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4 octobre 2021 1 04 /10 /octobre /2021 16:22
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 9 octobre 2021).

LECTURE DU LIVRE DE LA SAGESSE  7, 7-11

 

7   J'ai prié,
     et le discernement m'a été donné.
     J'ai supplié,
     et l'esprit de la Sagesse est venu en moi.
8   Je l'ai préférée aux trônes et aux sceptres ;
     à côté d'elle, j'ai tenu pour rien la richesse ;
9   je ne l'ai pas comparée
     à la pierre la plus précieuse ;
     tout l'or du monde auprès d'elle n'est qu'un peu de sable,
     et, en face d'elle, l'argent sera regardé comme de la boue.
10 Plus que la santé et la beauté, je l'ai aimée ;
     je l'ai choisie de préférence à la lumière,
     parce que sa clarté ne s'éteint pas.
11 Tous les biens me sont venus avec elle,
     et, par ses mains, une richesse incalculable.
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« J’AI SUPPLIÉ, ET L’ESPRIT DE LA SAGESSE EST VENU EN MOI »

Toute une partie de ce texte que nous venons d'entendre pourrait être signée par un philosophe grec non croyant. « J’ai préféré la Sagesse aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle (toujours la Sagesse) j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. » 

Bien sûr, il n’y a pas besoin d’avoir la foi pour dire des choses pareilles. L’humanité n’a pas attendu la Bible et la religion du Dieu d’Israël pour découvrir que les richesses de l’intelligence et surtout du cœur valent mieux que tout l’or et les bijoux du monde.

Mais l’intérêt de ce texte est ailleurs.

Ce n’est pas une leçon de savoir-vivre qui nous est donnée ici, même s’il n’est pas interdit de nous la répéter. Car il y a tout un message à lire entre les lignes : je m’explique : le livre de la Sagesse met en scène le roi Salomon et c’est lui qui est censé nous parler ici. Pour comprendre ce que Salomon va nous dire, il faut se rappeler un épisode très célèbre de sa vie (1 R 3) : nous sommes au tout début de son règne ; après d’effroyables intrigues de cour et autres règlements de comptes, Salomon est enfin installé sur le trône, tous ses ennemis politiques éliminés. Bientôt il construira le Temple de Jérusalem, mais pour l’instant, c’est à Gabaon à douze kilomètres au Nord de Jérusalem qu’il organise la première grande cérémonie de son règne. Salomon a prévu de faire offrir en sacrifice à Gabaon mille animaux, ce qui prendra évidemment un certain temps ; et il faut croire qu’il a dormi sur place, puisque c’est pendant la nuit qu’il a fait un rêve qui est resté célèbre : Dieu lui apparaissait et lui disait « demande-moi tout ce que tu voudras ». Salomon avait répondu : « Je suis un tout jeune homme, je ne sais pas agir en chef... Je suis au milieu du peuple que tu as choisi, un peuple nombreux, si nombreux qu’on ne peut pas le compter... Donne-moi, je t’en prie, un cœur plein de jugement pour discerner entre le bien et le mal. Car, qui pourrait gouverner ton peuple qui est si grand ? »

Le récit biblique continue : « Cette demande plut au Seigneur. Dieu lui dit : Puisque tu as demandé cela et que tu n’as pas demandé pour toi une longue vie, que tu n’as pas demandé pour toi la richesse, que tu n’as pas demandé la mort de tes ennemis, mais que tu as demandé le discernement pour gouverner avec droiture, voici, j’agis selon tes paroles : je te donne un cœur sage et perspicace, de telle sorte qu’il n’y a eu personne comme toi avant toi et qu’après toi, il n’y aura personne comme toi. Et même ce que tu n’as pas demandé, je te le donne : et la richesse et la gloire, de telle sorte que durant toute ta vie, il n’y aura personne comme toi parmi les rois. » (1 R 3,4-13 ; 2 Ch 1,7-13)

TOUTE VÉRITABLE SAGESSE VIENT DE DIEU, ELLE EST UN DON DE DIEU.

Si le livre de la Sagesse, donc (dans notre lecture d’aujourd’hui), neuf cents ans plus tard, rappelle cette histoire, ce n’est pas pour donner un cours d’histoire sur Salomon, c’est qu’il a quelque chose de très important à dire à ses contemporains ; il y consacre plusieurs chapitres ; quand il cite Salomon disant « J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi », il y a certainement là une pointe contre les grands de ce monde : tous les politiques de tous les temps ont toujours un peu tendance à croire qu’ils ont la sagesse innée... et même qu’ils en ont le monopole ! Ce texte vient leur dire : dites-vous bien que même chez les rois, la sagesse n’est pas congénitale... Il faut la demander humblement dans la prière. Même le grand roi Salomon, réputé pour sa sagesse, savait bien qu’il la tenait de Dieu et il avait eu cette humilité de la demander.

On peut aller plus loin : plus qu’une pointe contre l’orgueil des politiques, il y a une véritable révélation ; ici, une fois de plus, on voit à quel point la Bible à la fois ressemble aux littératures voisines et en même temps s’en démarque absolument : et c’est dans cet écart que réside la Révélation ; dans les autres peuples, et en Égypte en particulier, selon une croyance bien établie, le roi était un être d’exception, doté par sa naissance d’une sagesse divine. (Évidemment, tous les rituels de cour faisaient tout pour étayer cette croyance !)

La Bible, au contraire, met en scène ici un roi fort célèbre, dont personne ne conteste la grandeur, les succès, la richesse et qui, de lui-même, reconnaît qu’il n’est qu’un homme tout simplement ; dans le chapitre suivant de ce même livre de la Sagesse, Salomon s’explique : « J’étais certes, un enfant bien né... mais pourtant, je savais que je n’obtiendrais pas la sagesse autrement que par un don de Dieu » (Sg 8,21). Et ce même roi Salomon précise : « Je suis moi aussi un homme mortel, égal à tous, descendant du premier qui fut modelé de la terre. Dans le ventre d’une mère j’ai été sculpté en chair... Moi aussi, dès ma naissance, j’ai aspiré l’air qui nous est commun, et je suis tombé sur la terre où l’on souffre pareillement : comme pour tous, mon premier cri fut des pleurs. J’ai été élevé dans les langes, au milieu des soucis. Aucun roi n’a débuté autrement dans l’existence. Pour tous, il n’y a qu’une façon d’entrer dans la vie comme d’en sortir. » (7,1-6). Et il continue « C’est pourquoi j’ai prié et l’intelligence m’a été donnée... » et la suite constitue notre texte d’aujourd’hui.

Donc première leçon de ce texte, les rois sont de simples mortels, ils ne diffèrent en rien des autres hommes. Dieu seul est Dieu, le roi n’est ni dieu, ni demi-dieu. Et deuxième leçon : toute Sagesse vient de Dieu, elle est un don de Dieu. Personne, sur la terre, ne peut prétendre posséder la Sagesse par lui-même. Le livre de la Sagesse va encore plus loin, et c’est déjà contenu implicitement dans ce que nous avons lu aujourd’hui : dans les versets qui suivent, il affirme que ce trésor de la Sagesse, accessible aux rois qui ne sont que des hommes comme les autres, peut tout aussi bien être donné à tous les simples mortels ; il suffit de le demander dans la prière. Comme dit encore la fin de ce même chapitre : « Au long des âges, elle passe dans les âmes saintes pour former des amis de Dieu et des prophètes. » (Sg 7,27).

Ce qui revient à dire que l'humanité tout entière a vocation à partager la sagesse de Salomon.
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Complément

À propos de la sagesse du roi Salomon : si tant de propos et même de livres sur la véritable sagesse lui sont attribués, c’est parce qu’il est un exemple de ce que l’homme peut être de meilleur ou de pire selon qu’il se laisse ou non guider par la sagesse de Dieu. Car sa vie peut se découper en trois étapes : après une première période peu glorieuse avant son accession au trône (sur lequel il n’est monté que grâce à des intrigues et à des meurtres de ses frères aînés), il a effectivement fait preuve dans une deuxième période d’une grande sagesse. Mais, l’âge venant, et ce fut la troisième phase, il se laissa dominer par le goût de la grandeur et du pouvoir et l’influence païenne de ses femmes.
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PSAUME  89 (90), 12-13, 14-15, 16-17

 

12 Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
     que nos cœurs pénètrent la sagesse.
13 Reviens, SEIGNEUR, pourquoi tarder ?
     Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

14 Rassasie-nous de ton amour au matin,
     que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
15 Rends-nous en joies tes jours de châtiment
     et les années où nous connaissions le malheur.

16 Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils.
17 Que vienne sur nous la douceur du SEIGNEUR notre Dieu !
     Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains ;
     oui, consolide l'ouvrage de nos mains.
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« APPRENDS-NOUS LA VRAIE MESURE DE NOS JOURS »

Nous sommes très probablement dans le cadre d'une cérémonie pénitentielle au temple de Jérusalem, après l'Exil à Babylone : la prière « Reviens, SEIGNEUR, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs » est une formule typique d’une liturgie pénitentielle. D’ailleurs la phrase qui a été traduite par « pourquoi tarder ? », dit littéralement, en hébreu, « jusques à quand ? », sous-entendu « en ce moment, nous sommes malheureux, nous sommes punis pour nos fautes ; pardonne-nous et lève la punition ». Deuxième indice qui va dans le même sens : le verset « Rends-nous en joies tes jours de châtiment et les années où nous connaissions le malheur. » Ces jours de châtiment, ces années de malheur, ce sont dans le langage biblique les cinquante années de l’Exil à Babylone. Car celui-ci a toujours été lu comme un châtiment pour tous les manquements d’Israël à l’Alliance.

Ce psaume est donc une prière pour demander la conversion : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs pénètrent la sagesse ». La conversion, ce serait de vivre selon la sagesse de Dieu, de connaître enfin « la vraie mesure de nos jours » ; ce n’est pas un hasard si ce psaume nous est offert en écho à la première lecture de ce dimanche : laquelle est un passage du livre de la Sagesse et voici que le psaume vient nous donner une définition superbe de la sagesse : c’est tout simplement la vraie mesure de nos jours.

Ici, le psalmiste nous donne à méditer l’opposition entre Adam et Salomon : tous deux avaient été créés pour être rois ; le livre de la Genèse nous dit qu’Adam avait vocation à dominer la création ; quant à Salomon, il était destiné à gouverner le peuple de Dieu. Mais l’un s’est enflé d’orgueil, alors que Salomon n’a pas perdu de vue qu’il n’était qu’une créature. Les croyants savent que Dieu seul connaît le bien et le mal ; et l’orgueil d’Adam dans le jardin de la Genèse a été justement de prétendre acquérir par lui-même cette connaissance. « Vous serez comme des dieux, si vous mangez du fruit de l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux », avait promis le serpent.

Salomon, au contraire, savait que la sagesse n’est pas naturelle à l’homme, et il avait prié pour l’obtenir. Le livre de la Sagesse nous rapporte cette prière de Salomon : « Dieu des pères et Seigneur de miséricorde, toi qui, par ta parole, as fait les univers, toi qui, par ta Sagesse, as formé l’homme (sous-entendu Adam, l’humanité) afin qu’il domine sur les créatures appelées par toi à l’existence, pour qu’il gouverne le monde avec piété et justice et rende ses jugements avec droiture d’âme, donne-moi la Sagesse qui partage ton trône et ne m’exclus pas du nombre de tes enfants. Vois, je suis ton serviteur et le fils de ta servante, un homme faible et dont la vie est brève, bien démuni dans l’intelligence du droit et des lois. Du reste, quelqu’un fût-il parfait parmi les fils des hommes, sans la Sagesse qui vient de toi, il sera compté pour rien. » (Sg 9,1-6).

« FAIS CONNAÎTRE TON ŒUVRE À TES SERVITEURS, ET TA SPLENDEUR À TES FILS ».

Voilà quelqu’un qui connaissait la vraie mesure de ses jours ! Quelqu’un qui avait su reconnaître l’œuvre de Dieu, sa splendeur... « Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs, et ta splendeur à tes fils ». Et c’est le secret de son bonheur. La vraie sagesse, c’est d’être à notre place, toute petite devant Dieu ; face à lui, nous, nous ne sommes rien... rien qu’un peu de poussière dans sa main. Et c’est quand l’homme se reconnaît pour ce qu’il est, qu’il peut être heureux, qu’il peut être rassasié de l’amour de Dieu chaque matin, qu’il peut passer sa vie dans la joie et les chants. « Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. » Car, dans la Bible, la conscience de la petitesse de l’homme n’est jamais humiliante puisqu’on est dans la main de Dieu : c’est une petitesse confiante, filiale, sûre de l’amour du Père. Un autre verset de ce même psaume nous fait demander : « Que vienne sur nous la douceur du SEIGNEUR notre Dieu. »

Le psalmiste qui a composé cette prière au retour de l’Exil a dédié son psaume à Moïse. Si vous vous reportez à votre Bible, vous verrez que le verset 1 précise : « Prière de Moïse, l’homme de Dieu ». Effectivement, on imagine bien que Moïse a eu de nombreuses occasions de méditer sur le manque de sagesse de ce peuple qu’il conduisait sur la route du Sinaï. Un jour, découragé, il a dit « Depuis le jour où vous êtes sortis d’Égypte, jusqu’à votre arrivée ici (c’est-à-dire aux portes de la Terre Promise), vous n’avez pas cessé d’être en révolte contre le SEIGNEUR. » (Dt 9,7). Et on sait bien que le récit de la faute d’Adam au Paradis terrestre s’est justement inspiré de l’expérience du désert et de la tentation toujours renaissante d’oublier la grandeur de Dieu et la vraie mesure de notre petitesse.

La dernière phrase du psaume est superbe « Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains » : il s’agit peut-être de l’œuvre entreprise avec tant de difficultés au retour de l’Exil, c’est-à-dire la reconstruction du temple de Jérusalem, au milieu d’oppositions de toute sorte. Mais, plus généralement, elle dit bien l’œuvre commune de Dieu et de l’homme : l’homme agit véritablement, il œuvre dans la création, et c’est Dieu qui donne à l’œuvre humaine sa solidité, son efficacité.

À l’inverse, la conséquence du péché d’Adam, c’était un labeur ingrat et pénible... Mais alors, nous pouvons nous poser une question : chaque fois que nos efforts pour faire avancer le Royaume nous paraissent trop pénibles, est-ce que ce ne serait pas tout simplement que nous avons oublié « la vraie mesure de nos jours », comme dit le psaume, c’est-à-dire que nous avons oublié de remettre notre petitesse dans la main de Dieu ?
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LECTURE DE LA LETTRE AUX HÉBREUX   4,12-13

 

     Frères,
12 Elle est vivante, la parole de Dieu,
     énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ;
     elle va jusqu’au point de partage de l'âme et de l’esprit,
     des jointures et des moelles ;
     elle juge des intentions et des pensées du cœur.
      Pas une créature n'échappe à ses yeux,
13 tout est nu devant elle, soumis à son regard ;
     nous aurons à lui rendre des comptes.
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CONFIANCE : ELLE EST VIVANTE, LA PAROLE DE DIEU

Nul n’est prophète en son pays : c’est bien connu. Pourquoi ? Parce qu’un prophète, inévitablement, dérange. Il est vrai que la Parole de Dieu dérange parfois, parce qu’elle nous invite à nous convertir. Vous connaissez l’histoire de Jérémie qui a passé sa vie à essayer d’ouvrir les yeux de ses contemporains, sans beaucoup de succès apparemment. Un jour il décida de mettre par écrit toutes les paroles que le Seigneur lui avait dites depuis bien des années, dans l’espoir que l’accumulation des mises en garde réveillerait la conscience du roi et du peuple (Jr 36). Il fit donc venir son secrétaire Baruch et lui dicta tous les oracles qu’il avait reçus de Dieu pour qu’il les écrive sur un rouleau. Après quoi, Baruch se rendit au temple de Jérusalem, un jour de fête, au moment de la prière, et fit la lecture intégrale du rouleau des paroles de Jérémie à tous les fidèles.

Il lui fallut sûrement du courage, mais il était plein d’espoir ; Jérémie avait dit « Il se pourrait que les gens t’écoutent, que leur supplication jaillisse devant le SEIGNEUR et que chacun se convertisse de sa mauvaise conduite... » (Jr 36,7). Or le fils d’un des ministres du roi Yoyaqîm assistait à cette lecture ; le cœur tout remué, il se précipita au palais en plein conseil des ministres ; ceux-ci, impressionnés par ce qu’on leur rapportait, demandèrent à Baruch de venir leur faire la lecture de ce fameux rouleau au palais, en dehors de la présence du roi.

Puis, quand ils l’eurent entendu, ils eurent eux aussi à leur tour le cœur tout remué ; mais ils avaient bien conscience que ce genre de vérités ne plairaient pas au roi ; alors ils conseillèrent à Baruch et à Jérémie de se cacher et ils se chargèrent eux-mêmes de faire la lecture au roi.

On était en hiver et le roi se chauffait près d’un feu. Malgré toutes les tentatives de ses ministres pour l’arrêter, le roi imperturbablement brûla les unes après les autres toutes les colonnes du rouleau de Baruch. Il venait de laisser passer la chance qui lui était offerte de se convertir ; alors que le peuple et les ministres, eux, étaient prêts à écouter, ils avaient « l’oreille ouverte » comme on dit. Or, en refusant d’écouter, le roi venait en même temps de faire son malheur et celui de son peuple. Car les paroles de Jérémie, contenues dans ce fameux rouleau de Baruch, n’avaient pas d’autre but que de faire prendre conscience au roi et au peuple qu’ils étaient en train d’accumuler des malheurs sur leur tête.

C’EST PAR SA PAROLE QUE DIEU FAIT GRANDIR PEU À PEU L’HUMANITÉ EN MARCHE VERS SA PLÉNITUDE

C’est dans ce sens-là que la lettre aux Hébreux compare la parole de Dieu à un glaive : c’est par sa Parole que Dieu a créé l’univers et l’humanité ; c’est aussi par sa Parole qu’il fait grandir peu à peu cette humanité en marche vers sa plénitude ; c’est par sa Parole qu’il l’appelle sans cesse vers plus de liberté, plus de responsabilité. La Parole créatrice était comme un glaive pour séparer la lumière des ténèbres (Gn 1,3) ; la Parole libératrice est comme un glaive pour trancher dans nos vies tout ce qui nous emprisonne. Le bistouri du chirurgien est bien obligé de trancher dans le vif pour nous guérir parfois, pour extraire la tumeur mortelle.

Dans le même sens le livre du Deutéronome disait : « Il ne s’agit pas d’une parole sans importance pour vous ; cette parole, c’est votre vie. » (Dt 32,47). Et encore : « La Parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique. Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes... Si tu n’écoutes pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd’hui : vous disparaîtrez totalement... Tu choisiras la vie, pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le SEIGNEUR ton Dieu, en écoutant sa voix, et en t’attachant à lui. » (Dt 30,14-20).

Tout au long de l’histoire d’Israël, la parole des prophètes a été ce bistouri engagé dans la lutte pour la vie : les tumeurs qui rongeaient Israël, comme elles rongent encore toute l’humanité, s’appelaient idolâtrie, injustice, recherche de l’argent ou du pouvoir ; quand le livre du Deutéronome nous commande d’aimer Dieu, cela veut dire « ne servez pas des idoles, vous feriez votre malheur », et tous les commandements vont dans le même sens : il s’agit toujours d’un combat pour la vie, une lutte continuelle pour libérer l’humanité de toutes ses fausses routes.

Il est frappant de remarquer que chaque fois que la parole de Dieu est présentée comme une parole tranchante, c’est toujours dans le but de sauver le peuple, de le libérer. Par exemple, chez le prophète Osée : « J’ai frappé (mon peuple) par les prophètes, je les ai massacrés par les paroles de ma bouche, et mon jugement jaillit comme la lumière. Car c’est l’amour qui me plaît, non le sacrifice, et la connaissance de Dieu, je la préfère aux holocaustes. » (Os 6,5-6). Et Isaïe, parlant du Messie : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de vaillance, esprit de crainte et de connaissance du SEIGNEUR et il lui inspirera la crainte du SEIGNEUR. Il ne jugera pas d’après ce que voient ses yeux, il ne se prononcera pas d’après ce qu’entendent ses oreilles. Il jugera les faibles avec justice, il se prononcera dans l’équité envers les pauvres du pays. De sa parole, comme d’un bâton, il frappera le pays, du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant (c’est-à-dire supprimera la méchanceté) » (Is 11,1-4).

Jésus, qui est cette Parole faite chair, accomplit cette prophétie en lui donnant tout son sens : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui. » Et il reprend l’image de la Parole de Dieu qui sépare la lumière et les ténèbres : « La lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises. En effet, quiconque fait le mal hait la lumière et refuse de venir à la lumière de crainte que ses œuvres ne soient démasquées. Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses œuvres soient manifestées, elles qui avaient été accomplies en Dieu. » (Jn 3,17... 21).
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC    10,17-30

 

     En ce temps-là,
17 Jésus se mettait en route   
     quand un homme accourut
     et, tombant à ses genoux, lui demanda :
     « Bon Maître, que dois-je faire
     pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
1  Jésus lui dit :
     « Pourquoi dire que je suis bon ?
     Personne n’est bon, sinon Dieu seul.
19 Tu connais les commandements :
     Ne commets pas de meurtre,
     ne commets pas d’adultère,
     ne commets pas de vol,
     ne porte pas de faux témoignage, 
     ne fais de tort à personne, 
     honore ton père et ta mère. »
20 L’homme répondit :         
     « Maître, tout cela, je l’ai observé
     depuis ma jeunesse. »
21 Jésus posa son regard sur lui,       
     et il l’aima.
     Il lui dit :   
     « Une seule chose te manque :     
     va, vends ce que tu as,      
     et donne-le aux pauvres ; 
     alors tu auras un trésor au ciel.     
     Puis viens, suis-moi. »
22 Mais lui, à ces mots, devint sombre         
     et s’en alla tout triste,       
     car il avait de grands biens.
23 Alors Jésus regarda autour de lui
     et dit à ses disciples :        
     « Comme il sera difficile  
     à ceux qui possèdent des richesses           
     d’entrer dans le royaume de Dieu ! »
24 Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles.    
     Jésus reprenant la parole leur dit :
     « Mes enfants, comme il est difficile      
     d’entrer dans le royaume de Dieu !
25 Il est plus facile à un chameau     
     de passer par le trou d’une aiguille          
     qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
26 De plus en plus déconcertés,        
     les disciples se demandaient entre eux :  
     « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
27 Jésus les regarde et dit :    
     « Pour les hommes, c’est impossible,      
     mais pas pour Dieu ;         
     car tout est possible à Dieu. »
28 Pierre se mit à dire à Jésus :         
     « Voici que nous avons tout quitté          
     pour te suivre. »
29 Jésus déclara :       
     « Amen, je vous le dis :    
     nul n’aura quitté,  
     à cause de moi et de l’Évangile,   
     une maison, des frères, des sœurs,           
     une mère, un père, des enfants     
     ou une terre,
30 sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple :           
     maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres,  
     avec des persécutions,      
     et, dans le monde à venir, 
     la vie éternelle. »
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DE LA QUESTION « QUE FAUT-IL FAIRE ? »

La question posée à Jésus est pleine de bonne volonté : « Que dois-je faire... pour avoir en héritage ? » et Jésus, dans un premier temps, répond sur le même registre : pour avoir droit à la vie éternelle, voici ce qu’il faut faire : observer les commandements : « Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. »

Et l’homme lui répond « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » Il attend sans doute le brevet de bonne conduite, qu’il mérite d’ailleurs, si réellement il pratique tous ces commandements depuis sa jeunesse, comme il dit. Mais Jésus n’est pas un maître de doctrine : il ne se contente pas de dire ce qu’il faut faire pour être en règle ; les commandements sont une étape, ils ne sont qu’une étape. Cet homme vient de croiser la chance de sa vie : Jésus l’aime et l’appelle à le suivre. En disant cela, Jésus lui révèle que la vie éternelle n’est pas une récompense pour demain, elle est la vie avec lui, tout de suite et pour toujours. Le projet de Dieu de tout réunir en Christ, cet homme est invité à y participer, l’un des premiers.

Mais cette proposition de Jésus met le doigt sur ce qui est la faille de l’existence de cet homme : pour suivre Jésus et s’intégrer au groupe de ses disciples, encore faudrait-il être libre : « Une seule chose te manque, va, vends tout ce que tu as » ; il vient de comprendre que ses richesses le tiennent, comme s’il était ficelé, qu’il est dépendant comme un drogué. Il s’en va tout triste, et sa tristesse résonne comme un aveu. Jésus ne peut que constater : « Il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu » ; lui qui n’a pas une pierre pour reposer sa tête doit admettre que les hommes préfèrent leurs comptes en banque à l’amour qu’il leur propose.

Pendant ce temps, Marc nous dit bien que les disciples sont déconcertés, stupéfaits : eux non plus ne sont pas sur la même longueur d’onde que Jésus ; traditionnellement, les richesses étaient considérées comme un cadeau de Dieu. Mais Jésus insiste : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». Cette image nous surprend toujours ; mais Jésus n’est ni le premier ni le seul à l’avoir employée pour exprimer une quasi-impossibilité ; par exemple un dicton juif de la même époque que les évangiles (transcrit plus tard dans le Talmud de Babylone) parlait d’un éléphant passant par le trou d’une aiguille.

 Cette image doit rester choquante, Jésus l’a voulue ainsi pour nous alerter : « il est vraiment très difficile pour ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu. » Peut-être parce que, trop souvent, ce sont nos richesses qui nous possèdent. Peut-être aussi parce qu’elles sont ce que nous n’avons pas partagé avec plus pauvre que nous ; et même si cette radicalité de l’évangile nous déplaît, nous ne pouvons pas la gommer... Peut-être enfin parce que nos richesses nous apprennent à nous suffire par nous-mêmes et ne nous enseignent pas à être dans la position de celui qui reçoit.

À L’ACCUEIL HUMBLE DU SALUT DE DIEU

Tout cela devient incompréhensible pour les disciples : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » La réponse de Jésus ne les a peut-être pas rassurés tout de suite ! « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » Ici, le propos du Christ n’est pas de décourager quiconque ; il vise seulement une prise de conscience et il met les choses à leur place. À Dieu, tout est possible, Dieu a tous les moyens de nous sauver. Lui seul peut et veut nous libérer.

La tristesse du riche est de bon augure : il est en train de prendre conscience. Quand il cessera de vouloir « faire » pour « avoir » au sens de gagner son salut, il pourra enfin accueillir le salut que Dieu lui donnera. Jésus lui a répondu sur le registre où il s’était lui-même placé : le registre du « faire soi-même son salut ». Et sur ce registre-là, l’homme riche n’a pas pu suivre, mais, heureusement, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

Jésus nous propose un renversement de perspective : le salut ne se mérite pas : il se reçoit à genoux dans l’action de grâce. Mais pour cela il faut être libre, il faut savoir quitter tout ce qui nous entrave.

Les disciples, eux aussi, étaient dans la logique du mérite : « Nous qui avons tout quitté » (sous-entendu nous avons bien mérité quelque chose). En fait de récompense, il leur annonce seulement la persécution ; il les met en garde : « Ne vous attendez pas à être applaudis ». Mais surtout, il leur promet bien plus qu’ils n’auront jamais sacrifié : le centuple de tout. Il leur promet également la vie éternelle, mais comme un don, non pas comme une récompense.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 10 10 2021, 28e dimanche du temps ordinaire

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27 septembre 2021 1 27 /09 /septembre /2021 17:26
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 2 octobre 2021).

LECTURE DU LIVRE DE LA GENÈSE 2,18-24

18 Le SEIGNEUR Dieu dit :
     « Il n'est pas bon que l'homme soit seul.
     Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. »
19 Avec de la terre, le SEIGNEUR Dieu modela
     toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel,
     et il les amena vers l'homme
     pour voir quels noms il leur donnerait.
     C'étaient des êtres vivants,
     et l'homme donna un nom à chacun.
20  L'homme donna donc leurs noms
     à tous les animaux,
     aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs.
     Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde.
21  Alors le SEIGNEUR Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux,
     et l'homme s'endormit.
     Le SEIGNEUR Dieu prit une de ses côtes,
     puis il referma la chair à sa place.
22  Avec la côte qu'il avait prise à l'homme,
     il façonna une femme
     et il l'amena vers l'homme.
23  L'homme dit alors :
     « Cette fois-ci, voilà l'os de mes os
     et la chair de ma chair !
     On l'appellera : femme - Ishsha -,
     elle qui fut tirée de l’homme - Ish. »
24  À cause de cela,
     l'homme quittera son père et sa mère,
     il s'attachera à sa femme,
     et tous deux ne feront plus qu'un.
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RÉFLEXION SUR LE PROJET DE DIEU

« Au commencement, lorsque le SEIGNEUR Dieu fit la terre et le ciel » : cette formule au passé risque de nous tromper ; et c’est peut-être la seule difficulté de ce texte, le piège dans lequel il ne faut pas tomber. Le piège serait de croire que nous sommes en face d’un film pris sur le vif.

Bien évidemment, cette façon de lire ne résiste pas à la réflexion ; d’abord, nous ne sommes pas assez naïfs pour croire qu’un journaliste assistait à l’œuvre de Dieu au premier jour ; d’autre part, nous savons bien que la première condition pour une bonne lecture consiste à savoir distinguer les genres littéraires.

Nous sommes ici, dans les premiers chapitres de la Genèse, en face d’un écrit qu’on appelle de « sagesse », c’est-à-dire non pas d’histoire mais de réflexion : au dixième siècle avant Jésus-Christ, probablement, à la cour du roi Salomon, un théologien était assailli de questions : « Pourquoi la mort ? Pourquoi la souffrance ? Et pourquoi les difficultés des couples ? Et tous les pourquoi de notre vie, auxquels nous nous heurtons si souvent... Pour répondre, il a raconté une histoire comme Jésus racontait des paraboles. L’auteur n’est pas un scientifique, c’est un croyant : il ne prétend pas nous dire le quand et le comment de la Création ; il dit le sens, le projet de Dieu. En particulier, l’histoire ou la parabole qui nous occupe aujourd’hui cherche à bien situer la relation conjugale dans le plan de Dieu. Comme toute histoire, comme aussi les paraboles de Jésus, cette histoire de notre théologien du dixième siècle emploie des images : le jardin, le sommeil, la côte ; sous ces images se devine un message : un message qui concerne tous les hommes et toutes les femmes de tous les temps ; il parle de l’homme et de la femme en général et non pas d’un hypothétique premier couple de l’humanité : en hébreu, l’auteur emploie l’expression « le Adam » qui veut dire « le terreux », le « poussiéreux » ; contrairement à ce que nous pourrions croire, ce n’est pas un prénom.

Le message de ce texte tient en quatre points :

Premièrement, la femme fait partie de la Création dès l’origine ; cela ne fait de doute pour aucun d’entre nous, aujourd’hui, mais à l’époque, c’était original. En Mésopotamie, par exemple, (la patrie d’Abraham), où on réfléchit tout autant sur la Création et où on se forge aussi des explications à travers des récits tout aussi grandioses et poétiques, on prétendait que la femme n’a pas été créée dès le début, et que l’homme s’en passait très bien. La Bible, au contraire, affirme qu’elle a été créée dès l’origine du monde et surtout qu’elle est un cadeau de Dieu : sans elle l’homme ne peut pas être heureux et l’humanité ne serait pas complète.

Deuxième message : le projet de Dieu, c’est le bonheur de l’homme ; en Mésopotamie encore, il y a plusieurs dieux, tous rivaux entre eux, et quand ils se décident à créer l’humanité, c’est parce qu’ils ont besoin d’esclaves. Alors que, dans la Bible, il n’y a qu’un seul Dieu, et quand il crée l’homme et le place dans le Paradis, ce jardin merveilleux est pour l’homme. Et l’expression « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » signifie que Dieu recherche le bonheur de l’homme. (Il faut entendre : ‘Ce n’est pas le bonheur pour l’homme d’être seul’).

Troisième message : c’est une affirmation très importante et très novatrice de la Bible : la sexualité est une chose belle et bonne, puisqu’elle fait partie du projet de Dieu ; elle est une donnée très importante du bonheur de l’homme et de la femme : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. »

L’IDÉAL DU DIALOGUE

Quatrième message : l’idéal proposé au couple humain n’est pas la domination de l’un sur l’autre, mais l’égalité dans le dialogue : et qui dit « dialogue » dit à la fois distance et intimité ; sur ce point, l’hébreu est plus suggestif que le français ; dans notre langue, les mots « homme » et « femme » ne sont pas de la même famille ; alors que, en hébreu, homme se dit « ish » et femme « ishshah » : ce sont deux mots très proches, de la même famille et pour autant pas identiques ; le mot « ishshah » qui désigne la femme est tout simplement le mot féminin dérivé de celui qui désigne l’homme. On se rappelle le moment où l’homme avait nommé les animaux : il avait donné un nom à chacun, mais jamais ce mot-là, jamais un nom dérivé de son nom à lui, parce qu’il sentait bien justement la distance, et le pouvoir que Dieu lui conférait sur les animaux ; mais devant la femme, son cri est d’émotion, de reconnaissance au vrai sens du terme : il la reconnaît comme sienne ; il a désormais un alter ego, un vis-à-vis.

Et d’ailleurs quand Dieu dit son projet, la Bible dit « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je vais lui faire une aide qui lui correspondra » : on devrait traduire littéralement « comme son vis-à-vis ».

Mais si l’homme reconnaît que la femme est sa plus proche, il n’y est pourtant pour rien, il la reçoit de Dieu comme un cadeau : la délicatesse du texte est extraordinaire ici : « Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit », lisons-nous. C’est Dieu qui agit, l’homme dort. On retrouve la même image de sommeil, dans un autre moment très important de l’histoire de l’humanité : lorsque Dieu fait alliance avec Abraham, la Bible emploie le même mot traduit ici par « sommeil mystérieux » et que la Bible grecque traduit par « extase » ; manière très humble de dire que l’action de Dieu est tellement grande, tellement solennelle, qu’elle échappe à l’homme ; il ne peut pas en être témoin.

Enfin, l’image du sommeil évoque aussi, bien sûr, la nuit : quand l’homme se réveillera, une aube nouvelle aura commencé pour l’humanité, puisque la femme est née !
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PSAUME  127 (128)

 

1   Heureux qui craint le SEIGNEUR
     et marche selon ses voies !
2   Tu te nourriras du travail de tes mains :
     Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !   

3   Ta femme sera dans ta maison
     comme une vigne généreuse,
     et tes fils, autour de la table,
     comme des plants d'olivier.   

4   Voilà comment sera béni l'homme qui craint le SEIGNEUR.
5   De Sion, que le SEIGNEUR te bénisse !
     Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie,
6   et tu verras les fils de tes fils. Paix sur Israël.

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EN MARCHE VERS JÉRUSALEM

Dans la Bible, ce psaume porte en sous-titre l’inscription « Cantique des montées » : quinze psaumes, les numéros 119/120 à 133/134 dans la Bible portent cette même inscription ; ce qui veut dire qu’ils ont été composés pour être chantés non pas dans le Temple de Jérusalem, pendant l’une des innombrables cérémonies de la fête des Tentes qui durait huit jours à l’automne, mais au cours même du pèlerinage, pour accompagner la marche des pèlerins en route vers Jérusalem. Quand on connaît la route de Jéricho à Jérusalem, on comprend bien que le mot « montée » soit devenu synonyme de pèlerinage. On en a une trace chez Isaïe : « Il arrivera dans l’avenir... que des peuples nombreux se mettront en marche et diront : venez, montons à la montagne du Seigneur. » (Is 2,3).

Pour ce qui est de notre psaume 127/128, vu son contenu, on peut penser qu’il était chanté à la fin du pèlerinage, sur les dernières marches du grand escalier du Temple. Voici la structure qu’on peut y déceler : il se présente comme un dialogue entre les prêtres et les pèlerins ; dans la première partie, les prêtres, à l’entrée du Temple, accueillent les pèlerins et leur font une dernière catéchèse : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR et marche selon ses voies ! Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! À toi le bonheur ! Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils autour de la table comme des plants d’olivier ». Puis, deuxième partie, la réponse : une chorale ou bien l’ensemble des pèlerins répond : « Oui, voilà comment sera béni l’homme qui craint le SEIGNEUR ».

Troisième partie, les prêtres reprennent la parole et prononcent la formule liturgique de bénédiction : « De Sion, que le SEIGNEUR te bénisse ! Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie, et tu verras les fils de tes fils ».

L’objet de la bénédiction peut nous sembler bien terre-à-terre ; mais pourtant l’insistance de toute la Bible sur le bonheur et la réussite devraient nous rassurer. Notre soif de bonheur bien humain, notre souhait de réussite familiale rejoignent le projet de Dieu sur nous... Dieu nous a créés pour le bonheur et pour rien d’autre. RÉJOUISSONS-NOUS !

Et le mot « HEUREUX » revient très souvent dans la Bible ; il revient si souvent, même, qu’on pourrait lui reprocher d’être bien loin de nos réalités concrètes ; ne risque-t-il pas de paraître ironique face à tant d’échecs humains et de malheurs dont nous voyons le spectacle tous les jours ?

En réalité, ce mot ne prétend pas être un constat un peu facile, comme si, automatiquement, les hommes droits et justes étaient assurés d’être heureux... Nous voyons tous les jours le contraire. En fait, le mot « Heureux » est un encouragement ; André CHOURAQUI, dont la traduction est toujours très proche du texte hébreu, traduit le mot « Heureux » par « En marche »... sous-entendu « vous êtes sur la bonne voie, courage ! »

C’est tout le sens des Béatitudes, aussi bien dans le discours de Jésus sur la Montagne, que dans toutes les Béatitudes qu’on rencontre dans l’Ancien Testament. Par exemple, « Heureux les affamés et assoiffés de justice... Heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants... Heureux l’homme qui s’applique à la Sagesse... Heureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur... »  Toutes ces affirmations sont en fait des encouragements : quelque chose comme : vous avez choisi la bonne route, avancez.

Notre psaume d’aujourd’hui dit exactement cela : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR et marche selon ses voies » : celui qui marche sur les voies de Dieu, il a, bien sûr, choisi le bon chemin ; pas étonnant qu’on lui dise « Heureux es-tu, tu as choisi la bonne route, continue, en marche ! » ; ce qui nous surprend plus, dans ce verset, c’est le mot « crainte ». « Crainte » et « bonheur » sont-ils compatibles ?

C’est le parallélisme entre les deux lignes de ce verset qui peut nous éclairer : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR et marche selon ses voies » : comme souvent, le mot « et » doit être remplacé par « c’est-à-dire » ; autrement dit, « craindre le SEIGNEUR », c’est « marcher selon ses voies ». Ce qui veut dire que la crainte de Dieu comporte une dimension d’obéissance à sa volonté ; mais, attention, ce n’est pas par peur des représailles ! Le croyant sait qu’avec le Dieu d’amour, il ne peut pas être question de représailles.

André CHOURAQUI, encore, traduit ce verset de la manière suivante : « En marche, toi qui es tout frémissant de Dieu ». C’est le frémissement de l’émotion et non pas de la peur.

EN MARCHE, TOI QUI ES TOUT FRÉMISSANT DE DIEU

L’homme biblique a mis longtemps à découvrir que Dieu est amour ; mais dès lors qu’il a découvert un Dieu d’amour, il n’a plus peur. Le peuple d’Israël a eu ce privilège de découvrir à la  fois la grandeur du Dieu qui nous dépasse infiniment ET la proximité, la tendresse de ce même Dieu. Du coup, la « crainte de Dieu », au sens biblique, n’est plus la peur de l’homme primitif (parce qu’on ne peut pas avoir peur de Celui qui est la Bonté en personne, si j’ose dire) ; la « crainte de Dieu » est alors l’attitude du petit enfant qui voit en son père à la fois la force et la tendresse. Du coup, il lui fait confiance et n’a aucune réticence à le suivre sur ses chemins.

C’est encore un autre psaume qui compare la crainte de Dieu à la tendresse filiale : « Comme la tendresse du Père pour ses fils, ainsi est la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint. » (Ps 102/103,13). La crainte du Seigneur comporte ces deux aspects : tendresse et soumission parce que les deux sont synonymes de confiance.

Enfin, au passage, je remarque une formule qui révolte peut-être ceux qui, parmi nous, connaissent des problèmes dans leur travail : « Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! À toi le bonheur ! » Il faut croire que les problèmes de chômage n’existaient pas quand ce psaume a été composé !  Cela nous prouve au moins que la Bible a toujours eu un regard très positif sur le travail ; Dieu a confié la création à l’homme ; rappelez-vous Adam placé dans le Jardin d’Éden, pour qu’il le cultive et le garde ; formule imagée qui signifiait la confiance que Dieu fait à l’homme en lui donnant la responsabilité de la Création.
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LECTURE DE LA LETTRE AUX HÉBREUX 2, 9-11

 

      Frères,
9    Jésus, qui a été abaissé un peu au-dessous des anges,
     nous le voyons couronné de gloire et d'honneur
     à cause de sa Passion et de sa mort.
     Si donc il a fait l'expérience de la mort,
     c'est, par grâce de Dieu, au profit de tous.
10  Celui pour qui et par qui tout existe
     voulait conduire une multitude de fils jusqu'à la gloire ;
     c’est pourquoi il convenait qu'il mène à sa perfection,
     par des souffrances,
     celui qui est à l'origine de leur salut.
11  Car celui qui sanctifie
     et ceux qui sont sanctifiés
     doivent tous avoir même origine ;
     pour cette raison,
     Jésus n'a pas honte de les appeler ses frères.
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LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION

Ce texte est en quelque sorte un petit résumé du Credo chrétien : il dit trois choses : premièrement, Jésus est à la fois homme et Dieu ; deuxièmement, il est le sauveur, le Messie que nous attendions ; et troisièmement, c’est par sa mort sur la croix qu’il apporte le salut à l’humanité.

Je commence par le premier point : nous disons facilement que Jésus est à la fois homme et Dieu, en oubliant peut-être que c’était proprement impensable, scandaleux même pour les hommes de son temps. Il a fallu tout un travail de réflexion pour l’admettre et beaucoup d’inspiration de l’Esprit Saint certainement !

C’est bien pourtant le sens de la dernière phrase que nous venons de lire : « Jésus qui sanctifie et les hommes qui sont sanctifiés sont de la même race ». Dire « Jésus sanctifie » revient à dire qu’il est Dieu. Car, pour un homme de l’Ancien Testament, Dieu seul est saint, lui seul peut sanctifier ; les hommes, eux, sont sanctifiés par Dieu, ils ne peuvent évidemment pas se sanctifier eux-mêmes ni sanctifier les autres. Pour l’homme biblique, c’est une évidence qu’un abîme le sépare de Dieu.

Nous touchons là peut-être ce qui est la différence insurmontable entre les Juifs et les chrétiens.

C’est tout le mystère de l’Incarnation : Dieu est tellement proche de l’homme qu’il s’est fait homme lui-même en Jésus. « Jésus qui sanctifie et les hommes qui sont sanctifiés sont de la même race ». Jésus est à la fois Dieu qui sanctifie, et homme, de la même race que nous : la même sève coule dans nos veines. L’abîme entre Dieu et l’humanité est définitivement comblé ; c’est cela qu’on appelle le salut.

Désormais, un enfant des hommes est entré dans la gloire de Dieu ; à lui s’applique le fameux psaume 8 qui dit la grandeur de l’homme tel que Dieu l’a conçu : cet être que Dieu a placé « un peu au-dessous des anges », mais qui sera un jour « couronné de gloire et d’honneur » parce qu’il est fait pour régner sur toute la création, quand « toutes choses seront mises sous ses pieds », pour reprendre des expressions du psaume 8.

Voici quelques versets du psaume 8 : « Ô SEIGNEUR, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par tout l’univers !... Quand je vois tes cieux, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme pour que tu en prennes souci ? Tu l’as abaissé un peu au-dessous des anges (traduction de la Septante) : tu le couronnes de gloire et d’honneur ; tu le fais régner sur les œuvres de tes mains ; tu as mis sous ses pieds toutes choses. » Le croyant qui a composé ce psaume n’aurait pas su nommer Jésus de Nazareth, évidemment ; il relisait tout simplement le livre de la Genèse et s’émerveillait de la vocation de l’homme, appelé par Dieu à régner sur l’ensemble de la création. Vocation pas encore réalisée, loin s’en faut, et c’est pourquoi l’humanité attend son salut.

À l’époque du Christ, puisque l’humanité semblait définitivement incapable de réaliser cette vocation, on avait pris l’habitude d’appliquer ce psaume 8 au Messie ; c’est ce que fait l’auteur de la lettre aux Hébreux.

Et voilà le deuxième point : pour les chrétiens, Jésus est bien le Messie, le sauveur que nous attendions. Car il est celui qui fait entrer l’humanité dans cette gloire et cet honneur qui sont sa vocation.

Reste le troisième point : comment est-il ce Messie ? ce sauveur attendu ? c’est par sa mort sur la croix que Jésus apporte le salut à l’humanité. Là encore, nous devinons à travers ces lignes les difficultés des premiers chrétiens : comment comprendre le mystère de Jésus ? C’est pourtant l’une des très fortes insistances du Nouveau Testament dans son ensemble : non seulement, la croix du Christ est inséparable de sa gloire, mais plus encore le chemin de la gloire passe par la croix.

IL N’Y A PAS DE PLUS GRAND AMOUR…

Une fois de plus, nous sommes en plein dans le mystère du dessein de Dieu ; cette question résonne très souvent dans le Nouveau Testament : pourquoi fallait-il ? Pourquoi la croix ? Pourquoi la souffrance et la mort ? La réponse, les textes du Nouveau Testament la donnent chacun à leur manière, mais on peut l’exprimer de la manière suivante : l’humanité sera sauvée quand elle connaîtra pleinement son Dieu et pourra entrer en dialogue avec lui. Pour que l’humanité connaisse pleinement son Dieu, il faut qu’elle sache qu’il est amour. Et la plus grande preuve d’amour, c’est de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Alors oui, la révélation de Dieu passait par la croix.

Il restait encore une question à résoudre pour l’auteur de la lettre aux Hébreux : il s’adressait à d’anciens Juifs devenus chrétiens ; pour eux, une question restait sans réponse : vous dites que Jésus de Nazareth est le Messie, mais comment peut-il être le Messie, lui qui n’était pas prêtre ? Car au temps du Christ, puisqu’il n’y avait plus de roi, certains attendaient un Messie qui serait prêtre. Or, une chose est sûre, Jésus était un laïc. Dans ce contexte, l’auteur de la lettre aux Hébreux a un objectif bien précis : démontrer que Jésus est prêtre à sa manière, et qu’il l’est même de la seule manière valable !

Jésus peut-il être considéré comme grand prêtre ? Il n’a jamais été ordonné prêtre, que l’on sache, il n’a jamais été « mené à sa perfection », comme on disait à l’époque. Évidemment, l’expression « mener à la perfection » nous surprend ; le Christ n’était-il donc pas parfait ? En réalité, c’est un terme technique de la consécration du grand prêtre, il veut dire « introniser comme grand prêtre ».

Vous dites que Jésus n’a pas été ordonné prêtre ? Si, répond l’auteur de la lettre aux Hébreux, c’est sa mort sur la croix qui a été son intronisation comme prêtre.

La « perfection » du Christ, c’est-à-dire son intronisation comme grand prêtre, ce n’est pas la souffrance de la passion et de la croix pour elle-même, c’est son amour universel qui lui fait partager la condition de tout homme jusqu’à la souffrance et la mort. La croix ne sépare pas le Christ des autres hommes, au contraire, elle traduit sa parfaite solidarité avec eux.

Nous pouvons bien rendre grâce, nous dit l’auteur : « Si donc il a fait l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, pour le salut de tous ».
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 10,2-16

 

      En ce temps-là,
2    des pharisiens abordèrent Jésus
      Et, pour le mettre à l'épreuve, ils lui demandaient :
     « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
3    Jésus leur répondit :
     « Que vous a prescrit Moïse ? »
4    Ils lui dirent :
     « Moïse a permis de renvoyer sa femme
     à condition d'établir un acte de répudiation. »
5    Jésus répliqua :
     « C'est en raison de la dureté de vos cœurs
     qu'il a formulé pour vous cette règle.
6    Mais, au commencement de la création,
     Dieu les fit homme et femme.
7    À cause de cela,
     l'homme quittera son père et sa mère,
8    il s'attachera à sa femme,
     et tous deux deviendront une seule chair.
     Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
9    Donc, ce que Dieu a uni,
     que l'homme ne le sépare pas ! »
10  De retour à la maison,
     les disciples l'interrogeaient de nouveau sur cette question.
11  Il leur déclara :
     « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre
     devient adultère envers elle.
12  Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre,
     elle devient adultère. »
13  Des gens présentaient à Jésus des enfants
     pour qu’il pose la main sur eux ;
     mais les disciples les écartèrent vivement.
14  Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit :
     « Laissez les enfants venir à moi,
     ne les empêchez pas,
     car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
15  Amen, je vous le dis :
     celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu
     à la manière d'un enfant,
     n'y entrera pas. »
16  Il les embrassait
     et les bénissait en leur imposant les mains.
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« QUE DIT LA LOI ? » DEMANDENT LES HOMMES

 

Il faut croire que le divorce était déjà un sujet de conversation ! Il y avait ceux qu'on pourrait taxer de laxistes et puis il y avait les rigoristes. Les Pharisiens sont donc venus poser la question à Jésus : « Est-il permis à un homme de répudier sa femme ? » En quoi cette question peut-elle être malveillante ? Marc note que l’intention des Pharisiens est de mettre Jésus à l’épreuve.

On attendrait de Jésus une réponse par oui ou par non : c’est permis ou c’est défendu, ou encore c’est permis à certaines conditions. Mais, comme à son habitude, Jésus ne donne pas directement une réponse, il aide ses interlocuteurs à chercher eux-mêmes les éléments de réponse.

Pour commencer, il les renvoie à la loi de Moïse : « Que vous a prescrit Moïse ? » En fait Moïse n’a rien prescrit du tout sur ce chapitre ; les lois données au Sinaï ne parlent pas de divorce ; et pas une seule fois dans l’Ancien Testament, on ne trouve ce qu’on pourrait appeler un code du mariage définissant les conditions à respecter en cas de divorce. La seule chose qu’on peut trouver, et c’est cela que les Pharisiens ont en tête, c’est un passage du livre du Deutéronome qui reconnaît implicitement que le divorce existe puisqu’il interdit à un homme divorcé de reprendre ultérieurement son épouse.

La phrase précise sur laquelle les Pharisiens s’appuient, commence ainsi : « Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, puis trouvant en elle quelque chose qui lui fait honte, cesse de la regarder avec faveur, et qu’il rédige pour elle un acte de répudiation et le lui remet en la renvoyant de chez lui... » (Dt 24,1). Il n’y a ici ni prescription, ni permission, ni conditions du divorce, mais seulement le constat d’une situation existante.

Le divorce existait bel et bien et la coutume de l’acte de répudiation s’était établie. Peut-être est-il là le piège tendu par les Pharisiens ? On va voir si Jésus connaît vraiment bien la Loi.

« QUEL EST LE PROJET DE DIEU ? » DEMANDE JÉSUS

Mais Jésus est déjà parti bien plus loin : sa réponse, il la cherche sur un tout autre terrain ! Il se réfère au projet de Dieu : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. » Et le mot « commencement » dans la Bible ne veut pas dire un début chronologique, il veut dire plutôt le projet originel, non pas ce qui commence mais ce qui commande la suite, ce dont tout découle. Cette phrase « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme » fait partie du premier récit de création (Gn 1,27), un récit que tout le monde autour de lui connaissait par cœur. Jésus n’a cité qu’une petite partie d’un verset, mais tous ses interlocuteurs pouvaient compléter le verset entier : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa. » La vraie destinée du couple, c’est d’être l’image de Dieu. Et, aussitôt, Jésus ajoute une deuxième référence prise, celle-ci, dans le deuxième récit de création « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » (Gn 2,24). Bien sûr, si le couple humain est l’image de Dieu, il est indivisible, indissoluble. Jésus tire la conclusion logique : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas », c’est-à-dire « Ce que Dieu a conçu dans l’unité, que l’homme ne le sépare pas ».

On est là au cœur du mystère du projet de Dieu ; c’est autrement plus haut qu’une question de propriétaires, comme celle des Pharisiens : puis-je la répudier ? La femme est alors traitée comme un objet qu’on prend et qu’on peut tout aussi bien jeter. L’homme à l’image de Dieu est un homme libre qui quitte la sécurité du foyer paternel, pour venir se « greffer », s’attacher à sa femme pour fonder un nouveau foyer aussi solide que le précédent.

L’évangile de Matthieu rapporte que les disciples ont alors dit à Jésus « si c’est cela le mariage, ce n’est pas intéressant ! » Jésus les a emmenés au niveau du mystère et du projet de Dieu ; eux sont dans la réalité qui n’est pas toujours facile, sinon la question du divorce ne se poserait pas. Et c’est vrai que pour se hisser au niveau du mystère, il nous faut la grâce de Dieu. Ce n’est que par grâce de Dieu qu’on peut entrer dans le mystère de l’amour et de ses exigences. Livrés à nos seules forces, ce que Jésus appelle « la dureté de notre cœur », nous ne pouvons pas répondre à l’intention du créateur. Et c’est de cela que la Loi a bien été obligée de tenir compte. Quand Jésus dit aux Pharisiens « c’est en raison de la dureté de vos cœurs que Moïse a formulé cette règle », il nous fait comprendre que la Loi était une étape de la pédagogie de Dieu ; quand nous serons dans le royaume, nous ne connaîtrons qu’une loi, celle de l’amour.

La finale de ce passage d’évangile est très rafraîchissante après nos douloureuses questions d’adultes. Jésus nous invite à accueillir le Royaume de Dieu « à la manière d’un enfant » : les très jeunes enfants accueillent toujours très simplement l’amour qu’on leur témoigne.

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Compléments

-       N’oublions pas que le livre de la Genèse ici ne parle pas d’un homme particulier ou d’une femme particulière ; il parle de l’humanité en général dans laquelle hommes et femmes sont indissociables. L’expression que nous avons lue en première lecture disait la même chose : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », ne veut pas dire « Il n’est pas bon pour un homme de rester célibataire », mais que l’humanité n’est complète que dans sa dualité, hommes et femmes. Car c’est seulement dans cette relation de dialogue faite à la fois de distance et de profonde intimité que l’humanité réalise sa vocation d’être image de Dieu.

- Ce n'est pas un hasard si le Cantique des Cantiques, lorsqu'il veut révéler le mystère de l'intimité de Dieu prend pour exemple les élans, la tendresse et l'intimité d'un couple d'amoureux. Et, encore aujourd'hui, nos frères juifs lisent le Cantique des Cantiques au cours de la célébration de la Pâque qui est la célébration de l'Alliance entre Dieu et son peuple.

- Le Prophète Malachie avait déjà fait ce rapprochement entre la question du divorce et le texte de la Genèse sur l’intention du créateur : « Que personne ne soit traître envers la femme de sa jeunesse... Le SEIGNEUR n’a-t-il pas fait un être unique, chair animée d’un souffle de vie ? Et que cherche cet unique ? Une descendance accordée par Dieu... » (Ml 2,15). Malachie fonde donc l’exigence de l’indissolubilité du mariage sur les nécessités de la fécondité et de la famille. Là encore, ce n’était qu’une étape dans la pédagogie biblique ; Jésus va encore beaucoup plus loin : la vraie destinée du couple, c’est d’être l’image de Dieu.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 3 10 2021, 27e dimanche du temps ordinaire

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23 septembre 2021 4 23 /09 /septembre /2021 13:39
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 25 septembre 2021).

PREMIÈRE LECTURE - livre des Nombres 11, 25-29

 

En ces jours-là,
25 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée
pour parler avec Moïse.
Il prit une part de l'esprit qui reposait sur celui-ci,
et le mit sur les soixante-dix anciens.
Dès que l'esprit reposa sur eux, ils se mirent à prophétiser,
mais cela ne dura pas.
26 Or, deux hommes étaient restés dans le camp ;
l'un s'appelait Eldad, et l'autre Médad.
L'esprit reposa sur eux ;
Eux aussi avaient été choisis, mais ils ne s’étaient pas rendus à la Tente,
et c'est dans le camp qu'ils se mirent à prophétiser.
27 Un jeune homme courut annoncer à Moïse :
« Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! »
28 Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse,
prit la parole :
« Moïse, mon maître, arrête-les ! »
29 Mais Moïse lui dit :
« Serais-tu jaloux pour moi ?
Ah ! Si le SEIGNEUR pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes !
Si le SEIGNEUR pouvait mettre son esprit sur eux ! »
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LA CRISE DE DÉCOURAGEMENT DE MOÏSE

Nous sommes au chapitre 11 du livre des Nombres ; les dix premiers chapitres ont raconté l'organisation du peuple durant sa vie dans le désert du Sinaï ; ce chapitre 11 raconte deux choses : d'abord une crise énorme qui a secoué le peuple et puis la vague de découragement qui a bien failli submerger Moïse. La crise vient des difficultés de la vie au désert : on ne meurt pas de faim, puisque la manne tombe du ciel chaque matin ; mais on a vite fait d'oublier que cette manne est un cadeau du ciel, justement, et on trouve qu'elle manque d'originalité à la longue.

« Nous nous rappelons le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, les concombres, les pastèques, les poireaux, les oignons, l’ail. Tandis que, maintenant, notre vie s’étiole ; plus rien de tout cela ! Nous ne voyons plus que la manne » (Nb 11, 5-6).

C’est de là que vient le découragement de Moïse ; en entendant le peuple faire la fine bouche, il est tenté de tout laisser tomber. Comment pourrait-il entraîner un peuple aussi récalcitrant sur la route pleine d’embûches de la Terre Promise ? Il a bien l’impression d’être le seul à y croire. Et il en vient à désirer mourir :

« Moïse entendit le peuple qui pleurait, groupé par clans, chacun à l’entrée de sa tente. Le SEIGNEUR s’enflamma d’une vive colère et Moïse prit mal la chose... Pourquoi m’imposes-tu le fardeau de tout ce peuple ? Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple ? Moi qui l’ai mis au monde ?... Tu veux que je porte ce peuple sur mon cœur, comme une nourrice porte un petit enfant ?... Où trouverais-je de la viande pour donner à tout ce peuple ? ...

« Je ne peux plus, à moi seul, porter tout ce peuple ; il est trop lourd pour moi... Fais-moi plutôt mourir... Que je n’aie plus à subir mon triste sort. » (Nb 11, 10-15).

La réponse du Seigneur est double : premièrement, il dit à Moïse, si la tâche est trop lourde, il ne faut pas rester tout seul ; et il lui propose de lui donner des collaborateurs, c’est notre texte d’aujourd’hui ; deuxièmement, il lui promet de la viande pour tout le peuple. Mais Moïse était vraiment découragé, au point de douter que Dieu soit capable de nourrir autant de monde ! Ce à quoi Dieu répond « Crois-tu que j’aie le bras trop court ? Tu vas voir maintenant si ma parole se réalise ou non pour toi » (Nb 11, 23). Le passage que nous lisons aujourd’hui est donc le moment où Dieu donne des collaborateurs à Moïse. Cela se passe en deux temps : c’est Moïse qui doit les choisir, puis Dieu leur donne son esprit pour les envoyer en mission. Dieu avait dit : « Rassemble-moi soixante-dix des anciens d’Israël, tu les amèneras à la tente de la rencontre, je prélèverai un peu de l’esprit qui est sur toi pour le mettre en eux... ». Ceux qu’on appelle les « anciens » du peuple, ce sont des hommes, des chefs de famille, parmi les plus âgés. Moïse fait donc une liste de soixante-dix anciens, et les convoque à la Tente de la Rencontre, c’est-à-dire la tente qui abritait l’Arche d’Alliance. Désormais il sera donc entouré d’une sorte de sénat.

L’HISTOIRE D’ELDAD ET MÉDAD

Sur les soixante-dix hommes choisis par Moïse, soixante-huit seulement répondent à l’appel et sortent du camp, pour aller à la Tente de la Rencontre ; deux d’entre eux, Eldad et Médad restent dans le camp. Le texte ne dit pas si c’est par mauvaise volonté, et si cette désobéissance signifie une réticence par rapport à Moïse. Et Dieu fait comme il avait dit : il « prélève une part de l’esprit qui reposait sur Moïse, pour le donner aux soixante-dix anciens » : évidemment, cette expression nous surprend ; c’est simplement une manière imagée de dire que, désormais, les Anciens sont en mission autour de Moïse et donc que l’esprit de Dieu les accompagne. Au passage, n’oublions pas que c’est Moïse qui les a lui-même choisis ; Dieu respecte son choix, il le respecte même tellement que les deux réfractaires restés au camp reçoivent eux aussi l’esprit pour être à même de remplir leur mission.

Le nouveau comportement d’Eldad et Médad n’est pas du goût de tout le monde ; quelqu’un se précipite pour avertir Moïse : « Eldad et Médad sont en train de prophétiser dans le camp ! » Et là, on assiste à deux réactions diamétralement opposées : Josué, le fidèle serviteur de Moïse, veut défendre les prérogatives de son maître. Il trouve tout-à-fait anormal que ceux qui ont désobéi et fait preuve d’indépendance prétendent se conduire comme s’ils avaient reçu l’esprit. Il crie « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Il a un réflexe d’inquiétude : nous ne maîtrisons plus tout !

Moïse, au contraire, reste fidèle au choix qu’il avait fait : en choisissant de s’entourer de soixante-dix personnalités, il savait bien qu’il acceptait de ne plus tout maîtriser, il s’en réjouit au contraire, puisque l’esprit du Seigneur les accompagne. Sa réponse est extraordinaire : « Serais-tu jaloux pour moi ? Si seulement tout le peuple du SEIGNEUR devenait un peuple de prophètes sur qui le SEIGNEUR aurait mis son esprit ! » Quelques versets plus bas, le même livre des Nombres dira : « Moïse était un homme très humble, plus qu’aucun homme sur la terre » (Nb 12, 3). Ici, nous en avons vraiment la preuve : puisqu’il se réjouit sincèrement de ne plus être seul à porter le poids de la charge du peuple, et de ne plus avoir le monopole de l’esprit.

Plus tard, relisant cette réponse de Moïse, on se dira qu’elle était prophétique : souhaiter que le peuple tout entier devienne prophète, c’est dire déjà le dernier mot du dessein de Dieu1.

Décidément, la Pentecôte se profilait déjà au Sinaï.
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Note

1 – Ce souhait de Moïse sera repris sous forme de prophétie par Joël : « Je répandrai mon esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront... Même sur les serviteurs et sur les servantes, en ce temps-là je répandrai mon esprit » (Jl 3, 1).

Complément

À une époque où, apparemment, l’idée même de démocratie n’effleurait personne, Moïse en avait déjà formulé le souhait. Ce peuple se conduit jusqu’ici comme une bande d’enfants jamais contents ; eh bien, Moïse voudrait qu’ils acquièrent assez de sagesse et de discernement pour prendre résolument le chemin de leur libération avec les risques que cela comporte.
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PSAUME - 18 (19),8.10.12-13.14

 

8 La loi du SEIGNEUR est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du SEIGNEUR est sûre,
qui rend sages les simples.

10 La crainte qu'il inspire est pure
elle est là, pour toujours ;
les décisions du SEIGNEUR sont justes
et vraiment équitables.

12 Aussi ton serviteur en est illuminé ;
à les garder, il trouve son profit.
13 Qui peut discerner ses erreurs ?
Purifie-moi de celles qui m'échappent.

14 Préserve aussi ton serviteur de l'orgueil :
qu'il n'ait sur moi aucune emprise.
Alors je serai sans reproche,
pur d'un grand péché.
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UNE FÊTE EN L’HONNEUR DE LA LOI DE DIEU !

Pour comprendre ce psaume qui est une véritable litanie en l'honneur de la Loi, il faut savoir qu'en Israël et dans toutes les communautés juives du monde, on célèbre chaque année à l'automne, dans les derniers jours de septembre ou dans le courant du mois d'octobre, une grande fête en l'honneur de la Loi ; on l’appelle « Simhat Torah », ce qui veut dire « Joie de la Loi ». Imaginez un peu qu’en France, il y ait une fois par an une fête en l’honneur du code civil ! Et, à travers la Loi, c’est bien évidemment le législateur qu’on célèbre, ce législateur qui est Dieu lui-même.

En Mésopotamie, on dit le Code d’Hammourabi, en France le Code Napoléon ; mais en Israël, on dit la Loi de Dieu : vous avez remarqué cette espèce de litanie : « La Loi du SEIGNEUR », « la charte du SEIGNEUR », « les décisions du SEIGNEUR » ...

Cette simple répétition nous indique de quoi, ou plutôt de QUI il est question ici : il n’est en réalité question que de Dieu, celui qui a révélé son Nom à Moïse : le SEIGNEUR. Celui qui a choisi ce peuple parmi tous les peuples de la terre, et l’a libéré... Celui qui a proposé à ce peuple son Alliance pour l’accompagner dans toute son existence... Celui, enfin, qui poursuit son œuvre de libération en proposant sa Loi...

Il ne faut jamais oublier qu’avant toute autre chose, le peuple juif a expérimenté la libération apportée par son Dieu. Et les « commandements » sont dans la droite ligne de la sortie d’Égypte ; ils sont une entreprise de libération. Dieu a « fait sortir » (c’est l’expression consacrée) son peuple des chaînes de l’esclavage, il le fera sortir de toutes les autres chaînes qui empêchent l’homme d’être heureux. C’est cela l’Alliance Éternelle. L’Exode était route vers la Terre Promise ; l’obéissance à la Loi est cheminement vers la véritable Terre Promise, la Patrie future de l’humanité.

La Loi est comparée à un chemin dont il ne faut jamais s’écarter. Par exemple, au cours de la célébration de cette fête de la Loi, on lit un passage du livre de Josué qui emploie cette image : « Veille à agir selon toute la Loi que t’a prescrite Moïse mon serviteur. Ne t’en écarte ni à droite ni à gauche afin de réussir partout où tu iras. Ce livre de la Loi ne s’éloignera pas de ta bouche ; tu le murmureras jour et nuit afin de veiller à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit. » (Josué 1, 7 - 8). S’il faut veiller (comme dit le livre de Josué, à éviter tout faux-pas), et à ne pas s’écarter de ce chemin, c’est parce qu’il est le seul chemin du bonheur.

LA RECETTE DU BONHEUR

La grande certitude qui émerge de la Bible, c’est que Dieu veut l’homme heureux, et il lui en donne le moyen, un moyen bien simple : il suffit d’écouter la Parole de Dieu inscrite dans la Loi. Le chemin est balisé, les commandements sont comme des poteaux indicateurs sur le bord de la route, pour alerter notre regard sur un danger éventuel. Au jour le jour, la Loi est notre maître, elle nous enseigne ; et, d’ailleurs, vous savez bien que la racine du mot « Torah » en hébreu, signifie d’abord « enseigner ». « La charte du SEIGNEUR est sûre, qui rend sages les simples » dit notre psaume. Les simples, ce sont ceux justement qui acceptent tout humblement de se laisser enseigner par lui. Ils veillent à ne s’écarter ni à droite ni à gauche de son chemin. Et dans un seul but, notre bonheur.

C’est dans le Livre du Deutéronome qu’on trouve les plus belles méditations à ce sujet ; par exemple :

« Interroge donc les jours du début, ceux d’avant toi, depuis le jour où Dieu créa l’humanité sur la terre, interroge d’un bout à l’autre du monde : est-il rien arrivé d’aussi grand ? A-t-on rien entendu de pareil ?... À toi, il t’a été donné de voir, pour que tu saches que c’est le SEIGNEUR qui est Dieu : il n’y en a pas d’autre que lui... Garde ses lois et ses commandements que je te donne aujourd’hui pour ton bonheur et celui de tes fils après toi, afin que tu prolonges tes jours sur la terre que le SEIGNEUR ton Dieu te donne, tous les jours. » (Dt 4, 32... 40).

« Puisses-tu écouter Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux » (Dt 6, 3).

Où donc est la fameuse « crainte de Dieu » là-dedans ? « La crainte qu’il inspire est pure » dit pourtant notre psaume ; pour comprendre ce dont il s’agit, je reprends le livre du Deutéronome : « Et maintenant, Israël, qu’est-ce que le SEIGNEUR ton Dieu attend de toi ? Il attend seulement que tu craignes le SEIGNEUR ton Dieu en suivant tous ses chemins, en aimant et en servant le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, en gardant les commandements du SEIGNEUR et les lois que je te donne aujourd’hui pour ton bonheur ». (Dt 10, 12 - 13). Voilà l’explication : la « crainte de Dieu », ce n’est pas de la peur, mais une attention vigilante à marcher dans le droit chemin de Dieu parce qu’il n’y a pas d’autre chemin pour notre bonheur. Voilà encore une découverte inouïe, inattendue de la Bible : si Dieu exige l’obéissance aux commandements, c’est parce qu’il y va de notre bonheur à nous ! Pas de son honneur à lui !

Il y a bien sûr, une autre attitude possible : face à ceux qui s’efforcent de rester dans le droit chemin, il y a ceux qu’on appelle les « orgueilleux », c’est-à-dire ceux qui s’éloignent des commandements, qui veulent mener leur vie à leur idée ; en langage biblique, on dira ceux qui veulent tracer leur chemin tout seuls. On retrouve là en filigrane un personnage bien connu, trop connu, celui que la Bible appelle « le adam », (nous disons Adam) c’est-à-dire celui qui prétend déterminer tout seul où est le bonheur et où est le malheur. L’homme de la Bible sait bien que c’est dans ce piège de l’orgueil qu’il ne faut pas tomber : d’où le dernier verset que nous lisons ce dimanche et qui est la véritable prière des humbles : « Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil : qu’il n’ait sur moi aucune emprise. »
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Compléments

- Le prophète Michée répond en écho : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t’appliquer à marcher avec ton Dieu ». (Mi 6, 8). Il n’y a pas d’autre exigence, il n’y a pas non plus d’autre chemin pour être heureux.

- Dans le psaume 118/119 qui est, lui aussi, toute une litanie, mais très longue, celle-là, en l’honneur de la Loi, on retrouve cette même hantise de l’orgueil et des orgueilleux, « ces maudits orgueilleux qui s’éloignent de tes commandements » (v. 21) ; « Les orgueilleux se sont bien moqués de moi, mais je n’ai pas dévié de ta Loi. » (v. 51) ; « Des orgueilleux m’ont sali de leurs mensonges, moi, de tout cœur, j’observe tes préceptes. » (v. 78) ; « Contre moi, des orgueilleux ont créé des fosses, au mépris de ta Loi. » (v. 85) ; « Garantis le bonheur de ton serviteur, que les orgueilleux ne m’oppriment pas. » (v. 122). À remarquer : le mot orgueilleux est toujours opposé au vocabulaire de la Loi : « Loi, commandements, préceptes... ». Il y a pire encore : les orgueilleux ne se contentent pas de désobéir à la Loi, ils voudraient aussi entraîner au mal les « humbles », ceux qui s’efforcent de rester fidèles.

- Alors nous comprenons mieux aussi ce qu’est le péché : si nos manquements à la Loi de Dieu sont graves, c’est parce qu’ils compromettent notre bonheur et celui des autres : parce que notre bonheur est le seul souci de Dieu. C’est bien ce que dit encore notre psaume à propos de ceux qui observent les commandements : « Ton serviteur en est illuminé ; à les garder, il trouve son profit » (v. 12).
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DEUXIÈME LECTURE - lettre de saint Jacques 5, 1 - 6

 

1 Vous autres, maintenant, les riches !
Pleurez, lamentez-vous,
sur les malheurs qui vous attendent.
2 Vos richesses sont pourries,
vos vêtements sont mangés des mites,
3 votre or et votre argent sont rouillés.
Cette rouille sera un témoignage contre vous,
elle dévorera votre chair comme un feu.
Vous avez amassé des richesses,
alors que nous sommes dans les derniers jours !
4 Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers
qui ont moissonné vos champs,
le voici qui crie,
et les clameurs des moissonneurs
sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l'univers.
5 Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices
et vous vous êtes rassasiés
au jour du massacre.
6 Vous avez condamné le juste et vous l'avez tué,
sans qu'il vous oppose de résistance.
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LE DISCOURS DE LA BIBLE SUR LES RICHESSES

La sagesse populaire dit volontiers « l’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue... » Et, contrairement à ce que nous pensons, peut-être, saint Jacques ne dit pas le contraire ! Il ne part pas en guerre contre les riches et leurs richesses, il part en guerre contre le non-usage ou le mauvais usage des richesses ; et il met les riches en face de leurs responsabilités, ce n’est pas la même chose. Ne faisons donc pas dire à saint Jacques ce qu’il ne dit pas. En fait, il dit trois choses : la première, la plus importante, c’est une révélation sur Dieu : Dieu est un Dieu de Justice, il entend le cri des malheureux ; deuxièmement, il y a de mauvaises manières de devenir riche ; troisièmement, les richesses sont faites pour servir à tous : l’argent peut contribuer au bonheur de tous ; c’est cela que Dieu attend des riches.

Premièrement, ce n’est pas d’abord une leçon de morale, c’est une révélation sur Dieu : un Dieu de Justice, un Dieu qui défend les faibles et les pauvres : la Bible retentit toujours de la révélation de Dieu à Moïse dans le buisson ardent : « Le cri des fils d’Israël est venu jusqu’à moi. » (Ex 3, 9). Comme il a entendu le cri des fils d’Israël réduits à l’esclavage par les Égyptiens, il entend sur toute la surface de la terre le cri de tous les opprimés et de tous les miséreux : « Les revendications des moissonneurs sont arrivées aux oreilles du Seigneur de l’univers. »

On entend en écho la phrase du livre de la Genèse : « La voix du sang de ton frère (Abel) crie du sol vers moi. » (Gn 4, 10).

C’est pour cela qu’il nous demandera des comptes sur la manière dont nous avons fait fortune et sur la manière dont nous avons employé nos richesses. Nous qui sommes faits à l’image de Dieu, nous sommes faits nous aussi pour entendre le cri des pauvres et des malheureux.

Deuxièmement, il y a de mauvaises manières de devenir riche. Jacques donne un exemple : « Des travailleurs ont moissonné vos terres et vous ne les avez pas payés » ; évidemment, de cette manière, on fait plus vite fortune ! L’Ancien Testament revient très souvent sur ce thème. Par exemple, le livre du Deutéronome : « Tu n’exploiteras pas un salarié malheureux et pauvre, que ce soit l’un de tes frères ou l’un des émigrés que tu as dans ton pays, dans tes villes. Le jour même, tu lui donneras son salaire ; le soleil ne se couchera pas sans que tu l’aies fait ; car c’est un malheureux et il l’attend impatiemment ; qu’il ne crie pas contre toi vers le SEIGNEUR : ce serait un péché pour toi. » (Dt 24,14-15). Une autre manière de s’enrichir injustement, c’est de tricher dans les opérations commerciales.

La Loi insistait sur ce point : « Ne commettez pas d’injustice dans ce qui est réglementé : dans les mesures de longueur, de poids et de capacité ; ayez des balances justes, des poids justes, (un épha juste et un hîn juste1), des mesures justes. »

C’est moi, le SEIGNEUR votre Dieu, qui vous ai fait sortir d’Égypte. » (Lv 19, 35-36)... « Tu n’auras pas dans ton sac deux poids différents, un grand et un petit ; tu n’auras pas dans ta maison deux boisseaux1 différents, un grand et un petit ; c’est un poids intact et juste, un boisseau intact et juste que tu auras, pour que tes jours se prolongent sur la terre que le SEIGNEUR ton Dieu te donne. Car tout homme qui fait cela, tout homme qui commet l’injustice, est une abomination pour le SEIGNEUR ton Dieu. » (Dt 25, 13-16).

Et le prophète Jérémie compare les pratiques malhonnêtes à de la chasse : « Dans mon peuple, se trouvent des coupables aux aguets comme l’oiseleur accroupi, ils dressent des pièges, et ils attrapent... des hommes. Tel un panier plein d’oiseaux, leurs maisons sont pleines de rapines : c’est ainsi qu’ils deviennent grands et riches, gras et reluisants… Ils battent le record du mal, ils ne respectent plus le droit, le droit de l’orphelin ; et ils réussissent… Ils ne prennent pas en main la cause des pauvres. » (Jr 5, 26-28). Or, précisément, c’est cela que Dieu attendait d’eux, qu’ils prennent la cause des pauvres. Ce qui nous mène au troisième point.

NON PAS PROPRIÉTAIRES MAIS INTENDANTS

Troisièmement, les richesses sont faites pour servir à tous : l’argent doit contribuer au bonheur de tous ; c’est cela que Dieu attend des riches. La richesse nous donne des responsabilités envers les autres ; elle fait de nous des intendants ; Dieu nous fait assez confiance pour cela. Les richesses sont un moyen, elles ne sont pas un but. Là encore, on retrouve des accents prophétiques de l’Ancien Testament. Quand Jacques dit « cette rouille vous accusera » (v. 3), il reprend une image du livre de Ben Sirac : « Sois prêt à perdre de l’argent pour un frère ou un ami, plutôt que de le perdre en le laissant rouiller sous une pierre. » (Si 29,10).

Et quand il emploie l’expression « vos richesses sont pourries » (v. 2), il fait allusion à la manne du désert (Ex 16, 20) : chacun devait ramasser chaque jour tout ce dont il avait besoin pour sa famille et seulement ce dont il avait besoin ; toute la manne amassée en trop pourrissait et était infestée de vers avant le lendemain ; cela fait évidemment penser à la phrase de Jésus : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre où les mites et les vers font tout disparaître... mais amassez-vous des trésors dans le ciel où ni les mites ni les vers ne font de ravages ». (Mt 6,19-20). Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, la vie au désert avait été un temps d’apprentissage : inutile d’amasser pour soi.

Ce ne sont donc pas les richesses en elles-mêmes qui sont mauvaises, tout dépend de l’usage que nous en faisons. Il faut même accepter de regarder nos responsabilités en face. Dans le verset qui précède juste notre texte d’aujourd’hui, Jacques dit très fermement : « Qui donc sait faire le bien et ne le fait pas se charge d’un péché. » (Jc 4, 17).
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Note1 – Épha et Hîn sont des mesures de capacité : le premier pour des matières sèches, le second pour des liquides.

Un Épha = 45 litres, un Hîn = 7,5 litres. Le boisseau est le récipient en bois qui sert à mesurer.

Compléments - On entend ici des accents du prophète Amos : « Écoutez ceci, vous qui vous acharnez sur le pauvre pour anéantir les humbles du pays, vous qui dites : quand donc la nouvelle lune sera-t-elle finie, que nous puissions vendre du grain, et le sabbat, que nous puissions ouvrir les sacs de blé, diminuant les mesures, augmentant le poids, faussant des balances (déjà menteuses), achetant des indigents pour de l’argent et un pauvre pour une paire de sandales ? » (Am 8,4-6 ; cf aussi Am 2,6-7).

- On peut se demander qui est visé par le verset 6 : « Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous résiste. » Si la lettre de Jacques est adressée à des chrétiens, ce que laissent penser les nombreuses apostrophes « mes frères » dans le cours du texte, ce verset ne vise pas la condamnation de Jésus par les Juifs, ses contemporains. Il s’agit plus probablement d’une critique du fonctionnement de la justice dans la ligne des reproches prophétiques ; au temps du roi Achaz, Isaïe invectivait : « Ils justifient le coupable pour un présent et refusent à l’innocent sa justification. » (Is 5, 23) Pour parler clair, la richesse donne le pouvoir de corrompre les juges, et on peut fort bien s’en servir pour faire condamner un innocent.
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ÉVANGILE - selon saint Marc 9, 38-43. 45. 47-48

 

En ce temps-là,
38 Jean, l’un des Douze, disait à Jésus :
« Maître, nous avons vu quelqu’un
expulser les démons en ton nom ;
nous l’en avons empêché,
car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
39 Jésus répondit :
« Ne l’en empêchez pas,
car celui qui fait un miracle en mon nom
ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ;
40 celui qui n’est pas contre nous
est pour nous.
41 Et celui qui vous donnera un verre d’eau
au nom de votre appartenance au Christ,
amen, je vous le dis,
il ne restera pas sans récompense.
42 Celui qui est un scandale, une occasion de chute
pour un seul de ces petits qui croient en moi,
mieux vaudrait pour lui
qu’on lui attache au cou
une de ces meules que tournent les ânes,
et qu’on le jette à la mer.
43 Et si ta main est pour toi une occasion de chute,
coupe-la.
Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle
que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains,
là où le feu ne s’éteint pas.
45 Si ton pied est pour toi une occasion de chute,
coupe-le.
Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle
que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.
47 Si ton œil est pour toi une occasion de chute,
arrache-le.
Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu
que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux,
48 là où le ver ne meurt pas
et où le feu ne s'éteint pas. »
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UNE MISSION À PARTAGER

Ce discours de Jésus à Capharnaüm s’achèvera quelques versets plus bas avec cette recommandation « Soyez en paix les uns avec les autres. » C’est peut-être ce qui commande tout l’ensemble de ces paroles de Jésus, à première vue un peu disparates. Ils sont là tous les douze, et Marc précise bien que c’est à eux que ce discours s’adresse.

La question posée par Jean, le « fils du tonnerre » comme Jésus les avait surnommés, lui et son frère, s’explique si …

On se rappelle le récit du choix des disciples : « Jésus monte dans la montagne et il appelle ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons. »

…Il établit les douze : Pierre - c’est le surnom qu’il a donné à Simon - , Jacques, le fils de Zébédée, et Jean, le frère de Jacques - et il leur donna le surnom de Boanerguès, c’est-à-dire fils du tonnerre -, André, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d’Alphée, Thaddée et Simon le Zélote, et Judas Iscarioth, celui-là même qui le livra. » (Mc 3, 13-19).

Ce groupe est donc bien délimité et a conscience d’avoir reçu le pouvoir de chasser les démons en raison d’un lien très fort et particulier avec Jésus. Pas étonnant qu’ils réagissent aux prétentions de ceux qui, sans faire partie de ce petit groupe d’élite, osent chasser les démons en son nom.

Jean a exactement la réaction de Josué dans la première lecture, une réaction d’exclusion.

Josué, lui, était au service de Moïse depuis sa plus tendre enfance ; et quand Moïse s’était choisi un groupe de soixante-dix collaborateurs, deux d’entre eux, Eldad et Médad, avaient manqué à l’appel. Josué ne pouvait pas admettre que ces hommes choisis par Moïse mais qui n’avaient pas répondu à sa convocation puissent agir eux aussi sous l’impulsion de l’esprit. Et Moïse au contraire s’était réjoui et avait reproché à Josué cette forme de jalousie.

De la même manière, Jésus interdit aux Douze cet esprit d’exclusive ; quand Jean lui dit « Nous avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom sans faire partie de notre groupe, nous avons cherché à l’en empêcher », Jésus intervient très fermement : « Ne l’empêchez pas... »

On a très certainement là une preuve de l’extraordinaire paix intérieure qui l’habite : il ne prétend pas tout maîtriser ; il constate le bien qui est fait ; et il admet que quelqu’un puisse faire un miracle en son nom, bien que n’appartenant pas au groupe qu’il a lui-même choisi. En quelque sorte, sa mission lui échappe, il la partage avec des gens qu’il ne connaît même pas. Et il invite du coup ses disciples à ouvrir la porte : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Manière de leur dire « il y a des gens qui sont des nôtres même s’ils ne sont pas sur vos listes ». On a peut-être là une illustration d’une autre phrase de Jésus « On reconnaît l’arbre à ses fruits » (Mt 7, 20)... « Supposez qu’un arbre soit bon, son fruit sera bon ; supposez-le malade, son fruit sera malade : c’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre. » (Mt 12, 33). Et il en tire les conséquences : « Tout arbre qui ne produit pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu. » (Mt 7, 19).

ON RECONNAÎT L’ARBRE À SES FRUITS

Curieusement, cette comparaison ne se trouve pas dans l’évangile de Marc, mais notre texte d’aujourd’hui dit exactement la même chose ; et du coup nous comprenons le lien entre les divers propos de Jésus qui nous apparaissaient disparates tout à l’heure. Première partie : il y a de bons fruits à l’extérieur de la communauté ; c’est donc qu’il y a de bons arbres même à l’extérieur de la communauté ; « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ ne restera pas sans récompense. » À l’inverse, il y a de mauvais fruits à l’intérieur comme à l’extérieur de la communauté ; cela veut dire qu’il y a de mauvais arbres à l’intérieur comme à l’extérieur de la communauté ; et Jésus en tire la conclusion : tout comme il faut se résoudre à couper l’arbre malade, il faut résolument supprimer tout ce qui peut se révéler cause de danger pour la vie de la communauté.

« Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer manchot, estropié, borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté tout entier dans la géhenne… » On se rappelle que la Géhenne est le ravin qui entoure Jérusalem au Sud et à l’Ouest ; lieu où l’on brûlait les détritus, il devait sa sinistre réputation au fait qu’il avait été également le lieu où l’on sacrifiait des enfants (au temps des rois Achaz et Manassé) ; cette pratique était totalement désapprouvée par les prophètes, si bien que la Géhenne était devenue le symbole de l’horreur absolue. Les prophètes localisaient dans la Géhenne le châtiment des impies au Jour du Jugement de Dieu.

Il est bien évident que Jésus ne conseille à personne de se mutiler : mais par ces phrases si violentes, il veut nous faire découvrir la gravité de ce qui est en jeu ici, à savoir la cohésion de la communauté. Du coup, Jésus entraîne ses disciples bien loin de ce qui, au début de ce même discours à Capharnaüm, était leur préoccupation majeure : à savoir lequel était le plus grand ! (9, 34). Ce qui leur permettra de vivre en paix les uns avec les autres, ce sera de partager la même passion pour le Royaume.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 26 09 2021, 26e dimanche du temps ordinaire

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15 septembre 2021 3 15 /09 /septembre /2021 22:55
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 18 septembre 2021).

LECTURE DU LIVRE DE LA SAGESSE  2,12... 20

 

     Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes :
12 « Attirons le juste dans un piège,
     car il nous contrarie,
     il s'oppose à nos entreprises,
     il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu
     et nous accuse d’infidélités à notre éducation.
17 Voyons si ses paroles sont vraies,
     regardons comment il en sortira.
18 Si le juste est fils de Dieu,
     Dieu l'assistera, et l’arrachera aux mains de ses adversaires.
19 Soumettons-le à des outrages et à des tourments ;
     nous saurons ce que vaut sa douceur,
     nous éprouverons sa patience.
20 Condamnons-le à une mort infâme,
     puisque, dit-il, quelqu'un interviendra pour lui. »
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RESTER FIDÈLES AU MILIEU DES PAÏENS

Pour comprendre ce texte difficile, il faut le replacer dans son contexte. Le livre de la Sagesse est très particulier à tous points de vue : tout d’abord il est le dernier écrit de l’Ancien Testament, trente ou cinquante ans seulement avant la naissance du Christ ; ensuite il a été écrit en Égypte et non sur la terre d’Israël comme la plupart des autres livres bibliques ; enfin, il est écrit en grec et non pas en hébreu ou en araméen.

Depuis les conquêtes d’Alexandre le Grand, vers 330 av. J.-C., toute une colonie juive s’était implantée en Égypte, à Alexandrie, sur le delta du Nil. Ils jouissaient d’une totale liberté religieuse, ils avaient des lieux de prière reconnus dans leurs villages (ou leurs quartiers, s’ils habitaient en ville), et pouvaient donc parfaitement continuer à pratiquer leur religion et la transmettre à leurs enfants ; comme toute la région parlait grec, ils se sont mis eux aussi à parler en grec, certainement dès la deuxième génération ; c’est là que, pour qu’ils puissent comprendre les Écritures, la Bible a été traduite en grec pour donner ce que nous appelons la Bible des Septante.

Un certain nombre de Juifs d’Alexandrie sont donc restés très fidèles à la foi de leurs ancêtres ; mais c’était moins facile qu’on ne le pense : cette population avait une double appartenance, juive d’abord, mais aussi grecque puisqu’ils étaient immergés en milieu grec. Or les deux religions, juive et grecque, étaient totalement incompatibles. Pour un Juif plongé en milieu grec, l’intégration, comme on dit aujourd’hui, signifiait l’abandon de toutes ses pratiques. Il fallait donc choisir : ou décider de rester fidèle en tous points à la religion juive, au risque de s’isoler, ou s’intégrer à son nouveau pays au risque de s’éloigner de la communauté juive et d’abandonner l’une après l’autre toutes les pratiques juives. Il est bien évident qu’au sein même de la communauté juive, ces deux positions ont existé et ont engendré des conflits parfois très durs.

Ces conflits rendent la fidélité encore plus difficile ; parce qu’on sait bien que les querelles religieuses sont les plus terribles ! Or ceux qui gardent la foi sont un reproche vivant pour ceux qui l’abandonnent. Ils seront donc persécutés, non par les Grecs, très libéraux sur ce point, mais par leurs propres frères, qui n’ont pas trop bonne conscience et vont se venger sur eux. C’est classique : généralement, on n’aime pas les donneurs de leçons ! Quand on sait qu’on est en tort, on n’aime pas bien ceux qui nous le font remarquer.

Pour le voleur, l’homme honnête est un reproche vivant ; pour le violent, l’homme pacifique et doux est intolérable. Deux solutions : changer de conduite ou bien faire taire celui qui nous fait de l’ombre.

 

Le texte que nous lisons ce dimanche reflète exactement ce contexte : personne ne sait qui l’a écrit puisque le Livre de la Sagesse n’est pas signé. Mais visiblement, il s’agit d’un croyant qui assiste à l’érosion de la communauté juive, et qui veut encourager ses frères à rester fidèles. Il leur dit : il faut choisir : oui, la fidélité est difficile, d’abord parce que la loi juive est exigeante. Mais aussi parce que vous serez en butte à ceux qui ne feront pas comme vous et qui verront en vous des donneurs de leçons : « Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes :  Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie… il s’oppose à nos entreprises, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et) nous accuse d’infidélités à notre éducation. »

TENIR BON DANS LA PERSÉCUTION

Que fait un croyant fidèle quand il est ainsi exposé à la persécution de ses plus proches ? Il essaie de tenir le coup en s’appuyant sur sa foi et se disant « Dieu ne m’abandonnera pas ». Alors l’auteur ajoute : il y aura pire. ‘Cette confiance que vous manifestez en Dieu quand vous dites « il est notre Père, il ne nous abandonnera pas ») … cette confiance même vous sera reprochée comme de la prétention’. C’est exactement la suite du texte ; les persécuteurs disent : « Voyons si ses paroles sont vraies, regardons où il aboutira. Si ce Juste est fils de Dieu, (comme il le prétend), Dieu l’assistera et le délivrera de ses adversaires. Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un veillera sur lui. »

Évidemment, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est exactement ce qui s’est passé pour Jésus-Christ. Sa conduite qui importunait... la haine grandissante de tous ceux qui voyaient en lui un donneur de leçons, un gêneur... les bonnes raisons de le supprimer : « il vaut mieux qu’un seul homme meure pour tout le peuple.. » dira Caïphe (Jn 11,50). Mais le livre de la Sagesse ne parlait pas pour Jésus-Christ, il parlait pour ses contemporains dont il voulait encourager la fidélité, quel qu’en soit le prix. Il avait certainement en tête quelques exemples célèbres, à commencer par tous les prophètes. Ils ont tous eu à souffrir de leur franc parler.

L’exemple de Jérémie était particulièrement célèbre ; dans ce qu’on appelle ses « Confessions », il décrivait tout ce qu’il avait dû subir ; par exemple : « Quel malheur, ma mère, que tu m’aies enfanté : moi qui suis, pour tout le pays, l’homme contesté et contredit… tous me maudissent. » (15,l…« À longueur de journée, on me tourne en ridicule, tous se moquent de moi... Je suis en butte, à longueur de journée, aux outrages et aux sarcasmes... J’entends les propos menaçants de la foule... Tous mes intimes guettent mes défaillances... » (20,7-8).

Une fois même, il a entendu des menaces qui le concernaient sans qu’il le sache (« Détruisons l’arbre en pleine sève, supprimons-le du pays des vivants ; que son nom ne soit même plus mentionné ! ») mais il n’a pas compris tout de suite qu’il s’agissait de lui ; il raconte : « Quand le SEIGNEUR m’a mis au courant et que j’ai compris, alors j’ai découvert leurs manœuvres. Moi, j’étais comme un agneau docile, mené à la boucherie ; j’ignorais que leurs sinistres propos me concernaient. » (11,18-19).

L’auteur du livre de la Sagesse fait probablement allusion à cette terrible expérience de Jérémie, mais ses lecteurs savent aussi le plus important, à savoir que Dieu n’a jamais abandonné aucun de ses prophètes et qu’il n’abandonne donc jamais ceux qui vont jusqu’au bout de leur foi. Dans les versets suivants, il affirme : « Quand les méchants font leurs raisonnements, ils se trompent : leur perversité les aveugle…  ils ne connaissent pas les secrets desseins de Dieu. » Il ajoute : « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, aucun tourment ne les atteindra ». Sa conviction est telle qu’il va jusqu’à affirmer : même si vos ennemis réussissaient à vous tuer, eh bien, au-delà de la mort, Dieu ne nous abandonnera pas (chap. 3). Manière de dire : Tenez bon(Le vrai bonheur est là.) La vraie Sagesse est dans la fidélité.
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PSAUME 53 (54), 3-4, 5, 6-8

 

3   Par ton nom, Dieu, sauve-moi,
     par ta puissance rends-moi justice ;
4   Dieu, entends ma prière,
     écoute les paroles de ma bouche.

5   Des étrangers se sont levés contre moi,
     des puissants cherchent ma perte :
     ils n'ont pas souci de Dieu.

6   Mais voici que Dieu vient à mon aide,
     le Seigneur est mon appui entre tous.
8   De grand cœur, je t'offrirai le sacrifice,
     je rendrai grâce à ton nom, car il est bon !
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LE DOUBLE CRI DU CROYANT PERSÉCUTÉ

Dans la Bible, ce psaume est précédé de deux indications : l'une dit comment il doit être chanté, accompagné avec des instruments à cordes ; l'autre est beaucoup plus intéressante, parce qu'elle fait allusion à un épisode particulier de l'histoire d'Israël : « Quand les Zifites vinrent dire à Saül : David n’est-il pas caché parmi nous ? » David est en mauvaise posture : le roi Saül qui l’a d’abord traité comme son fils, a peu à peu sombré dans une jalousie féroce : tout réussissait trop bien à ce jeune qui serait bientôt son rival, si on ne s’en méfiait pas ; les choses vont si mal que David s’enfuit de la cour de Saül ; mais chaque fois qu’il se réfugie quelque part, il se trouve quelqu’un pour le dénoncer. Dans l’épisode en question, David est caché dans les montagnes de Judée, près d’un village qui s’appelle Ziph et des habitants vont le dénoncer au roi Saül. David n’a aucun espoir d’en réchapper si Dieu ne s’en mêle pas.

On imagine très bien que sa prière a dû ressembler à ce psaume, c’est-à-dire le double cri du croyant persécuté : le premier cri, c’est le cri d’appel dans la détresse, (appel qui peut aller jusqu’au souhait de voir la mort des ennemis) ; le deuxième cri c’est le cri de la victoire parce que Dieu ne peut manquer de venir au secours de son fidèle.

En fait, quand un psaume donne une indication de ce genre, il ne prétend pas que ce texte tel quel est sorti de la bouche ou de la plume de David ; mais que le peuple d’Israël tout entier a connu des situations analogues à celle de David. À plusieurs reprises, au cours de son histoire, il a été menacé de la destruction totale. Au moment de l’Exil, par exemple, tout portait à croire que ce petit peuple serait bientôt rayé de la carte du monde : à vues humaines, cela ne faisait aucun doute. Et alors il a poussé ce double cri : l’appel au secours, d’abord : « Par ton Nom, Dieu, sauve-moi, par ta puissance, rends-moi justice » ; dire « Par ton NOM sauve-moi », c’est invoquer l’Alliance de Dieu : car c’est précisément là, dans l’Alliance, au Sinaï, que Dieu a révélé son NOM à son peuple. C’est vraiment l’argument le plus fort de sa prière : la fidélité de Dieu à son propre choix, à sa promesse. C’est Dieu qui a choisi ce petit peuple, qui a envoyé Moïse à sa tête pour le libérer et qui, ensuite, a proposé son Alliance ; tous seuls, on n’y aurait pas pensé.

David non plus, n’avait rien demandé ; c’est Dieu qui avait envoyé le prophète Samuel choisir David parmi tous les fils de Jessé et l’avait fait envoyer à la cour du roi Saül pour qu’il se prépare à être roi plus tard. Lui, David, n’aurait jamais eu tout seul une idée pareille. Raison de plus pour prendre Dieu au mot. C’est pour cela qu’il invoque la puissance de Dieu « Par ta puissance, Dieu, rends-moi justice » ... manière de dire « c’est toi, le roi suprême, qui m’as choisi comme roi ».

 Le deuxième accent de la prière, c’est déjà l’action de grâce, comme dans toute prière juive, parce que, à tout instant, on a la certitude d’être exaucé. Quand Jésus, dans sa prière, disait à son Père « je sais que tu m’exauces toujours » (Jn 11), il était bien l’héritier de la foi de son peuple. Du coup, le psalmiste, que ce soit David, ou que ce soit le peuple tout entier, prévoit déjà la cérémonie d’action de grâce : « De grand cœur je t’offrirai le sacrifice » (le mot traduit ici par « de grand cœur » signifie « magnifiquement, royalement »). Il parle au futur, et non pas au conditionnel, parce que sa délivrance est certaine.

Mais il y a aussi dans cette prière du croyant des accents de vengeance, des paroles de haine, il faut bien l’admettre : au moment même où celui qui prie reconnaît que son Dieu est avec lui, il le prie de le débarrasser des autres ! « Mais voici que Dieu vient à mon aide, le Seigneur est mon appui entre tous. » Et il ajoute « Que le mal retombe sur ceux qui me guettent ; par ta vérité, Seigneur, détruis-les. » 

 

ON PEUT TOUT DIRE À DIEU

Nous rencontrons assez souvent des paroles de ce genre dans les psaumes ; on en trouve aussi jusque chez les prophètes, par exemple Jérémie ! À propos du livre de la Sagesse, nous avons évoqué des extraits de ses Confessions dans lesquels il se plaint d’être ridiculisé, menacé, persécuté ; mais il y a aussi parfois dans ses prières, tout grand prophète qu’il est, des accents nettement vengeurs : « SEIGNEUR tout-puissant, toi qui gouvernes avec justice, qui examines sentiments et pensées, je verrai ta revanche sur eux, car c’est à toi que je remets ma cause. » (Jr 11,20)... « SEIGNEUR, venge-moi de mes persécuteurs. Que je ne sois pas victime de ta patience envers eux... » (Jr 15,15)... « Qu’ils soient couverts de honte, mes persécuteurs et non pas moi ; qu’ils soient accablés, eux, et non pas moi ! Fais venir sur eux le jour du malheur, brise-les à coups redoublés ! » (Jr 17,18).

Ce genre de violences verbales nous choque tellement que nous avons tendance à les censurer. Mais au nom de quoi pouvons-nous nous permettre de censurer les Écritures ? D’où une première leçon : il n’y a pas que de pieux sentiments dans les psaumes, c’est-à-dire dans les prières qui nous sont proposées ; cela veut dire que nous n’avons pas à travestir nos sentiments devant Dieu. Montrons-nous tels que nous sommes, c’est lui qui nous convertira.

Cela veut dire aussi que nous savons que Dieu est engagé avec nous, à nos côtés, dans la lutte contre tout ce qui ravage l’homme. Que le Mal est son ennemi. « Que le mal retombe sur ceux qui me guettent », c’est exactement la prière de David poursuivi par Saül : plusieurs fois, David a été tenté de se venger et s’y est refusé ; mais c’est peut-être bien parce qu’il s’en remettait à Dieu du soin de régler ses comptes à ses ennemis, en particulier à Saül, que David a trouvé la force, bien des fois, de ne pas se venger.

Une prière de ce genre (« Que le mal retombe sur ceux qui me guettent ») reflète donc déjà un progrès de la conscience morale du peuple de Dieu : on a appris à ne pas se venger soi-même et à s’en remettre à Dieu. Lui qui est LA Justice, ne manquera pas de « faire justice ». C’est déjà une étape très importante dans la pédagogie biblique.

Il restera à découvrir que la vengeance dans la haine n’est pas la bonne façon de recouvrer sa dignité et que le pardon nous grandit bien davantage. Jésus, lui, et à sa suite, Étienne, pardonneront à leurs bourreaux et prieront pour eux.

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » ; c’est la prière de celui qui est l’amour parfait, ce n’est pas encore la nôtre, spontanément.

Alors, quand nous rencontrons des phrases de ce genre dans les psaumes, nous sommes invités à nous faire une âme de frères : il y a à chaque instant à la surface de la terre des hommes et des femmes qui n’ont pas d’autre ressource que la haine et la soif de vengeance pour garder leur dignité ; disons cette prière avec eux pour qu’ils résistent à la tentation de se venger par eux-mêmes. Et nous puiserons peut-être là le courage de les secourir. Et puis, rien ne nous empêche d’ajouter, en leur nom, la prière du Christ en croix « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».
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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT JACQUES 3,16-4,3

 

     Bien-aimés,
3, 16    la jalousie et les rivalités mènent au désordre
     et à toutes sortes d'actions malfaisantes.
17 Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut
     est d'abord pure,
     puis pacifique, bienveillante, conciliante,
     pleine de miséricorde et féconde en bons fruits,
     sans parti pris, sans hypocrisie.
18 C'est dans la paix qu'est semée la justice,
     qui donne son fruit aux artisans de la paix.
4, 1      D'où viennent les guerres,
     d'où viennent les conflits entre vous ?
     N'est-ce pas justement de tous ces désirs
     qui mènent leur combat en vous-mêmes ?
2   Vous êtes pleins de convoitises et vous n'obtenez rien,
     alors vous tuez ;
     vous êtes jaloux et vous n'arrivez pas à vos fins,
     alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre.
3   Vous n'obtenez rien
     parce que vous ne demandez pas ;
     vous demandez, mais vous ne recevez rien ;
     en effet, vos demandes sont mauvaises :
     puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs.
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LES DEUX VOIES

Nous rencontrons souvent dans la Bible le thème des « deux voies » : le voici sous la plume de saint Jacques, cette fois. D’un côté, jalousie, rivalités, conflits et guerres ; de l’autre, paix, bienveillance, justice, miséricorde ; ce sont deux modes de vie qui s’opposent, deux « sagesses » au sens de « savoir-vivre ». Plus haut, Jacques a parlé d’une « sagesse terrestre, animale, démoniaque » (3,15) ; ici, il parle de l’autre sagesse, celle qui vient de Dieu ; la première est la vie à la manière d’Adam, l’autre, celle vers laquelle nous devons tendre, celle de Jésus, le doux et humble de cœur.

Voilà pourquoi ce texte multiplie les oppositions : elles se ramènent toutes à une seule, l’opposition entre les deux sagesses, les deux comportements. Par exemple, « la jalousie et les rivalités » (v. 16) sont à comprendre par contraste avec ce qui est dit au verset suivant : « paix, tolérance, compréhension » ; et les « actions malfaisantes », par contraste là encore avec les « bienfaits » du verset 17.

Qui est visé au juste ici ? Jacques ne nous le dit pas, mais il n’avait probablement pas besoin de préciser davantage pour être compris. D’après les thèmes abordés dans le reste de la lettre, on peut émettre quelques hypothèses : les jalousies et rivalités pouvaient être d’ordre matériel ou d’ordre spirituel ; pour les conflits d’ordre matériel, il suffit de se rappeler tout le développement précédent sur les discriminations sociales entre riches et pauvres (2,1-5; cf. 23e dimanche) ; sans parler de la mise en garde adressée un peu plus loin aux riches (5,1-6 ; cf. 26e dimanche).

Pour les conflits d’ordre spirituel, il est intéressant de noter au passage que le mot traduit ici par « jalousie » peut évoquer le fanatisme des idées. Il faut relire les versets qui précèdent juste notre lecture de ce dimanche : au début de ce chapitre 3, Jacques met en garde les fidèles contre ce qu’on pourrait appeler les « méfaits de la langue » : « La langue est un petit membre et se vante de grands effets... Avec elle, nous bénissons le Seigneur et Père ; avec elle aussi nous maudissons les hommes, qui sont à l’image de Dieu ; de la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne doit pas en être ainsi. » (3,5... 10). Un peu plus loin, il est encore plus clair : « Si vous avez le cœur plein d’aigre jalousie et d’esprit de rivalité, ne faites pas les avantageux et ne nuisez pas à la vérité par vos mensonges. » (3,14). Le risque ne devait pas être seulement hypothétique puisqu’il l’a évoqué dès le premier chapitre : « Si quelqu’un se croit religieux sans tenir sa langue en bride... vaine est sa religion. » (1,26).

 

UNE NOUVELLE MANIÈRE DE VIVRE

Pour Jacques, tous ces comportements de jalousie et de rivalité relèvent du paganisme ; la vraie religion, qu’elle soit juive ou chrétienne, nous introduit à une tout autre manière de vivre. Les mêmes réalités (qu’elles soient d’ordre matériel ou spirituel) peuvent être vécues d’une manière ou de l’autre. Il n’y a pas un bonheur païen et un bonheur chrétien, il y a deux manières de vivre le bonheur, la manière païenne et la manière chrétienne. Jusqu’ici, nous étions sous le règne de la convoitise, c’est-à-dire de l’égoïsme ; la religion juive et, à plus forte raison, le christianisme, nous introduisent dans le royaume de l’amour fraternel. C’était tout le sens du commandement « Tu ne convoiteras pas » : non pas « tu ne désireras plus rien », mais premièrement, tu n’accapareras pas pour toi seul, deuxièmement, tu ne te laisseras pas accaparer. Si tu deviens esclave de ce que tu possèdes, tu perds ta liberté (puisque tu es obsédé par ton désir) et tu perds la charité parce que tu deviens envieux de ce que l’autre possède.

Pourtant, la Bible n’enseigne nulle part le mépris des biens de ce monde : depuis la première parole de Dieu à Abraham, au contraire, le peuple élu sait que Dieu ne veut que notre bonheur, dont le bien-être matériel fait partie. Et le désir du bonheur, matériel ou spirituel, est bon, puisqu’il fait partie de la création. Il nous faut seulement apprendre à nous remettre sans cesse dans la main de Dieu : un peu plus loin, Jacques dit ce que doit être notre état d’esprit : « Si le Seigneur le veut bien, nous vivrons et ferons ceci ou cela. » (4,15).

« Si le Seigneur le veut bien », c’est la formule de Jacques, toute proche de celle de Jésus : « Que ta volonté soit faite et non la mienne ». Mais, pour nous, le passage d’une sagesse à l’autre n’est jamais totalement achevé : nous sommes des êtres partagés ; Jacques dit qu’un véritable combat se déroule en nous-mêmes et que nos querelles n’en sont que le reflet : « D’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ? »

Le secret est dans la prière, car Dieu seul peut donner la sagesse : c’est l’une des grandes insistances de toute la méditation biblique ; dès le début de sa lettre, Jacques conseillait à ses lecteurs de prier pour l’obtenir : « Si la sagesse fait défaut à l’un de vous, qu’il la demande au Dieu qui donne à tous avec simplicité et sans faire de reproche ; elle lui sera donnée. » (1,5).
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 9,30-37

 

30 En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples,
     et il ne voulait pas qu'on le sache,
31 car il enseignait ses disciples en leur disant :
     « Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes ;
     ils le tueront
     et, trois jours après sa mort, il ressuscitera »
32 Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles
     et ils avaient peur de l'interroger.
33 Ils arrivèrent à Capharnaüm,
     et, une fois à la maison, Jésus leur demanda :
     « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
34 Ils se taisaient,
     car, en chemin, ils avaient discuté entre eux
     pour savoir qui était le plus grand.
35 S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit :
     « Si quelqu'un veut être le premier,
     qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
36 Prenant alors un enfant,
     il le plaça au milieu d'eux,
     l'embrassa, et leur dit :
37 « Quiconque accueille en mon nom
     un enfant comme celui-ci,
     c'est moi qu'il accueille.
     Et celui qui m'accueille
     Ce n’est pas moi qu’il accueille,
     mais Celui qui m'a envoyé. »
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LES PENSÉES DE DIEU NE SONT PAS NOS PENSÉES

« Les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur d’interroger Jésus » nous dit Marc ... On les comprend ! Pourtant, ce n’est pas la première fois que Jésus annonce de tels événements ; puisqu’au chapitre précédent, dans le même évangile de Marc, après la fameuse profession de foi de Pierre à Césarée, Jésus a déjà dit exactement la même chose ; mais ce n’est toujours pas clair ! Pour les disciples, c’est même incroyable, choquant, contradictoire.

Pourquoi ? Parce que ses paroles sont totalement contraires à l’idée qu’ils se font de Dieu et totalement contraires à l’idée qu’ils se font du Fils de l’homme.

Et pour les trois privilégiés qui ont été témoins de la transfiguration de Jésus (dans l’évangile de Marc, la Transfiguration est placée au début de ce même chapitre 9), c’est peut-être encore plus scandaleux, invraisemblable. Ils sont encore dans la lumière, dans l’éblouissement de la Transfiguration... Jésus a été déclaré le Fils bien-aimé, celui qu’il faut écouter... et voilà qu’il annonce pour lui-même les plus grandes humiliations ; il les présente comme certaines, inéluctables.

Même si tous n’ont pas été témoins de la Transfiguration, tous ont entendu la profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie », c’est-à-dire celui que Dieu a choisi pour sauver son peuple, pour régner sur son peuple. Dans l’évangile de Marc, Jésus ne répond guère à Pierre, il ne fait pas de commentaire, mais il est clair qu’il lui donne raison, puisqu’il ordonne à ses disciples de garder le secret là-dessus pour l’instant. « Jésus leur demandait : Et vous, qui dites-vous que je suis ? Prenant la parole, Pierre lui répond : Tu es le Christ. Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne ».

Et tout de suite après, il dit ces choses étonnantes : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. » Nous sommes au paroxysme de la contradiction : lui qui vient d’être dit le Bien-aimé de Dieu, il est l’élu de Dieu, le Messie, le roi qu’on attend, le Fils de l’homme : tout cela lui promet un destin glorieux ; puisque dans les visions du prophète Daniel (Dn 7,13-14), le Fils de l’homme est celui qui doit prendre la tête de toute l’humanité ; et pourtant Jésus dit qu’il doit affronter la souffrance et la haine des hommes, en un mot, la croix. Or dans la tête des disciples, comme dans celle de tous leurs contemporains d’ailleurs (et peut-être bien dans la nôtre), la gloire et la croix ne font pas bon ménage !

Autre contradiction, ou invraisemblance : dans un premier temps, il va être livré, tué, réduit à l’état d’objet passif de la haine des hommes. Celui qui doit prendre la tête de toute l’humanité sera traité comme le rebut ! Et puis, dans un deuxième temps, il ressuscitera, il triomphera ! Le dernier sera devenu le premier. Non seulement, la gloire et la croix sont inséparables, mais il semble bien que la gloire passe par la croix !

LE MONDE À L’ENVERS

C’est le monde à l’envers : pas étonnant que les disciples ne soient pas spontanément au diapason ! Car « nos vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes », comme l’a dit Jésus à Pierre (8,33). Plus tard, seulement, les disciples comprendront « qu’il fallait » que le Christ aille jusque-là pour « glorifier » son Père, c’est-à-dire révéler son amour. Pour l’instant, ils n’ont pas du tout envie d’être derniers ! Au contraire, juste après ces paroles troublantes de Jésus, ils se sont mis à discuter entre eux pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand ! Ils sont dans une problématique de rivalité, celle dont saint Jacques parlait dans la deuxième lecture. Chose curieuse, Jésus n’a pas l’air horrifié : il ne leur dit pas « c’est mal de vouloir être premier », il leur donne même le moyen d’y arriver. Décidément, on va d’étonnement en étonnement dans ce texte.

Le moyen, d’après lui, est bien simple et ce qui est intéressant, c’est qu’il est à la portée de tout le monde ! « Celui qui veut être le premier, qu’il se fasse le dernier et le serviteur de tous ». Dans le chapitre suivant du même évangile de Marc, on retrouvera à peu près le même déroulement : annonce de la Passion du Christ, rivalité entre les disciples pour la première place et réponse de Jésus : « Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi mais pour servir ... » On ne peut pas s’empêcher de faire le rapprochement avec le récit du lavement des pieds dans l’évangile de Jean.

Ici, Jésus prend un exemple qui effectivement est à la portée de tout le monde : il prend un enfant, le place au milieu d’eux et l’embrasse : ce geste, de la part de Jésus, est certainement très significatif ; à l’époque, l’enfant n’était pas « l’enfant-roi » comme on dit aujourd’hui ! En embrassant un enfant, Jésus embrasse la petitesse. C’est tout un programme. Puis il leur dit : « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même »... On croit entendre la fameuse parabole du Jugement Dernier dans l’évangile de Matthieu : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Jésus précise bien « si vous le faites en mon nom ». C’est là probablement le secret de la véritable grandeur aux yeux de Dieu : ce ne sont pas les actions en elles-mêmes qui sont grandes ! C’est de les faire au nom de Jésus-Christ.

Voilà encore une bonne nouvelle : parce que cela aussi est à la portée de tout le monde !
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Complément

« Celui qui accueille en mon nom... Et celui qui m’accueille, ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé » : Parole ferme et rassurante à la fois : vous voulez sincèrement être mes disciples, accueillir le salut de Dieu dans vos vies, je vous en indique le chemin... (rassurant) - il n’y en a pas d’autre (ferme).

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 19 09 2021, 25e dimanche du temps ordinaire

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8 septembre 2021 3 08 /09 /septembre /2021 00:22
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 11 septembre 2021).

LECTURE DU LIVRE D’ISAÏE  50, 5-9a

 

5   Le SEIGNEUR mon Dieu m'a ouvert l'oreille
     et moi, je ne me suis pas révolté,
     je ne me suis pas dérobé.
6   J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient,
     et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe.
     Je n'ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.
7   Le SEIGNEUR mon Dieu vient à mon secours ;
     c'est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages,
     c'est pourquoi j'ai rendu ma face dure comme pierre :
     je sais que je ne serai pas confondu.

8   Il est proche, Celui qui me justifie.
     Quelqu'un veut-il plaider contre moi ?
     Comparaissons ensemble !
     Quelqu'un veut-il m’attaquer en justice ?
     Qu'il s'avance vers moi !
9   Voilà le SEIGNEUR mon Dieu, il prend ma défense ;
     qui donc me condamnera ?
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LE SERVITEUR DE DIEU DÉCRIT PAR ISAÏE

 

Ce texte fait partie d’un ensemble qu’on appelle les « Chants du Serviteur » dans le livre d’Isaïe : quatre textes qui brossent le portrait d’un personnage étonnant appelé le « Serviteur de Dieu ».  C’est un véritable témoin de Dieu, il mène une vie exemplaire, mais il est persécuté ; après sa mort, on reconnaît en lui le porte-parole de Dieu, et mystérieusement, c’est à travers lui que l’humanité tout entière est sauvée ; c’est donc lui qui fait aboutir le projet de salut de Dieu pour toute l’humanité. Bien sûr, après deux mille ans de christianisme, nous croyons tout de suite qu’il s’agit de Jésus-Christ !

Mais le prophète Isaïe, lui, ne pensait certainement pas à Jésus-Christ quand il a écrit ce texte, probablement au sixième siècle av. J.-C., pendant l’Exil à Babylone. Il s’adressait aux exilés et donnait un sens à leur souffrance en rappelant à cette communauté sa mission de serviteur. Il fallait tenir à tout prix le cap de la fidélité pour collaborer au projet de salut de Dieu.

Le prophète invite la communauté à puiser ses forces dans la Parole de Dieu : « Le SEIGNEUR mon Dieu m'a ouvert l'oreille et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. » « L’écoute » (« l’oreille ouverte ») est un thème très présent dans la Bible : il est synonyme de confiance. On a pris l’habitude d’opposer ces deux attitudes types entre lesquelles nos vies oscillent sans cesse : confiance à l’égard de Dieu, abandon serein à sa volonté parce qu’on sait dans la foi que sa volonté n’est que bonne... ou bien méfiance, soupçon porté sur les intentions de Dieu... et révolte devant les épreuves, révolte qui peut nous amener à croire qu’il nous a abandonnés ou pire qu’il pourrait trouver une satisfaction dans nos souffrances.

Les prophètes, les uns après les autres, redisent « Écoute, Israël » ou bien « Aujourd’hui écouterez-vous la Parole de Dieu... ? » (Ps 94/95) et dans leur bouche, le mot « Écoutez » veut toujours dire « faites confiance à Dieu quoi qu’il arrive ». Et saint Paul dira pourquoi : parce que « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment (qui lui font confiance) ». De tout mal, de toute difficulté, de toute épreuve, il fait surgir du bien ; à toute haine, il nous donne la force d’opposer un amour plus fort encore ; dans toute persécution, il donne la force du pardon ; de toute mort il fait surgir la vie, la résurrection. Le mal reste un mal, mais du mal, Dieu fait naître du bien.

C’est cette confiance qui pousse le Serviteur à accepter la mission confiée. Il s’agit bien d’une « mission confiée » ; ce n’est pas un jeu de mots : c’est l’expression d’une confiance réciproque. Dieu fait confiance à son Serviteur, il lui confie une mission ; en retour le Serviteur accepte la mission avec confiance. Et c’est cette confiance même qui lui donne la force nécessaire pour tenir bon jusque dans les oppositions qu’il rencontrera inévitablement.

 

 

LA MISSION DU PROPHÈTE, UNE MISSION À RISQUES

En invitant ses frères à se ressourcer chaque jour dans la parole de Dieu, le prophète ne leur cache pas que leur mission de « Serviteur de Dieu » comporte des risques. Et la persécution est décrite ici de manière très réaliste : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe » Ce n’était probablement pas le fait des Babyloniens, mais de frères qui abandonnaient la religion des pères et persécutaient le petit noyau fidèle.

Pourquoi les prophètes, les vrais serviteurs sont-ils inévitablement persécutés ? Parce que la fidélité à la Parole de Dieu amène immanquablement le Serviteur à se singulariser, à déplaire ; s’il « écoute » réellement la Parole de Dieu, c’est-à-dire s’il la met en pratique, il devient vite extrêmement dérangeant. Sa propre conversion appelle les autres à la conversion. Certains entendent l’appel à leur tour... d’autres le rejettent, et, au nom de leurs bonnes raisons, persécutent le Serviteur. Les vrais prophètes, c’est-à-dire ceux qui parlent réellement au nom de Dieu meurent rarement dans leur lit.

Mais le Serviteur trouve sa force auprès de Celui qui lui permet de tout affronter car, en confiant une mission, le Seigneur donne la force nécessaire ; il « donne » le langage nécessaire : dans les versets précédents, le Serviteur l’a reconnu expressément : « Dieu, mon SEIGNEUR m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire » ... C’est Dieu lui-même qui nourrit cette confiance qui est la source de toutes les audaces au service des autres : « Le SEIGNEUR Dieu m’a ouvert l’oreille », ce qui veut dire que l’écoute (au sens biblique, la confiance) elle-même est don de Dieu. Tout est cadeau : la mission et aussi la force et aussi la confiance qui rend inébranlable.

C’est justement la caractéristique du croyant de tout reconnaître comme don de Dieu. Et celui qui vit dans ce don permanent de la force de Dieu peut tout affronter : « Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé... Le SEIGNEUR Dieu vient à mon secours. » Et là Isaïe emploie une expression un peu curieuse en français mais habituelle en hébreu : « J’ai rendu ma face dure comme pierre* » : elle exprime la résolution et le courage ; en français, on dit quelquefois « avoir le visage défait », eh bien ici le Serviteur affirme « rien ne m’écrasera, je tiendrai bon quoi qu’il arrive, vous ne me verrez pas le visage défait » ; ce n’est pas de l’orgueil ou de la prétention, c’est la confiance pure : parce qu’il sait bien d’où lui vient sa force : « Le SEIGNEUR Dieu vient à mon secours : c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages... »

Tout cela, Jésus l’a vécu ; et dans l’évangile de ce dimanche, il nous invite à le suivre sur ce chemin, quoi qu’il arrive : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »
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Note

Luc a repris exactement cette formule à propose de Jésus, prenant résolument la route de Jérusalem (Lc 9,51). Une traduction littérale serait : « Jésus durcit sa face pour se rendre à Jérusalem ».
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PSAUME 114 (116), 1-2, 3ac-4, 5-6, 8ac-9

 

1   J'aime le SEIGNEUR :
     il entend le cri de ma prière ;
2   Il incline vers moi son oreille :
     toute ma vie, je l'invoquerai.

3   J'étais pris dans les filets de la mort,
     retenu dans les liens de l'abîme,
     j'éprouvais la tristesse et l'angoisse ;
4   j'ai invoqué le nom du SEIGNEUR :
     « SEIGNEUR, je t'en prie, délivre-moi ! »

5   Le SEIGNEUR est justice et pitié,
     notre Dieu est tendresse.
6   Le SEIGNEUR défend les petits :
     j'étais faible, il m'a sauvé.

8   Il a sauvé mon âme de la mort,
     gardé mes yeux des larmes
     et mes pieds du faux pas.
9   Je marcherai en présence du SEIGNEUR
     sur la terre des vivants.
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LA SOLLICITUDE DE DIEU POUR SON PEUPLE AU LONG DE L’HISTOIRE

Comme toujours dans les psaumes, celui qui dit « Je » n’est pas un individu isolé, c’est le peuple croyant tout entier qui parle ; un peuple qui a souffert, qui a prié, je devrais dire « crié » et qui a expérimenté, au sein même de la souffrance, que Dieu était son allié : « J’aime le SEIGNEUR : il entend le cri de ma prière ; il incline vers moi son oreille : toute ma vie, je l’invoquerai. » En Israël, on peut le dire d’expérience : c’est Dieu qui prend l’initiative, et cela depuis toujours, depuis l’origine. Avec Adam, avec Noé, avec Abraham, chaque fois c’est Dieu qui a appelé l’homme à l’existence et à l’Alliance pour le bonheur de l’homme et non pour son profit, à lui, Dieu.

Puis, quand le peuple a souffert en Égypte, le Seigneur est venu à son secours. Le livre de l’Exode a cette phrase magnifique : « Les fils d’Israël gémirent du fond de la servitude et crièrent. Leur appel monta vers Dieu du fond de la servitude. Dieu entendit leur plainte ; Dieu se souvint de son Alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu vit les fils d’Israël ; Dieu se rendit compte. » (Ex 2,23-25). Et alors ce fut la formidable découverte du buisson ardent : « Le SEIGNEUR dit à Moïse : Oui, vraiment, j’ai vu la misère de mon peuple en Égypte et je l’ai entendu crier sous les coups des chefs de corvée. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens... Et maintenant, puisque le cri des fils d’Israël est venu jusqu’à moi, puisque j’ai vu le poids que les Égyptiens font peser sur eux, va, maintenant ; je t’envoie vers Pharaon, fais sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël ». (Ex 3,7... 10).

Il y a certainement cette expérience historique derrière la phrase du psaume : « J’étais pris dans les filets de la mort, retenu dans les liens de l’abîme, j’éprouvais la tristesse et l’angoisse. » Les filets de la mort dont il parle, c’est l’esclavage en Égypte : dix fois Pharaon a promis la liberté, mais toujours en définitive, il s’est comporté en ennemi ; seul Dieu a soutenu l’effort de libération de son peuple, et a couvert sa fuite.

Et chaque fois que le peuple a traversé des périodes sombres, car il y en a eu d’autres, Dieu est intervenu. Le psaume traduit : « Le SEIGNEUR défend les petits : j’étais faible, il m’a sauvé. » (v. 6). La très grande découverte d’Israël est dite ici : « Le SEIGNEUR est justice et pitié, notre Dieu est tendresse. »

Alors, en réponse, et seulement en réponse, le peuple rend grâce, il reconnaît l’œuvre de Dieu : « Je marcherai en présence du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » Quelle plus belle action de grâce ? « Je marcherai, je me tiendrai debout ». Le Serviteur d’Isaïe celui qui parle dans notre première lecture de ce dimanche, a pu dire ces strophes en toute vérité : « Le SEIGNEUR Dieu vient à mon secours : c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. »

JÉSUS L’A CHANTÉ LE SOIR DU JEUDI SAINT

Bien sûr, ce psaume prend tout son sens quand on sait qu’il fait partie des psaumes du Hallel, (les psaumes 112/113 à 117/118 qui étaient chantés à l’occasion de la fête juive de la Pâque, certains au début et les autres à la fin du repas) ; Jésus l’a donc chanté le soir du Jeudi saint ; Matthieu le dit : « Après avoir chanté les psaumes, (il s’agit des psaumes du jour, donc du Hallel, et en particulier de ce psaume-ci), ils sortirent pour aller au mont des Oliviers. » (Mt 26,30). Et ce qui est très frappant, c’est la parenté entre ce psaume que Jésus a chanté le jeudi soir et celui qu’il dira sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (le psaume 21/22). L’un et l’autre évoquent la douleur. Nous venons d’entendre le cri du psaume 21/22, auquel répond notre psaume d’aujourd’hui : « J’étais pris dans les filets de la mort, retenu dans les liens de l’abîme, j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ; j’ai invoqué le nom du SEIGNEUR : SEIGNEUR, je t’en prie, délivre-moi ! »

L’un et l’autre se terminent par l’action de grâce, et presque dans les mêmes termes ; Psaume 21/22 : « Tu seras ma louange dans la grande assemblée ; devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses... Vous qui le craignez, louez le SEIGNEUR, glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob... Car il n’a pas rejeté, il n’a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ; il ne s’est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte ». En écho, notre psaume d’aujourd’hui reprend la même résolution : « Je marcherai en présence du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » La « terre des vivants », c’est la terre promise ; et le mot « repos » (« Retrouve ton repos, mon âme »,v. 7) a le même sens ; le psaume évoque donc toute l’histoire du salut d’Israël, depuis la sortie d’Égypte, jusqu’à l’entrée en possession de la terre.

Et le psaume continue : « Je crois, et je parlerai, moi qui ai beaucoup souffert. Il en coûte au SEIGNEUR de voir mourir les siens ! Ne suis-je pas, SEIGNEUR, ton serviteur, moi, dont tu brisas les chaînes ? Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce, j’invoquerai le nom du SEIGNEUR. Je tiendrai mes promesses au SEIGNEUR, oui, devant tout son peuple, à l’entrée de la maison du SEIGNEUR, au milieu de Jérusalem ! »
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Note

1 - Dans la traduction grecque de la Bible, les versets qui suivent sont considérés comme faisant partie d’un nouveau psaume, numéroté 115 ; en revanche, dans la Bible en hébreu (le texte original), il s’agit toujours du même psaume numéroté 116.
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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT JACQUES    2,14-18

 

14 Mes frères,
     Si quelqu'un prétend avoir la foi,
     sans la mettre en œuvre,
     à quoi cela sert-il ?
     Sa foi peut-elle le sauver ?
15 Supposons qu'un frère ou une sœur
     n'ait pas de quoi s'habiller,
     ni de quoi manger tous les jours ;
16 si l'un de vous leur dit :
     « Allez en paix !
     Mettez-vous au chaud,
     et mangez à votre faim ! »
     sans leur donner le nécessaire pour vivre,
     à quoi cela sert-il ?
17 Ainsi donc, la foi,
     si elle n’est pas mise en œuvre,
     est bel et bien morte.
18 En revanche, on va dire :
     « Toi, tu as la foi ;
     moi, j’ai les œuvres.
     Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ;
     moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »
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IL NE SUFFIT PAS DE DIRE : SEIGNEUR, SEIGNEUR !

On connaît bien la phrase de Jésus : « Il ne suffit pas de me dire : Seigneur, Seigneur ! pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21). On connaît moins celle de saint Jacques, mais c’est bien la même chose : « Si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? »  Si la phrase de Jacques nous paraît un peu polémique, c’est parce que le problème était à l’ordre du jour. « Si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas » ; la formule « Si quelqu’un » invite à penser qu’il y a effectivement des gens qui prétendent avoir la foi alors qu’ils ne bougent pas le petit doigt pour leurs frères.

Mais au fait, tous les prédicateurs de tous les temps ont eu à le rappeler : Loi et prophètes, en Israël, s’y sont employés. Où l’on voit, d’ailleurs, une fois de plus, que Jacques était très marqué par l’Ancien Testament. Le service des autres était un thème privilégié des prophètes ; par exemple Isaïe : « Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ? Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras ; devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. » (Is 58,6-7). C’est ce que Jacques appelle « mettre sa foi en pratique ». Alors que, pour nous, un « pratiquant », c’est plutôt quelqu’un qui va à la messe !

Il semble bien que ce soit la leçon à retenir de ce texte : il y a pratique et pratique, justement... et les auteurs du Nouveau Testament emploient ce mot dans des sens différents. Il y a la pratique du culte et la pratique du précepte de la charité ; et tous sont d’accord pour dire que l’un ne remplace pas l’autre. Quand Jésus cite (par deux fois) la fameuse phrase du prophète Osée : « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices, la connaissance de Dieu, et non les holocaustes. » (Os 6,6 ; cité deux fois par Matthieu aux chapitres 9 et 12), il veut justement rappeler que toutes les belles pratiques du culte (les sacrifices) ne dispensent pas des gestes de charité.

C’est ce que Jacques dit ici à l’aide de sa petite parabole : « Supposons qu'un frère ou une sœur n'ait pas de quoi s'habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l'un de vous leur dit : Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? » Traduisez : toutes les belles paroles du monde n’ont jamais servi à rien.

Cela, on le savait, me direz-vous ! Mais le problème, apparemment, c’est que si les belles paroles ne servent à rien pour les autres, Jacques semble dire qu’elles ne nous font pas du bien à nous non plus ! À l’en croire, notre foi meurt de n’être pas mise en pratique, c’est-à-dire au service des autres. Un peu plus bas, il dira : « Comme le corps qui ne respire plus est mort, la foi qui n’agit pas est morte » (2,26). Ce qui veut dire que les actes sont la respiration de la foi.

 

IL Y A PRATIQUE ET PRATIQUE

 Une fois de plus, saint Jean nous semble très proche : vous connaissez cette phrase de sa première lettre : « Si quelqu’un possède les biens de ce monde et voit son frère dans le besoin, et qu’il se ferme à toute compassion, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui ? Mes petits enfants, n’aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité… Qui n’aime pas n’a pas découvert Dieu puisque Dieu est amour. » (1 Jn 3, 17-18).

Ou encore « Quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. (1 Jn 4, 7-8). Le mérite de cette dernière phrase est de nous faire comprendre que la foi n’est pas un bagage, mais un chemin, celui sur lequel, grâce à l’attention portée à nos frères, nous découvrons Dieu lui-même. Jésus, lui, prend une autre comparaison : il ne compare pas la foi à un chemin, mais à une construction : « Tout homme qui entend les paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut être comparé à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc... Et tout homme qui entend les paroles que je viens de dire et ne les met pas en pratique, peut être comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. »  (Mt 7,24... 26).

Saint Paul n’est pas en reste : « Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. » (1 Co 13,2). Paul et Jacques sont donc bien d’accord. Oui, mais alors, que deviennent toutes les affirmations de Paul sur la gratuité du salut ? Il insiste beaucoup pour dire que Dieu nous sauve gratuitement sans mérite de notre part : ce ne sont pas ce que l’on appelle nos « œuvres » qui nous sauvent. (Par œuvres il entend bien les œuvres de charité, mais surtout la circoncision et les règles alimentaires juives).

En réalité, il n’y pas opposition sur le fond entre Paul et Jacques ; seulement, ce sont deux prédicateurs qui s’adressent à deux auditoires différents ; donc ils n’insistent pas sur les mêmes choses.

Les chrétiens de Paul n’en finissent pas de discuter pour savoir s’il faut ou non respecter toutes les pratiques juives (à commencer par la circoncision) en plus du baptême chrétien. À ceux-là, Paul affirme : Dieu nous sauve gratuitement, (c’est ce qu’il appelle « par la foi ») ; il nous suffit de croire en Lui et d’accueillir ce salut offert. Les œuvres de charité suivront forcément si notre foi est réelle !

Oui, mais du coup, dans l’auditoire de Jacques, il y a des petits malins qui profitent des affirmations de Paul pour dire que puisqu’il suffit d’avoir la foi, et que nos œuvres (nos gestes de charité) ne comptent pas, il n’y a pas besoin de s’occuper des autres !

À ceux-là, Jacques rappelle tout simplement la phrase de Jésus : « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35).
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Complément

Jésus a répercuté cette prédication de multiples manières : par exemple, la parabole du Jugement dernier chez saint Matthieu semble bien privilégier les gestes : « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait. » (Mt 25,31-46).
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC  8, 27 - 35

 

     En ce temps-là,
27 Jésus s'en alla, ainsi que ses disciples,
     vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe.
     Chemin faisant, il interrogeait ses disciples :
     « Au dire des gens, qui suis-je ? »
28 Ils lui répondirent :
     « Jean le Baptiste ;
     pour d'autres, Élie ;
     pour d'autres, un des prophètes. »
29 Et lui les interrogeait :
     « Et vous, que dites-vous ?
     Pour vous, qui suis-je ? »
     Pierre, prenant la parole, lui dit :
     « Tu es le Christ. »
30 Alors, il leur défendit vivement
     de parler de lui à personne.
31 Il commença à leur enseigner
     qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup,
     qu'il soit rejeté
     par les anciens, les grands prêtres et les scribes,
     qu'il soit tué,
     et que, trois jours après, il ressuscite.
32 Jésus disait cette parole ouvertement.
     Pierre, le prenant à part,
     se mit à lui faire de vifs reproches.
33 Mais Jésus se retourna
     et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre :
     « Passe derrière moi, Satan !
     Tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
     mais celles des hommes. »
34 Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit :
     « Si quelqu'un veut marcher à ma suite,
     qu'il renonce à lui-même,
     qu'il prenne sa croix,
     et qu'il me suive.
35 Car celui qui veut sauver sa vie
     la perdra ;
     mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile
     la sauvera. »
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LE PREMIER RENIEMENT DE PIERRE 

Pierre vient d’oser la déclaration la plus extraordinaire que l’on pouvait imaginer à l’époque : « Tu es le Messie. » Et on est surpris de la réaction de Jésus ; il ne refuse pas le titre, mais aussitôt il donne une stricte consigne de silence. Nous avons déjà rencontré plusieurs fois ce fameux « secret messianique » : il est trop tôt pour dire à tous que Jésus est le Messie, parce que ce titre est trop ambigu. Car Jésus est bien le Messie qu’on attend, mais pas du tout comme on l’attend ! C’est ce qu’il va essayer de faire comprendre à ses disciples : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. »

Pour des oreilles juives, ce discours était complètement paradoxal : au moment même où Jésus revendiquait le titre de Messie (Fils de l’homme était un synonyme), il prévoyait l’échec, la souffrance, la mort. Quelques mots d’abord sur ce titre de « Fils de l’homme » : cette expression sort tout droit du livre de Daniel, au chapitre 7 : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur les nuées du ciel venait comme un Fils d’homme ; il arriva jusqu’au Vieillard, et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera jamais détruite. » (Dn 7,13-14). Quelques versets plus loin, Daniel précise que ce Fils d’homme n’est pas un individu solitaire, mais un peuple : « Les saints du Très-Haut recevront la royauté, et ils posséderont la royauté pour toujours et à tout jamais... La royauté, la souveraineté et la grandeur de tous les royaumes qu’il y a sous tous les cieux, elles ont été données au peuple des saints du Très-Haut : sa royauté est une royauté éternelle ; toutes les souverainetés le serviront et lui obéiront. » (Dn 7,18.27). Quand Jésus s’applique à lui-même ce titre de Fils de l’homme, il se présente donc comme celui qui prend la tête du peuple de Dieu. Il est bien le Messie qui vient établir le règne de Dieu sur la terre.

Pas question de souffrance dans tout cela ! Quelle idée ! Pierre a raison de s’insurger. Comme beaucoup de ses contemporains, il attendait un Messie-roi, triomphant, glorieux, puissant, et chassant une bonne fois du pays l’occupant romain. Alors ce qu’annonce Jésus est inacceptable, le Dieu tout-puissant ne peut pas laisser faire des choses pareilles ! On pourrait presque intituler ce texte : « Le premier reniement de Pierre », premier refus de suivre le Messie dans la souffrance. Jésus affronte ce refus spontané de Pierre comme une véritable tentation pour lui-même et il le lui dit avec véhémence : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

LES PENSÉES DE DIEU NE SONT PAS CELLES DES HOMMES

Que nos vues soient spontanément « humaines », quoi de plus naturel ! Mais il nous faut laisser l’Esprit les transformer, parfois les bouleverser complètement, si nous voulons rester fidèles au plan de Dieu. À la différence de Matthieu et Luc, Marc ne raconte pas le détail des tentations de Jésus au désert, mais nul doute qu’il nous en décrit une ici, une particulièrement grave et qui suscite une réaction très vive de Jésus, preuve qu’il doit livrer ici un véritable combat : « voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : Passe derrière moi, Satan ! »

Pourquoi Marc note-t-il ici que c’est à cause de la présence des disciples que Jésus a réagi de cette manière ? Sinon parce que la méprise de Pierre est d’autant plus grave qu’il risque d’entraîner les autres dans son erreur ? Le titre de Satan (« l’obstacle ») dit bien quel est l’enjeu : comme le Serviteur d’Isaïe (première lecture), Jésus est résolu à « écouter » son Père, à se laisser instruire, et à accomplir jusqu’au bout sa mission, quitte à subir les outrages, les crachats, les coups.

« Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats » disait le Serviteur décrit par Isaïe (Is 50,5-6 ; la première lecture de ce dimanche).

Car le plan de salut de Dieu ne s’accommode pas d’un Messie triomphant : pour que les hommes « parviennent à la connaissance de la vérité », comme dit Paul (1 Tm 2,4), il faut qu’ils découvrent le Dieu de tendresse et de pardon, de miséricorde et de pitié ; cela ne se pourra pas dans des actes de puissance mais dans le don suprême de la vie du Fils : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15,13). Et il invite à sa suite tous ses disciples de tous les temps.

Marc note que Jésus, alors, a appelé la foule et poursuivi son enseignement sur les exigences de l’évangélisation : « Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 12 09 2021, 24e dimanche du temps ordinaire B

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30 août 2021 1 30 /08 /août /2021 23:17
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 4 septembre 2021).

LECTURE DU LIVRE D’ISAÏE 35,4-7a

 

4   Dites aux gens qui s’affolent :
     « Soyez forts, ne craignez pas.
     Voici votre Dieu :
     c’est la vengeance qui vient,
     la revanche de Dieu.
     Il vient lui-même
     et va vous sauver. »
5   Alors se dessilleront les yeux des aveugles
     et s’ouvriront les oreilles des sourds.
6   Alors le boiteux bondira comme un cerf
     et la bouche du muet criera de joie ;
     car l’eau jaillira dans le désert,
     des torrents dans le pays aride.
7   La terre brûlante se changera en lac ;
     la région de la soif, en eaux jaillissantes.
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LA VENGEANCE DE DIEU : IL VA NOUS SAUVER

À l’écoute de ce texte, deux mots nous ont surpris, peut-être, ou même choqués : la vengeance de Dieu et la revanche de Dieu : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu ». Disons-le tout de suite, ils n’ont pas du tout le même sens ici que dans notre langage courant du vingt-et-unième siècle !

Pour les comprendre, il faut les replacer dans leur contexte : je vous lis la phrase en entier : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu, c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver » ; ce qui veut dire que la revanche de Dieu, c’est de nous sauver. Pour bien faire, il faudrait écrire : « Voici la revanche de Dieu : (« deux points ») il vient lui-même et va vous sauver » ; on devrait même dire « voici la revanche de Dieu : (« deux points ») il vient lui-même pour vous sauver ».

Et tout le reste du texte, ce sont des promesses : promesses de guérison, de rétablissement pour les aveugles, les sourds, les muets, les boiteux... « Alors se dessilleront les yeux des aveugles et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »

Promesses, surtout, de retour au pays pour les exilés : les versets suivants que nous ne lisons pas ce dimanche viennent éclairer le contexte : « Ils reviendront, les captifs rachetés (c’est-à-dire « libérés ») par le SEIGNEUR, ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie, un bonheur sans fin illuminera leur visage ; allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuiront. » Effectivement, quand Isaïe prononce ces paroles, le peuple d’Israël est en exil à Babylone, après avoir vécu les atrocités du siège de Jérusalem par les armées de Nabuchodonosor.

Cinquante années d’exil, de quoi perdre courage. Ce n’est pas par hasard qu’Isaïe leur dit « Dites aux gens qui s’affolent : Soyez forts, ne craignez pas ».

Cinquante ans pendant lesquels on a rêvé de ce retour, sans oser y croire. Et voilà que le prophète annonce le retour au pays, il dit « Dieu va vous sauver », c’est-à-dire « vous libérer ». Pour rentrer au pays, le chemin le plus direct entre Babylone et Jérusalem traverse le désert d’Arabie ; mais cette traversée du désert, Isaïe la décrit comme une marche triomphale dans un véritable paradis : le désert se réjouira, le pays aride exultera et criera de joie, il « jubilera » dit même le texte hébreu dans les versets qui précèdent le passage que nous lisons aujourd’hui ; ici, il insiste : « L’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. La terre brûlante se changera en lac ; la région de la soif, en eaux jaillissantes. » ! Il faut entendre la résonance de telles paroles dans un pays de sécheresse et de soif !

Et c’est cela la vengeance de Dieu ! Les assoiffés seront désaltérés ; mieux encore, les humiliés pourront relever la tête ! « Alors se dessilleront les yeux des aveugles et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »

C’est donc un sens extrêmement positif du mot « vengeance » ; pour l’homme de la Bible, il est bien clair que Dieu ne se venge pas de nous, il ne prend pas sa revanche contre nous, mais contre le mal qui nous atteint, qui nous abîme ; sa revanche c’est de nous rendre notre dignité. C’est cela la gloire de Dieu.

 

À LA DÉCOUVERTE DU VRAI VISAGE DE DIEU

Mais il faut bien dire qu’on n’a pas toujours pensé comme cela ! Le texte d’Isaïe est assez tardif dans l’histoire biblique ; il a fallu tout un long chemin de révélation pour en arriver là. Au début de son histoire, le peuple de la Bible était comme tous les autres : il imaginait un Dieu à l’image de l’homme, un Dieu qui se venge comme les humains. Puis, au fur et à mesure de la Révélation, grâce à la prédication des prophètes, on a commencé à découvrir Dieu tel qu’il est, et non pas tel qu’on l’imaginait ; alors le mot « vengeance » est resté mais son sens a complètement changé ; nous avons déjà vu plusieurs fois dans la Bible ce phénomène de retournement complet du sens d’un mot : c’est le cas pour le sacrifice, par exemple, et aussi pour la crainte de Dieu.

Il a fallu bien des étapes et bien des siècles pour qu’on découvre le vrai visage de Dieu, un Dieu tout autre que nous et tout autre que ce que nous imaginons spontanément : « Ses pensées ne sont pas nos pensées et nos chemins ne sont pas ses chemins » (comme dit Isaïe : Is 55,8)... un Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde pour tous les hommes sans exception, même les méchants, un Dieu qui « ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 18,23). On a peu à peu découvert que l’expression « voici la revanche de Dieu : il vient lui-même et va vous sauver » signifie ‘Dieu vous aime plus que tout être au monde, et, quelle que soit l’humiliation physique ou morale que vous ayez subie, il vient pour vous libérer, pour vous relever.’

Isaïe parlait de la libération des captifs de Babylone et de leur retour à Jérusalem ; mais l’humanité attend encore sa libération définitive de toute humiliation, de tout aveuglement, de toute surdité : ce sera l’œuvre du Messie, les contemporains de Jésus le savaient bien. C’est pour cela que pour se présenter à la synagogue de Nazareth (Luc 4), Jésus a cité un autre passage tout à fait semblable d’Isaïe « Le SEIGNEUR m’a envoyé porter un joyeux message aux humiliés, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté, annoncer les bienfaits du SEIGNEUR et le jour de la vengeance de notre Dieu. » (Is 61,1-2). Et quand les disciples de Jean lui ont demandé « Es-tu celui qui doit venir ? » Jésus a simplement répondu : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Luc 7, 22) ... La bonne nouvelle, c’est que Dieu nous relève et nous sauve.
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PSAUME  145 (146),6...10 

 

7   Le SEIGNEUR garde à jamais sa fidélité,
     il fait justice aux opprimés,
     aux affamés il donne le pain,
     le SEIGNEUR délie les enchaînés.

8   Le SEIGNEUR ouvre les yeux des aveugles,
     le SEIGNEUR redresse les accablés,
     le SEIGNEUR aime les justes.
9   Le SEIGNEUR protège l'étranger.

     Il soutient la veuve et l'orphelin.
     Il égare les pas du méchant
10 D’âge en âge, le SEIGNEUR régnera,
     ton Dieu, ô Sion, pour toujours.
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LE CHANT DE JOIE DU RETOUR AU PAYS

Ce psaume ressemble à un inventaire ! L’inventaire des bénéficiaires des largesses de Dieu : opprimés, affamés, enchaînés, aveugles, accablés, étrangers, veuves et orphelins. Bref tous ceux que les hommes ignorent ou méprisent. Tous ceux-là, Dieu leur vient en aide.

Quand le peuple d’Israël chante ce psaume qui est une véritable profession de foi, c’est sa propre histoire qu’il raconte et il rend grâce pour la protection indéfectible de Dieu ; et si la liturgie du temple de Jérusalem lui fait chanter ce psaume, justement, c’est pour qu’il n’oublie pas la sollicitude que Dieu lui a témoignée, tout au long de son histoire, malgré ses faiblesses et ses péchés. Car Israël a effectivement connu toutes ces situations : l’oppression en Égypte, dont Dieu l’a délivré « à main forte et à bras étendu » comme ils disent ; et aussi l’oppression à Babylone et, là encore, Dieu est intervenu. Et ce psaume, d’ailleurs, a été écrit après le retour de l’Exil à Babylone, peut-être pour la dédicace du Temple restauré. Le Temple avait été détruit en 587 av. J.-C. par les troupes du roi de Babylone, Nabuchodonosor. Cinquante ans plus tard (en 538 av. J.-C.), quand Cyrus, roi de Perse, a vaincu Babylone à son tour, il a autorisé les Juifs, qui étaient esclaves à Babylone, à rentrer en Israël et à reconstruire leur Temple. Ce ne fut pas sans peine, comme on sait, mais le Temple fut finalement rebâti en 515 et on célébra sa Dédicace dans la joie et dans la ferveur. Le livre d’Esdras raconte : « Les fils d’Israël, les prêtres, les lévites et le reste des déportés firent dans la joie la Dédicace de cette Maison de Dieu » (Esd 6,16).

Ce psaume est donc tout imprégné de la joie du retour au pays. Une fois de plus, Dieu vient de prouver sa fidélité à son Alliance : Il a libéré son peuple, il a agi comme son plus proche parent, son vengeur, son « racheteur » (c’est-à-dire son « libérateur »), comme dit la Bible. Quand Israël relit son histoire, il peut témoigner que Dieu l’a accompagné tout au long de sa lutte pour la liberté « Le SEIGNEUR fait justice aux opprimés, le SEIGNEUR délie les enchaînés ». 

Israël a connu la faim, aussi, dans le désert, pendant l’Exode, et Dieu a envoyé la manne et les cailles pour sa nourriture : « Aux affamés, il donne le pain ». Et, peu à peu, on a découvert ce Dieu qui, systématiquement, prend parti pour la libération des enchaînés et pour la guérison des aveugles, pour le relèvement des petits de toute sorte.

Ils sont ces aveugles, encore, à qui Dieu ouvre les yeux, à qui Dieu se révèle progressivement, par ses prophètes, depuis des siècles ; ils sont ces accablés que Dieu redresse inlassablement, que Dieu fait tenir debout ; ils sont ce peuple en quête de justice que Dieu guide ; (« Dieu aime les justes »).

C’est donc un chant de reconnaissance qu’ils chantent ici.

« Le SEIGNEUR fait justice aux opprimés / Aux affamés, il donne le pain / Le SEIGNEUR délie les enchaînés / Le SEIGNEUR ouvre les yeux des aveugles / Le SEIGNEUR redresse les accablés / Le SEIGNEUR aime les justes / Le SEIGNEUR protège l’étranger / il soutient la veuve et l’orphelin. Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours. » 

Vous avez remarqué l’insistance sur le nom « SEIGNEUR » : il traduit le fameux NOM de Dieu, le NOM révélé à Moïse au Buisson ardent : les quatre lettres « YHWH » qui disent la présence permanente, agissante, libérante de Dieu à chaque instant de la vie de son peuple

Je reprends la dernière ligne d’aujourd’hui : « Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours ». » Le SEIGNEUR est ton Dieu », c’est la formule typique de l’Alliance : « Vous serez MON peuple et je serai VOTRE Dieu. » Chaque fois que l’on rencontre l’expression « mon Dieu », c’est un rappel de l’Alliance, de toute l’histoire, l’aventure de l’Alliance entre Dieu et son peuple choisi : Alliance à laquelle Dieu n’a jamais failli.

UN PROGRAMME DE VIE

« Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours » ; une fois de plus, je remarque que la prière d’Israël est tendue vers l’avenir ; elle n’évoque le passé que pour fortifier son attente, son espérance.

Et d’ailleurs quand Dieu avait dit son nom à Moïse, il l’avait dit de deux manières : ce fameux nom, imprononçable en quatre lettres, YHWH que nous retrouvons partout dans la Bible, et en particulier dans ce psaume, que nous traduisons « le SEIGNEUR » ; mais aussi, et d’ailleurs il avait commencé par là, il avait donné une formule plus développée, « Ehiè asher ehiè » qui se traduit en français à la fois par un présent « je suis qui je suis » et par un futur « Je serai qui je serai ». Manière de dire sa présence permanente et pour toujours auprès de son peuple.

Ici, l’insistance sur le futur, « pour toujours » vise aussi à fortifier l’engagement du peuple : il est bien utile de se répéter ce psaume non seulement pour reconnaître la simple vérité de l’œuvre de Dieu en faveur de son Peuple, mais aussi pour se donner une ligne de conduite : car, en définitive, cet inventaire est aussi un programme de vie : si Dieu a agi ainsi envers Israël, celui-ci se sent tenu d’en faire autant pour les autres ; tous les exclus ne connaîtront l’amour que Dieu leur porte qu’à travers le comportement de ceux qui en sont les premiers témoins. Et d’ailleurs, pour être sûr que le peuple se conforme peu à peu à la miséricorde de Dieu, la Loi d’Israël comportait beaucoup de règles de protection des veuves, des orphelins, des étrangers.

La Loi n’avait qu’un objectif : faire d’Israël un peuple libre, respectueux de la liberté d’autrui. Parce que Dieu mène inlassablement son peuple, et à travers lui, l’humanité tout entière, sur un long chemin de libération.

Quant aux prophètes, c’est principalement sur l’attitude par rapport aux pauvres et aux affligés de toute sorte qu’ils jugeaient de la fidélité d’Israël à l’Alliance. Si on fait l’inventaire des paroles des prophètes, on est obligé d’admettre que leurs rappels à l’ordre portent majoritairement sur deux points : une lutte acharnée contre l’idolâtrie, d’une part, et les appels à la justice et au souci des autres, d’autre part. Jusqu’à oser dire de la part de Dieu « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices, la connaissance de Dieu et non les holocaustes. » (Os 6,6) ; ou encore : « On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et marcher humblement avec ton Dieu. » (Mi 6,8).

Nous avions lu dans le livre du Siracide que « les larmes de la veuve coulent sur les joues de Dieu » (Si 35,18)... cela veut dire que toutes les larmes de tous ceux qui souffrent coulent sur les joues de Dieu... Si nous sommes assez près de Dieu, logiquement, elles devraient couler aussi sur nos joues à nous !... C’est probablement cela, être à son image ?
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Note

1 – En hébreu, une telle formule « Je suis qui je suis » ou « je fais miséricorde à qui je fais miséricorde » (le pronom relatif reliant deux expressions semblables) est tout simplement un superlatif, donc une forme emphatique.
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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT JACQUES 2,1-5

 

1   Mes frères, 
dans votre foi en Jésus Christ, notre Seigneur de gloire, 
n’ayez aucune partialité envers les personnes. 

2   Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps
un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, 
et un pauvre au vêtement sale. 

3   Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant 
et vous lui dites : 
« Assieds-toi ici, en bonne place » ; 
et vous dites au pauvre : 
« Toi, reste là debout », 
ou bien : 
« Assieds-toi au bas de mon marchepied. » 

4   Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous, 
et juger selon de faux critères ? 

5   Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! 
Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi 
ceux qui sont pauvres aux yeux du monde 
pour en faire des riches dans la foi, 
et des héritiers du Royaume 
promis par lui à ceux qui l’auront aimé ?

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LE SEIGNEUR NE JUGE PAS SELON LES APPARENCES

La petite parabole sur le pauvre et le riche dans l'assemblée chrétienne paraît à première vue un peu caricaturale ; bien sûr, aucun de nous ne tomberait dans ce travers ! Encore que... Il suffirait peut-être de changer un tout petit peu le décor pour que nous nous retrouvions en pays connu ; les snobismes de toute sorte ont cours dans tous les cercles de la société. L'accueil des plus pauvres dans l'Église demeure difficile et il y a bien des formes de pauvreté. Ce que Jacques vise donc, ce sont les discriminations, quelles qu'elles soient : d'ordre racial, ethnique, social, financier ou autre.

Pas besoin d’avoir la foi pour cela, me direz-vous ; toute société de droit (c’en est même la définition, justement) recommande l’égalité de tous devant la justice. Israël connaît ce genre de préceptes : « Ne commettez pas d’injustice dans les jugements, n’avantage pas le faible et ne favorise pas le grand, mais juge avec justice ton compatriote. » (Lv 19,15). Mais ce qui est particulier à Israël, une fois de plus, c’est la source de sa Loi, qui n’est autre que Dieu lui-même. Dans le cas présent, c’est parce que Dieu lui-même est impartial, que les hommes sont invités à l’être. En voici quelques exemples : « Vous n’aurez pas de partialité dans le jugement : entendez donc le petit comme le grand, n’ayez peur de personne, car le jugement appartient à Dieu. » (Dt 1,17)... « C’est le SEIGNEUR votre Dieu qui est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand et redoutable, l’impartial, l’incorruptible. » (Dt 10,17)... « Lui seul ne favorise pas les princes et ne fait pas plus de cas du richard que du pauvre, car tous sont l’œuvre de sa main. » (Jb 34,19)... Et les prophètes ne sont pas en reste, on s’en doute : Malachie, par exemple, fustige les responsables du peuple : « Vous ne suivez pas mes voies et vous faites preuve de partialité dans vos décisions. » (Ml 2,9). Et l’on aime à raconter l’histoire du choix de David par le prophète Samuel : Jessé avait huit fils, parmi lesquels, Samuel le savait, il y avait l’élu de Dieu. Et voici que l’aîné se présente : Samuel le trouve grand, bien fait, c’est sûrement lui. Eh non, justement. Voici la suite du texte : « Le SEIGNEUR dit à Samuel : Ne considère pas son apparence ni sa haute taille. Il ne s’agit pas ici de ce que voient les hommes : les hommes voient ce qui leur saute aux yeux, mais le SEIGNEUR voit le cœur. » (1 S 16,7). On se le redira souvent !

Le Nouveau Testament, bien sûr, n’a pas contredit cette donnée bien établie de la Révélation. Paul affirme « En Dieu, il n’y a pas de partialité. » (Rm 2,11), et Pierre en écho : « Vous invoquez comme Père celui qui, sans partialité, juge chacun selon son œuvre. » (1 Pi 1,17). Mais au fait, la deuxième partie du texte de ce dimanche n’est-elle pas en contradiction avec l’affirmation de l’impartialité de Dieu ? C’est Jacques qui parle : « Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? » Alors, Dieu aurait-il une préférence pour les pauvres ?

UN TRÉSOR DANS DES VASES D’ARGILE

Pour commencer, il ne faut pas oublier que, dans la Bible, choix ne signifie pas « préférence » mais choix pour une mission, toujours. Voilà une spécificité de la Révélation. Le peuple d’Israël le sait d’expérience, lui qui a été choisi, pour une mission bien particulière ; mais qui sait fort bien que Dieu aime tous les peuples et tous les hommes, infiniment. L’infini n’est pas mesurable, par hypothèse. Sans parler de préférence, donc, au sens habituel de ce mot, parlons de choix ; et il semble bien que Dieu confie aux pauvres une mission particulière. « Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin qu’aucune créature ne puisse s’enorgueillir devant Dieu. » (1 Co 1,26-28).

Et de fait, dans l’histoire d’Israël, la Bible semble prendre un malin plaisir à montrer que Dieu se plaît à choisir les plus petits. Abraham était un vieillard sans enfant, donc sans avenir, quand Dieu l’a choisi comme tête de son peuple ; Moïse était réduit à l’exil pour avoir tué un Égyptien ; David n’était ni le plus beau ni le plus grand, ni le plus vertueux, des fils de Jessé, semble-t-il ; et que dire de Salomon sur ce chapitre ? Jérémie était un jeune homme faible et craintif et Dieu en a fait un prophète intrépide et infatigable. Bethléem était le plus petit des clans de Juda ; et de Nazareth, on n’a jamais rien vu sortir de bon. Et pourtant, c’est avec tous ces pauvres-là que Dieu a révélé ses richesses au monde. C’est Paul qui nous en donne le secret : « Ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit reconnue comme étant de Dieu et non de nous. » (2 Co 4,7).
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 7, 31 - 37

 

     En ce temps-là,     
31 Jésus quitta le territoire de Tyr ;
     passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée
     et alla en plein territoire de la Décapole.
32 des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler
     et supplient Jésus de poser la main sur lui.
33 Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule,
     lui mit les doigts dans les oreilles,
     et, avec sa salive, lui toucha la langue.
34 Puis, les yeux levés au ciel,         
     il soupira et lui dit :
     « Effata ! », c’est à dire : » Ouvre-toi ! »
35 Ses oreilles s’ouvrirent ;   
     sa langue se délia,
     et il parlait correctement.
36 Alors Jésus leur ordonna  
     de n’en rien dire à personne ;
     mais plus il leur donnait cet ordre,
     plus ceux-ci le proclamaient.
37 Extrêmement frappés, ils disaient :
     « Il a bien fait toutes choses :
     il fait entendre les sourds et parler les muets. »
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LA VENUE DU MESSIE CHEZ LES PAÏENS

Après la discussion avec les Juifs sur les règles de pureté, Jésus était parti en territoire païen ; là, il a guéri la fille de la syro-phénicienne qui avait manifesté une foi que Jésus aurait bien voulu trouver auprès de ses compatriotes. Les épisodes suivants se déroulent également en territoire païen, en Décapole, plus précisément : c’était une confédération de dix villes grecques, pour la plupart situées à l’est du Jourdain, que Pompée avait soustraites à l’administration d’Hérode et rattachées à la province romaine de Syrie. C’étaient des villes de culture grecque et non juive. Marc ne précise pas de quelle ville il s’agit, la pointe de son propos n’est pas là. C’est ici que se déroule l’épisode de ce dimanche, la guérison d’un homme qui était doublement infirme : il était à la fois sourd et bègue. Nous verrons tout à l’heure que Marc a choisi soigneusement ce vocabulaire.

Pour l’instant, je reprends le texte : Jésus quitte donc la région de Tyr ; passant par Sidon, il prend la direction du lac de Galilée et se rend en plein territoire de la Décapole, (c’est-à-dire en milieu païen). On lui amène un sourd-bègue, et on le prie de poser la main sur lui. Alors, Jésus fait quelque chose qu’il n’avait jamais fait jusqu’ici, il emmène l’infirme à l’écart, loin de la foule et il fait sur lui les gestes que faisaient habituellement les guérisseurs : « Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, prenant de la salive, lui toucha la langue. » Il ne change donc pas les gestes, mais il va leur donner un sens nouveau : car, à partir de là, Jésus diffère des autres : « les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : Effata ! c’est-à-dire : Ouvre-toi ! » Le geste de lever les yeux au ciel est sans ambiguïté : Jésus ne guérit que grâce au pouvoir que lui donne son Père.

Quant au soupir, à en croire le vocabulaire, il s’agit plutôt d’un gémissement : le même mot est employé dans les Actes des Apôtres par Étienne dans son discours pour décrire la souffrance du peuple d’Israël esclave en Égypte ; Paul emploie ce mot également pour dire l’impatience de la création  captive en attente de sa délivrance : « La création tout entière gémit dans les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (Rm 8,22) et il l’emploie encore quand il parle de l’Esprit Saint qui prie dans le cœur des croyants (Rm 8, 26). En Jésus qui gémit, n’y a-t-il pas tout cela ? L’humanité attendant sa délivrance ? Et aussi l’Esprit qui intercède pour nous ? Parce que notre souffrance ne peut laisser Dieu indifférent.

 

IL FAIT ENTENDRE LES SOURDS ET PARLER LES MUETS

Et voilà notre infirme guéri : « Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. » Une fois de plus, Jésus donne une consigne stricte de silence : espère-t-il être obéi ? Peine perdue. « Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient. Extrêmement frappés, ils disaient : Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. » Sans le savoir, puisqu’ils sont des païens, ils citent les Écritures : « Il a bien fait toutes choses » est une reprise du constat de la Genèse ; se retournant sur l’œuvre qu’il avait faite en sept jours « Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon. » (Gn 1,31) ; « il fait entendre les sourds et parler les muets » est un rappel des promesses d’Isaïe pour l’ère de bonheur qui s’ouvrira au moment de la venue du Messie : « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. » (Is 35,5-6 ; texte de la première lecture de ce dimanche). Les promesses messianiques sont donc pour tous, Juifs et païens. Et, curieusement, ce sont les païens, apparemment, qui en déchiffrent le mieux les signes. Ils « proclamaient » nous dit Marc ; là encore, il ne choisit certainement pas le mot par hasard ; il a usé du même pour Jean-Baptiste (1,4 « proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés »), pour le lépreux (1,45 « une fois parti, il se mit à proclamer bien haut et à répandre la nouvelle ») ; enfin, ce sera l’ordre donné par Jésus à ses apôtres après sa Résurrection (16,15 « Allez par le monde entier, proclamer l’évangile à toutes les créatures. »)

Cette attitude ouverte des païens contraste avec la difficulté des disciples : Marc accumule tout au long de son évangile des notations très négatives à leur propos, faisant ainsi ressortir la solitude de Jésus. À de multiples reprises, en effet, l’évangéliste rapporte des paroles de Jésus non équivoques sur leur difficulté à entrer dans son mystère : par exemple, après la parabole du semeur, « Vous ne comprenez pas cette parabole ! Alors comment comprendrez-vous toutes les paraboles ? » (4,13) ; à la fin de l’épisode de la tempête apaisée : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore la foi ? » (4,40-41) ; et surtout après la deuxième multiplication des pains : « Vous ne saisissez pas encore et vous ne comprenez pas ? Avez-vous le cœur endurci ? Vous avez des yeux : ne voyez-vous pas ? Vous avez des oreilles : n’entendez-vous pas ? » (8,18). Cette surdité et cet aveuglement subsisteront jusqu’après la Résurrection de Jésus : « Il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité. » (16,14).

Alors nous comprenons mieux l’intérêt tout spécial que Marc porte au récit qui nous retient ici (la guérison du sourd-muet en Décapole) et, un peu plus loin, à la guérison d’un aveugle à Bethsaïde, en territoire juif cette fois (deux récits propres à Marc) ; quoi qu’il en soit de nos lenteurs à croire, le temps messianique est bel et bien arrivé pour tous les hommes. Comme l’avait encore dit Isaïe : « Les yeux de ceux qui voient ne seront plus fermés, les oreilles de ceux qui entendent seront attentives, les gens pressés réfléchiront pour comprendre et la langue de ceux qui bégaient parlera vite et distinctement. » (Is 32,3-4).
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Compléments

« Effata », c’est à dire « Ouvre-toi »

Lors de la célébration du baptême d’un adulte, le prêtre lit précisément ce passage de l’évangile de Marc, puis il touche les oreilles et les lèvres du baptisé en disant : « Effata », c’est-à-dire « Ouvrez-vous, afin de proclamer, pour la louange et la gloire de Dieu, la foi qui vous a été transmise. » On entend résonner ici la prière du psaume : « Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange » (Ps 50/51,17), tout autant que la phrase de Paul : « Nul ne peut dire Jésus est Seigneur, si ce n’est par l’Esprit Saint. » (1 Co 12,3). Dieu seul peut nous inspirer pour parler de lui, mais c’est notre liberté qui choisit de proclamer sa louange.

L’homme sourd qui bégayait

Selon son habitude, Marc a soigneusement choisi son vocabulaire ; pour décrire le handicap de celui que Jésus va guérir, il ne le qualifie pas de « muet », mais il emploie un mot grec inhabituel que l’on ne rencontre ailleurs qu’une seule fois dans toute la Bible, chez Isaïe dans une phrase qui caractérisait le Messie : « La bouche du bègue criera de joie » (Is 35,6, texte grec).

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26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 23:01
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 28 août 2021).

PREMIÈRE LECTURE - Deutéronome 4, 1... 8

Moïse disait au peuple :
1 « Maintenant, Israël, écoute les commandements et les décrets
que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique.
Ainsi vous vivrez, et vous entrerez en possession
du pays que vous donne le SEIGNEUR,
le Dieu de vos pères.
2 Vous n'ajouterez rien à ce que je vous ordonne,
et vous n'y enlèverez rien,
mais vous garderez les ordres du SEIGNEUR votre Dieu
tels que je vous les prescris.
6 Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ;
ils seront votre sagesse et votre intelligence
aux yeux de tous les peuples.
Quand ceux-ci entendront parler de tous ces commandements,
ils s'écrieront :
Il n'y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !
7 Quelle est en effet la grande nation
dont les dieux soient aussi proches
que le SEIGNEUR notre Dieu est proche de nous
chaque fois que nous l'invoquons ?
8 Et quelle est la grande nation
dont les commandements et les décrets
soient aussi justes
que toute cette Loi que je vous présente aujourd'hui ? »


Pour comprendre la pointe de ce discours, il faut se souvenir que le livre du Deutéronome est antidaté, c’est-à-dire qu’il a été écrit très longtemps après la mort de Moïse. Ces paroles sont attribuées à Moïse ; en réalité, elles disent ce que Moïse dirait s’il était encore de ce monde quand le livre du Deutéronome est écrit (entre le huitième et le sixième siècles). Si l’auteur insiste pour qu’on n’ajoute ni ne retranche rien à la Loi donnée au Sinaï, c’est parce que, depuis le temps, on a pris beaucoup de libertés. Alors, il rappelle l’essentiel, ce qu’on n’aurait jamais dû oublier.
A savoir que l’Alliance est à double sens, d’abord. Dieu s’est engagé envers ce petit peuple : il a promis une terre ; or, c’est chose faite, Dieu a bel et bien tenu sa promesse ; Moïse a bien dû dire des choses pareilles : « Maintenant, Israël, écoute les commandements et les décrets que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, et vous entrerez en possession du pays que vous donne le SEIGNEUR, le Dieu de vos pères. » Mais il n’en a jamais vu la réalisation ; tandis que, des siècles plus tard, quand résonnent les paroles du Deutéronome, elles sonnent comme un reproche sanglant ; car si Dieu a tenu sa promesse, on ne peut pas en dire autant du peuple : à partir du moment où les Israélites sont entrés en Canaan (ce qui s’appellera plus tard le pays d’Israël), ils ont été tentés en permanence d’abandonner leur propre religion pour celle de leurs nouveaux voisins. Et ils ont bien souvent manqué aux commandements depuis l’observance du sabbat, jusqu’au respect des parents, en passant par tous les commandements sur la protection des pauvres et la justice sociale.
Or la terre promise avait été donnée (ou plutôt confiée) à ce peuple pour qu’il y vive saintement : et on sait que le mot « saint » dans la Bible signifie « Autre ». Nous aimons dire « Terre sainte », mais nous devrions dire « Terre Autre », une terre faite pour qu’on y vive autrement ; et c’est tout un programme ! Cela signifie au moins trois choses : premièrement, une terre donnée pour le bonheur, parce que le projet de Dieu sur l’humanité n’est que bonheur ; pendant l’Exode, quand des émissaires de Moïse ont exploré pour la première fois le pays de Canaan, ils sont revenus de leur expédition en disant : « Le pays que le SEIGNEUR nous donne, c’est un bon pays », traduisez « un pays pour être heureux ». Et l’on connaît la formule consacrée « un pays ruisselant de lait et de miel », ce qui symbolise à la fois la profusion (ruisselant) et la douceur (du lait et du miel). Un pays où ruissellent le lait et le miel, quand on est dans le désert... c’est le rêve ! Deuxièmement, la terre confiée par Dieu était appelée à devenir terre de justice et de paix ; par exemple, dès le début de son installation en Canaan, le peuple a appris de la bouche même de Dieu qu’il n’était pas seul au monde et qu’il fallait apprendre à cohabiter. Et la longue histoire d’Israël peut se lire comme une histoire de la conversion de la violence au moins au niveau de l’idéal individuel et collectif.
Troisièmement, et c’est la condition des deux autres, la terre est donnée pour qu’Israël puisse vivre selon la Torah. La Terre Sainte est l’espace où l’on peut apprendre à vivre selon la Loi de Dieu. On sait bien que quand on est mélangés avec des peuples idolâtres, la tentation est trop forte de les imiter ; cela a été un problème sans cesse renaissant.
Tout cela est sous-entendu dans la recommandation du texte de ce dimanche : « Maintenant, Israël, écoute les commandements et les décrets que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, et vous entrerez en possession du pays que vous donne le SEIGNEUR » ; si l’on sait que ce texte date probablement de l’Exil à Babylone, alors on peut traduire : « Ce pays, vous ne l’auriez jamais perdu si vous aviez vécu dans le respect de la Torah ; conclusion : quand vous y rentrerez, tâchez, cette fois, d’être fidèles aux commandements. »
La fidélité ne devait pas être facile, car l’auteur invente un argument nouveau pour la justifier, du genre : « notre Torah est la meilleure du monde, et les autres peuples nous l’envient » : « Vous garderez les commandements, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces commandements, ils s’écrieront : « il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation ! » Au passage, on reconnaît là une familiarité avec le livre des Proverbes qui considère que la pratique des commandements est le meilleur apprentissage de la Sagesse (voir le commentaire de Proverbes 9, 1-6 ; vingtième dimanche).
Autre argument, le meilleur qui puisse être invoqué : la douceur de la vie dans l’Alliance ; une fois de plus nous sommes remis en présence de cette expérience spirituelle unique au monde dont le peuple d’Israël a eu le privilège : « Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le SEIGNEUR notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? »
À notre tour, peuple de baptisés, nous pouvons redire en vérité : « Quelle est la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? »


PSAUME - 14 (15)

1 Qui entrera dans ta maison, SEIGNEUR ?
Qui habitera ta sainte montagne ?

2 Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.

3 Il met un frein à sa langue,
ne fait pas de tort à son frère
et n'outrage pas son prochain.

4 A ses yeux le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du SEIGNEUR.
S'il a juré à ses dépens,
il ne reprend pas sa parole.

5 Il prête son argent sans intérêt,
n'accepte rien qui nuise à l'innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.


Nous avons eu l’occasion de noter, souvent, que les psaumes ont tous été composés dans le but d’accompagner une action liturgique, au cours des pèlerinages et des fêtes au temple de Jérusalem. Le psautier pourrait être comparé aux livres de chants qui nous accueillent aux portes de nos églises, comportant des chants prévus pour toute sorte de célébrations ; ici le pèlerin arrive aux portes du Temple et pose la question : suis-je digne d’entrer ?
Bien sûr, il connaît d’avance la réponse : « Soyez saints parce que je suis Saint » disait le livre du Lévitique (19, 2). Ce psaume ne fait qu’en tirer les conséquences : à celui qui désire entrer dans le Temple (la « maison » de Dieu), il rappelle les exigences d’une conduite digne du Dieu saint. « Qui entrera dans ta maison, SEIGNEUR ? Qui habitera ta sainte montagne ? » La réponse est simple : « Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur. » Les autres versets ne font que la détailler : être juste, être vrai, ne faire de tort à personne. Tout compte fait, cela ressemble à s’y méprendre au Décalogue : « Tu ne commettras pas de meurtre, Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de rapt, Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain, Tu n’auras pas de visée sur la maison de ton prochain... » (Ex 20). Et quand Ézéchiel dessine le portrait-robot de l’homme juste, il dit exactement la même chose : « Il accomplit le droit et la justice ; il ne mange pas sur les montagnes (les banquets en l’honneur des idoles) ; il ne lève pas les yeux vers les idoles de la maison d’Israël (de même c’est l’idolâtrie qui est visée ici) ; il ne déshonore pas la femme de son prochain... il n’exploite personne ; il rend le gage reçu pour dette ; il ne commet pas de rapines ; il donne son pain à l’affamé ; il couvre d’un vêtement celui qui est nu ; il ne prête pas à intérêt ; il ne prélève pas d’usure ; il détourne sa main de l’injustice ; il rend un jugement vrai entre les hommes ; il chemine selon mes lois ; il observe mes coutumes, agissant d’après la vérité : c’est un juste ; certainement, il vivra - oracle du SEIGNEUR Dieu. » (Ez 18, 5-9).
Le prophète Michée, quant à lui, nous dit la question que lui posaient souvent ses ouailles (c’est exactement la même que celle des pèlerins notre psaume) : « Avec quoi me présenter devant le SEIGNEUR, m’incliner devant le Dieu de là-haut ? Me présenterai-je devant lui avec des holocaustes ? Avec des veaux d’un an ? Le SEIGNEUR voudra-t-il des milliers de béliers ? Des quantités de torrents d’huile ? Donnerai-je mon premier-né pour prix de ma révolte ? Et l’enfant de ma chair pour mon propre péché ? » Et voilà la réponse du prophète : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. » (Mi 6, 6-8). Et Isaïe, son contemporain, n’est pas en reste. Lorsqu’on lui demande : « Qui d’entre nous pourra tenir ? », il répond : « Celui qui se conduit selon la justice, qui parle sans détour, qui refuse un profit obtenu par la violence, qui secoue les mains pour ne pas accepter un présent, qui se bouche les oreilles pour ne pas écouter les paroles homicides, qui ferme les yeux pour ne pas regarder ce qui est mal. Celui-là résidera sur les hauteurs, les rochers fortifiés seront son refuge, le pain lui sera fourni, l’eau lui sera assurée. » (Is 33, 15-16). Un peu plus tard, Zacharie aura encore besoin de le répéter : « Voici les préceptes que vous observerez : dites-vous la vérité l’un à l’autre ; dans vos tribunaux prononcez des jugements véridiques qui rétablissent la paix ; ne préméditez pas de faire du mal l’un à l’autre ; n’aimez pas le faux serment, car toutes ces choses, je les déteste - oracle du SEIGNEUR. » (Za 8, 16-17).
C’est à la fois très classique et malheureusement toujours à reprendre. En attendant que celui-là seul qui en est capable change nos cœurs de pierre en cœurs de chair, comme dit Ézéchiel.
Ceci nous amène à relire ce psaume en l’appliquant à Jésus-Christ : les évangiles le décrivent comme le « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29), attentif aux exclus : les lépreux (Mc 1), la femme adultère (Jn 8), et combien de malades et de possédés, Juifs ou païens ; et complètement étranger aux idées de profit, lui qui n’avait pas (une pierre) où reposer sa tête.
Celui surtout qui nous invite à relire avec lui le verset 3 en lui donnant une tout autre dimension : « Il met un frein à sa langue, ne fait pas de tort à son frère et n’outrage pas son prochain. » Avec Jésus-Christ, désormais, nous savons que le cercle de nos « prochains » peut s’étendre à l’infini : c’est tout l’enjeu de la parabole du Bon Samaritain par exemple.
Au milieu de tous ces beaux sentiments, le verset 4 ne fait-il pas tache ? « À ses yeux le réprouvé est méprisable » : et n’est-ce pas contradictoire avec le verset précédent : « Il ne fait pas de tort à son frère et n'outrage pas son prochain. » ? Voici le verset en entier : « À ses yeux le réprouvé est méprisable mais il honore les fidèles du SEIGNEUR ». Le réprouvé, c’est-à-dire celui qui n’est pas fidèle au Seigneur, l’infidèle, l’idolâtre, mérite bien la réprobation, comme son nom l’indique mais il fait encore partie du prochain. Ce verset peut donc paraître sans pitié. En réalité, c’est une résolution de fidélité : le pèlerin, promet de rejeter toute forme d’idolâtrie ; manière de dire à Dieu : « je partage ta cause, ce qui prouve ma bonne foi ». Au fond, c’est une formulation de l’éternel problème du choix, ce que l’on appelle « le thème des deux voies » que nous rencontrons si souvent dans les psaumes et chez les prophètes. Au moment d’entrer dans le Temple, le pèlerin décide de prendre définitivement le bon chemin.
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Complément
- Le hasard des rapprochements liturgiques fait parfois bien les choses. Nous commençons ce dimanche la lecture de la lettre de saint Jacques dont on pourrait presque croire qu'elle est un commentaire de ce psaume 14.


DEUXIÈME LECTURE - lettre de Saint Jacques 1, 17-18. 21b-22. 27

Frères,
17 les dons les meilleurs, les présents merveilleux,
viennent d'en haut,
ils descendent tous d'auprès du Père de toutes les lumières,
lui qui n'est pas, comme les astres,
sujet au mouvement périodique
ni aux éclipses passagères.
18 Il a voulu nous donner la vie
par sa parole de vérité,
pour faire de nous les premiers appelés
de toutes ses créatures.
21 Accueillez donc humblement
la parole de Dieu semée en vous :
elle est capable de vous sauver.
22 Mettez la parole en application,
ne vous contentez pas de l'écouter ;
ce serait vous faire illusion.
27 Devant Dieu notre Père,
la manière pure et irréprochable
de pratiquer la religion,
c'est de venir en aide
aux orphelins et aux veuves dans leur malheur,
et de se garder propre au milieu du monde.


Quittant la Lettre aux Éphésiens qui nous a accompagnés pendant plusieurs semaines, nous entrons dans la Lettre de Jacques : nouvel auteur, nouveaux destinataires ; et donc nouveau style, nouveau langage. Finies les grandes envolées et la méditation émerveillée sur le mystère du Christ. Finies ? Du moins apparemment. Car si le style de la lettre de Jacques semble moins enflammé, il résonne pourtant de la foi au Christ. Dès le premier verset, par exemple, il se présente : « Jacques, serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ... »
Dans notre texte de ce dimanche, tout se passe comme si le prédicateur s’adressait à des nouveaux baptisés, ceux qu’on appelait les « néophytes » (littéralement « nouvelles plantes »). Comme faisait saint Cyrille de Jérusalem dans ses « Catéchèses » (appelées « Mystagogiques » parce qu’elles sont une « découverte à partir des mystères ») Jacques invite ses nouveaux baptisés à explorer avec lui ce qui sera désormais leur nouvelle vie. Désormais ils vivront dans le don de Dieu, dans la lumière de Dieu (v. 17-18), dans la parole de Dieu (v. 21) : ainsi renouvelés, ils se mettront au service des pauvres, à l’image du Christ (v. 22. 27).
Tout d’abord, le prédicateur les invite à contempler le don de Dieu : « Les dons les meilleurs, les présents merveilleux, viennent d’en haut, ils descendent tous d’auprès du Père » ; les Juifs déjà en étaient convaincus ; mais pour un chrétien, le don par excellence, le « don le meilleur », le « présent merveilleux » c’est Jésus-Christ : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. » (Jn 3, 16).
On pense généralement que les lecteurs de Jacques étaient des chrétiens d’origine juive. Or on sait combien il était difficile pour les Juifs contemporains du Christ de reconnaître son origine divine ; est-ce pour cela que Jacques utilise, comme Jean l’expression « d’en-haut » (« les dons les meilleurs, les présents merveilleux, viennent d’en haut ») ? L’évangile de Jean nous rapporte que Jésus y a insisté à plusieurs reprises : « Vous êtes d’en-bas ; moi, je suis d’en-haut ; vous êtes de ce monde, moi je ne suis pas de ce monde. » (Jn 8, 23). Et dans les évangiles des dimanches précédents, nous avons entendu le discours de Jésus sur le pain de vie (toujours dans l’évangile de Jean) : « Je suis descendu du ciel non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » (Jn 6, 38). « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel » (Jn 6, 51). Être baptisé, c’est tout simplement accueillir ce don gratuit de Dieu qui nous fait partager la vie de son Fils. Don gratuit, assurément, Jacques le répète : « Dieu a voulu nous donner la vie » (v. 18).
Cette vie nouvelle, les baptisés l’accueillent comme une lumière au milieu des ténèbres de l’humanité. Dans les débuts de l’Église, on appelait les baptisés les illuminés, et lorsque la procession des nouveaux baptisés s’avançait dans la nuit pascale, on entendait résonner la prophétie d’Isaïe et on la voyait se réaliser : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » (Is 9, 1) ; on sait à quel point cette image de la lumière était parlante pour les premiers chrétiens. Jean a retenu cette phrase de Jésus : « Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie. » (Jn 8, 12). Alors l’expression de Jacques prend toute sa dimension : la foi consiste justement à reconnaître en Dieu le « Père de toutes les lumières ». Dans la célébration du Baptême, les catéchumènes manifestaient leur résolution de ne lever les yeux désormais que vers cette lumière-là ; la seule qui ne connaisse ni changements ni éclipses ! « Les dons les meilleurs, les présents merveilleux, viennent d’en haut, ils descendent tous d’auprès du Père de toutes les lumières, lui qui n’est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses passagères. »
Autre thème de cette méditation baptismale, la Parole : « Dieu a voulu nous donner la vie par sa parole de vérité » (v. 18). La Parole était au centre de la vie des Juifs, elle est encore au centre de la vie des baptisés, puisque, pour eux, le Christ est lui-même la Parole de Dieu donnée pour que le monde ait la vie. Comme dit Jean dans le prologue de son évangile : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu... Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme... À ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. » (Jn 1) Jacques, lui, joue sur le mot « néophyte », nouvelle plante ; il dit « La Parole de Dieu (a été) semée en vous ».1
Alors, comment pourrait-elle ne pas porter les fruits que Dieu en attend ? « Accueillez donc humblement la Parole de Dieu semée en vous : elle est capable de vous sauver. » Mais comme tous les prophètes de tous les temps, Jacques n’ignore pas que Dieu ne contraint jamais personne : ses dons sont sans conditions, mais nous restons libres de nos comportements, on ne le sait que trop. D’où l’exhortation finale : « Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter ; ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur, et de se garder propre au milieu du monde. »
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Note
1 - Les Juifs du temps de Jésus utilisaient volontiers cette image inspirée de l'agriculture ; par exemple, une bénédiction juive du temps du Christ disait : « Béni es-tu, Seigneur notre Dieu, qui nous as donné la loi de vérité et qui as planté en nous la vie éternelle. » (citée par F. Manns dans « Une approche juive du Nouveau Testament » page 270)


ÉVANGILE - selon Saint Marc 7, 1-8. 14-15. 21-23

1 Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem.
Ils se réunissent autour de Jésus
2 et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas
avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées.
3 - Les pharisiens, en effet, comme tous les Juifs,
se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger,
fidèles à la tradition des anciens ;
4 et au retour du marché
ils ne mangent pas avant de s'être aspergés d'eau,
et ils sont attachés encore par tradition
à beaucoup d'autres pratiques :
lavage de coupes, de cruches et de plats. -
5 Alors les pharisiens et les scribes demandent à Jésus :
« Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas
la tradition des anciens ?
Ils prennent leur repas sans s'être lavé les mains. »
6 Jésus leur répond :
« Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites,
dans ce passage de l’Écriture :
Ce peuple m'honore des lèvres,
mais son cœur est loin de moi.
7 Il est inutile, le culte qu'ils me rendent ;
les doctrines qu'ils enseignent
ne sont que des préceptes humains.
8 Vous laissez de côté le commandement de Dieu
pour vous attacher à la tradition des hommes . »
14 Puis Jésus appela de nouveau la foule :
« Écoutez-moi tous, et comprenez bien.
15 Rien de ce qui est extérieur à l'homme
et qui pénètre en lui
ne peut le rendre impur.
Mais ce qui sort de l'homme,
voilà ce qui rend l'homme impur. »
21 Il disait encore à ses disciples, à l'écart de la foule :
« C'est du dedans, du cœur de l'homme
que sortent les pensées perverses :
inconduite, vols, meurtres,
22 adultères, cupidités, méchancetés,
fraude, débauche, envie,
diffamation, orgueil et démesure.
23 Tout ce mal vient du dedans,
et rend l'homme impur. »


Tout a commencé parce que les disciples de Jésus ne se sont pas lavé les mains avant le repas : en bien des endroits du monde, cela ne poserait pas de problème ! La preuve, c’est que Marc est obligé d’expliquer à ses lecteurs qui ne sont pas d’origine juive, les usages tout à fait particuliers d’Israël : « Les pharisiens, en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de cruches et de plats. » Le mot « tradition », répété (dans le texte grec) aux versets 3 et 5 ne doit pas être entendu de manière péjorative : la tradition, c’est la richesse reçue des pères. Tout le long labeur des anciens pour découvrir le comportement qui plaît à Dieu se transmet sous forme de préceptes qui régissent les plus petits détails de la vie quotidienne. Commençons donc par rendre justice aux pharisiens et aux scribes : quand on s’impose à soi-même toute une discipline très stricte par fidélité à sa religion, on ne peut pas comprendre ceux qui n’en font pas autant. Et, à leurs yeux, cette rigueur d’observance paraissait essentielle : il s’agissait de préserver l’identité juive ; le peuple élu concevait son élection comme une mise à part et donc tout contact avec des païens (ou des objets touchés par eux) rendait impur, c’est-à-dire inapte à célébrer et même à vivre dignement la vie quotidienne.
Tout naturellement, donc, les pharisiens et les scribes présents s’indignent : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas sans s’être lavé les mains. » Ce qui est plus surprenant, c’est la réaction de Jésus : « Hypocrites ! » Cette sévérité laisse entendre qu’il y a un problème de fond. Comme souvent, face à un tel auditoire, Jésus cite l’Écriture, qui est pour eux la référence suprême : « Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, dans ce passage de l’Écriture : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. » (Is 29, 13). Et Jésus commente la parole d’Isaïe : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Quel est donc ce commandement de Dieu que les pharisiens et les scribes bafouent sans le savoir ? Jésus ne l’explique pas ici, mais ce qu’il leur reproche, visiblement, c’est d’avoir « le cœur loin de Dieu ». Qu’ont-ils fait de mal ? Ils ont méprisé les autres, tout simplement, et méprisé au nom de Dieu, voilà l’inexcusable. Nous retrouvons ici une remarque faite souvent au long des dimanches dans notre lecture de l’évangile de Marc : Jésus ne cesse de s’élever contre toute exclusion au nom de la religion ; c’est la toile de fond de ses controverses avec les autorités religieuses. C’est mal comprendre la Loi que de croire qu’il faudrait être séparé des autres hommes pour s’approcher de Dieu ! Au contraire, les prophètes avaient déployé toute leur énergie pour faire découvrir que le véritable culte qui plaît à Dieu commence par le respect des hommes. C’est un comble que la loi faite pour le bonheur de tous soit devenue une contrainte tatillonne et un prétexte à mépris. Servir le Dieu saint du Lévitique, le Dieu de pardon annoncé par Isaïe ne peut pas porter au mépris des autres.
Pour aller plus loin, Jésus entame une leçon sur la pureté : au sens biblique, la pureté, c’est l’aptitude à se rapprocher de Dieu ; or Dieu est amour et pardon, de nombreux prophètes l’ont dit et répété. La véritable pureté est donc une disposition du cœur, c’est la miséricorde ; l’impureté que Jésus reproche à ses adversaires, c’est « l’endurcissement du cœur » : « Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » Et, un peu plus tard, il complète l’enseignement pour ses disciples : « C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
Venons encore une fois au secours des pharisiens et des scribes : cette leçon-là ne pouvait pas être entendue pleinement tant que Dieu lui-même, en son Fils, n’était pas venu habiter chez les hommes ; prouvant par là que, contrairement à trop d’idées reçues, Dieu n’a pas peur du contact avec les êtres impurs que nous sommes. Comme pour en donner la preuve, aussitôt après cette controverse Jésus part en pays païen.
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Complément
- Le mouvement religieux « Pharisien » est né vers 135 av. J.-C. d’un désir de conversion ; son nom qui signifie « séparé » traduit un choix : le refus de toute compromission politique, de tout laisser-aller dans la pratique religieuse ; deux problèmes qui étaient à l’ordre du jour en 135. Le pharisianisme (en tant que mouvement) est donc tout à fait respectable. Et Jésus ne l’attaque jamais. Il ne refuse pas non plus de leur parler (Nicodème, Jn 3 ; Simon, Lc 7). Mais le plus bel idéal religieux peut avoir ses écueils : la rigueur d’observance peut engendrer une trop bonne conscience et rendre méprisant pour ceux qui n’en font pas autant. Plus profondément, vouloir être « séparé » n’est pas sans ambiguïté ; quand on sait que le dessein de Dieu est un projet de rassemblement dans l’amour. Ces déviances ont inspiré quelques paroles dures de Jésus : elles visent ce que l’on appelle le « pharisaïsme » ; de cela tous les mouvements religieux de tous les temps sont capables.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 29 08 2021, 22e dimanche du temps ordinaire B

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16 août 2021 1 16 /08 /août /2021 18:44

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 21 août 2021).

LECTURE DU LIVRE DE JOSUÉ 24, 1-2a. 15-17. 18b

 

     En ces jours-là,
1   Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ;
     puis il appela les anciens d’Israël,
     avec les chefs, les juges et les scribes ;
     ils se présentèrent devant Dieu.
2   Josué dit alors à tout le peuple :
15 « S’il ne vous plaît pas de servir le SEIGNEUR,
     choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir :
     les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate,
     ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays.
     Moi et les miens, nous voulons servir le SEIGNEUR. »
16 Le peuple répondit :
     « Plutôt mourir que d’abandonner le SEIGNEUR
     pour servir d’autres dieux
17 C’est le SEIGNEUR notre Dieu
     qui nous a fait monter, nous et nos pères,
     du pays d’Égypte, cette maison d’esclavage ;
     c’est lui qui, sous nos yeux, a accompli tous ces signes
     et nous a protégés
     tout le long du chemin que nous avons parcouru,
     chez tous les peuples au milieu desquels nous sommes passés.
18 Nous aussi, nous voulons servir le SEIGNEUR,
     car c’est lui notre Dieu. »
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JOSUÉ, LE MÉCONNU

S’il faut rendre à César ce qui est à César, comme dit Jésus, alors nous sommes injustes avec Josué. Nous ne lisons presque jamais le récit de son œuvre : il y a pourtant un livre entier qui porte son nom et ce n’est pas sans raison ! Il apparaît très tôt dans la grande aventure de l’Exode (Ex 17), et semble être le plus proche de Moïse, son fils spirituel, en quelque sorte.

Il avait depuis toujours fait montre d’une fidélité sans faille à Dieu et à Moïse ; et, juste avant sa mort, celui-ci a publiquement désigné son successeur : « Moïse appela Josué, et lui dit en présence de tout Israël : ‘Sois fort et courageux : c’est toi qui vas entrer avec ce peuple dans le pays que le SEIGNEUR a promis par serment à ses pères, c’est toi qui vas remettre au peuple son héritage. C’est le SEIGNEUR qui marchera devant toi, c’est lui qui sera avec toi ; il ne te lâchera pas, il ne t’abandonnera pas. Ne crains pas, ne t’effraie pas !’ » (Dt 31,7-8).

C’est donc Josué qui succéda à Moïse, et eut l’honneur et la responsabilité de faire entrer les fils d’Israël en terre promise. Le livre qui porte son nom rapporte les premiers événements qui marquèrent l’entrée des tribus d’Israël en Canaan ; notre texte de ce dimanche est le dernier grand moment de sa carrière : avant de mourir, il convoque une grande assemblée des douze tribus et scelle leur union autour de l’Alliance conclue au Sinaï.

Deuxième grand nom de ce texte, Sichem (l’actuelle Naplouse) ; nous le connaissons le plus souvent par le Nouveau Testament : quand saint Jean rapporte le récit de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine (Jn 4), il juge utile de préciser que cela se passe « non loin » de l’antique Sichem ; mais, si Jean en parle, c’est parce que, dans l’Ancien Testament, déjà, elle avait joué un grand rôle : on rappelait volontiers qu’Abraham y avait élevé un autel ; Jacob également ; c’est là aussi que Joseph fut enterré. Plus tard, après le schisme qui déchira le royaume en deux à la mort de Salomon, elle devint la première capitale du royaume du Nord.

Mais la véritable grandeur de Sichem est ailleurs : car elle est devenue le symbole du choix ; Jacob, déjà, au cours de ses pérégrinations, avait pris là une grande décision ; dans un geste ostentatoire de fidélité au Dieu qu’il avait découvert à Béthel, il avait obligé sa famille à abandonner les faux dieux et il avait enterré toutes leurs statues et autres amulettes au pied d’un arbre (Gn 35,4) ; et voici, avec notre texte du livre de Josué le grand moment de Sichem : « Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ».

Qui a pu écrire ce texte ? Quand ? Et pour qui ? On ne sait pas le dire, vu la difficulté de reconstituer l’histoire réelle de l’entrée des tribus d’Israël en Canaan. Les différents textes bibliques sur ce point ne sont pas toujours compatibles ; parce que leur but n’est pas de faire de l’histoire au sens moderne du mot : leur but est toujours d’abord théologique.

 

LE PEUPLE À L’HEURE DU CHOIX

Ici, on peut noter quelques insistances majeures : tout d’abord le rôle de Josué ; visiblement, certains auteurs ont souhaité le mettre en valeur : par exemple, le livre des Nombres (13,16) note que, primitivement, il ne s’appelait pas Josué, mais Hoshéa : son premier nom signifiait « il sauve », le second, Josué, est plus précis, puisqu’il veut dire : « C’est le SEIGNEUR qui sauve ». Or, ici, nous voyons Josué dans son rôle de sauveur : il assure l’unité du peuple entier autour de son Dieu. Et il prend la tête de son peuple en donnant l’exemple : « Moi et les miens, nous voulons servir le SEIGNEUR. » Et, bien sûr, il invite toute l’assistance à s’engager comme lui au service du Dieu d’Israël. Pour cela (dans les versets 3-14 manquants dans notre lecture liturgique) il retrace toute l’œuvre de Dieu en leur faveur, depuis le choix d’Abraham « au-delà de l’Euphrate » jusqu’à l’entrée dans ce bon pays (la terre promise), en passant par le miracle de la sortie d’Égypte. Puis il les met en quelque sorte au pied du mur : « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate (en Mésopotamie), ou les dieux des Amorites (Cananéens) dont vous habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le SEIGNEUR. »

Deuxième insistance de ce texte, la nécessité, et même l’urgence du choix : si notre texte insiste tellement sur la résolution non équivoque du peuple rassemblé à Sichem, c’est peut-être parce que leurs lointains descendants (pour qui ces lignes furent écrites) avaient bien besoin d’en prendre de la graine. On retrouve ici les accents du livre du Deutéronome : « Prenez bien garde que votre cœur ne soit séduit, que vous ne vous détourniez pour servir d’autres dieux et vous prosterner devant eux » (Dt 11,16). Or on sait bien que la tentation du retour à l’idolâtrie a été permanente, que ce soit par exemple au temps des rois (il suffit de se rappeler le combat d’Élie contre les prêtres de Baal, 1 R 19), ou plus tard au temps de l’Exil à Babylone (la mention des dieux du pays au-delà de l’Euphrate n’est probablement là par hasard). Notre texte est exemplaire : évidemment, le peuple saisit la gravité de la question : « Plutôt mourir que d’abandonner le SEIGNEUR pour servir d’autres dieux ! » et fait le bon choix : « Nous aussi, nous voulons servir le SEIGNEUR, car c’est lui notre Dieu. »
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Compléments

- À lire le chapitre 24 en entier, ce grand rassemblement fait penser à une liturgie, une cérémonie de profession de foi, en quelque sorte : tout y est ; la convocation du peuple (v. 1 « ils se présentèrent devant Dieu » est une formule liturgique), la prédication (v.2-15), la profession de foi de l’assemblée (v. 16-18), l’engagement à la fidélité sous forme d’un dialogue entre Josué et les assistants (v. 19-24), la ratification par le célébrant (parole v. 25, écriture v. 26a, signe, la pierre dressée v.26b- 27), et enfin le renvoi de l’assemblée (v.28).

- Certains exégètes pensent que si certains clans descendant d’Abraham n’étaient pas partis en Égypte (au temps de Joseph) ils n’avaient pas non plus fait l’expérience de la sortie miraculeuse d’Égypte : l’assemblée de Sichem pourrait avoir été pour eux le lieu décisif de l’entrée dans la fédération des tribus, au prix de l’abandon des religions locales.

- Jésus, le nouveau Josué, propose lui aussi le salut à la Samaritaine de Sichem : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit ‘donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. » (Jn 4,10).
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PSAUME 33 (34), 2-3, 16-17, 20-21, 22-23

 

2   Je bénirai le SEIGNEUR en tout temps,
     sa louange sans cesse à mes lèvres.
3   Je me glorifierai dans le SEIGNEUR :
     que les pauvres m'entendent et soient en fête !

16 Le SEIGNEUR regarde les justes,
     il écoute, attentif à leurs cris.
17 Le SEIGNEUR affronte les méchants
     pour effacer de la terre leur mémoire.

20 Malheur sur malheur pour le juste,
     mais le SEIGNEUR chaque fois le délivre.
21 Il veille sur chacun de ses os :
     pas un ne sera brisé.

22 Le mal tuera les méchants ;
     ils seront châtiés d'avoir haï le juste.
23 Le SEIGNEUR rachètera ses serviteurs :
     pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.
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OÙ EST DIEU QUAND NOUS SOUFFRONS ?

« Le SEIGNEUR regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Malheur sur malheur pour le juste (c’est-à-dire même si les malheurs s’ajoutent les uns aux autres, ou quels que soient les malheurs qui s’acharnent sur lui), Malheur sur malheur pour le juste, mais le SEIGNEUR chaque fois le délivre. Il veille sur chacun de ses os : pas un ne sera brisé. »

Est-ce vrai au premier degré ? La Vierge Marie n’était-elle pas juste ? Elle n’a pas échappé à toute souffrance, pourtant. Jésus n’était-il pas le juste par excellence ? Peut-on dire qu’il a été délivré ? Problème éternel qui se repose à nous devant toute souffrance. Problème auquel le livre de Job tout entier s’est affronté. La Bible ne répond pas à toutes nos questions sur ce sujet, mais elle indique fermement le chemin ; il n’y en a pas d’autre que celui de la confiance éperdue. Il nous faut croire, envers et contre tout, et même si les apparences sont contraires, que Dieu est avec nous quand nous souffrons. Comme le dit le verset 16 : « Le SEIGNEUR écoute, attentif à leurs cris. » : on a là un écho de l’extraordinaire découverte du buisson ardent ; Moïse a entendu là de la bouche de Dieu lui-même cette phrase inoubliable : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris... Je connais ses souffrances. » (Ex 3,7).

Pour autant, la sollicitude de Dieu n’est pas une baguette magique qui ferait disparaître tout désagrément, toute souffrance de nos vies... Au désert, derrière Moïse, ou en Canaan derrière Josué, le peuple n’a pas été miraculeusement épargné de tout souci ! Mais la présence de Dieu l’accompagnait en toutes circonstances pour lui faire franchir les obstacles ; c’est l’un des sens d’un verset du début de ce psaume : « L’ange du SEIGNEUR campe alentour pour libérer ceux qui le craignent. » D’après le livre de l’Exode, la nuit de la sortie d’Égypte, l’ange du Seigneur protégeait la fuite du peuple (Ex 14,19) ; et il guida la marche vers la terre promise (Ex 23,20. 23 ; Ex 32,34 ; Ex 33,2).

Dans sa leçon sur la prière, l’évangile de Luc nous dit exactement la même chose : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père, parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson ? Ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Luc 11,9-13). Reprenons encore une fois le texte : « Le SEIGNEUR regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. » Dans l’épreuve, la souffrance, la douleur, il est non seulement permis mais recommandé de crier.

OSER CRIER

Nous ne serons pas magiquement délivrés de toute difficulté, de toute douleur, mais nous les vivrons avec lui, remplis de son Esprit. Et nous trouverons la force de les supporter.

Je reviens sur cette expression : « Malheur sur malheur pour le juste » : « Le juste », ou « les justes », voilà un mot qui revient souvent dans ce psaume, opposé aux « méchants ». « Le SEIGNEUR regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Le SEIGNEUR affronte les méchants pour effacer de la terre leur mémoire. Malheur sur malheur pour le juste, mais le SEIGNEUR chaque fois le délivre... Le mal tuera les méchants ; ils seront châtiés d’avoir haï le juste. » Cette opposition est fréquente dans la Bible : l’objectif est de nous faire prendre en horreur une certaine manière de vivre et de nous exhorter à choisir le bon chemin ; celui de la sagesse. C’est ce qu’on appelle le « thème des deux voies ». Sous-entendu, il n’y a qu’une manière sage de vivre, si l’on veut être heureux, il n’y a qu’une manière de vivre pour plaire à Dieu, c’est la même puisqu’il veut notre bonheur. C’est de le chercher sans cesse, (en langage biblique, cela s’appelle la « crainte de Dieu »), c’est de suivre au jour le jour ses commandements. On ne s’étonne pas, évidemment, de trouver ce thème des deux voies dans un psaume alphabétique comme ce psaume 33/34, puisque l’alphabétisme est toujours un moyen de rendre grâce à Dieu pour le don de la Loi.

Pour autant, il ne faut pas prendre au pied de la lettre la sévérité qui semble menacer les méchants : premièrement, on est dans un type de langage qui se veut menaçant pour faire réfléchir ; deuxièmement, il n’y a pas sur terre un groupe des « méchants » et un groupe des « justes » ! Dieu, le juste juge, sait mieux que nous à quel point tout cœur humain est partagé. Dieu combat le mal, il ne combat pas les hommes. « Le SEIGNEUR affronte les méchants (c’est-à-dire le mal) pour effacer de la terre leur mémoire. » Mais, en chaque homme, il sait déceler, infiniment mieux que nous, la part même infime de bonne volonté qui sommeille ; voilà qui devrait nous rassurer pour nous-mêmes : « Je me glorifierai dans le SEIGNEUR : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! »
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Complément

Saint Jean, faisait peut-être allusion à ce psaume lorsqu’il racontait la Passion de Jésus : vous savez que pour hâter la mort des crucifiés, on leur brisait les jambes ; or on était un vendredi, donc veille de sabbat et, de plus, veille de la Pâque. Les soldats sont donc allés, à la demande des Juifs, pour briser les jambes des condamnés. Jean raconte : « Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté… » Et Jean ajoute : « Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture (qui dit) ‘Aucun de ses os ne sera brisé’. » (Jn 19,33). C’est certainement une allusion aux agneaux qu’on immolait chaque année pour la Pâque et dont on ne devait pas briser les os (Ex 12,46 ; Nb 9,12) ; mais Jean évoque peut-être également notre psaume d’aujourd’hui qui dit que dans l’épreuve, Dieu protège ses serviteurs. « Malheur sur malheur pour le juste, mais le SEIGNEUR chaque fois le délivre. Il veille sur chacun de ses os : pas un ne sera brisé. »
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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ÉPHÉSIENS 5,21-32

 

     Frères,
21 par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ;
22 les femmes, à leur mari,
     comme au Seigneur Jésus ;
23 car, pour la femme, le mari est la tête,
     tout comme, pour l'Église, le Christ est la tête,
     lui qui est le Sauveur de son corps.
24 Eh bien ! Puisque l'Église se soumet au Christ,
     qu'il en soit toujours de même pour les femmes,
     à l'égard de leur mari.
25 Vous, les hommes,
     aimez votre femme à l'exemple du Christ :
     il a aimé l'Église, il s'est livré lui-même pour elle,
26 afin de la rendre sainte
     en la purifiant par le bain de l’eau baptismale,
     accompagné d’une parole ;
27 il voulait se la présenter à lui-même, cette Église,
     resplendissante,
     sans tache, ni ride, ni rien de tel ;
     il la voulait sainte et immaculée.
28 C'est de la même façon que les maris doivent aimer leur femme :
     comme leur propre corps.
     Celui qui aime sa femme s'aime soi-même.
29 Jamais personne n'a méprisé son propre corps :
     au contraire, on le nourrit, on en prend soin.
     C'est ce que fait le Christ pour l'Église,
30 parce que nous sommes les membres de son corps.
     Comme dit l'Écriture :
31 À cause de cela,
     l'homme quittera son père et sa mère,
     il s'attachera à sa femme,
     et tous deux ne feront plus qu'un.
32 Ce mystère est grand :
     je le dis en référence au Christ et à l'Église.
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LA VOCATION DE L’AMOUR HUMAIN, IMAGE DE DIEU

On n’a évidemment pas attendu le Nouveau Testament pour s’émerveiller et parler de la beauté du couple humain ! Le livre des Proverbes compte l’union conjugale parmi les quatre merveilles qu’on ne peut comprendre : « Il y a trois merveilles qui me dépassent, quatre dont je ne sais rien : le chemin de l’aigle dans le ciel, le chemin du serpent sur le rocher, le chemin du navire en haute mer et le chemin de l’homme chez la jeune fille. » (Pr 30, 18-19). Quatre réalités belles à voir, quatre exploits. Comment l’aigle si lourd peut-il s’élancer ? Comment le serpent non muni de pattes peut-il marcher ? Comment le navire peut-il se maintenir sans couler ? Mais surtout comment le couple humain né du désir d’un instant peut-il s’inscrire dans la durée ? Tous les poèmes du monde ont médité ces mystères et chanté la beauté de l’amour humain.

Mais la Bible apporte sa note particulière : l’amour humain y est présenté avec une profondeur inégalée, car il est l’image de l’amour de Dieu ; « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; il les créa homme et femme. » (Gn 1,27).

Quand le Cantique des Cantiques dit l'élan du fiancé pour la fiancée « Ah ! Que tu es belle, mon amie ! Ah ! Que tu es belle ! » (Ct 4,1)... « Tu es toute belle, ô mon amie ! Nulle tache en toi ! » (Ct 4,7), le peuple juif sait que ce sont les paroles mêmes de Dieu pour Israël et pour l'humanité. La preuve, c'est que le Cantique est lu au cours de la semaine de célébration de la Pâque juive : la fête qui rassemble toute la mémoire et toute l'espérance d'Israël. On y célèbre la nuit de la libération d'Égypte, d'une part, mais on évoque aussi la grande nuit, celle qu'on attend depuis des siècles : celle où l'humanité tout entière sera unie à son Dieu pour des noces éternelles.

La vocation du couple humain, c’est donc de donner à voir un avant-goût de ce que sera à la fin des temps l’union de Dieu lui-même avec l’humanité. On ne peut pas rêver d’un langage plus optimiste et valorisant sur la sexualité !

Pour cette raison, il y a comme une sorte de va et vient dans le langage biblique sur le couple humain : dans un premier temps, c’est l’amour humain qui a donné des mots pour parler de l’Alliance proposée par Dieu à son peuple Israël, et à travers lui, à l’humanité tout entière ; parce que l’amour des époux est considéré comme l’image humaine la plus fidèle possible de l’Alliance de Dieu. En retour, l’expérience juive de la fidélité inébranlable de Dieu à son Alliance a inspiré aux communautés croyantes de grandes exigences pour les couples.

Paul pouvait-il aller beaucoup plus loin ? Oui, justement, une fois de plus, cette lettre apporte une nouveauté : car le mystère de l’union entre Dieu et l’humanité se réalise, nous le savons désormais, en Jésus-Christ ; et l’union entre le Christ et l’Église en est non seulement l’image, mais le germe. La nouveauté tient en deux points : premièrement, vos amours humaines si belles mais si difficiles ne peuvent se réaliser que dans l’union à Jésus-Christ ; deuxièmement, voilà donc une vocation grandiose pour le couple humain, refléter l’amour du Christ pour son Église, qui s’inscrit dans l’amour de Dieu pour l’ensemble de l’humanité.

Les conseils que Paul donne ici aux couples humains s’inscrivent donc dans cette réflexion sur le mystère du Christ : « Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l'Église. » (v.32).

FEMMES SOYEZ SOUMISES À VOS MARIS

Reste une phrase difficile dans ce texte : « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres, les femmes à leur mari… ». Dans la lettre aux Colossiens, c’est plus clair encore : « Vous, les femmes, soyez soumises à votre mari » (Col 3,18). Combien de fois cette formule de Paul n’est-elle pas tournée en scandale ou en dérision ? La dérision vient de tel ou tel mari trop content d’affirmer une obligation (supposée) d’obéissance ; quant au scandale, il est le fait de certaines épouses (qui) se croient ainsi mises en état d’infériorité.

Mais c’est un mauvais procès. D’une part, c’est rabaisser ce texte admirable dans lequel Paul s’écrie : « Ce mystère est grand ! » Introduire des relations de domination dans ce mystère d’unité que représente le couple, image de Dieu, c’est le profaner. D’autre part, dans le vocabulaire de Paul, être soumis veut dire « faire confiance » tout simplement.

Enfin, il faut rappeler le contexte social et juridique de l’époque ; l’homme était légalement le chef de la famille, c’est un fait. Dans ce contexte, le but de Paul n’était pas de prêcher la révolution, il était de dire les exigences de l’amour humain à la lumière du dessein de Dieu accompli en Jésus-Christ. D’ailleurs, après avoir dit ce que tout le monde attendait (le discours « socialement correct », pourrait-on dire) « Vous, les femmes, soyez soumises à votre mari », et que Pierre dit exactement dans les mêmes termes ! (1 P 3,1), Paul ajoute une exigence nouvelle pour les maris, (et ceux-ci ne s’y attendaient peut-être pas !) et cela toujours au nom de Jésus-Christ : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l'exemple du Christ. » Alors, oui l’épouse peut faire confiance !     

En filigrane, on retrouve dans ces quelques lignes un des thèmes majeurs de cette lettre, comme de tout le Nouveau Testament : l’union entre le Christ et l’Église, prélude et germe de l’union entre Dieu et toute l’humanité se réalise dans le don de sa vie par le Christ : « Il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle. » La nouveauté instaurée par le Nouveau Testament et que notre lettre a sans cesse rappelée est précisément là : le Christ est le centre et le réalisateur du projet de Dieu ; tout advient par lui, avec lui et en lui, comme le dit si bien notre liturgie.
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ÉVANGILE  DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN  6, 60 - 69

 

     En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement
     dans la synagogue de Capharnaüm :                    
60 Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent :
     « Cette parole est rude !
     Qui peut l’entendre ? »
61 Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet.
     Il leur dit :
     « Cela vous scandalise ?
62 Et quand vous verrez le Fils de l’homme
     monter là où il était auparavant !...
63 C’est l’esprit qui fait vivre,
     la chair n’est capable de rien.
     Les paroles que je vous ai dites sont esprit
     et elles sont vie.
64 Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. »
     Jésus savait en effet depuis le commencement
     quels étaient ceux qui ne croyaient pas,
     et qui était celui qui le livrerait.
65 Il ajouta :
     « Voilà pourquoi je vous ai dit
     que personne ne peut venir à moi
     si cela ne lui est pas donné par le Père. »
66 À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent
     et cessèrent de l’accompagner.
67 Alors Jésus dit aux Douze :
     « Voulez-vous partir, vous aussi ? »
68 Simon-Pierre lui répondit :
     « Seigneur, à qui irions-nous ?
     Tu as les paroles de la vie éternelle.
69 Quant à nous, nous croyons,
     et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »
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CROIRE OU NE PAS CROIRE ?

Voilà la fin du discours sur le pain de vie ; l’heure de la décision a sonné ; comme les arrivants sur la Terre Promise, à la suite de Josué (notre première lecture) ont eu à choisir une bonne fois quel Dieu ils voulaient servir, les auditeurs de Jésus sont au pied du mur. Oui, ce qu’il dit est dur à entendre, faut-il refuser de l’écouter pour autant ? C’est toute la question.

Voilà le paradoxe de la foi : les paroles de Jésus sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin des apôtres : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n’est pas dans les livres qu’il faut chercher l’explication de l’Eucharistie. Mieux vaut y participer et laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.

On sent bien que, tout au long de l’évangile de Jean se repose cette grande question : croire ou ne pas croire. Si vraiment Jésus est l’envoyé du Père, c’est folie de ne pas accueillir avec émerveillement et reconnaissance le cadeau que Dieu nous fait. Voilà donc la question telle qu’elle se pose aux auditeurs de Jésus : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » 

La réponse sera diverse évidemment ; certains de ses disciples cesseront de le suivre (v. 66) ; au nom des Douze, Pierre, au contraire, aura la réponse de la foi. Cela se passe à Capharnaüm et l’on se demande bien pourquoi Jean juge utile de le préciser à trois reprises (v. 17, 24, 59). Le mystère pascal proprement dit, qui se profile sous tout ce discours, s’est pourtant déroulé à Jérusalem. Mais c’est à Capharnaüm, en Galilée, qu’il a été annoncé. Car il s’agit bien d’une annonce de la Passion, ici : l’abandon des uns, le choix résolu des autres préfigure la croix. Jésus est rejeté, déjà, par le plus grand nombre : Douze, c’est tout ce qui reste de la grande foule (les cinq mille hommes) de la multiplication des pains.

À la différence des trois évangiles synoptiques, l'évangile de Jean ne rapporte ni la profession de foi de Pierre à Césarée, ni les annonces de la Passion ; on peut considérer qu'on en a ici l'équivalent : l'annonce de la Passion : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » La profession de foi de Pierre : » Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »

À QUI IRIONS-NOUS ? 

Jésus leur a posé la question « de confiance » : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Curieux vocabulaire : les uns « s’en allèrent », Pierre dit « à qui irions-nous ? » Une fois de plus, la foi n’est pas un bagage, mais un chemin. Un chemin sur lequel il faut se laisser guider. « Personne ne peut venir à moi (Jésus) si cela ne lui est pas donné par le Père. » Bienheureux Pierre qui s’est contenté de recevoir le cadeau du Père. À relire tout le discours, on est surpris, d’ailleurs, de la fréquence du verbe « donner », ici et dans tout l’évangile de Jean. Le Père donne le Fils, le Fils donne sa vie ; il nous donne la vie par le partage de sa chair et de son sang. Ce que Jésus résume en parlant à la Samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu ! » (Jn 4).

Reste le dernier don, celui de l’Esprit. Car lui seul fera entrer les croyants dans le mystère : « la chair (c’est-à-dire l’homme réduit à ses seules forces) n’est capable de rien. » L’annonce en est encore voilée ici : « C’est l’esprit qui fait vivre. » Plus tard, dans le discours après la Cène, la veille de sa mort, Jésus en parlera beaucoup plus explicitement. Cela veut-il dire que l’heure de cette ultime révélation n’avait pas encore sonné à Capharnaüm ? L’annonce du don de l’Esprit devait-elle être d’abord faite à Jérusalem ? C’est à Jérusalem, effectivement, que Jésus dira le dernier soir : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement. » (Jn 15,26-27).

Pierre pressent tout cela lorsqu’il ose formuler la phrase décisive : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. »

Plus tard, il aura tout loisir de méditer l’extraordinaire discours de Jésus à Capharnaüm : mais il aura fallu auparavant vivre la Passion et la Résurrection du Christ : Le Fils de l’homme, vraiment homme, mortel, était bien l’envoyé de Dieu, « le Saint de Dieu ». Désormais, il est « monté là où il était auparavant » (v. 62) ; vivant de la vie même de Dieu, il la communique aux hommes : il est vraiment « le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Le pain qu’il donne, c’est sa chair, « donnée pour la vie du monde. » (v. 51). Car la volonté du Père, c’est la vie du monde : Jésus avait bien dit : « Je suis descendu du ciel non pas pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. » (v. 38-39).

Désormais, « celui (tout homme) qui voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle » (v. 40) : telle est la volonté de Dieu. Pour qu’elle se réalise au plus vite, Jésus nous a appris à dire « Que ta volonté soit faite. »

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 15 22 2021, 21e dimanche du temps ordinaire B

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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 08:19

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 14 août 2021).

LECTURE DE L'APOCALYPSE DE SAINT JEAN    11,19a ; 12,1-6a.10ab

 

11,19   Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit,
     et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire.
12,1     Un grand signe apparut dans le ciel :
     une Femme,
     ayant le soleil pour manteau,
     la lune sous les pieds,
     et sur la tête une couronne de douze étoiles.
2   Elle est enceinte, elle crie,
     dans les douleurs et la torture d’un enfantement.
3   Un autre signe apparut dans le ciel :
     un grand dragon, rouge feu,
     avec sept têtes et dix cornes,
     et, sur chacune des sept têtes, un diadème.
4   Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel,
     les précipita sur la terre.
     Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter,
     afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
5   Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle,
     celui qui sera le berger de toutes les nations,
     les conduisant avec un sceptre de fer.
     L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône,
6   et la Femme s’enfuit au désert,
     où Dieu lui a préparé une place.
10 Alors j’entendis dans le ciel une voix forte,
     qui proclamait :
     « Maintenant voici le salut,
     la puissance et le règne de notre Dieu,
     voici le pouvoir de son Christ ! »
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LA FEMME, L’ENFANT ET LE DRAGON

 

On sait que toute l’Apocalypse de saint Jean est un message de victoire adressé à la jeune Église chrétienne en pleine persécution. Pour exprimer ce message de victoire, saint Jean emploie de nombreuses images : nous avons vu successivement l’Arche d’Alliance, et trois personnages : la femme, le dragon, puis le nouveau-né. Je reprends successivement ces images, l’une après l’autre.

L’Arche d’Alliance, pour commencer, est un rappel de cette fameuse arche, le coffret de bois doré qui accompagnait le peuple pendant l’Exode au Sinaï et rappelait sans cesse au peuple d’Israël l’Alliance que Dieu avait conclue avec lui. À l’époque où Jean écrivait, il y avait des siècles que cette arche était perdue : elle a disparu, on ne sait comment, au moment de l'Exil à Babylone et l'on racontait que Jérémie l'avait mise à l'abri en la cachant quelque part au Mont Nebo (2 M 2,8) ; on croyait généralement qu'elle réapparaîtrait au moment de la venue du Messie ; or Jean la voit réapparaître : « Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s'ouvrit, et l'Arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. » (11,19). Pour lui, c’est le signe que la fin des temps est arrivée : l’Alliance éternelle de Dieu avec l’humanité est enfin définitivement accomplie.

Puis apparaît, toujours dans le ciel, « une femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d'un enfantement. » On se demande aussitôt qui représente cette femme : là encore c'est l'Ancien Testament qui nous donne la clé ; car souvent, les relations entre Dieu et Israël, son peuple choisi, sont décrites en termes de noces. Le prophète  Osée, par exemple, parlait des fiançailles de Dieu avec son peuple. Et Isaïe développait ce thème des noces pour aller jusqu’à présenter la venue du Messie comme un enfantement ; car c’est d’Israël que doit naître le Messie. Dans cette ligne, la femme décrite dans l'Apocalypse désigne donc le peuple élu qui engendre le Messie ; enfantement ô combien douloureux pour les disciples du Christ affrontés à la persécution ; mais Jean vient leur dire justement : vous êtes en train d'enfanter l'humanité nouvelle.

 

LES FORCES DE LA MORT NE L’EMPORTERONT PAS

 

Le second personnage est le dragon posté « devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. » C’est dire le combat des forces du mal contre le projet de Dieu. Pour les chrétiens persécutés auxquels s’adresse l’Apocalypse, le mot « dragon » n’est pas trop fort. Et la description impressionnante dit la violence à laquelle ils sont affrontés : le dragon est « énorme... rouge-feu, avec sept têtes et dix cornes, et sur chaque tête un diadème » : la tête et les cornes disent l’intelligence et la force, le diadème désigne le pouvoir impérial, c’est dire sa réelle capacité de nuire. Et d’ailleurs, il parvient à balayer « le tiers des étoiles du ciel, et à les précipiter sur la terre. » Mais ce n’est que le tiers des étoiles, justement, ce n’est donc qu’un semblant de victoire et la suite du texte va nous dire que ce pouvoir du mal n’est que provisoire.

Voici l’enfant maintenant : « La femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations,  les conduisant avec un sceptre de fer. » Pour les lecteurs de Jean, il désigne évidemment le Messie ; car Jean fait allusion ici à une phrase du psaume 2 qui concernait le Messie : « Le SEIGNEUR m’a dit : Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Demande-moi, et je te donne les nations en héritage, en propriété les extrémités de la terre. Tu les écraseras avec un sceptre de fer. » (Ps 2,7-9). Le terme de berger était également classique pour parler du Messie.

L’image suivante est celle de l’enlèvement de l’enfant « jusqu’auprès de Dieu et de son trône » : elle symbolise la Résurrection du Christ ; là encore, c’était très clair pour les premiers chrétiens habitués à parler de lui comme le « Premier-Né » désormais assis à la droite de Dieu ; mais son peuple, lui, demeure dans le monde. Un monde difficile, mais où ils sont assurés de la protection de Dieu : c’est le sens du désert qui est encore un rappel de l’Exode au cours duquel Dieu n’a cessé de prendre soin de son peuple. Que les croyants se rassurent donc, si le dragon a échoué dans le ciel, il ne peut réussir sur la terre.

 Aux premiers chrétiens enfantant l’humanité nouvelle dans la douleur de la persécution, l’Apocalypse vient donc annoncer la victoire : « Maintenant (c’est-à-dire depuis la Résurrection du Messie), voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
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PSAUME  44 (45),11-16

 

11 Écoute, ma fille, regarde et tends l'oreille ;
     oublie ton peuple et la maison de ton père :
12 le roi sera séduit par ta beauté.
     Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
13 Alors, les plus riches du peuple,
     chargés de présents, quêteront ton sourire.
14 Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,      
     vêtue d'étoffes d'or ;
15 on la conduit, toute parée, vers le roi.
     Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
16 on les conduit parmi les chants de fête :
     elles entrent au palais du roi.
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UN MARIAGE ROYAL, SYMBOLE DE L’ALLIANCE

 

Nous assistons à la cérémonie de mariage du roi de Jérusalem avec une jeune princesse étrangère : « Fille de roi, elle est là, dans sa gloire, vêtue d'étoffes d'or ; on la conduit, toute parée, vers le roi. » Le roi d’Israël s’unit à une princesse étrangère pour sceller l’alliance entre deux peuples. Et, bien sûr, en Israël comme ailleurs, c’était un cas de figure classique. Tout au long de l’histoire des hommes, on a pu voir des alliances entre États scellées par des mariages.

Mais, la religion d’Israël étant l’Alliance exclusive avec le Dieu unique, toute jeune fille étrangère devenant reine de Jérusalem devait accepter une contrainte particulière, celle d’épouser également la religion du roi. Concrètement, dans ce psaume, la princesse qui vient de Tyr, nous dit-on, et est introduite à la cour du roi d’Israël, devra renoncer à ses pratiques idolâtriques pour être digne de son nouveau peuple et de son roi : « Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ; oublie ton peuple et la maison de ton père. » On sait bien, par exemple, que ce fut un problème crucial à l’époque du roi Salomon qui avait épousé des étrangères, donc des païennes ; puis plus tard, au temps du roi Achab et de la reine Jézabel : on se souvient du grand combat engagé par le prophète Élie contre les nombreux prêtres et prophètes de Baal que la reine Jézabel avait amenés avec elle à la cour de Samarie.

Bien sûr, pour qui sait lire entre les lignes, ces conseils donnés à la princesse de Tyr s’adressent en réalité à Israël ; l’époux royal décrit dans ce psaume n’est autre que Dieu lui-même et cette « fille de roi, conduite toute parée vers son époux », c’est le peuple d’Israël admis dans l’intimité de son Dieu.

Une fois de plus, on est impressionné de l’audace des auteurs de l’Ancien Testament pour décrire la relation entre Dieu et son peuple, et, à travers lui, toute l’humanité. C’est le prophète Osée qui, le premier, a comparé le peuple d’Israël à une épouse : « Je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur... Elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d’Égypte. En ce jour-là - oracle du SEIGNEUR -, voici ce qui arrivera : Tu m’appelleras ‘mon époux’. » (Os 2,16... 18). À sa suite Jérémie, Ézéchiel, le deuxième et le troisième Isaïe ont développé ce thème des noces entre Dieu et son peuple ; et on retrouve chez eux tout le vocabulaire des fiançailles et des noces : les noms tendres, la robe nuptiale, la couronne de mariée, la fidélité ; par exemple « Ainsi parle le SEIGNEUR : je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée ; lorsque tu me suivais au désert. » (Jr 2,2). « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. » (Is 62,5).

Quant au Cantique des Cantiques, long dialogue amoureux, composé de sept poèmes, nulle part il n’identifie les deux amoureux qui s’y expriment ; mais les Juifs l’ont toujours lu comme le dialogue entre Dieu et son peuple ; la preuve, c’est qu’ils le lisent tout spécialement pendant la célébration de la Pâque, la grande fête de l’Alliance de Dieu avec Israël. Pour être précis, ils le lisent au cours du sabbat qui a lieu pendant la semaine de la célébration de leur Pâque qui dure une semaine.

 

MON AMOUR LOIN DE TOI JAMAIS NE S’ÉCARTERA, DIT DIEU

 

Malheureusement, cette épouse, trop humaine, fut souvent infidèle, traduisez idolâtre, et ces mêmes prophètes traiteront d’adultères les infidélités du peuple, c’est-à-dire ses retombées dans l’idolâtrie. Le vocabulaire alors parle de jalousie, adultère, et aussi de retrouvailles et de pardon, car Dieu est toujours fidèle. Isaïe, par exemple, parle des errements d’Israël en termes de déception amoureuse. C’est le fameux chant de la vigne : « Je veux chanter pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile… Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais... La vigne du SEIGNEUR de l’univers, c’est la maison d’Israël, le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le crime... » (Is 5,1... 7). Et le prophète Osée, visant les cultes idolâtriques, traite Israël de prostituée.

Mais sans cesse, Dieu promet la réconciliation : « Ne crains pas, tu ne connaîtras plus la honte... Même si les montagnes s’écartaient, si les collines s’ébranlaient, ma fidélité ne s’écarterait pas de toi, mon alliance de paix ne serait pas ébranlée, dit le SEIGNEUR qui te montre sa tendresse. » (Is 54,4... 10).

On peut se demander pourquoi l’idolâtrie tient tant de place dans les discours des prophètes ? Parce qu’il ne s’agit pas de noces humaines, justement, et que l’enjeu est très grave : comme toujours, Israël sait bien que son élection n’est pas exclusive ; ce n’est que par sa fidélité à Dieu que le peuple élu pourra remplir sa vocation de témoin pour toutes les nations. Car, en définitive, la Bible ose penser que c’est l’humanité tout entière que Dieu a demandée en mariage. Mais comment l’humanité le saura-t-elle si personne ne le lui dit ?

Lorsque l’Église chrétienne célèbre l’Assomption de Marie, et son introduction dans la gloire de Dieu, elle entrevoit déjà par avance l’entrée de l’humanité tout entière, à sa suite dans l’intimité de son Dieu.
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LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS 15,20-27a

 

     Frères,
20 le Christ est ressuscité d’entre les morts,
     lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
21 Car, la mort étant venue par un homme,
     c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts.
22 En effet, de même que tous les hommes
     meurent en Adam,
     de même c’est dans le Christ
     que tous recevront la vie,
23 mais chacun à son rang :
     en premier, le Christ,
     et ensuite, lors du retour du Christ,
     ceux qui lui appartiennent.
24 Alors, tout sera achevé,
     quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père,
     après avoir anéanti, parmi les êtres célestes,
     toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance.
25 Car c’est lui qui doit régner
     jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis.
26 Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort,
27 car il a tout mis sous ses pieds.
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HEUREUX CEUX QUI ONT CRU SANS AVOIR VU

 

Le jour où nous célébrons l’Assomption de la Vierge, la liturgie nous propose une méditation de Paul sur la résurrection du Christ opposée à la mort d’Adam. Nous avons donc là une piste de réflexion : qu’ont-ils de commun, le Christ et Marie ? Et que n’a pas Adam ?

Justement, l’évangile de la Visitation (que nous lisons également pour cette fête de l’Assomption) nous fait contempler en Marie la croyante : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur », lui dit Élisabeth. Elle a cru, c’est-à-dire elle a accepté d’entrer dans le projet de Dieu sur elle, sans tout comprendre. Et pourtant, plus d’une fois, « un glaive a traversé son âme », comme le lui avait prédit Syméon (Lc 2,35). Ce qui résume le mieux son attitude, c’est peut-être sa phrase : « Je suis la servante du Seigneur ». Elle accepte tout simplement de mettre sa vie au service de l’œuvre de Dieu.

Depuis toujours, dans la Bible, on avait compris que c’est la seule chose qui nous soit demandée, être prêt à dire « me voici ». Abraham, Moïse, Samuel sollicités par Dieu avaient su répondre ainsi. Et grâce à eux, l’œuvre de Dieu a pu chaque fois franchir une étape.

Le Christ, à son tour, refait cet itinéraire du croyant et le Nouveau Testament ne cesse de nous le donner en exemple. Et s’il nous enseigne à dire, dans le Notre Père « Que ta volonté soit faite », c’est bien parce que c’est son principal souci. Et quand l’auteur de la lettre aux Hébreux résume toute la vie de Jésus, il écrit : « En entrant dans le monde (c’est-à-dire dès son entrée dans le monde), le Christ dit : voici je suis venu pour faire ta volonté. » (He 10, 5... 10). Si, de tout temps et quoi qu’il arrive, Jésus se soumet à la volonté de son père, c’est parce qu’il fait confiance. De lui aussi, on pourrait dire « heureux celui qui a cru... ». Sa résurrection vient prouver que le chemin qu’il a choisi, celui de la foi, était bien le chemin de la vie, même si la mort corporelle en a fait partie.

 

LE COMPORTEMENT D’ADAM ET LE COMPORTEMENT DU CHRIST

 

Paul oppose ce comportement du Christ à celui d’Adam : Adam est celui à qui tout est proposé, l’arbre de vie, comme aussi la maîtrise sur la Création ; mais il se méfie, il ne croit pas à la bienveillance de Dieu. Il refuse de se soumettre au moindre commandement. Le propos de Paul n’est pas de nous dire ce qui se serait passé si un certain Adam n’avait pas péché ; son propos c’est de nous rappeler qu’il n’y a qu’un seul chemin qui mène à la vie, c’est-à-dire à l’entrée dans la joie de Dieu. À partir du jour où Adam se met à douter de Dieu, il tourne le dos à l’arbre de vie : et c’est bien au présent qu’il faut parler ; car, pour Paul, Adam n’est pas un homme du passé, il est un type d’homme ; comme disent les rabbins, « Chacun est Adam pour soi ».

On comprend mieux du coup la phrase de Paul : « C’est en Adam que meurent tous les hommes » ; c’est en nous comportant comme Adam que nous nous éloignons de Dieu et nous coupons de la vie véritable qu’il veut nous donner en abondance. À l’inverse, choisir comme le Christ le chemin de la confiance, quoi qu’il arrive, c’est faire un pas sur le chemin de la vraie vie ; comme dit Jésus dans l’évangile de Jean : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17,3). Or connaître, en langage biblique, c’est croire, aimer, faire confiance. Comme le dit Paul, « c’est dans le Christ que tous recevront la vie », c’est-à-dire en nous greffant sur lui, en adoptant le même comportement que lui.

Peut-être le mystère de l’Assomption de Marie peut-il nous aider à entrevoir un peu le projet de Dieu quand l’homme ne l’entrave pas. Marie est pleinement humaine, mais elle n’a jamais agi à la manière d’Adam ; elle connaît le destin que tout homme aurait dû connaître s’il n’y avait pas eu la chute ; or elle a connu, comme tout homme, toute femme, le vieillissement ; et un jour, elle a quitté la vie terrestre, elle a quitté ce monde, tel que nous le connaissons ; elle s’est endormie pour entrer dans un autre mode de vie auprès de Dieu. On parle de la « dormition » de la Vierge.

On peut donc affirmer deux choses : Premièrement, notre corps n’a jamais été programmé pour durer tel quel éternellement sur cette terre, et nous pouvons en avoir une idée en regardant Marie ; elle, la toute pure, pleine de grâce, s’est endormie. Deuxièmement, Adam a contrecarré le projet de Dieu et la transformation corporelle que nous aurions dû connaître, la « dormition » est devenue mort, avec son cortège de souffrance et de laideur. La mort, telle que nous la connaissons, si douloureusement, est entrée dans le monde par le fait de l’humanité elle-même.

Mais là où nous avons introduit les forces de mort, Dieu peut redonner la vie ; Jésus a été tué par la haine des hommes, mais Dieu l’a ressuscité ; lui, le premier ressuscité, il nous fait entrer dans la vraie vie, celle où règne l’amour.
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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC  1,39-56

 

1,39     En ces jours-là,
Marie se mit en route et se rendit avec empressement
vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.
40 Elle entra dans la maison de Zacharie
et salua Élisabeth.
41 Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie,
l’enfant tressaillit en elle.
Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,
42 et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes,
et le fruit de tes entrailles est béni.
43 D’où m’est-il donné
que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
44 Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles,
l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
45 Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
46 Marie dit alors :
« Mon âme exalte le Seigneur,
47 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
48 Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse.
49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
50 Sa miséricorde s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
51 Déployant la force de son bras,
il disperse les superbes.
52 Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
53 Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
54 Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour,
55 de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »
56 Marie resta avec Élisabeth environ trois mois,
puis elle s’en retourna chez elle.
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HEUREUSE CELLE QUI A CRU

 

« Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Cette phrase d’Élisabeth nous renvoie à un épisode de l’Ancien Testament : l’arrivée de l’arche d’Alliance à Jérusalem (2 S 6,1…15) ; lorsque David se fut installé comme roi à Jérusalem, lorsqu’il eut un palais digne du roi d’Israël, il envisagea de faire monter l’Arche d’Alliance dans cette nouvelle capitale. Mais il était partagé entre la ferveur et la crainte ; il y eut donc une première étape dans la ferveur et la joie : « David rassembla encore toute l’élite d’Israël : trente mille hommes. Puis il se mit en route ; avec tout le peuple qui l’accompagnait, il partit de Baalé-de-Juda pour en faire monter l’arche de Dieu sur laquelle est invoqué un nom : le nom du SEIGNEUR des armées qui siège sur les Kéroubim. On chargea l’arche de Dieu sur un chariot neuf et on l’emmena depuis la maison d’Abinadab située sur la colline. Ouzza et Ahyo, les fils d’Abinadab, conduisaient le chariot avec l’arche de Dieu. Or Ahyo marchait devant l’Arche. David et toute la maison d’Israël dansaient devant le SEIGNEUR, au son des instruments en bois de cyprès, cithares et harpes, des tambourins, des sistres et des cymbales. » Mais là se produisit un incident qui rappela à David qu’on ne met pas impunément la main sur Dieu : un homme qui avait mis la main sur l’arche sans y être habilité mourut aussitôt.

Alors, chez David la crainte l’emporta et il dit « comment l’Arche du SEIGNEUR pourrait-elle entrer chez moi ? » Du coup le voyage s’arrêta là : David crut plus prudent de renoncer à son projet et remisa l’Arche dans la maison d’un certain Obed-Édom où elle resta trois mois, apportant le bonheur à cette maison. Voilà David rassuré. « On rapporta au roi David : ‘Le SEIGNEUR a béni la maison d’Obed-Édom et tout ce qui lui appartient, à cause de l’arche de Dieu.’ David partit alors et fit monter l’arche de Dieu de la maison d’Obed-Édom à la Cité de David, au milieu des cris de joie... David, vêtu d’un pagne de lin, dansait devant le SEIGNEUR, en tournoyant de toutes ses forces... David et tout le peuple d’Israël firent monter l’arche du SEIGNEUR parmi les ovations, au son du cor. »

On peut penser que Luc a été heureux d’accumuler dans le récit de la Visitation les détails qui rappellent ce récit de la montée de l’arche à Jérusalem : les deux  voyages, celui de l’Arche, celui de Marie se déroulent dans la même région, les collines de Judée ; l’Arche entre dans la maison d’Obed-Édom et elle y apporte le bonheur (2 S 6,11-12), Marie entre dans la maison de Zacharie et Élisabeth et y apporte le bonheur ; l’Arche reste 3 mois dans cette maison d’Obed-Édom, Marie restera 3 mois chez Élisabeth ; enfin David dansait  devant l’Arche (le texte nous dit qu’il « dansait en tournoyant ») (2 S 6,14), et Luc note que Jean-Baptiste « bondit de joie » devant Marie qui porte l’enfant.

 

LE MIRACLE DE L’INCARNATION

 

Tout ceci n’est pas fortuit, évidemment. Luc nous donne de contempler en Marie la nouvelle Arche d’Alliance. Or l’Arche d’Alliance était le signe de la Présence de Dieu. Marie porte donc en elle mystérieusement cette Présence de Dieu ; désormais Dieu habite notre humanité : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » Tout ceci grâce à la foi de Marie : Élisabeth lui dit « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

En guise de réponse aux paroles d’Élisabeth, Marie entonne le Magnificat ; une chose assez surprenante à propos du Magnificat : dans nos Bibles à cette page de saint Luc, on trouve dans la marge des quantités de références à d’autres textes bibliques ; et l’on peut reconnaître des bribes de plusieurs psaumes dans presque toutes les phrases du Magnificat. Ce qui veut dire que Marie n’a pas inventé les mots de sa prière. Pour exprimer son émerveillement devant l’action de Dieu, elle a tout simplement repris des phrases prononcées par ses ancêtres dans la foi.

Il y a là, déjà, une double leçon : d’humilité d’abord. Spontanément, pourtant mise devant une situation d’exception, Marie reprend tout simplement les expressions de la prière de son peuple. De sens communautaire ensuite : on dirait aujourd’hui de sens de l’Église. Car aucune des citations bibliques reprises dans le Magnificat n’a un caractère individualiste ; elles concernent toujours le peuple tout entier. C’est l’une des grandes caractéristiques de la prière juive et maintenant de la prière chrétienne : le croyant n’oublie jamais qu’il fait partie d’un peuple et que toute vocation, loin de le mettre à l’écart, le met au service de ce peuple.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 15 08 2021, Fête de l'Assomption B

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1 août 2021 7 01 /08 /août /2021 22:11

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 7 août 2021).

LECTURE DU PREMIER LIVRE DES ROIS 19,4-8

 

     En ces jours-là, le prophète Élie,
     fuyant l'hostilité de la reine Jézabel,
4   marcha toute une journée dans le désert.
     Il vint s'asseoir à l'ombre d'un buisson,
     et demanda la mort en disant :
     « Maintenant, SEIGNEUR, c’en est trop !
     Reprends ma vie :
     Je ne vaux pas mieux que mes pères. »
5   Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit.
     Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit :
     « Lève-toi et mange ! »
6   Il regarda, et il y avait près de sa tête
     une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau.
     Il mangea, il but, et se rendormit.
7   Une seconde fois, l’Ange du SEIGNEUR le toucha et lui dit :
     « Lève-toi et mange,
     car il est long le chemin qui te reste. »
8   Élie se leva, mangea et but.
     Puis, fortifié par cette nourriture,
     il marcha quarante jours et quarante nuits
     jusqu'à l'Horeb, la montagne de Dieu.
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ÉLIE FACE AU ROI ACHAB ET À LA REINE JÉZABEL

Nous avons déjà eu l’occasion de parler du prophète Élie (dix-neuvième dimanche ordinaire A). Je vous rappelle brièvement l’histoire du prophète Élie : nous sommes dans les années 875 à 850 av. J.-C. environ.

Élie était originaire de Tishbé en Galaad (au nord de ce que nous appelons aujourd’hui la Jordanie), et il était surnommé Élie le Tishbite. Il faut retenir son vrai nom : Eliyyah, qui signifie « Mon Dieu, c’est Yah » (première syllabe du nom de Dieu), car il résume bien sa vie : laquelle fut un combat incessant contre l’idolâtrie.

Or le royaume du Nord où Élie exerçait sa mission de prophète traversait une grave crise religieuse : le roi Achab avait épousé une princesse païenne, Jézabel, fille du roi de Sidon. Là-bas, on adorait Baal. La nouvelle reine n’avait pas changé de religion en épousant Achab ; au contraire, elle avait introduit son idolâtrie dans le palais même du roi à Samarie : elle avait apporté avec elle des statues de ses divinités, et pire encore, d’innombrables prêtres et prophètes de Baal qui faisaient la loi au palais.

Le récit que nous lisons ce dimanche se situe dans un moment crucial des relations entre la reine païenne qui donne un très mauvais exemple à tout son peuple et Élie, le prophète du Dieu d’Israël. Je vous rappelle ce qui vient de se passer : on pourrait le résumer en deux grands épisodes : une longue période de sécheresse et le sacrifice du Carmel.

Acte 1, la sécheresse : c’est un fait historique qu’il y a eu au Moyen-Orient une très grande sécheresse au neuvième siècle. L’historien juif Flavius Josèphe (premier siècle ap. J.-C.) en parle. Dans une civilisation exclusivement agricole, sécheresse veut dire famine et donc mort à très brève échéance : de nombreuses villes anciennes ont disparu de la carte uniquement à l’occasion d’une sécheresse durable. Prévenu par Dieu, Élie commence par déclarer solennellement « Par le SEIGNEUR qui est vivant, par le Dieu d’Israël dont je suis le serviteur, pendant plusieurs années il n’y aura pas de rosée ni de pluie, à moins que j’en donne l’ordre. » (1 R 17,1). Traduisez Dieu est le seul maître des éléments, vos Baals n’y peuvent rien. Puis il se met à l’abri car Dieu lui a dit : « Va-t’en d’ici, dirige-toi vers l’est, et cache-toi près du torrent de Kérith, qui se jette dans le Jourdain. Tu boiras au torrent, et j’ordonne aux corbeaux de t’apporter ta nourriture. » (1 R 17,3-4). La sécheresse persistant, le torrent cesse de couler et Dieu envoie Élie un peu plus loin, à Sarepta, près de Sidon. Là, Élie sera secouru par une veuve pauvre et aura l’occasion de lui prouver sa reconnaissance en accomplissant pour elle deux miracles. (1 R 17,7-24 ; nous en reparlerons dans quelques semaines ; cf. le trente-deuxième dimanche).     

LE SACRIFICE SUR LE MONT CARMEL

Acte 2, le sacrifice du Carmel : au bout de deux ans de sécheresse, Dieu annonce que la pluie va tomber et il envoie Élie prévenir Achab ; mais au lieu de se contenter de porter la bonne nouvelle, Élie cherche à exploiter la situation au profit de son Dieu ; il lance un défi aux innombrables prophètes de Baal : est-ce Baal ou le Dieu d’Israël qui est capable d’envoyer le feu du ciel ? Défi relevé, Élie d’un côté, le groupe des quatre cents prophètes de Baal de l’autre, chacun construit un autel gigantesque et prépare un sacrifice sur le mont Carmel. Mais les prophètes de Baal ont beau invoquer leurs dieux toute la journée, il ne se passe rien. Alors, à son tour, Élie se met à prier :

« SEIGNEUR, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, on saura aujourd’hui que tu es Dieu en Israël » (1 R 18,36) ; et le feu du ciel embrase tout le bûcher en un instant. Le peuple est éberlué. Élie profite de la liesse générale pour faire massacrer tous les prophètes de Baal (entre nous soit dit, cela Dieu ne le lui avait pas demandé !) Comme on pouvait s’y attendre, la reine Jézabel entre en grande fureur et menace Élie de mort. Il n’a plus qu’à fuir.

DIEU ACCOMPAGNE SON PROPHÈTE DÉCOURAGÉ

Et nous voici au début de notre lecture de ce dimanche : « Le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. » Il est seul ; au passage, il a laissé son serviteur à Béer-Shéva et s’est enfoncé dans la solitude du désert. Le voilà bien fatigué, pire même découragé et doutant de lui-même : « Je ne vaux pas mieux que mes pères » dit-il. Pourquoi ? Parce que, tout à coup, il prend conscience de son indignité : il a annoncé un Dieu terrible, en éliminant tous les opposants ; ne s’est-il pas trompé de combat ? Pire, il a exigé des preuves de la présence de son Dieu : ne ressemble-t-il pas à ses pères qui, tout au long de l’Exode, murmuraient contre Dieu et l’obligeaient à se manifester ?

Or, voilà qu’au sein même de sa fuite et de sa détresse, il va découvrir un Dieu de compassion ; l’ange du Seigneur lui apporte la nourriture nécessaire pour survivre dans sa longue marche en lui disant : « Lève-toi et mange, car il est long le chemin qui te reste. » Il y puisera la force de marcher quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne du Sinaï (on l’appelle aussi l’Horeb1).

Il ne va pas là-bas par hasard : car c’est là que, déjà, Dieu s’est manifesté à Moïse : dans le feu du buisson ardent, il a prononcé son nom et manifesté sa sollicitude pour son peuple (Ex 3) ; dans la puissance, le vent, l’orage, et le tremblement de terre, il lui a donné les tables de la Loi (Ex 19) ; dans une caverne, il l’a caché pour le protéger de son rayonnement (Ex 33,21-23). Les pas d’Élie le portent tout naturellement vers cette caverne de Moïse.

C’est là qu’il découvrira le vrai visage de son Dieu ; car le temps est venu d’accueillir une nouvelle étape de la Révélation. Dieu est tout-puissant, oui, mais sa toute-puissance est celle de l’amour. Il se révèle non dans l’ouragan, non dans le tremblement de terre, non dans le feu, mais « dans le murmure d’une brise légère ». (1 R 19,12). En attendant, Élie n’a pas trop de quarante jours et quarante nuits pour se préparer : dans la Bible, le nombre quarante évoque toujours une gestation. Dans cette longue marche qui est aussi le temps de sa conversion, il est nourri par « l’Ange du SEIGNEUR », manière pudique de parler de Dieu en personne.

Désormais, chaque fois que nous nous approchons de la table eucharistique, nous entendons le Seigneur lui-même nous inviter : « Lève-toi et mange, car il est long le chemin qui te reste. » 
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Note

1 - Les gens du Nord l'appellent l'Horeb, ceux du Sud le nomment Sinaï, mais il s'agit toujours de la même montagne.
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PSAUME 33 (34),2-3,4-5,6-7,8-9

 

2   Je bénirai le SEIGNEUR en tout temps,
     sa louange sans cesse à mes lèvres.
3   Je me glorifierai dans le SEIGNEUR :
     que les pauvres m'entendent et soient en fête !

4   Magnifiez avec moi le SEIGNEUR,
     exaltons tous ensemble son Nom.
5   Je cherche le SEIGNEUR, il me répond ;
     de toutes mes frayeurs, il me délivre.   

6   Qui regarde vers lui resplendira,
     sans ombre ni trouble au visage.
7   Un pauvre crie ; le SEIGNEUR entend :
     il le sauve de toutes ses angoisses.

8   L'ange du SEIGNEUR campe alentour
     pour libérer ceux qui le craignent.
9   Goûtez et voyez ; le SEIGNEUR est bon !
     Heureux qui trouve en lui son refuge !
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UN PAUVRE CRIE ; LE SEIGNEUR ENTEND

Une fois de plus, on remarquera le parallélisme : chaque verset est construit en deux lignes qui se répondent ; l’idéal serait de le chanter à deux chœurs alternés, ligne par ligne. D’autre part, voilà encore un psaume alphabétique : non seulement il comporte vingt-deux versets, vingt-deux étant le nombre de lettres de l’alphabet hébreu, mais en plus, il est ce qu’on appelle en poésie un acrostiche : l’alphabet est écrit verticalement dans la marge en face du psaume, une lettre devant chaque verset, dans l’ordre... et chaque verset commence par la lettre qui lui correspond dans la marge ; ce procédé, assez fréquent dans les psaumes, indique toujours qu’on se trouve en présence d’un psaume d’action de grâces pour l’Alliance. D’ailleurs, le vocabulaire de l’action de grâce est omniprésent dans ce psaume, ne serait-ce que dans les premiers versets ! Il faut laisser résonner cette foison de mots : « Bénir, louange, glorifier, fête, magnifier, exalter, resplendir » ! « Je bénirai le SEIGNEUR en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le SEIGNEUR... Magnifiez avec moi le SEIGNEUR, exaltons tous ensemble son Nom... Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. »

Autre particularité du vocabulaire biblique : « Qui regarde vers lui resplendira » ; l’expression « regarder vers », on trouve aussi parfois « lever les yeux vers » est l’expression de l’adoration rendue à celui qu’on reconnaît comme Dieu. C’est toute l’expérience d’Israël qui parle ici, témoin de l’œuvre de Dieu : un Dieu qui « répond, délivre, entend, sauve... » ; « Je cherche le SEIGNEUR, il me répond ; de toutes mes frayeurs, il me délivre... Un pauvre crie ; le SEIGNEUR entend : il le sauve de toutes ses angoisses. » Cette attention de Dieu pour celui qui souffre est inscrite dans l’épisode du buisson ardent : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte... j’ai entendu ses cris... Oui, je connais ses souffrances... » (Ex 3,7).

Le prophète Élie, lui aussi, a expérimenté cette sollicitude de Dieu : dans la première lecture, nous l’avons vu, fuyant la reine Jézabel, qui voulait sa mort. Il était découragé, dégoûté de la vie et peut-être surtout de lui-même, au point de dire : « Maintenant, SEIGNEUR, c’en est trop ! Reprends ma vie : Je ne vaux pas mieux que mes pères. » Et Dieu est venu à son secours pour lui redonner des forces pour la suite ; pendant qu’il dormait, « un ange le toucha et lui dit : « ‘Lève-toi et mange !’ Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit. Une seconde fois, l’Ange du SEIGNEUR le toucha et lui dit : ‘Lève-toi et mange, car il est long, le chemin qui te reste.’ »

Dans toute son histoire, le peuple d’Israël tout entier est lui-même ce pauvre qui a fait l’expérience de la miséricorde de Dieu : quand il chante le psaume 33/34 « Un pauvre crie ; le SEIGNEUR entend : il le sauve de toutes ses angoisses », c’est le peuple d’Israël tout entier qui parle d’abord de lui. Mais ce psaume l’invite aussi à élargir les horizons, car il dit bien « Un pauvre crie », c’est-à-dire n’importe quel pauvre, n’importe où sur la planète.

À L’IMAGE DE DIEU, ENTENDRE LE CRI DES PAUVRES

Du coup, Israël découvre sa vocation : elle est double. Premièrement, il doit être le peuple qui enseigne à tous les humbles du monde la confiance ! La foi apparaît alors comme un dialogue entre Dieu et l’homme : l’homme crie sa détresse vers Dieu ... Dieu l’entend... Dieu le libère, le sauve, vient à son secours... et l’homme reprend la parole, cette fois pour rendre grâce : si on y réfléchit, la prière comprend toujours ce double mouvement de demande, et de louange... d’abord l’appel au secours et l’intervention de Dieu : « Je cherche le SEIGNEUR, il me répond ; de toutes mes frayeurs, il me délivre... » Puis l’action de grâce : « Magnifiez avec moi le SEIGNEUR, exaltons tous ensemble son Nom. »

Le deuxième aspect de la vocation du peuple d’Israël, c’est de seconder l’œuvre de Dieu : de même que Moïse ou Josué ont été les instruments de Dieu libérant son peuple et l’introduisant dans la Terre promise, Israël est invité à être lui-même l’oreille ouverte aux pauvres et l’instrument de la sollicitude de Dieu pour eux. La vocation d’Israël au long des siècles sera de faire retentir ce cri, il faudrait dire cette polyphonie mêlée de souffrance, de louange et d’espoir. Et aussi de tout faire pour soulager les innombrables formes de pauvreté.

Ceci nous permet peut-être de mieux entendre cette fameuse béatitude de la pauvreté exprimée chez Luc par la phrase : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. » (Lc 6,20) et ici : « que les pauvres m’entendent et soient en fête ! » (Ce qui prouve une fois de plus au passage que Jésus était profondément inséré dans les manières de parler et le vocabulaire de ses pères en Israël). Dans cette « Béatitude de la pauvreté », on peut entendre au moins deux choses : premièrement, ‘réjouissez-vous, Dieu n’est pas sourd, il va intervenir… et il a choisi des instruments sur cette terre pour venir à votre secours.’ Deuxièmement, « Heureux les pauvres de cœur » : ceux qui acceptent de se reconnaître tout-petits, et qui osent appeler Dieu à leur secours. Car Dieu seul peut nous donner la force nécessaire pour soulager nos frères.

Comme dit Jésus dans l’évangile de saint Matthieu « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » (Mt 5,3).
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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ÉPHÉSIENS  4,30 - 5,2

 

     Frères,
4, 30    n’attristez pas le Saint Esprit de Dieu,
     qui vous a marqués de son sceau
     en vue du jour de votre délivrance.
31 Amertume, irritation, colère,
     éclats de voix ou insultes,
     tout cela doit être éliminé de votre vie,
     ainsi que toute espèce de méchanceté.
32 Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse.
     Pardonnez-vous les uns aux autres,
     comme Dieu vous a pardonné dans le Christ.
5, 1      Oui, cherchez à imiter Dieu,
     puisque vous êtes ses enfants bien-aimés.
2   Vivez dans l'amour,
     comme le Christ nous a aimés
     et s'est livré lui-même pour nous
     s’offrant en sacrifice à Dieu,
     comme un parfum d’agréable odeur.
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QUOI DE NEUF ? L’ESPRIT EST EN NOUS

Dans les versets précédents, Paul nous a invités à revêtir « l’homme nouveau », ce qui doit évidemment se traduire dans le concret de nos vies : ce sera l’objet de toute la fin de la lettre. Il commence par donner six exemples de comportement chrétien : ne dites pas de mensonge, dites la vérité (v. 25) ; maîtrisez votre colère (littéralement « que le soleil ne se couche pas sur votre colère », v. 26) ; ne volez pas mais gagnez par votre travail ce qui vous est nécessaire pour vivre et partager (v. 28) ; mettez vos lèvres au service du bien et non du mal ; soyez bons et aimables, ne vous laissez pas aller à la méchanceté. Le présent texte traite de toutes ces recommandations et plus particulièrement des deux dernières.

Mais au fait, qu’y a-t-il de neuf dans tout cela ? L’Ancien Testament avait déjà fait abondamment le lien entre l’attitude envers Dieu et l’attitude envers les frères. Le livre du Lévitique, déjà, commençait par dire « Soyez saints, car moi, le SEIGNEUR votre Dieu, je suis saint » (Lv 19,2), pour en donner de multiples applications bien concrètes dans l’attitude envers le prochain. Et le Décalogue, lui-même, énumérait les commandements envers Dieu puis ceux envers le prochain.

Les prophètes n’avaient eu qu’à reprendre dans leur style à eux ces intuitions premières. Par exemple Zacharie : « Voici les paroles que vous mettrez en pratique : chacun dira la vérité à son prochain ; au tribunal vous rendrez des jugements de paix dans la vérité. Ne méditez pas en votre cœur du mal contre votre prochain, n’aimez pas le faux serment, car tout cela, je le hais – oracle du SEIGNEUR. » (Za 8,16-17). Et l’on se souvient des colères des prophètes qui leur ont inspiré des oracles terribles ; elles étaient toujours motivées par des conduites indignes du peuple saint.

Paul n’a donc rien inventé sur ce point. Mais ce qui est nouveau ici, et qui fait toute la différence entre l’Ancien et le Nouveau Testament, c’est que désormais l’Esprit nous est donné, désormais l’heure de la Nouvelle Alliance a sonné. Reprenons ces deux points. Désormais l’Esprit nous est donné, il habite en nous : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). C’est bien ce qu’avaient promis les prophètes de l’Ancien Testament, à commencer par Ézéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit. » (Ez 36,26-27) et Joël : « Je répandrai mon esprit sur tout être de chair » (Jl 3,1).

Au tout début de cette lettre, Paul a pris acte de l’accomplissement de cette promesse : « Vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire. » (1,13-14).

Ici, il réitère l’affirmation : « Le Saint Esprit de Dieu, (qui) vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance », mais il y ajoute une formule surprenante : « Ne l’attristez pas ». Faut-il en déduire que l’Esprit Saint nous est intime, qu’il est quelqu’un qui nous aime et qui puisse avoir de la peine devant notre conduite ? Or c’est bien ce que nous révèle l’Écriture : déjà Isaïe évoquant le salut offert par le Seigneur au peuple d’Israël dit « Eux se sont rebellés, ils ont attristé son esprit saint. » (Is 63,10). On ose à peine croire une vérité pareille et pourtant que serait un amour qui resterait insensible ?

FILS DE DIEU ET FRÈRES DES HOMMES

Cet Esprit fait de nous des fils de Dieu, des frères des hommes, qui que nous soyons : « C’est dans un unique Esprit que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. » (1 Co 12,13). L’Esprit Saint fait de nous des fils de Dieu, d’abord : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs, et, par lequel nous crions ‘Abba, Père’ » (Rm 8, 15). Des frères, ensuite : « On sait bien à quelles actions mène la chair... Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. (Ga 5,19…22). Il n’y a donc pas de place dans la communauté chrétienne pour les excès que Paul décline ici, dans la lettre aux Éphésiens (amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes). Tout cela est destructeur de l’unité et fait offense à celui qui la construit : l’Esprit Saint.

Deuxième point, l’heure de la Nouvelle Alliance a sonné : c’est ce que Paul appelle ici « le jour de notre délivrance ». Qui dit « délivrance » dit esclavage : aux yeux de Paul, toutes les conduites mauvaises qu’il réprouve sont des formes d’esclavage. Voici donc une belle définition du salut : être sauvé, c’est être rempli de l’Esprit de Dieu qui fait de nous des fils et des frères. Pour autant, on ne peut pas dire que tous les hommes, ni même tous les baptisés aient une conduite conforme aux recommandations de Paul, loin s’en faut. C’est bien pour cela qu’il parle encore de la délivrance au futur : l’Esprit nous a été donné « en vue de notre délivrance. » Elle est amorcée déjà mais non encore totalement accomplie, car nous restons libres. Dans la lettre aux Thessaloniciens, Paul emploie une image qui est très suggestive et que nous pouvons reprendre ici, c’est l’image d’un feu ; il dit « N’éteignez pas l’Esprit. » (1 Th 5,19). Je reprends l’image : l’Esprit couve en nous comme un feu, à nous de le laisser se répandre ; ainsi seulement nous serons fidèles à la Parole du Christ qui disait : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12,49).
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN 6,41-51

 

     En ces jours-là,
41 les Juifs récriminaient contre Jésus
     parce qu’il avait déclaré :
     « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel. »
42 Ils disaient : « Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ?
     Nous connaissons bien son père et sa mère.
     Alors comment peut-il dire maintenant :
     Je suis descendu du ciel ? »
43 Jésus reprit la parole :      
     « Ne récriminez pas entre vous.
44 Personne ne peut venir à moi,      
     si le Père qui m’a envoyé ne l’attire,       
     et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
45 Il est écrit dans les prophètes :     
     Ils seront tous instruits par Dieu lui-même.        
     Quiconque a entendu le Père       
     Et reçu son enseignement vient à moi.
46 Certes, personne n’a jamais vu le Père,   
     sinon celui qui vient de Dieu :     
     celui-là seul a vu le Père.
47 Amen, amen, je vous le dis :        
     il a la vie éternelle celui qui croit.           
48 Moi, je suis le pain de la vie.
49 Au désert, vos pères ont mangé la manne,          
     et ils sont morts ;
50 mais le pain qui descend du ciel est tel   
     que celui qui en mange    
     ne mourra pas.
51 Moi, je suis le pain vivant,           
     qui est descendu du ciel :
     si quelqu’un mange de ce pain,    
     il vivra éternellement.      
     Le pain que je donnerai, c’est ma chair,  
     donnée pour la vie monde. »
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LA PAROLE DE DIEU, SEULE NOURRITURE VIVIFIANTE

Ce texte fait partie du discours de Jésus sur le pain de vie, dans la synagogue de Capharnaüm. Jésus vient d’annoncer : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » (Jn 6,35). Ce qui, lu à travers les lignes, est une prétention formidable. Car le peuple élu sait bien qu’il y a deux sortes de nourriture, les matérielles, les spirituelles. Il sait également que  l’unique nourriture spirituelle valable, véritablement vivifiante, c’est la Parole de Dieu. Le pain, nourriture matérielle, fait vivre le corps et entretient la vie biologique. La parole de Dieu, nourriture spirituelle, entretient la vie spirituelle. Un jour la vie biologique cesse, mais la vie spirituelle est éternelle, elle ne cesse jamais.

Jésus et ses interlocuteurs sont tous habitués à ce genre de distinctions. Mais là où son public ne peut pas le suivre c’est quand il prétend être lui-même cette nourriture vivifiante. Il a même ajouté « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel » ; ce qui est très exactement la définition de la Parole de Dieu dans l’Ancien Testament : « L’homme ne vit pas seulement de pain, disait le livre du Deutéronome, mais de tout ce qui vient de la bouche du SEIGNEUR. » (Dt 8,3). On devine les questions qui se posent : Comment Jésus peut-il se prendre pour la Parole de Dieu ? Comment ose-t-il prétendre être celui qui apporte la vie éternelle ? Nous connaissons ses parents, Joseph et Marie de Nazareth. Il est un homme comme tout le monde, ni plus ni moins : il ne descend pas du ciel mais de parents bien humains. Se prendrait-il pour Dieu lui-même ? C’est bien la question qui est au cœur du mystère chrétien : Jésus vrai homme peut-il être vrai Dieu ?

Cette réaction des auditeurs de Jésus, cette difficulté à le suivre semble être de bon sens. Mais Jésus l’interprète autrement : il y voit un grave refus de croire. Il leur dit : « Ne récriminez pas entre vous. » Pour des oreilles juives, l’emploi du mot « récriminer » est un reproche sévère : c’est un rappel de ce que l’on pourrait appeler le péché originel d’Israël, les fameux murmures du désert. Les quarante ans de l’Exode dans le Sinaï ont été parsemés de crises de confiance : dès qu’on rencontrait une nouvelle difficulté, la faim, la soif, les serpents venimeux ou les attaques des tribus ennemies, on soupçonnait Moïse et Dieu lui-même de vouloir la mort du peuple. C’est ce qui avait inspiré la phrase célèbre de Moïse : « Depuis le jour où vous êtes sortis du pays d’Égypte jusqu’à ce que vous arriviez en ce lieu, vous avez été rebelles au SEIGNEUR. » (Dt 9,7). Donc, cette remarque de Jésus « Cessez de récriminer » veut dire ‘faites-moi confiance. Acceptez de vous laisser déposséder de votre bon sens bien humain. Laissez-vous attirer par le Père.

Puis Jésus reprend patiemment, point par point, cette Révélation que ses interlocuteurs ont tant de mal à accepter. Oui, il est la Parole de Dieu ; oui, il est celui qui donne la vie éternelle ; oui il est le Fils de Dieu.  On croit entendre le Prologue de l’évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » ; Jésus dit exactement la même chose quand il cite les prophètes : « Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. »

ACCEPTER D’ENTRER DANS LE MYSTÈRE

Après la multiplication des pains, les Galiléens l’appelaient le Grand Prophète, mais ils étaient encore bien en-deçà de la réalité ! Il n’est pas un prophète, fût-il le plus grand, il est la Parole même de Dieu. Il est « le pain vivant descendu du ciel », c’est-à-dire la Parole incarnée, il est celui qui comble la faim spirituelle de l’homme, il est celui qui donne la vraie vie. Il dit le lien unique qui existe entre lui et son Père dans des formules de réciprocité : dans un sens, Jésus est le seul à pouvoir parler valablement du Père (c’est le verset 46 : « Personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. ») Dans l’autre sens, seul le Père peut nous mener à Jésus (c’est le verset 44 : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire »). Dans l’œuvre du salut, c’est Dieu qui a l’initiative ; mais il ne nous contraint pas, il sollicite notre réponse libre. Mais pour ceux qui voudront bien se laisser attirer, Jésus complète la Révélation : dans ces quelques versets, il répète trois fois « Je suis », ce qui est, là encore, pour une oreille juive, l’affirmation de sa divinité. Seul Dieu peut dire « Je suis », c’est même le Nom qu’il a révélé à Moïse (Ex 3).

Jésus est conscient de la difficulté pour ses interlocuteurs comme pour nous, de se hisser à ce niveau. C’est pour cela qu’il reprend la formule « Amen, Amen, je vous le dis » qui sonne dans sa bouche comme l’expression habituelle « Oracle du SEIGNEUR » chez les prophètes de l’Ancien Testament. Manière de dire : ces paroles sont difficiles précisément parce qu’elles sont des Paroles de Dieu donc inaccessibles à notre pauvre petite raison humaine.

Puis il reprend encore une fois cette distinction qu’ils connaissent bien entre nourriture matérielle et nourriture spirituelle et il reparle de la manne. La manne n’était qu’une nourriture matérielle : « Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. » (versets 49-50). On entend là le Prologue de Jean : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. » (Jn 1,14).

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 08 08 2021, 19e dimanche du temps ordinaire B

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