouveau : en hébreu, on peut lire « Qui donc est ce roi de gloire ? C’est le Seigneur des armées » (Seigneur Sabbaoth), ce qui est tout à fait parallèle au verset 8. Dans les deux cas, quand on dit « le Seigneur des combats », on évoque le Dieu qui accompagnait le peuple dans sa lutte pour sa liberté et pour sa survie. Tandis que la traduction liturgique donne : « C’est le Seigneur, Dieu de l’univers » ; aujourd’hui, on aime traduire « Dieu Sabbaoth » par « Dieu de l’univers ». Parce que, dans cette formule, nous entendons que Dieu n’est pas seulement le Dieu d’Israël. Manière de dire que Dieu a choisi Israël, certes, mais au sein d’un projet qui concerne l’humanité tout entière. Ce choix des traducteurs modernes donne un accent universaliste qui n’y était peut-être pas à l’origine.

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LECTURE DE LA LETTRE AUX HÉBREUX 2, 14-18

14 Puisque les enfants des hommes ont en commun le sang et la chair,
    Jésus a partagé, lui aussi, pareille condition :
    ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l’impuissance
    celui qui possédait le pouvoir de la mort,
    c’est-à-dire le diable,
15 et il a rendu libres tous ceux qui, par crainte de la mort,
    passaient toute leur vie dans une situation d’esclaves.
16 Car ceux qu’il prend en charge, ce ne sont pas les anges,
    c’est la descendance d’Abraham.
17 Il lui fallait donc se rendre en tout semblable à ses frères,
    pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi
    pour les relations avec Dieu,
    afin d’enlever les péchés du peuple.
18 Et parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion,
    il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve.

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JÉSUS HOMME PARMI LES HOMMES

Il faut se rappeler que la lettre aux Hébreux a été écrite dans un contexte de querelle ; et c’est précisément par cette lettre qu’on peut deviner quel genre de querelles devaient affronter les premiers chrétiens d’origine juive : ils s’entendaient dire à tout bout de champ : « Votre Jésus n’est pas le Messie, nous avons besoin d’un prêtre et il ne l’est pas. »

Il était donc important pour un chrétien du premier siècle de savoir que le Christ est vraiment prêtre. Parce que l’institution du sacerdoce était capitale dans l’Ancien Testament ; nous l’avons vu, d’ailleurs, avec la première lecture extraite du livre de Malachie. Et une institution qui avait été capitale dans l’Ancien Testament ne pouvait pas être ignorée du Nouveau.

Mais selon la loi juive, Jésus n’était pas et ne pouvait pas prétendre devenir prêtre et encore moins grand prêtre ; il n’avait aucune chance d’y parvenir, puisqu’il descendait de David, donc de la tribu de Juda et non pas de Lévi ; notre auteur le sait très bien puisqu’il affirme un peu plus loin : « Il est clair que notre Seigneur a surgi de la tribu de Juda, pour laquelle Moïse ne dit rien quand il parle des prêtres. » (He 7,14).

Qu’à cela ne tienne, dit la lettre aux Hébreux : Jésus n’est pas grand-prêtre descendant d’Aaron, soit ; mais il peut l’être à la manière de Melchisédech ! Celui-ci, dont parle le chapitre 14 de la Genèse, vivait bien avant Moïse et Aaron et pourtant la Bible le nomme « prêtre du Dieu Très-Haut ». Donc Jésus est bien, à sa manière, dans la continuité de l’Ancien Testament.

C’est très exactement le propos de la lettre aux Hébreux : nous montrer en quoi Jésus accomplit l’institution du sacerdoce : il « accomplit » en langage biblique, cela ne veut pas dire qu’il reproduit le modèle de l’Ancien Testament ; cela veut dire qu’il le mène à sa perfection.

Il faut d’abord se rappeler quels étaient les éléments constitutifs du sacerdoce ancien : le prêtre de l’Ancien Testament a un rôle de médiateur ; 1) le prêtre est un membre du peuple 2) il est admis à communiquer avec la sainteté de Dieu. 3) En retour, si j’ose dire, il transmet au peuple les dons et bénédictions de Dieu.

L’une des grandes insistances du texte d’aujourd’hui porte sur le premier point : Jésus est bien un membre du peuple. « Puisque les enfants des hommes ont en commun le sang et la chair, Jésus a partagé, lui aussi, pareille condition... Il lui fallait se rendre en tout semblable à ses frères, pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi,  pour les relations avec Dieu, afin d’enlever les péchés du peuple. » Et qui dit « semblable » dit partager les mêmes faiblesses : les tentations, les épreuves, la mort. Jésus partage cette condition humaine, faite de chair et de sang. Il fallait que le Christ s’approche de nous au point de se faire l’un des nôtres, pour que la distance entre Dieu et l’homme soit comblée.

 

JUSQU’À PARTAGER NOS ÉPREUVES

Mais il faut également que le prêtre soit admis à communiquer avec la sainteté de Dieu. Or Dieu est le Saint, c’est-à-dire le Tout-Autre ; c’est l’un des grands accents de la pensée biblique, nous l’avons vu souvent. Et donc, pour pouvoir approcher du Dieu saint, il faut être mis à part des autres ; d’où tout un système de séparations rituelles auquel on soumettait les prêtres pour les rendre aptes à s’approcher du Dieu saint ; voici rapidement quelles étaient les séparations successives : parmi toutes les nations, Dieu a choisi un peuple (Israël) ; à l’intérieur de ce peuple, une tribu (Lévi) ; dans cette tribu, une famille (Aaron) ; puis individuellement, chaque prêtre était soumis à des rites de séparation : bain, onction, vêture, sacrifices. De la même manière, le lieu où officient les prêtres est séparé des lieux de vie du peuple ; il est le lieu sacré par opposition aux autres lieux considérés comme profanes.

Or, dans le cas de Jésus, rien de tout cela : au contraire, il s’est constamment mêlé à la vie de son peuple, y compris et presque surtout des petits, des exclus, des impurs. Tout ceci est vrai, dit la lettre aux Hébreux, mais pourtant, nous avons la preuve incontestable qu’il est le Juste par excellence, le Fils de Dieu, le Saint de Dieu : c’est sa Résurrection. Il a vaincu la mort ; l’Alliance avec Dieu est rétablie, c’était bien l’objectif des prêtres.

Désormais nous sommes libres : le plus sûr ennemi de la liberté, c’est la peur ! Or, désormais, nous n’avons plus peur de rien. On entend là des accents de saint Paul : nous étions comme des esclaves, tant que nous ne connaissions pas l’amour de Dieu pour nous. Qui nous faisait douter de l’amour de Dieu ? Le diable bien sûr. « Par sa mort, il (Jésus) a pu réduire à l’impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et il a rendu libres tous ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d’esclaves. » L’épreuve de la Passion était le passage obligé en quelque sorte : nos pires ennemis, ce sont la mort, la solitude, la haine ; il fallait qu’il les subisse lui-même, qu’il nous accompagne jusque-là pour nous en libérer. Dans l’épisode des disciples d’Emmaüs, saint Luc emploie une expression analogue : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24,26) : il fallait qu’il souffrît pour nous montrer jusqu’où allait l’amour de Dieu.

Mais pourquoi l’auteur parle-t-il des « fils d’Abraham » et non pas des « fils d’Adam ? « Ceux qu’il vient aider, ce ne sont pas les anges, ce sont les fils d’Abraham. » Ce ne sont pas les anges, non, ce sont des êtres de chair et de sang ; mais l’auteur aurait pu dire « ce ne sont pas les anges, ce sont les fils d’Adam » ; pourquoi au lieu de « fils d’Adam », parle-t-il des «  fils d’Abraham » ? Ce qui caractérise Abraham, dans toute la méditation biblique, c’est sa foi. Une foi qui est synonyme de confiance. Ce qui veut dire que Jésus rétablit l’Alliance, oui, mais que nous restons libres de ne pas être des fils d’Abraham (des croyants), de ne pas entrer dans cette Alliance, de refuser d’entrer dans le projet de Dieu.

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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC 2, 22-40

(On trouvera un autre commentaire pour la Fête de la Sainte-Famille – Année B)

22 Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse
    pour la purification,
    les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem
    pour le présenter au Seigneur,
23 selon ce qui est écrit dans la Loi :
    « Tout premier-né de sexe masculin
    sera consacré au Seigneur. »
24 Ils venaient aussi offrir
    le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur :
    un couple de tourterelles
    ou deux petites colombes.
25 Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon.
    C'était un homme juste et religieux,
    qui attendait la Consolation d'Israël,
    et l'Esprit Saint était sur lui.
26 Il avait reçu de l'Esprit Saint l’annonce
    qu'il ne verrait pas la mort
    avant d'avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur.
27 Sous l’action de l'Esprit, Syméon vint au Temple.
    Au moment où les parents présentaient l'enfant Jésus
    pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait,
28 Syméon reçut l'enfant dans ses bras,
    et il bénit Dieu en disant :
29 « Maintenant, ô Maître souverain,
    tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix,
    selon ta parole.

30 Car mes yeux ont vu le salut,
31 que tu préparais à la face des peuples :
32 lumière qui se révèle aux nations
    et donne gloire à ton peuple Israël. »
33 Le père et la mère de l'enfant
    s'étonnaient de ce qui était dit de lui.
34 Syméon les bénit,
    puis il dit à Marie sa mère :
    « Voici que cet enfant
    provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël.
    Il sera un signe de contradiction
35 - Et toi, ton âme sera traversée d’un glaive - :
    ainsi seront dévoilées
    les pensées qui viennent du cœur d'un grand nombre. »
36 Il y avait aussi une femme prophète,
    Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser.
37 Elle était très avancée en âge ;
    après sept ans de mariage, demeurée veuve,
    elle était arrivée à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
    Elle ne s'éloignait pas du Temple,
    servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière.
38 Survenant à cette heure même,
    elle proclamait les louanges de Dieu
    et parlait de l'enfant
    à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.

39 Lorsqu'ils eurent achevé
    tout ce que prescrivait la loi du Seigneur,
    ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.
40 L'enfant, lui, grandissait et se fortifiait,
    rempli de sagesse,
    et la grâce de Dieu était sur lui.

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L’HEURE DE L’ACCOMPLISSEMENT EST VENUE

Voilà un récit minutieusement composé ! Vous avez remarqué comme moi la double insistance de Luc, sur la Loi d'abord, sur l'Esprit ensuite : dans les premiers versets (v. 22-24), il cite trois fois la Loi ; on peut dire que la vie de cet enfant débute sous le signe de la Loi ; entendons-nous bien, quand Luc cite la Loi d'Israël, il ne pense pas d'abord à une série de commandements écrits qui dictent ce qu'on doit faire ou ne pas faire... on peut ici remplacer le mot Loi par Foi d'Israël. La vie de Joseph et Marie, et désormais de l'enfant, est tout entière imprégnée de la foi et de l'attente de leur peuple ; et quand ils se présentent au Temple de Jérusalem pour satisfaire aux coutumes juives, c'est de leur part une démarche de ferveur.

Premier message de Luc, donc, dans ce texte de la Présentation de Jésus au Temple de Jérusalem : c’est dans le cadre de la Loi d’Israël que le salut de toute l’humanité a vu le jour... C’est dans le cadre de la Loi d’Israël que le Verbe de Dieu s’est incarné... en un mot, que le dessein bienveillant de Dieu pour l’humanité s’est accompli. 

Puis Syméon entre en scène, poussé par l’Esprit (lui aussi nommé trois fois) ; et c’est l’Esprit qui inspire à Syméon les paroles qui révèlent le mystère de ce petit garçon : « Mes yeux ont vu le salut ».

Je reprends les phrases de Syméon une à une : « Mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples » : tout l’Ancien Testament est l’histoire de cette longue, patiente préparation par Dieu du salut de l’humanité. Et il s’agit bien du « salut de l’humanité » et pas seulement du peuple d’Israël : c’est très exactement ce que Syméon précise : « lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » La gloire d’Israël, justement, c’est d’avoir été élu non pas pour lui seul, mais pour l’humanité tout entière. Au fur et à mesure que l’histoire avançait, l’Ancien Testament découvrait de plus en plus que le projet de salut de Dieu concerne toute l’humanité.

 

L’ANGE DE L’ALLIANCE QUE VOUS DÉSIREZ, LE VOICI QUI VIENT

Et tout ceci se passe dans le Temple de Jérusalem ; bien sûr, c’est capital aux yeux de Luc : nous assistons déjà à l’entrée glorieuse de Jésus, Seigneur et Sauveur, dans le Temple de Jérusalem, comme l’avait annoncé le prophète Malachie : (voici les paroles de Malachie, qui sont notre première lecture de cette fête) « Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que j’envoie mon Messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ; et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez... l’Ange de l’Alliance que vous désirez, le voici qui vient, dit le Seigneur de l’univers ».

Luc reconnaît bien en Jésus l’Ange de l’Alliance qui vient dans son Temple : les phrases de Syméon sur la gloire et la lumière sont tout-à-fait dans cette ligne : « Mes yeux ont vu le salut, que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations, et donne gloire ton peuple Israël. »

Autre résonance de l’Ancien Testament dans l’évangile d’aujourd’hui : « Qu’il entre le roi de gloire ! Élevez-vous, portes éternelles... » chantait le psaume, qui attendait un Messie-roi descendant de David ; et nous savons que le roi de gloire, c’est cet enfant ; bien sûr, pour un nouveau-né, les portes éternelles n’ont pas besoin d’être bien hautes, mais Luc nous décrit quand même une scène majestueuse, une scène de gloire : toute la longue attente d’Israël est représentée par ces deux personnages, Syméon et Anne. « Il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël » ; quant à Anne, on peut penser que si « elle parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem », c’était parce qu’elle était pleine d’impatience, elle aussi.

Cette attente, c’est celle du Messie. Quand Syméon proclame « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël », il affirme bien que cet enfant est le Messie, le reflet de la gloire de Dieu. Avec Jésus, c’est la Gloire de Dieu qui entre dans le Sanctuaire ; ce qui revient à dire que Jésus est la Gloire, qu’il est Dieu lui-même.

Désormais le temps de la Loi est révolu. L’Ange de l’Alliance est entré dans son Temple pour répandre l’Esprit sur toute chair, et éclairer les nations païennes.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 2 02 2025, Présentation du Seigneur au Temple C

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24 janvier 2025 5 24 /01 /janvier /2025 20:39
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DE NÉHÉMIE 8, 2-4a.5-6.8-10

    En ces jours là,
2  le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l'assemblée,
    composée des hommes, des femmes,
    et de tous les enfants en âge de comprendre.
    C'était le premier jour du septième mois.
3  Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux,
    fit la lecture dans le livre,
    depuis le lever du jour jusqu'à midi,
    en présence des hommes, des femmes,
    et de tous les enfants en âge de comprendre :
    tout le peuple écoutait la lecture de la Loi.
4  Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois,
    construite tout exprès.
5  Esdras ouvrit le livre ;
    tout le peuple le voyait, car il dominait l'assemblée.
    Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout.
6  Alors Esdras bénit le SEIGNEUR, le Dieu très grand,
    et tout le peuple, levant les mains, répondit :
    « Amen ! Amen ! »
    Puis ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant le SEIGNEUR,
    le visage contre terre.
8  Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu,
    puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens,
    et l'on pouvait comprendre.
9  Néhémie, le gouverneur,
    Esdras, qui était prêtre et scribe,
    et les Lévites qui donnaient les explications,
    dirent à tout le peuple :
    « Ce jour est consacré au SEIGNEUR votre Dieu !
    Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas !" »
    Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi.
10 Esdras leur dit encore :
    « Allez, mangez des viandes savoureuses,
    buvez des boissons aromatisées,
    et envoyez une part à celui qui n'a rien de prêt.
    Car ce jour est consacré à notre Dieu !
    Ne vous affligez pas :
    la joie du SEIGNEUR est votre rempart ! »
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JOUR DE FÊTE À JÉRUSALEM

Nous qui n'aimons pas les liturgies qui durent plus d'une heure, nous serions servis ! Debout depuis le lever du jour jusqu'à midi ! Tous comme un seul homme, hommes, femmes et enfants ! Et tout ce temps à écouter des lectures en hébreu, une langue qu'on ne comprend plus. Heureusement, le lecteur s'interrompt régulièrement pour laisser la place au traducteur qui redonne le texte en araméen, la langue de tout le monde à l'époque, à Jérusalem. Et le peuple n'a même pas l'air de trouver le temps long : au contraire tous ces gens pleurent d'émotion et ils chantent, ils acclament inlassablement « AMEN » en levant les mains. Esdras, le prêtre, et Néhémie, le gouverneur, peuvent être contents : ils ont gagné la partie ! La partie, l'enjeu si l'on veut, c'est de redonner une âme à ce peuple. Car, une fois de plus, il traverse une période difficile.

Nous sommes à Jérusalem vers 450 av. J.-C. L'Exil à Babylone est fini, le temple de Jérusalem est enfin reconstruit, (même s'il est moins beau que celui de Salomon), la vie a repris. Vu de loin, on pourrait croire que tout est oublié. Et pourtant, le moral n'y est pas. Ce peuple semble avoir perdu cette espérance qui a toujours été sa caractéristique principale. La vérité, c'est qu'il y a des séquelles des drames du siècle précédent. On ne se remet pas si facilement d'une invasion, du saccage d'une ville... On en garde des cicatrices pendant plusieurs générations. Il y a les cicatrices de l'Exil lui-même et il y a les cicatrices du retour. Car, avec l'Exil à Babylone on avait tout perdu et le retour tant espéré n'a finalement pas été magique, nous l'avons vu souvent. Je n'y reviens pas.

Le miracle, c'est que cette période fut terrible, oui, mais très féconde : car la foi d'Israël a survécu à cette épreuve. Non seulement ce peuple a gardé sa foi intacte pendant l’Exil au milieu de tous les dangers d'idolâtrie, mais il est resté un peuple et sa ferveur a grandi ; et cela grâce aux prêtres et aux prophètes qui ont accompli un travail pastoral inlassable. Ce fut par exemple une période intense de relecture et de méditation des Écritures. Un de leurs objectifs, bien sûr, pendant les cinquante ans de l'Exil, c'était de tourner tous les espoirs vers le retour au pays.

Du coup, la douche froide du retour n'en a été que plus dure. Car, du rêve à la réalité, il y a quelquefois un fossé... Le grand problème du retour, nous l'avons vu avec les textes d'Isaïe de la Fête de l'Épiphanie et du deuxième dimanche du temps ordinaire, c'est la difficulté de s'entendre : entre ceux qui reviennent au pays, pleins d'idéal et de projets et ceux qui se sont installés entre temps, ce n'est pas un fossé, c'est un abîme.

AUTOUR DE LA PAROLE DE DIEU

Ce sont des païens, pour une part, qui se sont installés à Jérusalem pendant la déportation de ses habitants. Et leurs préoccupations sont à cent lieues des multiples exigences de la loi juive.

On se souvient que la reconstruction du Temple s'est heurtée à leur hostilité, et les moins fervents de la communauté juive ont été bien souvent tentés par le relâchement ambiant. Ce qui inquiète les autorités, c'est ce relâchement religieux, justement ; et il ne cesse de s'aggraver à cause de très nombreux mariages entre Juifs et païens ; impossible de préserver la pureté et toutes les exigences de la foi dans ce cas. Alors Esdras, le prêtre, et Néhémie, le laïc, vont unir leurs efforts. Ils obtiennent tous les deux du maître du moment, le roi de Perse, Artaxerxès, une mission pour reconstruire les murailles de la ville et pleins pouvoirs pour reprendre en main ce peuple. Car on est sous domination perse, il ne faut pas l'oublier.

Esdras et Néhémie vont donc tout faire pour redresser la situation : il faut relever ce peuple, lui redonner le moral. Car la communauté juive a d’autant plus besoin d’être soudée qu’elle est désormais quotidiennement en contact avec le paganisme ou l’indifférence religieuse. Or, dans l'histoire d'Israël, l'unité du peuple s'est toujours faite au nom de l'Alliance avec Dieu ; les points forts de l'Alliance, ce sont toujours les mêmes : la Terre, la Ville sainte, le Temple, et la Parole de Dieu. La Terre, nous y sommes ; la ville sainte, Jérusalem, Néhémie le gouverneur va en achever la reconstruction ; le Temple, lui, est déjà reconstruit ; reste la Parole : on va la proclamer au cours d'une gigantesque célébration en plein air.

Tous les éléments sont réunis et on a soigné la mise en scène : c'est très important. La date elle-même a été choisie avec soin : on a repris la coutume des temps anciens, une grande fête à l’occasion de ce qui était alors la date du Nouvel An, « le premier jour du septième mois ». Et on a construit pour l’occasion une tribune en bois qui domine le peuple : c'est de là que le prêtre et les traducteurs font la proclamation. Quant à l'homélie, bien sûr, elle invite à la fête. Mangez, buvez, c'est un grand jour puisque c'est le jour de votre rassemblement autour de la Parole de Dieu. Le temps n’est plus aux larmes, fussent-elles d’émotion.

Retenons la leçon : pour ressouder leur communauté, Esdras et Néhémie ne lui font pas la morale, ils lui proposent une fête autour de la parole de Dieu. Rien de tel pour revivifier le sens de la famille que de lui proposer régulièrement des réjouissances !

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PSAUME 18 (19), 8.9.10.15

8  La loi du SEIGNEUR est parfaite,
    qui redonne vie ;
    la charte du SEIGNEUR est sûre,
    qui rend sages les simples.

9  Les préceptes du SEIGNEUR sont droits,
    ils réjouissent le cœur ;
    le commandement du SEIGNEUR est limpide,
    il clarifie le regard.
   

10 La crainte qu'il inspire est pure,
    elle est là pour toujours ;
    les décisions du SEIGNEUR sont justes,
    et vraiment équitables.
   

15 Accueille les paroles de ma bouche,
    le murmure de mon cœur ;
    qu'ils parviennent devant toi,
    SEIGNEUR, mon Rocher, mon défenseur !
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LE PLUS COURT CHEMIN POUR ÊTRE HEUREUX...

Nous avons déjà rencontré plusieurs fois ce psaume ; et nous avons donc eu l'occasion de dire l'importance de la Loi pour Israël, dans un sens extrêmement positif, et de la crainte de Dieu, une attitude elle aussi éminemment positive et filiale. Et nous avions relu plusieurs passages de l'Ancien Testament dans lesquels la Loi est présentée comme un chemin : si un fils d'Israël veut être heureux, il veillera à ne s'en écarter ni à droite ni à gauche.

Aujourd'hui, pour éclairer ce psaume, je vous propose de relire le livre du Deutéronome. C'est un texte relativement tardif : à une période où le royaume de Juda s'éloignait dangereusement de la pratique de la Loi, justement, ce livre a sonné comme un cri d'alarme ; sur le thème « si vous ne voulez pas qu’il vous arrive la catastrophe qui s’est abattue sur le royaume du Nord, vous feriez bien de changer de conduite. » C’est donc un rappel de tous les commandements de Moïse, et de ses mises en garde ; on y trouve toute une méditation sur le rôle de la Loi : elle n'a pas d'autre but que d'éduquer le peuple, le garder dans le droit chemin, comme on dit. Et si Dieu tient tellement à ce que son peuple se maintienne dans le droit chemin, c'est parce que c'est le seul moyen de vivre heureux en société et de remplir sa vocation de peuple élu parmi les nations. Le roi de Jérusalem, Josias, entreprenant une réforme religieuse en profondeur, vers 620 av. J.-C. s'est appuyé sur ce livre du Deutéronome.1

Premier paradoxe pour nous, peut-être, il ne fait de doute pour personne dans la Bible que la loi est un instrument de liberté. Nous, nous serions plutôt tentés de la voir comme un carcan ; l'image qui est donnée, c'est celle de l'aigle qui apprend à voler à ses petits. Voici ce que racontent les ornithologues qui ont observé les aigles dans le désert du Sinaï : quand les petits aiglons se lâchent, les parents restent dans les environs et planent au-dessus d'eux en traçant de larges cercles ; lorsque les petits aiglons sont fatigués, ils peuvent à tout moment se reposer (dans les deux sens du terme : se reposer et se re-poser) sur les ailes de leurs parents, pour s’élancer de nouveau ensuite, lorsqu’ils auront repris des forces. Le but de l’opération, évidemment, étant que les petits soient bientôt capables de se débrouiller tout seuls.

...C’EST LA LOI DE DIEU

L’auteur biblique a pris cette image pour dire que Dieu donne sa loi aux hommes pour leur apprendre à voler de leurs propres ailes. Pas l'ombre d'une domination là-dedans, au contraire ; d'ailleurs, en libérant son peuple de l'esclavage en Égypte, Dieu a prouvé une fois pour toutes que son seul objectif est de libérer son peuple. Voici la phrase du livre du Deutéronome : « (Le SEIGNEUR) trouve son peuple au pays du désert, chaos de hurlements sauvages : il l'entoure, il l’élève, il le garde comme la prunelle de son œil. Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. » (Dt 32,10-11).

Un Dieu qui veut l’homme libre ! C’est le message que l’on se transmet fidèlement d’une génération à l’autre : « Demain, quand ton fils te demandera : quels sont donc ces écrits, ces décrets et ces ordonnances que le SEIGNEUR notre Dieu vous a prescrits ? » alors tu diras à ton fils : « Nous étions esclaves de Pharaon, en Égypte, et le SEIGNEUR nous a fait sortir d’Égypte par la force de sa main... Le SEIGNEUR nous a commandé de mettre en pratique tous ces décrets, pour que nous craignions le SEIGNEUR notre Dieu : ainsi nous serons toujours heureux et il nous gardera en vie comme nous le sommes aujourd’hui. » (Dt 6,20...24).

Quand le roi Josias essaie de remettre son peuple sur le droit chemin, on voit bien l’intérêt qu’il éprouve à faire connaître ce livre qui répète sur tous les tons : le plus court chemin pour être un peuple libre et heureux, c’est la vie droite. Sous-entendu, si vos frères du Nord ont si mal fini, c’est parce qu’ils ont oublié cette vérité élémentaire. Or il en va non seulement du salut du royaume du Sud, ce qui est évidemment le premier souci de Josias, mais c’est le salut de l’humanité tout entière qui est en jeu, le salut de « toutes les familles de la terre » comme dit le livre de la Genèse. Comment le peuple élu pourra-t-il être témoin du Dieu libérateur s’il ne se comporte pas lui-même en peuple libre ? S’il retombe dans les éternelles tentations de l’humanité : l’idolâtrie, l’injustice sociale, les prises de pouvoir des uns ou des autres ?

Au long de l’histoire, les auteurs bibliques ont peu à peu pris conscience de cette responsabilité que Dieu a confiée à son peuple en lui proposant son Alliance : « Au SEIGNEUR notre Dieu sont les choses cachées, mais les choses révélées sont pour nous et nos fils à jamais, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette Loi. » (Dt 29,28). Cela inspire à Israël une grande fierté, mais pas le moindre orgueil ; d’ailleurs, s’il en était besoin, le Deutéronome se charge de rappeler le peuple à l’humilité : « Si le SEIGNEUR s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. » (Dt 7,7) ; et encore « Sache bien que ce n’est pas à cause de ta justice que le SEIGNEUR ton Dieu te donne à posséder ce bon pays, car tu es un peuple à la nuque raide. » (Dt 9,6). Notre psaume reprend cette leçon d’humilité : « La charte du SEIGNEUR est sûre, qui rend sages les simples » ; jolie manière de dire que Dieu seul est sage ; pour nous, pas besoin de nous croire malins, laissons-nous guider tout simplement.

Il n'est donc demandé qu'une pratique humble et quotidienne ; c'est à la portée de tout le monde, cela aussi, le roi Josias a dû être bien content de le répéter pour encourager ses sujets :

« Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. (Dt 30,11-14).

Et alors, cette pratique humble et quotidienne de la Loi peut transformer peu à peu un peuple tout entier ; comme dit encore le psaume : « Le commandement du SEIGNEUR est limpide, il clarifie le regard. » À pratiquer les commandements, on apprend peu à peu à vivre en fils de Dieu, on apprend peu à peu à vivre en frères des hommes : pour le dire autrement, on apprend à regarder Dieu comme un Père et les hommes comme des frères.        

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Note - À vrai dire, le livre du Deutéronome, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est postérieur à Josias. Mais les bases en étaient déjà posées dans un manuscrit trouvé par les ouvriers de Josias au cours de travaux de restauration du Temple de Jérusalem. Ce manuscrit amené là probablement par des rescapés du royaume du Nord (après la chute de Samarie en 721) était une prédication musclée pour une véritable conversion et un retour à la pratique des commandements.

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LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE L’APÔTRE PAUL AUX CORINTHIENS 12, 12-30

    Frères,
    prenons une comparaison :
12 le corps ne fait qu’un,
    il a pourtant plusieurs membres ;
    et tous les membres, malgré leur nombre,
    ne forment qu'un seul corps.
    Il en est ainsi pour le Christ.
13 C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous,
    Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres,
    nous avons été baptisés pour former un seul corps.
    Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit.
14 Le corps humain se compose non pas d'un seul
    mais de plusieurs membres.
15 Le pied aurait beau dire :
    « Je ne suis pas la main,
    donc je ne fais pas partie du corps »,
    il fait cependant partie du corps.
16 L'oreille aurait beau dire :
    « Je ne suis pas l'œil,
    donc je ne fais pas partie du corps »,
    elle fait cependant partie du corps.
17 Si, dans le corps, il n'y avait que les yeux,
    comment pourrait-on entendre ?
    S'il n'y avait que les oreilles,
    comment pourrait-on sentir les odeurs ?
18 Mais, dans le corps,
    Dieu a disposé les différents membres
    comme il l'a voulu.
19 S'il n'y en avait en tout qu'un seul membre,
    comment cela ferait-il un corps ?
20 En fait, il y a plusieurs membres
    et un seul corps.
21 L'œil ne peut pas dire à la main :
    « Je n'ai pas besoin de toi » ;
    la tête ne peut pas dire aux pieds :
    « Je n'ai pas besoin de vous ».
22 Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates
    sont indispensables.
23 Et celles qui passent pour moins honorables,
    ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ;
    celles qui sont moins décentes,
    nous les traitons plus décemment ;
24 pour celles qui sont décentes, ce n'est pas nécessaire.
    Mais en organisant le corps,
    Dieu a accordé plus d’honneur
    à ce qui en est dépourvu.
25 Il a voulu ainsi qu'il n'y ait pas de division dans le corps,
    mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres.
26 Si un seul membre souffre,
    tous les membres partagent sa souffrance ;
    si un membre est à l'honneur,
    tous partagent sa joie.
27 Or, vous êtes corps du Christ
    et, chacun pour votre part,
    vous êtes membres de ce corps.
28 Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l'Église
    il y a premièrement des apôtres,
    deuxièmement des prophètes,
    troisièmement ceux qui ont charge d'enseigner ;
    ensuite, il y a les miracles,
    puis les dons de guérison,
    d’assistance, de gouvernement,
    le don de parler diverses langues mystérieuses.
29 Tout le monde évidemment n'est pas apôtre,
    tout le monde n'est pas prophète, ni chargé d'enseigner ;
    tout le monde n'a pas à faire des miracles,
30 à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter.
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QUAND SAINT PAUL REPREND UNE FABLE D’ÉSOPE

Autrement dit « À chacun son métier ; mais attention à ne pas vous mépriser mutuellement, rappelez-vous que tout le monde a besoin de tout le monde ». Ce long développement de Paul prouve au moins une chose, c’est que la communauté de Corinthe connaissait exactement les mêmes problèmes que nous. Pour donner une leçon à ses fidèles, Paul a recours à un procédé qui marche mieux que tous les discours, il leur propose une comparaison. À vrai dire, il ne l’a pas complètement inventée, mais c’est encore mieux : il utilise une fable que tout le monde connaissait et il l’adapte à son objectif. Cette fable s’appelait « La fable des membres et de l’estomac ». Elle existait déjà chez Ésope, 700 ans avant notre ère et elle était connue au temps de saint Paul, puisqu’on la trouve racontée dans « L’Histoire Romaine de Tite-Live » ; plus près de nous, d’ailleurs, La Fontaine l’a mise en vers. Comme toutes les fables, elle commence par « Il était une fois » : « Il était une fois » donc, un homme comme tous les autres... sauf que, chez lui, tous les membres parlaient et discutaient entre eux ! Et ils n’avaient pas tous bon caractère, apparemment. Et, probablement, certains devaient avoir l’impression d’être moins bien considérés ou un peu exploités.

Un jour, au cours d’une discussion, les pieds et les mains se sont révoltés contre l’estomac : parce que lui, l’estomac, il se contente de manger et de boire ce que les autres membres lui fournissent... Tout le plaisir est pour lui ! Ce n’est pas lui qui se fatigue à travailler, à cultiver la vigne, à faire les courses, à couper la viande, à mâcher et j’en oublie. Alors on a décidé tout simplement de faire la grève. Désormais plus personne ne bouge : l’estomac verra bien ce qui lui arrive ! Et s’il meurt de faim, rira bien qui rira le dernier... On n’avait oublié qu’une chose : si l’estomac meurt de faim, il ne sera pas le seul. Ce corps-là, comme tous les autres, faisait un tout, et tout le monde a besoin de tout le monde !

LA FABLE DES MEMBRES ET DE L’ESTOMAC

Saint Paul a donc repris dans le capital culturel de son temps un discours très facile à comprendre. Et, pour le cas où malgré tout, on ne comprendrait pas, il s’est donné la peine d’expliquer lui-même sa parabole du corps et des membres. Et pour lui, la morale de cette histoire, c’est : nos diversités sont notre chance, à condition d’en faire les instruments de l’unité.

Un des points marquants de ce développement de saint Paul, c’est que, pas un instant, il ne parle en termes de hiérarchie ou de supériorité ! Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, toutes nos distinctions bien humaines, tout cela ne compte plus : désormais une seule chose compte, notre Baptême dans l’unique Esprit, notre participation à ce corps unique, le corps du Christ. Les vues humaines ne sont plus de mise : finies les considérations de supériorité ou d’infériorité. Les vues de Dieu sont tout autres : « Parmi vous il ne doit pas en être ainsi » disait Jésus à ses apôtres. Mais, avouons-le, ne plus penser en termes de supériorité, de hiérarchie, d’avancement, d’honneur, c’est bien difficile.

Paul, au contraire, insiste sur le respect dû à tous : simplement, parce que la plus haute dignité, la seule qui compte, c’est d’être un membre, quel qu’il soit, de l’unique corps du Christ. Le respect, au sens étymologique, c’est une affaire de regard : quelquefois les gens qui ne nous paraissent pas importants, nous ne les voyons même pas, notre regard ne s’attarde pas sur eux ! À l’inverse, il nous est arrivé à tous de mesurer notre peu d’importance aux yeux de quelqu’un d’autre : son regard glisse sur nous comme si nous n’existions pas ! Il semble bien, tout compte fait, que saint Paul ici nous donne une formidable leçon de respect : respect des diversités, d’une part, et respect de la dignité de chacun quelle que soit sa fonction.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Complément

C’est Isaïe qui a cette phrase superbe : « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut » (Is 52,7). Peut-être pourrions-nous nous en inspirer ? Il est vrai qu’il suffit d’un petit effort pour découvrir ce que chacun de nous apporte d’original dans la vie de nos familles, de nos entreprises ou de nos groupes de toutes sortes. Certains d’entre nous sont les têtes pensantes, les chercheurs, les inventeurs, les organisateurs… Il y a ceux qui « ont du nez » comme on dit… il y a les clairvoyants… ceux qui ont le don de la parole et ceux qui sont meilleurs à l’écrit… il y a… et la liste pourrait s’allonger indéfiniment. Ceux d’entre nous qui ont eu la chance de vivre des expériences de réunions réussies, de collaborations fructueuses ne peuvent plus s’en passer. Et si notre lecture du deuxième dimanche (le début du chapitre 12 de cette même première lettre aux Corinthiens) sonnait plutôt comme un plaidoyer pour la diversité, le développement d’aujourd’hui nous offre le deuxième volet.

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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT LUC 1, 1-4 ; 4,14-21

1, 1    Beaucoup ont entrepris de composer un récit
    des événements qui se sont accomplis parmi nous,
2  d’après ce que nous ont transmis
    ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires
    et serviteurs de la Parole.
3  C'est pourquoi j'ai décidé, moi aussi,
    après avoir recueilli avec précision des informations
    concernant tout ce qui s’est passé depuis le début,
    d'écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi,
4  afin que tu te rendes bien compte
    de la solidité des enseignements que tu as entendus.

    En ce temps-là,
4, 14   lorsque Jésus, dans la puissance de l'Esprit,
    revint en Galilée,
    sa renommée se répandit dans toute la région.
15 Il enseignait dans les synagogues,
    et tout le monde faisait son éloge.
16 Il vint à Nazareth, où il avait été élevé.
    Selon son habitude,
    il entra dans la synagogue le jour du sabbat,
    et il se leva pour faire la lecture.
17 On lui remit le livre du prophète Isaïe.
    Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
18 L'Esprit du Seigneur est sur moi

    parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction.
    Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
    annoncer aux captifs leur libération,
    et aux aveugles qu'ils retrouveront la vue,
    remettre en liberté les opprimés,

19 annoncer une année favorable
    accordée par le Seigneur.
20 Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit.
    Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
21 Alors il se mit à leur dire :
    « Aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Écriture,
    que vous venez d'entendre. »
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DANS LA SYNAGOGUE DE NAZARETH...

Nous savons très peu de choses sur la manière dont les évangiles ont été écrits, et en particulier leur date : mais de ce que nous venons de lire, nous pouvons déduire quelques indices ; il y a eu certainement une prédication orale avant que les évangiles soient écrits puisque Luc dit à Théophile qu’il veut lui permettre de vérifier « la solidité des enseignements qu’il a entendus. » Luc reconnaît également ne pas avoir été un témoin oculaire des événements ; il n’a pu que s’informer auprès des témoins oculaires, ce qui suppose qu’ils sont encore vivants quand il écrit. On peut donc supposer que la prédication de la Résurrection du Christ a commencé dès la Pentecôte et que l'évangile de Luc a été mis par écrit plus tard, mais avant la mort des derniers témoins oculaires, ce qui donne une date limite vers 80 - 90 de notre ère.

Le récit que nous lisons aujourd'hui se situe après le baptême de Jésus et le récit de ses tentations au désert. Apparemment, tout va pour le mieux pour le nouveau prédicateur ; je vous rappelle la phrase de Luc :  « Lorsque Jésus, avec la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge. » Tout s’annonçait bien ce matin-là : Jésus est un bon Juif comme les autres : il rentre de voyage, et comme tout bon Juif, le samedi matin venu, il va à l’office à la synagogue.

Rien d’étonnant non plus à ce qu’on lui confie une lecture, puisque tout fidèle a le droit de lire les Écritures. La célébration à la synagogue se déroule donc tout à fait normalement... jusqu’au moment où Jésus lit la lecture du jour qui se trouvait être ce texte bien connu du prophète Isaïe et, dans le grand silence fervent qui suit la lecture, il affirme tranquillement une énormité : « Aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Écriture, que vous venez d'entendre. » Il y a certainement eu un temps de silence, le temps qu’on ait compris ce qu’il veut dire. Tous, dans la synagogue, s’attendaient bien à ce que Jésus fasse un commentaire, puisque c’était la coutume, mais pas celui-là !

JÉSUS DÉVOILE SON IDENTITÉ

Nous avons du mal à imaginer l’audace que représente cette affirmation si tranquille de Jésus ; car, pour tous ses contemporains, ce texte vénérable du prophète Isaïe concernait le Messie. Seul le Roi-Messie, quand il viendrait, pourrait se permettre de dire : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction... » Car, dès le début de la monarchie, le rituel du sacre des rois a comporté un rite d’onction d’huile. Cette onction était le signe que Dieu lui-même inspirait le roi en permanence pour qu’il soit capable d’accomplir sa mission de sauver le peuple. On disait alors que le roi était « mashiah », un mot hébreu qui signifie tout simplement « frotté d’huile ». C’est ce mot « mashiah » qui se traduit « messie » en français, « christos » en grec. À l’époque de Jésus, il n’y avait plus de roi sur le trône de Jérusalem mais on attendait que Dieu envoie enfin le roi idéal qui apporterait à son peuple la liberté, la justice et la paix. En particulier, dans le pays d’Israël alors occupé par les Romains, on attendait celui qui nous délivrerait de l’occupation romaine.

Clairement, Jésus de Nazareth, le fils du charpentier, ne pouvait prétendre être ce Roi-Messie qu’on attendait. Soyons francs, Jésus n’a pas fini d’étonner ses contemporains : il est bien le Messie qu’on attendait, mais tellement différent de ce qu’on attendait ! Luc, pour aider ses lecteurs, a bien pris soin dès le début de son livre, de leur dire d’entrée de jeu qu’il s’est informé soigneusement de tout depuis les origines ; et, d’autre part, il a souligné en introduction à ce passage que Jésus était accompagné de la puissance de l’Esprit, ce qui était bien la caractéristique du Messie. Mais c’est Luc, le chrétien, qui l’affirme ; les habitants de Nazareth, eux, ne savent pas que, réellement, l’Esprit du Seigneur repose sur Jésus.

Dernière remarque sur cet évangile : la citation d’Isaïe que Jésus reprend à son compte sonne comme un véritable discours-programme : « L’Esprit du Seigneur est sur moi...  Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Voilà l’œuvre de l’Esprit à travers ceux qu’il a consacrés. Nous qui cherchons quelquefois des critères de discernement, nous voilà servis ; car ce qui est dit du Christ est valable pour tous les confirmés que nous sommes, à notre humble mesure, bien sûr.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 26 01 2025, 3e dimanche du temps ordinaire C

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17 janvier 2025 5 17 /01 /janvier /2025 23:51
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE 62, 1-5

1  Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas,
    et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse
    que sa justice ne paraisse dans la clarté,
    et son salut comme une torche qui brûle.
2  Et les nations verront ta justice ;
    tous les rois verront ta gloire.
    On te nommera d'un nom nouveau,
    que la bouche du SEIGNEUR dictera.
3  Tu seras une couronne brillante dans la main du SEIGNEUR,
    un diadème royal entre les doigts de ton Dieu.
4  On ne te dira plus « Délaissée ! »,
    À ton pays, nul ne dira « Désolation ! »
    Toi, tu seras appelée « Ma Préférence »,
    cette terre se nommera « L’Épousée ».
    Car le SEIGNEUR t’a préférée,
    et cette terre deviendra « L’Épousée ».
5  Comme un jeune homme épouse une vierge,
    ton Bâtisseur t'épousera.
    Comme la jeune mariée fait la joie de son mari,
    tu seras la joie de ton Dieu.
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COMME LA JEUNE MARIÉE FAIT LA JOIE DE SON MARI...

Le prophète Isaïe ne manquait pas d’audace ! À deux reprises, dans ces quelques versets, il a employé le mot « désir » (au sens de désir amoureux) pour traduire les sentiments de Dieu à l’égard de son peuple. Les mots « ma préférée » et « préférence » sont trop faibles ; il faudrait traduire : « On ne t’appellera plus ‘la délaissée’, on n’appellera plus ta contrée ‘terre déserte’, mais on te nommera ‘ma désirée’ (littéralement mon désir est en toi), on nommera ta contrée ‘mon épouse’, car le SEIGNEUR met en toi son désir et ta contrée aura un époux. 

Ce que nous avons entendu ici est une véritable déclaration d’amour ! Un fiancé n’en dirait pas davantage à sa bien-aimée. Tu seras ma préférée, mon épouse... Tu seras belle comme une couronne, comme un diadème d’or entre mes mains... tu seras ma joie... Et pour cette déclaration, vous avez remarqué la beauté du vocabulaire, la poésie qui émane de ce texte. On y retrouve le parallélisme des phrases, si caractéristique des psaumes. « Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, / et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse... Tu seras une couronne brillante dans la main du SEIGNEUR, / un diadème royal entre les doigts de ton Dieu... Toi, tu seras appelée ‘Ma Préférence’, cette terre se nommera ‘L’Épousée’. Car le SEIGNEUR t’a préférée, / et cette terre deviendra ‘L’Épousée’ ».

Cinq siècles avant Jésus-Christ, déjà, le prophète Isaïe allait donc jusque-là ! Car on pourrait vraiment appeler ce texte le « poème d’amour de Dieu ». Et Isaïe n’est pas le premier à avoir cette audace.

Il est vrai qu’au tout début de la Révélation biblique, les premiers textes de l’Ancien Testament n’employaient pas du tout ce langage. Pourtant, si Dieu aime l’humanité d’un tel amour, c’était déjà vrai dès l’origine. Mais c’était l’humanité qui n’était pas prête à entendre. La Révélation de Dieu comme Époux, tout comme celle de Dieu-Père n’a pu se faire qu’après des siècles d’histoire biblique.

Au début de l’Alliance entre Dieu et son peuple, cette notion aurait été trop ambiguë. Les autres peuples ne concevaient que trop facilement leurs dieux à l’image des hommes et de leurs histoires de famille ; dans une première étape de la Révélation, il fallait donc déjà découvrir le Dieu tout-Autre que l’homme et entrer dans son Alliance.

C’est le prophète Osée, au huitième siècle av.J.C., qui, le premier, a comparé le peuple d’Israël à une épouse ; et il traitait d’adultères les infidélités du peuple, c’est-à-dire ses retombées dans l’idolâtrie. À sa suite Jérémie, Ézéchiel, le deuxième Isaïe et le troisième Isaïe (celui que nous lisons aujourd’hui) ont développé ce thème des noces entre Dieu et son peuple ; et on retrouve chez eux tout le vocabulaire des fiançailles et des noces : les noms tendres, la robe nuptiale, la couronne de mariée, la fidélité, mais aussi la jalousie, l’adultère, les retrouvailles.

...TU SERAS LA JOIE DE TON DIEU

En voici quelques extraits, par exemple chez Osée : « Tu m’appelleras mon époux... je ferai de toi mon épouse pour toujours... dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse. » (Os 2,18.21). Et chez le deuxième Isaïe « Ton époux c’est Celui qui t’a faite... Est-ce que l’on rejette la femme de sa jeunesse ?... dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse. » (Is 54, 5...8). Le texte le plus impressionnant sur ce sujet, c’est évidemment le Cantique des Cantiques : il se présente comme un long dialogue amoureux, composé de sept poèmes ; pour être franc, nulle part les deux amoureux ne sont identifiés ; mais les Juifs le comprennent comme une parabole de l’amour de Dieu pour l’humanité ; la preuve, c’est qu’ils le lisent tout spécialement pendant la célébration de la Pâque, qui est pour eux la grande fête de l’Alliance de Dieu avec son peuple, et, à travers son peuple, avec toute l’humanité.

Pour revenir au texte d’aujourd’hui, l’un des passe-temps préférés, apparemment, du bien-aimé est de donner des noms nouveaux à sa bien-aimée. Vous savez l’importance du Nom dans les relations humaines : quelqu’un ou quelque chose que je ne sais pas nommer n’existe pas pour moi... Savoir nommer quelqu’un, c’est déjà le connaître ; et quand notre relation avec une personne s’approfondit, il n’est pas rare que nous éprouvions le besoin de lui donner un surnom, parfois connu de nous seuls. Dans la vie des couples, ou des familles, les diminutifs et les surnoms tiennent une grande place. Quand nous choisissons le prénom d’un enfant, par exemple, c’est très révélateur : nous faisons porter sur lui beaucoup d’espoirs ; souvent même, si on y regarde bien, c’est tout un programme.

La Bible traduit cette expérience fondamentale de la vie humaine ; et le nom y a une très grande importance ; il dit le mystère de la personne, son être profond, sa vocation, sa mission : très souvent, on nous indique le sens du nom des personnages principaux. Par exemple, l’ange annonçant la naissance de Jésus précise aussitôt que ce nom veut dire : « Dieu sauve » ; c’est-à-dire que cet enfant qui porte ce nom-là sauvera l’humanité au nom de Dieu. Et parfois Dieu donne un nom nouveau à quelqu’un en même temps qu’il lui confie une mission nouvelle : Abram devient Abraham, Saraï devient Sara, Jacob devient Israël et Simon devient Pierre.

Ici donc, c’est Dieu qui donne des noms nouveaux à Jérusalem : la « délaissée » devient la « Préférée », le pays de « désolation » devient « L’épousée » ; effectivement, le peuple juif pouvait avoir l’impression d’être délaissé par Dieu. Ce chapitre 62 d’Isaïe a été écrit dans le contexte du retour d’Exil. On est rentré de l’Exil (à Babylone) en 538 mais le Temple n’a commencé à être reconstruit qu’en 521 : c’est dans ce délai que la morosité s’installe et l’impression de délaissement. Si Dieu s’occupait de nous, pense-t-on, les choses iraient mieux et plus vite (il nous arrive bien de dire exactement la même chose : « s’il y avait un Bon Dieu, ces choses-là n’arriveraient pas » ...). C’est pour combattre cette désespérance qu’Isaïe, inspiré par Dieu, ose ce texte magnifique : non, Dieu n’a pas oublié son peuple et sa ville de prédilection ; et dans peu de temps cela se saura ! « Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »

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PSAUME 95 (96), 1-2a,2b-3.7-8a,9a-10

1  Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau,
    chantez au SEIGNEUR, terre entière,
2  chantez au SEIGNEUR et bénissez son Nom !
   

    De jour en jour, proclamez son salut,
3  racontez à tous les peuples sa gloire,
    à toutes les nations ses merveilles !
   

7  Rendez au SEIGNEUR, familles des peuples,
    rendez au SEIGNEUR, la gloire et la puissance,
8  rendez au SEIGNEUR la gloire de son Nom.
   

9  Adorez le SEIGNEUR, éblouissant de sainteté.
    10  Allez dire aux nations : le SEIGNEUR est roi !
    Il gouverne les peuples avec droiture.
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À LA GLOIRE DE DIEU

Il n’est question, ici, que de la gloire de Dieu, son salut, ses merveilles, sa puissance : « Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau… chantez au SEIGNEUR et bénissez son Nom ! De jour en jour, proclamez son salut… » Rien d’étonnant, ici : cette invitation à chanter la gloire de Dieu est une chose habituelle en Israël où l’on ne cesse de « faire mémoire », comme on dit, de l’œuvre de Dieu, au long des siècles, pour libérer son peuple de tout ce qui peut entraver son bonheur.

Oui, « de jour en jour, Israël proclame son salut »... de jour en jour Israël fait mémoire de l’œuvre de Dieu, de ses merveilles, c’est-à-dire de son œuvre incessante de libération... de jour en jour Israël témoigne que Dieu l’a  libéré de l’Égypte d’abord, puis de toutes les formes d’esclavage : et le plus terrible des esclavages, c’est de se tromper de Dieu, c’est de mettre sa confiance dans de fausses valeurs, des faux dieux qui ne peuvent que décevoir, des idoles...

Parce qu’Israël a cette chance immense, cet honneur inouï, ce bonheur de savoir et d’être chargé de dire que « L’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est UN » (comme le dit la profession de foi juive, le « Shema Israël »*) et que la foi en lui est le seul chemin de bonheur pour l’homme. Voilà le message qu’Israël lance au monde : « Allez dire aux nations : Le SEIGNEUR est roi !... »

Je reprends l’expression : « Allez dire aux nations ». Les « nations », en langage biblique, c’est l’ensemble des autres peuples, ceux que l’on appelle les goyîm, c’est-à-dire le reste de l’humanité, les « incirconcis » comme disait saint Paul. Arrêtons-nous d’abord sur ce mot « gôyîm ». Selon les textes, ce mot semble chargé de plusieurs sens contradictoires : dans certains textes, il est carrément péjoratif ; le livre du Deutéronome, par exemple, parle des « abominations des nations ». Mais c’est parce qu’il vise leur polythéisme, leurs pratiques religieuses en général, et les sacrifices humains en particulier. À la première étape de la pédagogie biblique où il s’agit pour le peuple élu de s’attacher à Dieu sans partage, de découvrir le vrai visage du Dieu unique, il faut se garder de tout contact avec les « nations » : elles resteront longtemps un risque de contagion de l’idolâtrie. Et l’histoire d’Israël a prouvé maintes fois que ce risque est réel ! De plus, dans la mentalité de l’époque, où les divinités étaient censées faire la guerre aux côtés de leurs peuples, on n’aurait pas pu imaginer un Dieu qui prenne le parti de tous les belligérants à la fois !

Mais, dans ce psaume, au contraire, le mot « nations » n’est plus péjoratif : les « nations » ce sont tous ceux qui ne font pas partie du peuple d’Israël et auxquels la Bonne Nouvelle du salut de Dieu est également destinée, tout autant qu’au peuple élu. Bien sûr, si ce psaume peut parler d’une manière aussi positive, cela veut dire qu’il a été composé relativement tardivement, probablement après l’Exil à Babylone. Puisque l’auteur peut imaginer qu’un jour, les peuples autres qu’Israël bénéficieront eux aussi du salut de Dieu. Car c’est pendant la période de déportation de la population de Jérusalem à Babylone que les hommes de la Bible ont définitivement compris que Dieu est réellement unique, qu’il est le Dieu de tout l’univers et de toute l’humanité et que, par conséquent, son salut, son œuvre, ses merveilles ne sont pas réservés à Israël.

RACONTEZ À TOUS LES PEUPLES SES MERVEILLES

Mais, pour en arriver là, il a fallu tout un long et patient travail de la pédagogie de Dieu pour amener les membres du peuple élu à ouvrir leur cœur, à accepter que leur Dieu soit aussi le Dieu de tous les hommes, aussi occupé (si j’ose dire) à faire le bonheur des autres que le leur. Et le peuple élu a compris peu à peu qu’il est le frère aîné, pas le fils unique : sa vocation était justement d’ouvrir la voie à ses cadets, dans la longue marche de l’humanité à la rencontre de son Dieu. Un jour viendra où tous les peuples sans exception reconnaîtront Dieu comme le seul Dieu. L'humanité tout entière mettra sa confiance en lui seul : le psaume tout entier a cette dimension universelle. Ce jour-là, enfin, s’accomplira la promesse faite à Abraham : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre ».

Les versets que nous lisons aujourd’hui sont pleins de cet espoir que les « nations » vont entendre la Bonne Nouvelle : « Rendez au SEIGNEUR, familles des peuples,       rendez au SEIGNEUR, la gloire et la puissance, rendez au SEIGNEUR la gloire de son Nom. »

Les derniers versets, (que nous ne chantons pas ce dimanche, malheureusement), sont comme une sorte d’anticipation de la fin des temps. Ce jour-là, c’est la Création tout entière qui chantera la gloire de Dieu : « Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête. Les arbres des forêts dansent de joie devant la face du SEIGNEUR ». Vous avez déjà vu des arbres danser ? Eh bien oui, ce jour-là ils danseront ! Et la mer mugira, et la campagne tout entière sera en fête ! C’est nous qui sommes aveugles de n’avoir pas encore reconnu notre Dieu !

Bien sûr, si on y réfléchit, c’est normal ! Les mers sont moins bêtes que les hommes ! Elles, elles savent qui les a faites, qui est leur créateur ! Elles mugissent pour Lui, elles l’acclament à leur manière. Les arbres des forêts sont moins bêtes que les hommes : ils savent reconnaître leur créateur : parmi des tas d’idoles, de faux dieux, pour eux, il n’y a pas d’erreur possible, les arbres ne s’y laissent pas prendre.

Mais revenons sur terre ! Je disais que ce psaume anticipe ! Tout cela est encore du domaine du rêve : pour l’instant, la Bonne Nouvelle n’a pas encore pénétré toutes les nations. En attendant, on est dans le présent ! Et le présent n’est pas si facile ; il faut tenir bon dans la foi et il faut témoigner de cette foi à la face des nations. Tenir bon dans la foi, c’est un choix à refaire sans cesse : l’une des strophes que nous ne lisons pas non plus ce dimanche en porte la trace : « Il est grand, le SEIGNEUR, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux : néant, tous les dieux des nations ! » Si on affirme que les dieux des nations ne sont que néant, c’est qu’il faut encore et toujours s’en persuader, refuser de retomber dans l’idolâtrie. Combat jamais complètement gagné.

Tout bien réfléchi, ce psaume n’est-il pas terriblement d’actualité ?
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Note

*Traduction du rabbinat
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PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS  12,4-11

    Frères,
4  les dons de la grâce sont variés,
    mais c'est le même Esprit.
5  Les services sont variés,
    mais c'est le même Seigneur.
6  Les activités sont variées,
    mais c'est le même Dieu
    qui agit en tout et en tous.
7  À chacun est donnée la manifestation de l'Esprit
    en vue du bien.
8  À celui-ci est donnée, par l'Esprit,
    une parole de sagesse ;
    à un autre, une parole de connaissance
    selon le même Esprit ;
9  un autre reçoit, dans le même Esprit,
    un don de foi ;
    un autre encore, dans l'unique Esprit,
    des dons de guérison ;
10 à un autre est donné d’opérer des miracles,
    à un autre de prophétiser,
    à un autre de discerner les inspirations ;
    à l'un, de parler diverses langues mystérieuses ;
    à l'autre de les interpréter.
11 Mais celui qui agit en tout cela,
    c'est l’unique et même Esprit :
    il distribue ses dons, comme il le veut,
    à chacun en particulier.
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CHRÉTIENS DANS UN MONDE PAÏEN

La lettre aux Corinthiens date de vingt siècles et elle n'a pas pris une ride ! Au contraire, elle est complètement d'actualité : comment faire pour rester chrétiens dans un monde qui a des valeurs tout autres ? Comment trier, dans les idées qui circulent, celles qui sont compatibles avec la foi chrétienne ? Comment cohabiter avec des non-chrétiens sans manquer à la charité ? Mais aussi sans y perdre notre âme, comme on dit ? Le monde tout autour parle de sexe et d’argent... Comment l’évangéliser ? C’étaient les questions des chrétiens de Corinthe convertis de fraîche date dans un monde majoritairement païen ; ce sont les nôtres, aujourd’hui, chrétiens de souche ou non, mais dans une société qui ne privilégie plus les valeurs chrétiennes.

Les réponses de Paul nous concernent donc presque toutes. Il parle des divisions dans la communauté, des problèmes de la vie conjugale, notamment quand les deux époux ne partagent pas la même foi, du cap à tenir au milieu de tous les marchands d’idées nouvelles : sur tous ces points, il remet les choses à leur place. Mais comme toujours, quand il parle de choses très concrètes, il rappelle d’abord le fondement des choses, qui est notre Baptême : comme disait Jean-Baptiste, par le Baptême, nous avons été plongés dans le feu de l’Esprit (Mt 3,11), et désormais c’est l’Esprit qui se réfracte à travers nous selon nos propres diversités. Paul ne dit pas autre chose : « Celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier. »

À Corinthe, comme dans tout le monde hellénistique, on adorait l’intelligence, on rêvait de découvrir la sagesse, on parlait partout de philosophie. À ces gens qui rêvaient de découvrir la sagesse par eux-mêmes et par la rigueur de leurs raisonnements, Paul répond : la vraie sagesse, la seule connaissance qui compte, n’est pas au bout de nos discours : elle est un don de Dieu. « À celui-ci est donnée, par l'Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance selon le même Esprit. » Il n’y a pas de quoi s’enorgueillir, tout est cadeau. Le mot « don » (ou le verbe « donner ») revient sept fois ! Dans la Bible, ce n’est pas nouveau ! Ici, Paul ne fait que reprendre en termes chrétiens ce que son peuple avait découvert depuis longtemps, à savoir que seul Dieu connaît et peut faire découvrir la vraie sagesse. La nouveauté du discours de Paul est ailleurs : elle consiste à parler de l’Esprit comme d’une Personne.

L’ESPRIT À L’ŒUVRE DANS LA COMMUNAUTÉ

Plus profondément, Paul se démarque totalement par rapport aux recherches philosophiques des uns et des autres : il ne propose pas une nouvelle école de philosophie, une de plus... Il annonce Quelqu’un. Car les dons qui sont ainsi distribués aux membres de la communauté chrétienne ne sont pas de l’ordre du pouvoir ni du savoir, ils sont une présence intérieure : le nom de l’Esprit est cité sept fois dans ce passage. Finalement, ce texte est adressé aux Corinthiens, mais il ne parle pas d’eux, il parle exclusivement de l’Esprit à l’œuvre dans la communauté chrétienne ; et qui, patiemment, inlassablement, nous tourne vers notre Père (il nous souffle de dire « Abba » - Père) et il nous tourne vers nos frères.

Pour que les choses soient bien claires, Paul précise : « À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. » On sait que les Corinthiens étaient avides de phénomènes spirituels extraordinaires, mais saint Paul leur rappelle l’unique objectif : c’est le bien de tous. Car l’objectif de l’Esprit, ce n’est rien d’autre puisqu’il est l’Amour personnifié. Et alors, dans ses mains, si j’ose dire, nous devenons des instruments d’une infinie variété par la grâce de celui qui est le Dieu Un : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. »

Telle est la merveille de nos diversités : elles nous rendent capables, chacun à sa façon, de manifester l’Amour de Dieu. Une des leçons de ce texte de saint Paul est certainement d’apprendre à nous réjouir de nos différences. Elles sont les multiples facettes de ce que l’Amour nous rend capables de faire selon l’originalité de chacun. Réjouissons-nous donc de la variété des races, des couleurs, des langues, des dons, des arts, des inventions... C’est ce qui fait la richesse de l’Église et du monde à condition de les vivre dans l’amour.

C’est comme un orchestre : une même inspiration... des expressions différentes et complémentaires, des instruments différents et voilà une symphonie... une symphonie à condition de jouer tous dans la même tonalité... c’est quand nous ne jouons pas tous dans le même ton qu’il y a une cacophonie ! La symphonie dont il est question ici c’est le chant d’amour que l’Église est chargée de chanter au monde : disons « l’hymne à l’Amour » comme on dit « l’hymne à la joie » de Beethoven. Notre complémentarité dans l’Église n’est pas une affaire de rôles, de fonctions, pour que l’Église vive avec un organigramme bien en place... C’est beaucoup plus grave et plus beau que cela : il s'agit de la mission confiée à l'Église de révéler l'Amour de Dieu : c'est notre seule raison d'être.

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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN 2, 1-11

    En ce temps-là,
1  il y eut un mariage à Cana de Galilée.
    La mère de Jésus était là.
2  Jésus aussi avait été invité au mariage
    avec ses disciples
3  Or, on manqua de vin ;
    la mère de Jésus lui dit :
    « Ils n'ont pas de vin. »
4  Jésus lui répond :
    « Femme, que me veux-tu ?
    Mon heure n'est pas encore venue. »
5  Sa mère dit à ceux qui servaient :
    « Tout ce qu'il vous dira, faites-le. »
6  Or, il y avait là six jarres de pierre
    pour les purifications rituelles des Juifs ;
    chacune contenait deux à trois mesures
    (c’est-à-dire environ cent litres).
7  Jésus dit à ceux qui servaient :
    « Remplissez d'eau les jarres. »
    Et ils les remplirent jusqu'au bord.
8  Il leur dit :
    « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. »
    Ils lui en portèrent.
9  Et celui-ci goûta l'eau changée en vin.
    Il ne savait pas d'où venait ce vin,
    mais ceux qui servaient le savaient bien,
    eux qui avaient puisé l'eau.
10 Alors le maître du repas appelle le marié
    et lui dit :
    « Tout le monde sert le bon vin en premier,
    et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon.
    Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant. »
11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit.
    C'était à Cana de Galilée.
    Il manifesta sa gloire,
    et ses disciples crurent en lui.
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L’HEURE DE LA NOUVELLE CRÉATION A SONNÉ

Il faut nous habituer à la manière d'écrire de Jean l'évangéliste ! C'est entre les lignes que les choses importantes sont dites ! Pour lui, ce premier « signe » (comme il dit) de Jésus à Cana est très important : il évoque à lui tout seul le grand mystère du projet de Dieu sur l’humanité, mystère de Création, mystère d’Alliance, mystère de Noces. Ce que nous appelons le Prologue, chez Jean, c’est-à-dire le tout début de son premier chapitre, était une grande méditation sur ce mystère ; le texte qui nous rapporte le miracle de Cana est exactement la même méditation, mais sur le mode du récit, cette fois. Comme si ces deux textes, au début de l’évangile, devaient nous introduire à la compréhension de tout ce qui va suivre. Je vous propose donc de lire le récit des noces de Cana à la lumière du Prologue.

Qu’y a-t-il eu entre les deux ? Des événements qui composent ce que l’on appelle la « semaine inaugurale » de la vie publique de Jésus. Elle commence auprès de Jean-Baptiste au bord du Jourdain où des Pharisiens sont venus l’interroger sur sa mission ; et déjà Jean-Baptiste annonçait la venue de Jésus ; le lendemain, Jean-Baptiste a la joie de voir Jésus lui-même venir vers lui et il reconnaît en lui « le Fils de Dieu, celui qui baptise dans l’Esprit Saint » (Jn 1,33-34). Le lendemain encore, (et c’est Jean qui donne la précision comme s’il disait « il y eut un soir, il y eut un matin »), nouvelle rencontre au bord de l’eau : cette fois, ce sont deux disciples de Jean-Baptiste qui se détachent de son groupe pour suivre Jésus et celui-ci les invite à passer la soirée auprès de lui. Le jour suivant, Jésus part en Galilée accompagné déjà de quelques disciples. Et c’est en Galilée, trois jours plus tard, qu’a lieu le miracle de Cana : Jean commence son récit des noces de Cana en disant « le troisième jour1, il y eut un mariage à Cana en Galilée » ; on est, bien sûr, tentés de faire le compte de tous ces jours depuis le début : cela donne « le septième jour » ; l’évocation d’une semaine, d’un « septième jour », dans un évangile, ce n’est évidemment pas anodin. Le « septième jour » renvoie toujours à l’achèvement de la Création.

Comme le mot « commencement », d’ailleurs, que l’évangéliste emploie à la fin de son récit : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. » Dans le Prologue, Jean affirmait « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement tourné vers Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. » Nous voici dans le cadre des sept jours de la Création.

L’HEURE DES NOCES DE DIEU AVEC L’HUMANITÉ

L’épisode des noces de Cana, un septième jour, lui fait donc un lointain écho : car, en réalité, à Cana, Jésus ne se contente pas de multiplier le vin, il le crée ; comme au commencement de toutes choses, le Verbe était tourné vers Dieu pour créer le monde, une nouvelle étape s’inaugure à Cana : la création nouvelle a commencé.

Et il s’agit d’une noce ! On pourrait continuer le parallèle : au sixième jour, Dieu avait achevé son œuvre par la création du couple humain à son image ; au septième jour de la nouvelle création, Jésus participe à un repas de noces. Manière de dire que le projet créateur de Dieu est en définitive un projet d’alliance, un projet de noce. (Nous comprenons mieux alors pourquoi nous avons lu en première lecture ce texte du troisième Isaïe dans lequel Dieu disait à son peuple : « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu » ; Is 62) Les Pères de l’Église ne se sont pas privés de voir dans le miracle de Cana la réalisation de la promesse de Dieu : la fête des noces de Dieu avec l’humanité débute là.

C’est pour cela que le mot « Heure » chez Jean est si important : il s’agit de l’Heure où le projet de Dieu a été définitivement accompli en Jésus-Christ. C’est bien à cela que Jésus pense quand il dit à Marie : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Visiblement ses préoccupations sont au-delà du problème matériel du manque de vin : il ne perd pas de vue sa mission qui est d’accomplir les noces de Dieu avec l’humanité.      

Mais la première phrase (« Femme, que me veux-tu ? ») reste surprenante et on a beaucoup épilogué ; en réalité, dans le texte grec, c’est « qu’y a-t-il pour toi et pour moi ? » autrement dit : « tu ne peux pas comprendre ». Jésus affronte là, seul, la grande question de sa mission : pour accomplir cette mission, concrètement, que doit-il faire ? Doit-il créer du vin ? Et ainsi manifester qu’il est le Fils de Dieu ?

On a peut-être ici, dans l’évangile de Jean, un écho du récit des Tentations dans les Évangiles synoptiques ; ce qui expliquerait, d’ailleurs, la sécheresse apparente de la phrase de Jésus à sa mère ; au désert, dans l’épisode des Tentations, la question qui s’est posée à Jésus était « qu’est-ce, au juste, être Fils de Dieu ? » et le Tentateur lui avait susurré « si tu es vraiment le Fils de Dieu, maintenant que tu as faim, ordonne que ces pierres deviennent du pain ». On remarquera une chose : quand il est seul au désert, Jésus refuse de faire les miracles que lui suggère le Tentateur, car il en serait le seul bénéficiaire. À Cana, au contraire, Jésus multiplie le vin de la fête pour la joie des convives. Ce qui revient à dire que le Fils de Dieu ne fait de miracles que pour le bonheur des hommes.

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Note

1 - Le « troisième jour » : à elle toute seule, cette précision est certainement un message ; là encore il ne s'agit pas d'une notation anecdotique pour remplir un journal de bord, mais d'une méditation théologique : la mémoire des disciples est à jamais marquée par un certain troisième jour, celui de la Résurrection. Elle nous renvoie donc à l'autre bout, si j'ose dire, de la vie publique de Jésus, à la Passion, la mort et la Résurrection du Christ. Manière pour Jean de nous dire : c'est là et là seulement, que l'Alliance de Dieu avec l'humanité sera définitivement scellée, ses noces célébrées. D'ailleurs la dernière phrase « Il manifesta sa gloire » est aussi une allusion à la Résurrection. Dans le Prologue, encore, Jean disait « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire... » C’est à Cana, justement, que les disciples ont vu la gloire de Jésus pour la première fois. En attendant la manifestation définitive de la gloire de Dieu sur le visage du Christ, mort et ressuscité.

Compléments

- Saint Jean précise que Cana est en Galilée ; ce qui élargit considérablement la perspective : car la Galilée, traditionnellement, c’est le pays des païens, un carrefour de peuples ; Isaïe l’appelait le « pays de l’ombre, la Galilée des nations » : Dieu donc épouse l’humanité tout entière et pas seulement quelques privilégiés.

- « Femme que me veux-tu ? »  Ne cherchons pas à minimiser l’indéniable vivacité de cette réaction du Fils envers sa mère. En hébreu, cette phrase marque généralement une divergence de vues, parfois même une hostilité (Jg 11,12 ; Mc 1,24 ; 2 S 16,10 ; 2 S 19,23) ; reconnaissons qu’il s’agit ici de cas extrêmes ; la réflexion de Jésus s’apparente peut-être davantage à celle de la veuve de Sarepta face à Élie au moment de la mort de son fils (1 R 17,18) : elle considère la présence du prophète comme une intervention inopportune. Mais la difficulté persiste : Jésus, le doux et humble de cœur, manquerait-il de respect envers sa mère ? En réalité, peut-être y a-t-il ici l’aveu implicite d’un véritable affrontement intérieur pour le Fils au sujet de sa mission. Lui qui ne s’autorisait pas à accomplir des miracles pour son seul bénéfice (changer des pierres en pain), devait-il ici transformer l’eau en vin ? Ici, on touche à la profondeur du mystère du Christ, mystère dont lui-même a progressivement pris conscience : pleinement homme, il a dû grandir peu à peu comme chacun de nous dans la découverte de sa mission.

- Les cuves d’eau de Cana sont en pierre et Jean le précise intentionnellement : les poteries de terre cuite étaient employées pour l’eau potable, les cuves de pierre pour l’eau des ablutions rituelles. C’est cette eau-là, eau symbolique de l’Alliance, qui est devenue vin des noces.

- Les disciples ne découvriront le miracle qu'après coup ; mais les seuls qui sont réellement dans la confidence, et saint Jean le souligne, ce sont les serviteurs (verset 9) : ils le savaient dans leur chair, si j'ose dire, parce que ce sont eux qui sont allés puiser l'eau, qui l'ont transportée, et tout cela dans une obéissance aveugle, sans comprendre peut-être à quoi allait servir cette eau. Mais, bien sûr, nous ne sommes pas surpris outre mesure que des pauvres soient les premiers au courant du projet de Dieu !

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 19 01 2025, 2e dimanche du temps ordinaire C

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5 janvier 2025 7 05 /01 /janvier /2025 21:36
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE 40, 1-5.9-11

1  Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu.
2  Parlez cœur de Jérusalem.
    Proclamez que son service est accompli,
    que son crime est expié,
    qu'elle a reçu de la main du SEIGNEUR
    le double pour toutes ses fautes.
3  Une voix proclame :
    « Dans le désert, préparez le chemin du SEIGNEUR ;
    tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu.
4  Que tout ravin soit comblé,
    toute montagne et toute colline abaissées !
    Que les escarpements se changent en plaine.
    et les sommets en large vallée !
5  Alors se révélera la gloire du SEIGNEUR
    et tout être de chair verra que la bouche du SEIGNEUR a parlé. »

9  Monte sur une haute montagne,
    toi qui portes la bonne nouvelle à Sion.
    Élève la voix avec force,
    toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem.
    Élève la voix, ne crains pas.
    Dis aux villes de Juda :
    « Voici votre Dieu. »
10 Voici le SEIGNEUR Dieu !
    Il vient avec puissance ;
    son bras lui soumet tout.
   Voici le fruit de son travail avec lui,
    et devant lui, son ouvrage.
11 Comme un berger, il fait paître son troupeau :
    son bras rassemble les agneaux,
    il les porte sur son cœur,
    il mène les brebis qui allaitent.

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BONNE NOUVELLE POUR LE PEUPLE DE L’ALLIANCE

C’est ici que commence l’un des plus beaux passages du Livre d’Isaïe ; on l’appelle le « Livret de la Consolation d’Israël » car ses premiers mots sont « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu ». Cette phrase, à elle toute seule, est déjà une Bonne Nouvelle extraordinaire, presque inespérée, pour qui sait l’entendre ! Car les expressions « mon peuple »... « votre Dieu » sont le rappel de l’Alliance (un peu comme dans un couple, un surnom affectueux redit au moment d’un désaccord, vient rassurer sur la tendresse encore présente).

Or c’était la grande question des exilés. Pendant l’Exil à Babylone, c’est-à-dire entre 587 et 538 avant J.C., on pouvait se le demander : Dieu n’aurait-il pas abandonné son peuple, n’aurait-il pas renoncé à son Alliance...? Il pourrait bien s’être enfin lassé des infidélités répétées à tous les niveaux. Tout l’objectif de ce Livret de la Consolation d’Isaïe est de dire qu’il n’en est rien. Dieu affirme encore « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu », ce qui était la devise ou plutôt l’idéal de l’Alliance.

Je prends tout simplement le texte dans l’ordre : « Parlez au cœur de Jérusalem et proclamez que son service est accompli » dit Isaïe ; cela veut dire que la servitude à Babylone est finie ; c’est donc une annonce de la libération et du retour à Jérusalem.

« Que son crime est expié et qu’elle a reçu de la main du SEIGNEUR le double pour toutes ses fautes. » D’après la loi d’Israël, un voleur devait restituer le double des biens qu’il avait volés (par exemple deux bêtes pour une). Parler au passé de cette double punition, c’était donc une manière imagée de dire que la libération approchait puisque la peine était déjà purgée. Ce que le prophète, ici, appelle les « fautes » de Jérusalem, son « crime », ce sont tous les manquements à l’Alliance, les cultes idolâtres, les manquements au sabbat et aux autres prescriptions de la Loi, et surtout les nombreux manquements à la justice et, plus grave encore que tout le reste, le mépris des pauvres. Le peuple juif a toujours considéré l’Exil comme la conséquence de toutes ces infidélités. Car, à l’époque on pensait encore que Dieu nous punit de nos fautes.

« Une voix proclame » (verset 3) : nulle part, l’auteur de ce livret ne nous dit qui il est ; il se présente comme « la voix qui crie de la part de Dieu » ; nous l’appelons traditionnellement le « deuxième Isaïe ». « Une voix proclame : Dans le désert, préparez le chemin du SEIGNEUR ». Déjà une fois dans l’histoire d’Israël, Dieu a préparé dans le désert le chemin qui menait son peuple de l’esclavage à la liberté : traduisez de l’Égypte à la Terre promise ; eh bien, nous dit le prophète, puisque le Seigneur a su jadis arracher son peuple à l’oppression égyptienne, il saura aujourd’hui, de la même manière, l’arracher à l’oppression babylonienne.

LA ROUTE DE LA LIBERTÉ

« Tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées, que les escarpements se changent en plaine, et les sommets en large vallée ! » C’était l’un des plaisirs du vainqueur que d’astreindre les vaincus à faire d’énormes travaux de terrassement pour préparer une voie triomphale pour le retour du roi victorieux. Il y a pire : une fois par an, à Babylone, on célébrait la grande fête du dieu Mardouk, et, à cette occasion, les esclaves juifs devaient faire ces travaux de terrassement : combler les ravins... abaisser les collines et même les montagnes, de simples chemins tortueux faire d’amples avenues... pour préparer la voie triomphale par laquelle devait passer le cortège, roi et statues de l’idole en tête ! Pour ces Juifs croyants, c’était l’humiliation suprême et le déchirement intérieur. Alors Isaïe, chargé de leur annoncer la fin prochaine de leur esclavage à Babylone et le retour au pays leur dit : cette fois, c’est dans le désert qui sépare Babylone de Jérusalem que vous tracerez un chemin... Et ce ne sera pas pour une idole païenne, ce sera pour vous et votre Dieu en tête !

« Alors se révélera la gloire du SEIGNEUR      et tout être de chair verra que la bouche du SEIGNEUR a parlé. » : on pourrait traduire « Dieu sera enfin reconnu comme Dieu et tous verront que Dieu a tenu ses promesses. »

« Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. » Au passage, vous avez remarqué le parallélisme de ces deux phrases : parallélisme parfait qui a simplement pour but de porter l’accent sur cette Bonne Nouvelle adressée à Sion (ou Jérusalem, c’est la même chose) : il s’agit évidemment du peuple et non de la ville. Le contenu de cette Bonne Nouvelle suit immédiatement : « Voici votre Dieu. Voici le SEIGNEUR Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. »

« Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent. » Nous retrouvons ici chez Isaïe l’image chère à un autre prophète de la même époque, Ézéchiel.

La juxtaposition de ces deux images (un roi triomphant, un berger) surprend peut-être, mais l’idéal du roi en Israël comprenait bien ces deux aspects : le bon roi, c’est un berger plein de sollicitude pour son peuple, mais c’est aussi un roi triomphant des ennemis, pour protéger son peuple justement... Comme un berger utilise son bâton pour chasser les animaux qui menaceraient le troupeau.

Ce texte, dans son ensemble, résonnait donc comme une extraordinaire nouvelle aux oreilles des contemporains d’Isaïe, au sixième siècle av. J.-C. Et voilà que cinq ou six cents ans plus tard, lorsque Jean-Baptiste a vu Jésus de Nazareth s’approcher du Jourdain et demander le Baptême, il a entendu résonner en lui ces paroles d’Isaïe et il a été rempli d’une évidence aveuglante : le voilà celui qui rassemble définitivement le troupeau du Père... Le voilà celui qui va transformer les chemins tortueux des hommes en chemins de lumière... Le voilà celui qui vient redonner au peuple de Dieu sa dignité... Le voilà celui en qui se révèle la gloire (c’est-à-dire la présence) du SEIGNEUR. Fini le temps des prophètes, désormais Dieu lui-même est parmi nous !
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PSAUME 103 (104), 1c-3a.3bc-4.24-25.27-28.29-30

1  Revêtu de magnificence,
2  tu as pour manteau la lumière !
    Comme une tenture, tu déploies les cieux,
3  tu élèves dans leurs eaux tes demeures.
  

    Des nuées, tu te fais un char,
    tu t'avances sur les ailes du vent ;
4  tu prends les vents pour messagers,
    pour serviteurs, les flammes des éclairs.
   

24 Quelle profusion dans tes œuvres, SEIGNEUR !
    Tout cela, ta sagesse l’a fait ; la terre s'emplit de tes biens.
25 Voici l'immensité de la mer,
    son grouillement innombrable d'animaux grands et petits.
   

27 Tous, ils comptent sur toi
    pour recevoir leur nourriture au temps voulu.
28 Tu donnes : eux, ils ramassent ;
    tu ouvres la main : ils sont comblés.
   

29 Tu caches ton visage : ils s'épouvantent ;
    tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière.
30 Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
    tu renouvelles la face de la terre
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LE PSAUME 103 ET L’HYMNE DU PHARAON AKHENATON

Nous lisons ici des extraits du psaume 103/104 ; or, on peut les comparer avec une prière qui nous vient d'Égypte : il s'agit d'une hymne adressée au soleil par le roi Aménophis IV, l'époux de Néfertiti. On sait que ce Pharaon a consacré une bonne partie de ses énergies à l'instauration d'une religion nouvelle : il a remplacé le culte d'Amon (dont le clergé devenait beaucoup trop puissant à ses yeux) par celui du Dieu Aton, c'est-à-dire le soleil ; et, à cette occasion, il a pris un nouveau nom, Akhenaton. Sa prière a été retrouvée gravée sur un tombeau à Tell El-Amarna en Égypte (au bord du Nil).

La voici : « Tu te lèves beau dans l’horizon du ciel, Soleil vivant qui vis depuis l’origine. Tu resplendis dans l’horizon de l’Est, tu as rempli tout pays de ta beauté. Tu es beau, grand, brillant, tu t’élèves au-dessus de tout pays. Combien nombreuses sont tes œuvres, mystérieuses à nos yeux ! Seul dieu, tu n’as point de semblable, tu as créé la terre selon ton cœur. Les êtres se forment sous ta main comme tu les as voulus. Tu resplendis et ils vivent ; tu te couches et ils meurent. Toi, tu as la durée de la vie par toi-même, on vit de toi. Les yeux sont sur ta beauté jusqu’à ce que tu te caches, et tout travail prend fin, quand tu te couches à l’Occident. »

On ne peut pas nier que cette hymne adressée en Égypte au dieu-soleil ressemble comme deux gouttes d’eau à notre psaume 103/104 composé en Israël ; or le texte égyptien est plus ancien, il date du quatorzième siècle, à une époque où les Hébreux étaient esclaves en Égypte. On peut donc supposer qu’ils ont eu l’occasion d’y entendre ce poème adressé au dieu-soleil ; ils l’auraient alors adapté et transformé à la lumière de leur nouvelle religion, celle du dieu qui les avait libérés d’Égypte, précisément.

J’ai dit « adapté et transformé » parce que si ces deux textes se ressemblent, ils diffèrent plus encore ! Et sur deux points : premièrement, le Dieu d’Israël est un Dieu personnel, qui a proposé une relation d’Alliance à son peuple. Un Dieu qui a un projet sur l’humanité, un Dieu qui veut l’homme libre.

Par exemple, le psaume commence et finit par l’acclamation « Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme » qui est typique de l’Alliance du peuple d’Israël avec son Dieu. Car, une fois de plus, le nom employé pour désigner Dieu est le fameux nom de l’Alliance, le nom en quatre lettres YHVH qu’on ne prononce pas, mais qui rappelle la présence de Dieu auprès de son peuple pour toujours. C’est ce nom qui est traduit ici par le mot SEIGNEUR.

DIEU SEUL EST DIEU, LE SOLEIL N’EST QU’UNE CRÉATURE

Deuxième différence : dans la pensée biblique, contrairement à la prière du pharaon Akhénaton, Dieu seul est Dieu, le soleil n’est qu’une créature dépourvue de toute volonté propre : dans d’autres versets de ce psaume, on affirme « Tu fis la lune qui marque les temps et le soleil qui connaît l’heure de son coucher. Tu fais descendre les ténèbres, la nuit vient » (versets 19-20). En d’autres termes, si le soleil a un quelconque pouvoir, c’est Dieu et Dieu seul qui le lui a donné. Dans le même sens, nous avons déjà remarqué l’insistance du livre de la Genèse : pour bien mettre le soleil et la lune à leur place de créatures, le poème du premier chapitre ne dit même pas leurs noms : il se contente de les appeler « les deux grands luminaires : le plus grand pour commander au jour, le plus petit pour commander à la nuit » (Gn 1,16), c’est-à-dire uniquement des instruments, en somme.

Revenons au psaume 103/104 : en Israël, donc, il était chanté à la louange du Dieu créateur, roi de toute la Création. C’est particulièrement net dans la phrase : « Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre » ; on pense évidemment au texte de la Genèse « Le SEIGNEUR Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Gn 2,7).

Pour dire que Dieu est roi, on emploie le langage de la cour : « Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! », comme si Dieu avait un manteau de cour ! Ailleurs encore, le psalmiste s’écrie : « SEIGNEUR, mon Dieu, tu es si grand », acclamation royale traditionnelle en Israël où le mot « grand » est un mot du langage de cour.

Et voilà que la liturgie chrétienne nous propose ce psaume pour la fête du Baptême du Christ : rapprochement à première vue un peu surprenant... Quel lien y a-t-il entre l’acte créateur du Dieu de l’univers et une pratique religieuse d’un certain Jean le Baptiste, des millions d’années après, et à laquelle se soumet un fils de charpentier, Jésus de Nazareth ?

À moins que, justement, ce fils de charpentier ne soit venu pour « refaire le monde », comme on dit. Si ce psaume 103/104, une hymne au Dieu créateur, roi de la Création, nous est proposé pour fêter le Baptême de Jésus, c’est donc pour nous inviter à lire l’événement du Baptême du Christ sous deux aspects complémentaires ; d’une part, c’est lors de son Baptême que Jésus est proclamé « Fils de Dieu » : l’évangile de Luc raconte qu’une voix venue du ciel a dit « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. »

D’autre part, l’heure du Baptême du Christ est aussi l’heure de la nouvelle création ; rappelons-nous le poème du chapitre 1 de la Genèse qui disait « Le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. » (Gn 1,2). Or le Baptême du Christ se déroule au bord des eaux du Jourdain et saint Luc nous dit : « Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle comme une colombe, descendit sur Jésus. » Traduisez l’heure de la nouvelle création a sonné.

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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE À TITE 2, 11-14 ; 3,4-7

    Bien-aimé,
2, 11   la grâce de Dieu s'est manifestée
    pour le salut de tous les hommes.
12 Elle nous apprend à renoncer à l’impiété
    et aux convoitises de ce monde,
    et à vivre dans le temps présent
    de manière raisonnable, avec justice et piété,
13 attendant que se réalise la bienheureuse espérance :
    la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ.
14 Car il s'est donné pour nous
    afin de nous racheter de toutes nos fautes,
    et de nous purifier
    pour faire de nous son peuple,
    un peuple ardent à faire le bien.

3, 4    Lorsque Dieu, notre Sauveur,
    a manifesté sa bonté
    et son amour pour les hommes,
5  il nous a sauvés.
    non pas à cause de la justice de nos propres actes,
    mais par sa miséricorde.
    Par le bain du baptême,
    il nous a fait renaître
    et nous a renouvelés
    dans l'Esprit Saint.
6  Cet Esprit, Dieu l'a répandu
    sur nous en abondance,
    par Jésus Christ notre Sauveur,
7  afin que, rendus justes par sa grâce,
    nous devenions en espérance
    héritiers de la vie éternelle.

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LES COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES EN CRÊTE

Paul avait confié à son disciple Tite la responsabilité des communautés chrétiennes de Crète. La tâche n’était sans doute pas facile car les Crétois avaient très mauvaise réputation à l’époque ; c’est un poète local, Épiménide de Cnossos, au sixième siècle av. J.-C qui les traitait de « Crétois, toujours menteurs, mauvaises bêtes, gloutons fainéants ». Et Paul, en le citant, le confirme en disant : « Ce témoignage est vrai » ! C’est pourtant de ces Crétois pleins de défauts que Paul et Tite ont essayé de faire des chrétiens.

Cette lettre à Tite contient donc les conseils du fondateur de la communauté à celui qui en est désormais le responsable. Tout ce qui précède et ce qui suit cet ensemble consiste en recommandations extrêmement concrètes à l’intention des membres de la communauté, vieux et jeunes, hommes et femmes, maîtres et esclaves. Les responsables ne sont pas oubliés et si Paul insiste sur l’irréprochabilité qu’on doit exiger d’eux, il faut croire que cela n’allait pas de soi ! « Il faut que le responsable de communauté soit sans reproche, puisqu’il est l’intendant de Dieu ; il ne doit être ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni brutal, ni avide de profits malhonnêtes ; mais il doit être accueillant, ami du bien, raisonnable, juste, saint, maître de lui. » (Tt 1,7-8).

Une telle avalanche de conseils donne une idée des progrès qui restaient à faire : en général un bon pédagogue ne se hasarde pas à donner des conseils superflus...

Ce qui est très intéressant pour nous, c’est l’articulation entre tous ces conseils d’ordre moral et le passage qui nous intéresse aujourd’hui et qui est au contraire un exposé théologique sur le mystère de la foi ; mais justement, pour Paul, l’un découle de l’autre ; c’est notre Baptême qui fait de nous des hommes nouveaux. Paul vient de donner toute sa série de conseils et il les justifie par la seule raison que « la grâce de Dieu s’est manifestée », comme il dit.

Cela veut dire que la morale chrétienne s’enracine dans l’événement qui est la charnière de l’histoire du monde : la naissance du Christ. Quand Paul dit « la grâce de Dieu s’est manifestée », il faut traduire « Dieu s’est fait homme ». Et désormais, c’est notre manière d’être hommes qui est transformée : « Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. » (3,5).

UN MONDE NOUVEAU

Désormais la face du monde est changée, et donc aussi notre comportement. Encore faut-il nous prêter à cette transformation. Et le monde attend de nous ce témoignage. Il ne s’agit pas de mérites à acquérir (« Il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde »), mais de témoignage à porter. Le mystère de l’Incarnation va jusque-là. Dieu veut le salut de toute l’humanité, pas seulement le nôtre ! « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. » Mais il attend notre collaboration pour cela.

 C’est donc la transformation de l’humanité tout entière qui est au programme, si l’on peut dire ; car le projet de Dieu, prévu de toute éternité, c’est de nous réunir tous autour de Jésus-Christ. Tellement serrés autour de lui que nous ne ferons qu’un avec lui. Réunir, c’est-à-dire surmonter nos divisions, nos rivalités, nos haines, pour faire de nous un seul homme ! Il y a encore du chemin à faire, c’est vrai ; tellement de chemin que les incroyants disent que « c’est une utopie » ; mais les croyants affirment « puisque c’est une promesse de Dieu, c’est une certitude ! » Paul dit bien : « En attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ. » « En attendant », cela veut dire « c’est certain, tôt ou tard, cela viendra. »

Au passage, nous reconnaissons là une phrase que le prêtre prononce à chaque Eucharistie, après le Notre Père : « Nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur. » Ce n’est pas une manière de nous voiler la face sur les lenteurs de cette transformation du monde, c’est un acte de foi : nous osons affirmer que l’amour du Christ aura le dernier mot.

Cette certitude, cette attente sont le moteur de toute liturgie : au cours de la célébration, les chrétiens ne sont pas des gens tournés vers le passé mais déjà un seul homme debout tourné vers l’avenir. Quand viendra la fin du monde, le journaliste de service écrira : « Et ils se levèrent comme un seul homme. Et cet homme avait pour nom Jésus-Christ ».

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Note

1 - À propos de la naissance d’une communauté chrétienne en Crète, certains exégètes formulent l’hypothèse suivante : d’après les Actes des Apôtres, le bateau qui transportait Paul prisonnier en attente d’un jugement à Rome a fait escale dans un endroit appelé « Beaux Ports » au sud de l’île. Mais Luc ne parle pas de la naissance d’une communauté à cette occasion, et Tite ne faisait pas partie du voyage. On sait qu’après de nombreuses péripéties, ce voyage s’est terminé comme prévu à Rome où Paul a été emprisonné pendant deux ans dans des conditions très libérales : on pourrait parler plutôt de « résidence surveillée ». On suppose que cette captivité romaine s’est soldée par une remise en liberté. Paul aurait alors entrepris un quatrième voyage missionnaire, et c’est au cours de ce dernier voyage qu’il aurait évangélisé la Crète.

2 - Pour des raisons de style, de vocabulaire et même de vraisemblance chronologique, beaucoup de ceux qui connaissent bien les épîtres pauliniennes pensent que cette lettre à Tite (comme les deux lettres à Timothée, d’ailleurs) aurait été écrite seulement à la fin du premier siècle, c’est-à-dire trente ans environ après la mort de Paul, mais dans la fidélité à sa pensée et pour appuyer son œuvre. Quelle que soit l’époque à laquelle cette lettre a été rédigée, il faut croire que les difficultés des Crétois persistaient !
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT LUC 3, 15-22

    En ce temps-là,
15 le peuple venu auprès de Jean le Baptiste était en attente,
    et tous se demandaient en eux-mêmes
    si Jean n'était pas le Christ.
16 Jean s'adressa alors à tous :
    « Moi, je vous baptise avec de l'eau ;
    mais il vient, celui qui est plus fort que moi.
    Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales.
    Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. »
   

21 Comme tout le peuple se faisait baptiser
    et qu’après avoir été baptisé lui aussi,
    Jésus priait,
    le ciel s'ouvrit.
22 L'Esprit Saint, sous une apparence corporelle,
    comme une colombe.
    descendit sur Jésus,
    et il y eut une voix venant du ciel :
    « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. »

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TOUT LE PEUPLE SE FAISAIT BAPTISER

Les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) racontent l’événement du baptême du Christ, chacun à sa manière. Jean, lui, ne le raconte pas, mais il y fait allusion. Luc a ses accents propres et ce sont eux que je vais essayer ici de mettre en lumière. Par exemple, son texte commence par « Comme tout le peuple se faisait baptiser » : Luc est le seul à mentionner que le peuple se faisait baptiser ; il est aussi le seul à mentionner la prière de Jésus : « Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait » ; ce rapprochement est bien dans la manière de Luc : homme parmi les hommes, Jésus ne cesse pas d’être en même temps uni à son Père.

Luc veut tellement insister sur l’humanité de Jésus que, chez lui et lui seul, curieusement, le récit du Baptême est suivi immédiatement par une généalogie. Contrairement à la généalogie placée tout au début de l’évangile de Matthieu et qui part d’Abraham pour descendre jusqu’à Jésus en passant par David et par Joseph, la généalogie de Jésus chez Luc part de lui pour remonter à ses ancêtres ; il était (à ce que l’on pensait, dit Luc) fils de Joseph, fils de David, fils d’Abraham... Mais Luc remonte encore bien plus haut : il nous dit que Jésus est « fils d’Adam, fils de Dieu ». Cela veut bien dire qu’au moment où il écrit son évangile, les premiers chrétiens avaient découvert cette relation privilégiée de Jésus le Nazaréen avec Dieu : il était le Fils de Dieu au vrai sens du terme. « Toi, tu es mon Fils bien-aimé » dit la voix venant du ciel.

La suite du récit du baptême de Jésus n’est pas propre à Luc : Matthieu et Marc emploient à peu près les mêmes termes. Pendant que Jésus priait, « le ciel s’ouvrit » : en trois mots, un événement décisif ! La communication entre le ciel et la terre est rétablie ; la prière du peuple croyant vient d’être entendue ; depuis des siècles, c’était l’attente du peuple juif. « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face, comme un feu qui enflamme les broussailles, un feu qui fait bouillonner les eaux. » disait Isaïe (Is 63,19-64,1). Les eaux, nous y sommes, puisque ceci se passe au bord du Jourdain ; le feu, le voici : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » disait Jean-Baptiste. Et Luc continue : « L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus. » Ici l’Esprit n’est pas associé à la violence du feu, mais à la colombe, symbole de douceur et de fragilité. Ce n’est pas contradictoire : force et violence... douceur et fragilité, tel est l’amour, tel est l’Esprit.

Les quatre évangélistes citent cette manifestation de l’Esprit sous la forme d’une colombe : dans les trois évangiles synoptiques, les expressions sont tout à fait similaires : Matthieu et Marc disent que l’Esprit descend « comme une colombe », chez Luc « L’Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. » Dans l’évangile de Jean, c’est Jean-Baptiste qui, après coup, raconte la scène : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint. Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. » (Jn 1,32-34).

L’ESPRIT SAINT COMME UNE COLOMBE

Cette représentation de la colombe est donc certainement très importante puisque les quatre évangélistes l’ont retenue. Que pouvait-elle évoquer pour eux ? Dans l’Ancien Testament, elle évoque d’abord la Création : le texte de la Genèse ne cite pas la colombe, il dit simplement « le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. » (Gn 1,2). Mais dans la méditation juive, on avait appris à reconnaître dans ce souffle, l’Esprit même de Dieu ; et un commentaire rabbinique de la Genèse dit « L’Esprit de Dieu planait sur la face des eaux comme une colombe qui plane au-dessus de ses petits, mais ne les touche pas. » (Talmud de Babylone). Ensuite, la colombe évoquait l’Alliance entre Dieu et l’humanité, renouée après le Déluge ; on se souvient du lâcher de colombe de Noé : c’est elle qui a indiqué à Noé que le déluge était fini et que la vie pouvait reprendre. Mieux encore, l’amoureux du Cantique des Cantiques appelle sa bien-aimée « ma colombe, dans les fentes du rocher... ma sœur, mon amie, ma colombe, ma toute pure. » (Ct 2,14 ; 5,2). Or le peuple juif lit le Cantique des Cantiques comme la déclaration d’amour de Dieu à l’humanité. Nous sommes donc bien à l’aube d’une ère nouvelle : nouvelle Création, nouvelle Alliance.

À ce moment-là, nous dit Luc « Il y eut une voix venant du ciel : Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. » Il ne fait de doute pour personne que cette voix est la voix de Dieu lui-même : depuis bien longtemps, le peuple d’Israël n’avait plus de prophètes, mais les rabbins disaient que rien n’empêche Dieu de se révéler directement et que sa voix, venant des cieux, gémit comme une colombe. Or, cette phrase « Il y eut une voix venant du ciel : Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie » n’était pas nouvelle pour des oreilles juives : elle en était d’autant plus grave ; car c’était avec ces mots-là que les prophètes parlaient du Messie. À ce moment-là, Jean-Baptiste a compris : la colombe de l’Esprit désignait le Messie.

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Complément

       - Une question nous brûle les lèvres : pourquoi Jésus qui n’est pas pécheur demande-t-il le Baptême ? À quoi l’on peut répondre que c’est le contraire qui serait surprenant. Comment se désolidariserait-il du grand mouvement des foules avides de conversion qui se pressent autour du Baptiste ? D’autre part, Luc a certainement en tête une fois de plus les Chants du Serviteur du deuxième livre d’Isaïe : « Il a été compté avec les pécheurs. » (Is 53,12). Luc la cite lui-même d’ailleurs au cœur de la Passion (Lc 22,37).

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 12 01 2025, le baptême du Seigneur C

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31 décembre 2024 2 31 /12 /décembre /2024 01:00
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE 60, 1-6

1  Debout, Jérusalem, resplendis !
    Elle est venue, ta lumière,
    et la gloire du SEIGNEUR s'est levée sur toi.
2  Voici que les ténèbres couvrent la terre,
    et la nuée obscure couvre les peuples.
    Mais sur toi se lève le SEIGNEUR,
    sur toi sa gloire apparaît.
3  Les nations marcheront vers ta lumière,
    et les rois, vers la clarté de ton aurore.
4  Lève les yeux alentour, et regarde :
    tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ;
    tes fils reviennent de loin,
    et tes filles sont portées sur la hanche.
5  Alors tu verras, tu seras radieuse,
    ton cœur frémira et se dilatera.
    Les trésors d'au-delà des mers afflueront vers toi,
    vers toi viendront les richesses des nations.
6  En grand nombre, des chameaux t'envahiront,
    de jeunes chameaux de Madiane et d'Épha.
    Tous les gens de Saba viendront,
    apportant l'or et l'encens ;
    ils annonceront les exploits du SEIGNEUR.
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DANS DES JOURS SOMBRES UNE ANNONCE DE LUMIÈRE

Vous avez remarqué toutes les expressions de lumière, tout au long de ce passage : « Resplendis, elle est venue ta lumière... la gloire (le rayonnement) du SEIGNEUR s’est levée sur toi (comme le soleil se lève)... sur toi se lève le SEIGNEUR, sa gloire brille sur toi... ta lumière, la clarté de ton aurore... tu seras radieuse ».

On peut en déduire tout de suite que l’humeur générale était plutôt sombre ! Je ne dis pas que les prophètes cultivent le paradoxe ! Non ! Ils cultivent l’espérance.

Alors, pourquoi l’humeur générale était-elle sombre, pour commencer. Ensuite, quel argument le prophète avance-t-il pour inviter son peuple à l’espérance ?

Pour ce qui est de l’humeur, je vous rappelle le contexte : ce texte fait partie des derniers chapitres du livre d’Isaïe ; nous sommes dans les années 525-520 av. J.-C., c’est-à-dire une quinzaine ou une vingtaine d’années après le retour de l’Exil à Babylone. Les déportés sont rentrés au pays, et on a cru que le bonheur allait s’installer. En réalité, ce fameux retour tant espéré n’a pas répondu à toutes les attentes.

D’abord, il y avait ceux qui étaient restés au pays et qui avaient vécu la période de guerre et d’occupation. Ensuite, il y avait ceux qui revenaient d’Exil et qui comptaient retrouver leur place et leurs biens. Or si l’Exil a duré cinquante ans, cela veut dire que ceux qui sont partis sont morts là-bas... et ceux qui revenaient étaient leurs enfants ou leurs petits-enfants ... Cela ne devait pas simplifier les retrouvailles. D’autant plus que ceux qui rentraient ne pouvaient certainement pas prétendre récupérer l’héritage de leurs parents : les biens des absents, des exilés ont été occupés, c’est inévitable, puisque, encore une fois, l’Exil a duré cinquante ans !

Enfin, il y avait tous les étrangers qui s’étaient installés dans la ville de Jérusalem et dans tout le pays à la faveur de ce bouleversement et qui y avaient introduit d’autres coutumes, d’autres religions... Tout ce monde n’était pas fait pour vivre ensemble...

La pomme de discorde, ce fut la reconstruction du Temple : car, dès le retour de l’exil, autorisé en 538 par le roi Cyrus, les premiers rentrés au pays (nous les appellerons la communauté du retour) avaient rétabli l’ancien autel du Temple de Jérusalem, et avaient recommencé à célébrer le culte comme par le passé ; et en même temps, ils entreprirent la reconstruction du Temple lui-même.

Mais voilà que des gens qu’ils considéraient comme hérétiques ont voulu s’en mêler ; c’étaient ceux qui avaient habité Jérusalem pendant l’Exil : mélange de juifs restés au pays et de populations étrangères, donc païennes, installées là par l’occupant ; il y avait eu inévitablement des mélanges entre ces deux types de population, et même des mariages, et tout ce monde avait pris des habitudes jugées hérétiques par les Juifs qui rentraient de l’Exil.

Alors la communauté du retour s’est resserrée et a refusé cette aide dangereuse pour la foi : le Temple du Dieu unique ne peut pas être construit par des gens qui, ensuite, voudront y célébrer d’autres cultes ! Comme on peut s’en douter, ce refus a été très mal pris et désormais ceux qui avaient été éconduits firent obstruction par tous les moyens. Finis les travaux, finis aussi les rêves de rebâtir le Temple ! Les années ont passé et on s’est installés dans le découragement.

LE SURSAUT AU NOM DE LA VOCATION DU PEUPLE ÉLU

Mais la morosité, l’abattement ne sont pas dignes du peuple porteur des promesses de Dieu. Alors, Isaïe et un autre prophète, Aggée, décident de réveiller leurs compatriotes : sur le thème : fini de se lamenter, mettons-nous au travail pour reconstruire le Temple de Jérusalem. Et cela nous vaut le texte d’aujourd’hui.

Connaissant ce contexte difficile, ce langage presque triomphant nous surprend peut-être ; mais c’est un langage assez habituel chez les prophètes ; et nous savons bien que s’ils promettent tant la lumière, c’est parce qu’elle est encore loin d’être aveuglante... et que, moralement, on est dans la nuit. C’est pendant la nuit qu’on guette les signes du lever du jour ; et justement le rôle du prophète est de redonner courage, de rappeler la venue du jour. Un tel langage ne traduit donc pas l’euphorie du peuple, mais au contraire une grande morosité : c’est pour cela qu’il parle tant de lumière !

Pour relever le moral des troupes, nos deux prophètes n’ont qu’un argument, mais il est de taille : Jérusalem est la Ville sainte, la ville choisie par Dieu, pour y faire demeurer le signe de sa Présence ; c’est parce que Dieu lui-même s’est engagé envers le roi Salomon en décidant « Ici sera Mon Nom », que le prophète Isaïe, des siècles plus tard, peut oser dire à ses compatriotes « Debout, Jérusalem ! Resplendis... »

Le message d’Isaïe aujourd’hui, c’est donc : « vous avez l’impression d’être dans le tunnel, mais au bout, il y a la lumière. Rappelez-vous la Promesse : le JOUR vient où tout le monde reconnaîtra en Jérusalem la Ville sainte. » Conclusion : ne vous laissez pas abattre, mettez-vous au travail, consacrez toutes vos forces à reconstruire le Temple comme vous l’avez promis.

J’ajouterai trois remarques pour terminer : premièrement, une fois de plus, le prophète nous donne l’exemple : quand on est croyants, la lucidité ne parvient jamais à étouffer l’espérance.     

Deuxièmement, la promesse ne vise pas un triomphe politique... Le triomphe qui est entrevu ici est celui de Dieu et de l’humanité qui sera un jour enfin réunie dans une harmonie parfaite dans la Cité sainte ; reprenons les premiers versets : si Jérusalem resplendit, c’est de la lumière et de la gloire du SEIGNEUR : « Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue ta lumière, et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi... sur toi se lève le SEIGNEUR, et sa gloire brille sur toi... »

Troisièmement, quand Isaïe parlait de Jérusalem, déjà à son époque, ce nom désignait plus le peuple que la ville elle-même ; et l’on savait déjà que le projet de Dieu déborde toute ville, si grande ou belle soit-elle, et tout peuple, si grand ou important soit-il, il concerne toute l’humanité.

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Psaume 71 (72)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
    à ce fils de roi ta justice.
2  Qu'il gouverne ton peuple avec justice,
    qu'il fasse droit aux malheureux !

7  En ces jours-là, fleurira la justice,
    grande paix jusqu'à la fin des lunes !
8  Qu'il domine de la mer à la mer,
    et du Fleuve jusqu'au bout de la terre !

10 Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
    Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
11 Tous les rois se prosterneront devant lui,
    tous les pays le serviront.

12 Il délivrera le pauvre qui appelle
    et le malheureux sans recours.
13 Il aura souci du faible et du pauvre,
    du pauvre dont il sauve la vie.
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RÊVE DES HOMMES ET PROJET DE DIEU

Imaginons que nous sommes en train d’assister au sacre d’un nouveau roi. Les prêtres expriment à son sujet des prières qui sont tous les souhaits, j’aurais envie de dire tous les rêves que le peuple formule au début de chaque nouveau règne : vœux de grandeur politique pour le roi, mais surtout vœux de paix, de justice pour tous. Les « lendemains qui chantent », en quelque sorte ! C’est un thème qui n’est pas d’aujourd’hui... On en rêve depuis toujours ! Richesse et prospérité pour tous... Justice et Paix... Et cela pour tous... d’un bout de la terre à l’autre... Or le peuple élu a cet immense avantage de savoir que ce rêve des hommes coïncide avec le projet de Dieu lui-même.

La dernière strophe de ce psaume, elle, change de ton (malheureusement, elle ne fait pas partie de la liturgie de cette fête) : il n’est plus question du roi terrestre, il n’est question que de Dieu : « Béni soit le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël, lui seul fait des merveilles ! Béni soit à jamais son nom glorieux, toute la terre soit remplie de sa gloire ! Amen ! Amen ! » C’est cette dernière strophe qui nous donne la clé de ce psaume : en fait, il a été composé et chanté après l’Exil à Babylone, (donc entre 500 et 100 av.J.C.) c’est-à-dire à une époque où il n’y avait déjà plus de roi en Israël ; ce qui veut dire que ces vœux, ces prières ne concernent pas un roi en chair et en os... ils concernent le roi qu’on attend, que Dieu a promis, le roi-messie. Et puisqu’il s’agit d’une promesse de Dieu, on peut être certain qu’elle se réalisera.

La Bible tout entière est traversée par cette espérance indestructible : l’histoire humaine a un but, un sens ; et le mot « sens » veut dire deux choses : à la fois « signification » et « direction ». Car Dieu a un projet qui inspire toutes les lignes de la Bible, Ancien Testament et Nouveau Testament : il porte des noms différents selon les auteurs. Par exemple, c’est le « JOUR de Dieu » pour les prophètes, le « Royaume des cieux » pour saint Matthieu, le « dessein bienveillant » pour saint Paul, mais c’est toujours du même projet qu’il s’agit. Comme un amoureux répète inlassablement des mots d’amour, Dieu propose inlassablement son projet de bonheur à l’humanité. Ce projet sera réalisé par le messie et c’est ce messie que les croyants appellent de tous leurs vœux lorsqu’ils chantent les psaumes au Temple de Jérusalem. 

Ce psaume 71, particulièrement, est vraiment la description du roi idéal, celui qu’Israël attend depuis des siècles : quand Jésus naît, il y a 1000 ans à peu près que le prophète Natan est allé trouver le roi David de la part de Dieu et lui a fait cette promesse dont parle notre psaume. Je vous redis les paroles du prophète Natan à David : « Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur qui naîtra de toi et je rendrai stable sa royauté... Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils... Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. » (2 S 7,12…16).1

De siècle en siècle, cette promesse a été répétée, répercutée, précisée. La certitude de la fidélité de Dieu à ses promesses en a fait découvrir peu à peu toute la richesse et les conséquences ; si ce roi méritait vraiment le titre de fils de Dieu, alors il serait à l’image de Dieu, un roi de justice et de paix. À chaque sacre d’un nouveau roi, la promesse était redite sur lui et on se reprenait à rêver...

L’ESPÉRANCE, C’EST L’ANCRE DE L’ÂME

Depuis David, on attendait, et le peuple juif attend toujours... et il faut bien reconnaître que le règne idéal n’a encore pas vu le jour sur notre terre. On finirait presque par croire que ce n’est qu’une utopie...

Mais les croyants savent qu’il ne s’agit pas d’une utopie : il s’agit d’une promesse de Dieu, donc d’une certitude. Et la Bible tout entière est traversée par cette certitude, cette espérance invincible : le projet de Dieu se réalisera, nous avançons lentement mais sûrement vers lui. C’est le miracle de la foi : devant cette promesse à chaque fois déçue, il y a deux attitudes possibles : le non-croyant dit « je vous l’avais bien dit, cela n’arrivera jamais » ; mais le croyant affirme résolument « patience, puisque Dieu l’a promis, il ne saurait se rejeter lui-même », comme dit saint Paul (2 Tm 2,13).

Ce psaume dit bien quelques aspects de cette attente du roi idéal : par exemple « pouvoir » et « justice » seront enfin synonymes ; c’est déjà tout un programme : de nombreux pouvoirs humains tentent loyalement d’instaurer la justice et d’enrayer la misère mais n’y parviennent pas ; ailleurs, malheureusement, « pouvoir » rime parfois avec avantages de toute sorte et autres passe-droits ; parce que nous ne sommes que des hommes.

En Dieu seul le pouvoir n’est qu’amour : notre psaume le sait bien puisqu’il précise « Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice ».

Et alors puisque notre roi disposera de la puissance même de Dieu, une puissance qui n’est qu’amour et justice, il n’y aura plus de malheureux dans son royaume. « En ces jours-là fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes !... Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. »

Ce roi-là, on voudrait bien qu’il règne sur toute la planète ! C’est de bon cœur qu’on lui souhaite un royaume sans limite de temps ou d’espace ! « Qu’il règne jusqu’à la fin des lunes... » et « Qu’il domine de la mer à la mer et du Fleuve jusqu’aux extrémités de la terre ». Pour l’instant, quand on chante ce psaume, les extrémités du monde connu, ce sont l’Arabie et l’Égypte et c’est pourquoi on cite les rois de Saba et de Seba : Saba, c’est au Sud de l’Arabie, Seba, c’est au Sud de l’Égypte... Quant à Tarsis, c’est un pays mythique, qui veut dire « le bout du monde ».

Aujourd’hui, le peuple juif chante ce psaume dans l’attente du roi-Messie2 ; nous, chrétiens, l’appliquons à Jésus-Christ et il nous semble que les mages venus d’Orient ont commencé à réaliser la promesse « Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents, les rois de Saba et de Seba feront leur offrande... Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront ». 

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Notes

1 – Le règne de David (et donc la promesse du prophète Nathan) se situe environ vers l’an 1000 avant Jésus-Christ. Par conséquent lorsque le chant « Il est né le divin enfant » nous fait dire « Depuis plus de 4000 ans nous le promettaient les prophètes », le compte n’est pas tout à fait exact ! Peut-être le nombre 4000 n’a-t-il été retenu que pour les nécessités de la mélodie.

2 - De nos jours, encore, dans certaines synagogues, nos frères juifs disent leur impatience de voir arriver le Messie en récitant la profession de foi de Maïmonide, médecin et rabbin à Tolède en Espagne, au douzième siècle : « Je crois d’une foi parfaite en la venue du Messie, et même s’il tarde à venir, en dépit de tout cela, je l’attendrai jusqu’au jour où il viendra. »    

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LECTURE DE LA LETTRE DE L’APÔTRE PAUL AUX ÉPHÉSIENS 3, 2...6

    Frères,

2  vous avez appris, je pense,

    en quoi consiste la grâce que Dieu m'a donnée pour vous :

3  par révélation, il m'a fait connaître le mystère.

  1. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance

    des hommes des générations passées,

    comme il a été révélé maintenant

    à ses saints Apôtres et aux prophètes,

    dans l'Esprit.

  1. Ce mystère,

    c'est que toutes les nations sont associées au même héritage,

    au même corps,

    au partage de la même promesse,

    dans le Christ Jésus,

    par l'annonce de l'Évangile.

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DIEU M’A FAIT CONNAÎTRE LE MYSTÈRE

Ce passage est extrait de la lettre aux Éphésiens au chapitre 3 ; or c’est dans le premier chapitre de cette même lettre que Paul a employé sa fameuse expression « le dessein bienveillant de Dieu » ; ici, nous sommes tout à fait dans la même ligne ; je vous rappelle quelques mots du chapitre 1 : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement, réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,9-10, traduction TOB).

Dans le texte d’aujourd’hui, nous retrouvons ce mot de « mystère ». Le « mystère », chez saint Paul, ce n’est pas un secret que Dieu garderait jalousement pour lui ; au contraire, c’est son intimité dans laquelle il nous fait pénétrer. Paul nous dit ici : « Par révélation, Dieu m’a fait connaître le mystère » : ce mystère, c’est-à-dire son dessein bienveillant, Dieu le révèle progressivement ; tout au long de l’histoire biblique, on découvre toute la longue, lente, patiente pédagogie que Dieu a déployée pour faire entrer son peuple élu dans son mystère ; nous avons cette expérience qu’on ne peut pas, d’un coup, tout apprendre à un enfant : on l’enseigne patiemment au jour le jour et selon les circonstances ; on ne fait pas d’avance à un enfant des leçons théoriques sur la vie, la mort, le mariage, la famille... pas plus que sur les saisons ou les fleurs... l’enfant découvre la famille en vivant les bons et les mauvais jours d’une famille bien réelle ; il découvre les fleurs une à une, il traverse avec nous les saisons... quand la famille célèbre un mariage ou une naissance, quand elle traverse un deuil, alors l’enfant vit avec nous ces événements et, peu à peu, nous l’accompagnons dans sa découverte de la vie.

Dieu a déployé la même pédagogie d’accompagnement avec son peuple et s’est révélé à lui progressivement ; pour saint Paul, il est clair que cette révélation a franchi une étape décisive avec le Christ : l’histoire de l’humanité se divise nettement en deux périodes : avant le Christ et depuis le Christ. « Ce mystère, n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l'Esprit. » À ce titre, on peut se réjouir que nos calendriers occidentaux décomptent les années en deux périodes, les années avant J.C. et les années après J.C.

Ce mystère dont parle Paul, c’est que le Christ est le centre du monde et de l’histoire, que l’univers entier sera un jour réuni en lui, comme les membres le sont à la tête ; d’ailleurs, dans la phrase « réunir l’univers entier sous un seul chef le Christ », le mot grec que nous traduisons « chef » veut dire tête. 

Il s’agit bien de « l’univers entier » et ici Paul précise : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus » ; on pourrait dire encore autrement : l’Héritage, c’est Jésus-Christ... la Promesse, c’est Jésus-Christ... le Corps, c’est Jésus-Christ... Le dessein bienveillant de Dieu, c’est que Jésus-Christ soit le centre du monde, que l’univers entier soit réuni en lui. Dans le Notre Père, quand nous disons « Que ta volonté soit faite », c’est de ce projet de Dieu que nous parlons et, peu à peu, à force de répéter cette phrase, nous nous imprégnons du désir de ce Jour où enfin ce projet sera totalement réalisé.

TOUTES LES NATIONS SONT ASSOCIÉES AU MÊME HÉRITAGE

Donc le projet de Dieu concerne l’humanité tout entière, et non pas seulement les Juifs : c’est ce qu’on appelle l’universalisme du plan de Dieu. Cette dimension universelle du plan de Dieu fut l’objet d’une découverte progressive par les hommes de la Bible, mais à la fin de l’histoire biblique, c’était une conviction bien établie dans le peuple d’Israël, puisqu’on fait remonter à Abraham la promesse de la bénédiction de toute l’humanité : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,3). Et le passage d’Isaïe que nous lisons en première lecture de cette fête de l’Épiphanie est exactement dans cette ligne. Bien sûr, si un prophète comme Isaïe a cru bon d’y insister, c’est qu’on avait tendance à l’oublier.

De la même manière, au temps du Christ, si Paul précise : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus », c’est que celà n’allait pas de soi. Et là, nous avons un petit effort d’imagination à faire : nous ne sommes pas du tout dans la même situation que les  contemporains de Paul ; pour nous, au vingt-et-unième siècle, c’est une évidence : beaucoup d’entre nous ne sont pas juifs d’origine et trouvent normal d’avoir part au salut apporté par le Messie ; pour un peu, même, après deux mille ans de Christianisme, nous aurions peut-être tendance à oublier qu’Israël reste le peuple élu parce que, comme dit ailleurs saint Paul, « Dieu ne peut pas se rejeter lui-même » (2 Tm 2,13). Aujourd’hui, nous aurions peut-être un peu tendance à croire que nous sommes les seuls témoins de Dieu dans le monde.

Mais au temps du Christ, c’était la situation inverse : c’est le peuple juif qui, le premier, a reçu la révélation du Messie et Jésus est né au sein du peuple juif : c’était la logique du plan de Dieu et de l’élection d’Israël ; puisque les Juifs étaient le peuple élu, ils étaient choisis par Dieu pour être les apôtres, les témoins et l’instrument du salut de toute l’humanité ; et on sait que les Juifs devenus chrétiens ont eu parfois du mal à tolérer l’admission d’anciens païens dans leurs communautés. Saint Paul vient leur dire « Attention... les païens, désormais, peuvent aussi être des apôtres et des témoins du salut ». Au fait, je remarque que Matthieu, dans l’évangile de la visite des mages, qui est lu également pour l’Épiphanie, nous dit exactement la même chose.

Les derniers mots de ce texte résonnent comme un appel : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus par l’annonce de l’évangile » : si je comprends bien, Dieu attend notre collaboration à son dessein bienveillant : les mages ont aperçu une étoile, pour laquelle ils se sont mis en route ; pour beaucoup de nos contemporains, il n’y aura pas d’étoile dans le ciel, mais il faudra des témoins de la Bonne Nouvelle.

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ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU 2, 1-12

1  Jésus était né à Bethléem en Judée,
    au temps du roi Hérode le Grand.
    Or, voici que des mages venus d'Orient
    arrivèrent à Jérusalem
2  et demandèrent :
    « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
    Nous avons vu son étoile à l’orient
    et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
3  En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé,
    et tout Jérusalem avec lui.
4  Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple,
    pour leur demander où devait naître le Christ.
    Ils lui répondirent :
5  « À Bethléem en Judée,
    car voici ce qui est écrit par le prophète :
6  Et toi, Bethléem, terre de Juda,
    tu n'es certes pas le dernier
    parmi les chefs-lieux de Juda,
    car de toi sortira un chef,
    qui sera le berger de mon peuple Israël. »
7  Alors Hérode convoqua les mages en secret
    pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ;
8  Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :
    « Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant.
    Et quand vous l'aurez trouvé, venez me l’annoncer
    pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
9  Après avoir entendu le roi, ils partirent.
    Et voici que l'étoile qu'ils avaient vue à l’orient
    les précédait,
    jusqu’à ce qu’elle vienne s'arrêter au-dessus de l’endroit
    où se trouvait l'enfant.
10 Quand ils virent l'étoile,
    ils se réjouirent d’une très grande joie.
11 Ils entrèrent dans la maison,
    ils virent l'enfant avec Marie sa mère ;
    et, tombant à ses pieds,
    ils se prosternèrent devant lui.
    Ils ouvrirent leurs coffrets,
    et lui offrirent leurs présents :
    de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
12 Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,
    ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

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L’ATTENTE DU MESSIE AU TEMPS DE JÉSUS

On sait à quel point l’attente du Messie était vive au temps de Jésus. Tout le monde en parlait, tout le monde priait Dieu de hâter sa venue. La majorité des Juifs pensait que ce serait un roi : ce serait un descendant de David, il régnerait sur le trône de Jérusalem, il chasserait les Romains, et il établirait définitivement la paix, la justice et la fraternité en Israël ; et les plus optimistes allaient même jusqu’à dire que tout ce bonheur s’installerait dans le monde entier.

Dans ce sens, on citait plusieurs prophéties convergentes de l’Ancien Testament : d’abord celle de Balaam dans le Livre des Nombres. Je vous la rappelle : au moment où les tribus d’Israël s’approchaient de la terre promise sous la conduite de Moïse, et traversaient les plaines de Moab (aujourd’hui en Jordanie), le roi de Moab, Balaq, avait convoqué Balaam pour qu’il maudisse ces importuns ; mais, au lieu de maudire, Balaam, inspiré par Dieu avait prononcé des prophéties de bonheur et de gloire pour Israël ; et, en particulier, il avait osé dire : « Je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël... » (Nb 24,17). Le roi de Moab avait été furieux, bien sûr, car, sur l’instant, il y avait entendu l’annonce de sa future défaite face à Israël ; mais en Israël, dans les siècles suivants, on se répétait soigneusement cette belle promesse ; et peu à peu on en était venu à penser que le règne du Messie serait signalé par l’apparition d’une étoile. C’est pour cela que le roi Hérode, consulté par les mages au sujet d’une étoile, prend l’affaire très au sérieux.

Autre prophétie concernant le Messie, celle de Michée : « Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. » (Mi 5,1). Prophétie tout à fait dans la ligne de la promesse faite par Dieu à David : que sa dynastie ne s’éteindrait pas et qu’elle apporterait au pays le bonheur attendu.

Les mages n’en savent peut-être pas tant : ce sont des astrologues ; ils se sont mis en marche tout simplement parce qu’une nouvelle étoile s’est levée ; et, spontanément, en arrivant à Jérusalem, ils vont se renseigner auprès des autorités. Et c’est là, peut-être, la première surprise de ce récit de Matthieu : il y a d’un côté, les mages qui n’ont pas d’idées préconçues ; ils sont à la recherche du Messie et ils finiront par le trouver. De l’autre, il y a ceux qui savent, qui peuvent citer les Écritures sans faute, mais qui ne bougeront pas le petit doigt ; ils ne feront même pas le déplacement de Jérusalem à Bethléem. Évidemment, ils ne rencontreront pas l’enfant de la crèche.

JÉSUS RENCONTRE DÉJÀ L’HOSTILITÉ

Quant à Hérode, c’est une autre histoire. Mettons-nous à sa place : il est le roi des Juifs, reconnu comme roi par le pouvoir romain, et lui seul... Il est assez fier de son titre et férocement jaloux de tout ce qui peut lui faire de l’ombre ... Il a fait assassiner plusieurs membres de sa famille, y compris ses propres fils, il ne faut pas l’oublier. Car dès que quelqu’un devient un petit peu populaire... Hérode le fait tuer par jalousie. Et voilà qu’on lui rapporte une rumeur qui court dans la ville : des astrologues étrangers ont fait un long voyage jusqu’ici et il paraît qu’ils disent : « Nous avons vu se lever une étoile tout à fait exceptionnelle, nous savons qu’elle annonce la naissance d’un enfant-roi... tout aussi exceptionnel... Le vrai roi des juifs vient sûrement de naître » ! ... On imagine un peu la fureur, l’extrême angoisse d’Hérode !

Donc, quand saint Matthieu nous dit : « Hérode fut bouleversé et tout Jérusalem avec lui », c’est certainement une manière bien douce de dire les choses ! Évidemment, Hérode ne va pas montrer sa rage, il faut savoir manœuvrer : il a tout avantage à extorquer quelques renseignements sur cet enfant, ce rival potentiel... Alors il se renseigne. D’abord sur le lieu : Matthieu nous dit qu’il a convoqué les chefs des prêtres et les scribes et qu’il leur a demandé où devait naître le Messie ; et c’est là qu’intervient la prophétie de Michée : le Messie naîtra à Bethléem.

Ensuite, Hérode se renseigne sur l’âge de l’enfant car il a déjà son idée derrière la tête pour s’en débarrasser ; il convoque les mages pour leur demander à quelle date au juste l’étoile est apparue. On ne connaît pas la réponse mais la suite nous la fait deviner : puisque, en prenant une grande marge, Hérode fera supprimer tous les enfants de moins de deux ans.

Très probablement, dans le récit de la venue des mages, Matthieu nous donne déjà un résumé de toute la vie de Jésus : dès le début, à Bethléem, il a rencontré l’hostilité et la colère des autorités politiques et religieuses. Jamais, ils ne l’ont reconnu comme le Messie, ils l’ont traité d’imposteur... Ils l’ont même supprimé, éliminé. Et pourtant, il était bien le Messie : tous ceux qui le cherchent peuvent, comme les mages, entrer dans le salut de Dieu.

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Compléments

- Au passage, on notera que c'est l'un des rares indices que nous ayons de la date exacte de la naissance de Jésus ! On connaît avec certitude la date de la mort d'Hérode le Grand : 4 av. J.-C. (il a vécu de 73 à 4 av. J.-C.) ... or il a fait tuer tous les enfants de moins de 2 ans : c'est-à-dire des enfants nés entre 6 et 4 (av. J.-C.) ; donc Jésus est probablement né entre 6 et 4 ! Probablement en 6 ou 5... C'est quand, au sixième siècle, un moine du nom de Denys le Petit a voulu - à juste titre - compter les années à partir de la naissance de Jésus, (et non plus à partir de la fondation de Rome) qu'il y a eu tout simplement une erreur de comptage.

- À propos de « l’Élection d'Israël » : les mages païens ont vu l'étoile visible par tout un chacun. Mais ce sont les scribes d'Israël qui peuvent en révéler le sens, parce qu’ils sont membres du peuple élu, dépositaire de la Révélation de Dieu… Encore faut-il qu'eux-mêmes se laissent guider par les Écritures.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 5 01 2025, l'Épiphanie du Seigneur ABC

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