RIEN PAR FORCE, TOUT PAR AMOUR (devise de saint François de Sales) Présentation des convictions de Thierry Jallas. Ces convictions, principes, valeurs, sont conformes à la doctrine sociale de l'Église catholique et à la philosophie libérale (libéralisme).
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Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."
Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.
Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.
Quand l’homme eut mangé du fruit de l’arbre,
9 Le SEIGNEUR Dieu l’appela et lui dit :
« Où es-tu donc ? »
10 Il répondit :
« Je t'ai entendu dans le jardin,
j'ai pris peur parce que je suis nu,
et je me suis caché. »
11 Le Seigneur reprit :
« Qui donc t'a dit que tu étais nu ?
Aurais-tu mangé de l'arbre
dont je t'avais interdit de manger ?
12 L'homme répondit :
« La femme que tu m'as donnée,
c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre,
et j'en ai mangé. »
13 Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme :
« Qu'as-tu fait là ? »
La femme répondit :
« Le serpent m'a trompée,
et j'ai mangé. »
14 Alors le SEIGNEUR Dieu dit au serpent :
« Parce que tu as fait cela,
tu seras maudit parmi tous les animaux,
et toutes les bêtes des champs.
Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière
tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
entre ta descendance et sa descendance :
celle-ci te meurtrira la tête,
et toi, tu lui meurtriras le talon. »
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LA CONNAISSANCE HORS DE PORTÉE
On se souvient du récit de la Genèse : Dieu plante un jardin, peuplé d’arbres de toute sorte ; au centre du jardin, l’arbre de la vie, et puis, quelque part, dans ce même jardin, un autre arbre, celui de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. Notons-le bien au passage, le texte ne dit pas de manière précise où est ce deuxième arbre.
Dieu confie ce jardin à l’homme pour qu’il le cultive et qu’il le garde ; la consigne est simple : « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, sauf d’un seul, celui-là, précisément, l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. » Puis Dieu crée la femme ; survient un serpent qui entame la conversation : « Alors, comme cela, Dieu a dit de ne pas manger de tous les arbres du jardin ? »* La femme est bien honnête, elle rectifie le propos : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.” » Elle est bien honnête, oui, et elle croit rectifier le propos, mais, sans le savoir, elle déforme déjà la vérité : le seul fait d’être entrée en conversation avec le serpent a déjà faussé son regard : on pourrait dire désormais que « l’arbre lui cache la forêt ». Maintenant, c’est l’arbre interdit qu’elle voit au milieu du jardin (et non l’arbre de vie). Le serpent peut continuer son petit travail de sape : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »** (Gn 3,2-5).
Devenir comme des dieux, par un simple geste magique, c’est irrésistible ; et la femme se laisse tenter. Le texte est laconique : « Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des pagnes. »
Jusqu’ici, leur nudité (traduisez leur fragilité) ne les gênait pas l’un vis à vis de l’autre ; un peu plus haut, on peut lire : « Tous les deux, l’homme et sa femme, étaient nus, et ils n’en éprouvaient aucune honte l’un devant l’autre. » Ils pouvaient être transparents l’un pour l’autre, et l’homme accueillait sa femme nouvellement créée avec émerveillement : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair. » (Gn 2,23). Désormais, ils ont honte l’un en face de l’autre. Finie la transparence.
De la même manière, leur nudité, leur fragilité, ne les gênait pas non plus face à Dieu : ils étaient en confiance. Mais le serpent leur a soi-disant ouvert les yeux en leur susurrant que Dieu n’était pas leur allié, qu’il voulait garder le meilleur pour lui, qu’il les redoutait presque ! Son petit discours insinuait ‘Il a peur que vous deveniez ses égaux !’
En fait, réellement, leurs yeux se sont ouverts, mais leur regard est complètement faussé : désormais, ils vivront dans la peur de Dieu, et c’est pour cela qu’ils se cachent. Mais voilà que Dieu les cherche et les interroge : « Qui donc t’a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger ? » Visiblement, le projet de Dieu est contrarié : l’homme n’aurait pas dû prendre conscience de sa nudité-fragilité de cette manière-là : il aurait dû pouvoir vivre sa condition dans la sérénité, et non dans cette peur et cette gêne qui viennent de s’emparer de lui. Aux questions de Dieu, l’homme et la femme répondent en disant la pure vérité, sans rien ajouter, sans rien retrancher : chacun des deux s’est laissé influencer et a désobéi ; l’homme dit : « La femme que tu m'as donnée, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. » Et la femme ajoute : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé. » En définitive, tout vient du serpent.
LE SERPENT M'A TROMPÉE
On peut en tirer au moins une conclusion : le mal n’est pas dans l’homme ; voilà déjà une affirmation capitale de la Bible. Face à des civilisations pessimistes qui considèrent l’humanité comme foncièrement mauvaise, la Révélation affirme que le mal est extérieur à l’homme. Quand l’humanité s’engage sur des fausses pistes, c’est parce qu’elle a été trompée, séduite. Toute la lutte des prophètes, pendant toute la durée de l’histoire biblique vise justement les innombrables séductions qui menacent l’homme.
Le texte va plus loin ; Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux. » Ce qui revient à dire que le mal est maudit par Dieu ; la colère de Dieu, dans la Bible, est toujours contre ce qui détruit l’homme. Cela veut dire aussi que le mal est complètement étranger à Dieu : voilà encore une question que nous nous posons souvent : d’où vient le mal ? Est-ce Dieu qui l’a voulu ? La Bible répond deux choses : le mal ne vient pas de Dieu, et nous avons vu, déjà, qu’il ne fait pas non plus partie de la nature de l’homme.
L’homme et la femme avaient raison de vouloir être comme des dieux, et d’ailleurs, Dieu ne le leur reproche pas, puisqu’ils sont faits à sa ressemblance, et que le souffle de Dieu est la respiration de l’homme. Mais ils se sont laissé prendre à la tentation d’assouvir leur désir par eux-mêmes, dans une sorte de geste magique ; et ils n’ont expérimenté que le malheur.
Mais tout n’est pas perdu, et c’est la troisième bonne nouvelle de ce texte : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. » C’est un combat qui est annoncé là ; un combat dont l’issue est déjà certaine. Car c’est au serpent que Dieu s’adresse : il sera atteint à la tête, la femme seulement au talon ; ce qui dit bien, de manière imagée, que l’humanité aura le dessus. Le mal n’aura pas le dernier mot.
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Notes
*Pour traduire littéralement le texte hébreu (Gn 2,9), il faudrait parler de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » ; mais cette traduction, grammaticalement bonne, risque de nous entraîner dans un véritable contresens : les mots « bien » et « mal » ont en français un sens abstrait qui ne correspond nullement à la sensibilité concrète, existentielle de la pensée hébraïque. C’est pourquoi, dans ce commentaire, on emploie de préférence l’expression « l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux ».
On entend souvent dire que les deux fautifs rejettent leur faute sur autrui : en fait, ils ne disant que la stricte vérité : « La femme que tu m'as donnée, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre » : c’est vrai.
« Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé » : cela aussi est exact : le serpent a abordé la femme pour lui faire son petit boniment sur le thème « quand Dieu vous interdit quelque chose, ce n’est pas pour votre bien ». Elle ne se « défausse » pas de sa responsabilité sur le serpent ; elle a réellement été trompée.
Compléments
- À la cour du roi Salomon, on se préoccupait de découvrir la sagesse, le véritable art de vivre ; ce texte nous incite à l’humilité : Dieu seul sait ce qui est bon pour nous ; l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux est inaccessible à l’homme ; en revanche, il est invité à se nourrir chaque jour du véritable arbre de vie qu’est la Loi donnée par Dieu, la Tôrah.
- C’est une certaine soif de connaissance qui a tenté l’homme ; une connaissance qui est une prise de pouvoir : « Vous serez comme des dieux ». Alors qu’il était invité à une autre connaissance, la seule qui vaille, la connaissance de Dieu au sens biblique, c’est-à-dire l’amour.
- La tradition chrétienne, relisant ce texte, y a vu une annonce lointaine de la victoire de la Nouvelle Ève, Marie. À tel point qu’on a parlé ici de « protévangile », c’est-à-dire d’un « pré-évangile » ; bien sûr, l’auteur de ce passage de la Genèse, qui écrivait probablement au temps du roi Salomon, ne pouvait pas avoir des visées aussi précises. Mais il annonçait clairement déjà, que le mal, un jour, sera vaincu.
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1 Des profondeurs je crie vers toi, SEIGNEUR,
2 Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !
3 Si tu retiens les fautes, SEIGNEUR,
Seigneur, qui subsistera ?
4 Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l'homme te craigne.
5 J'espère le SEIGNEUR de toute mon âme ;
je l'espère, et j'attends sa parole.
6 Mon âme attend le Seigneur
plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.
7 Oui, près du SEIGNEUR, est l'amour ;
près de lui, abonde le rachat.
8 C'est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.
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PRÈS DE TOI SE TROUVE LE PARDON
Nous avons tellement pris l’habitude de chanter ce psaume dans certaines circonstances, en particulier les enterrements, que nous en oublions qu’il a été composé pour tout autre chose ! En fait, il fait partie d’un ensemble de quinze psaumes qui portent tous le même sous-titre : « Psaume des montées », qu’on peut traduire « Psaumes de pèlerinage ». Tout simplement parce que, en hébreu, le verbe « monter » était employé pour dire « Aller à Jérusalem en pèlerinage ». Dans les Évangiles, d’ailleurs, l’expression « monter à Jérusalem » apparaît plusieurs fois dans le même sens : elle évoque le pèlerinage pour les trois fêtes annuelles, et en particulier, la plus importante d’entre elles, la fête des Tentes. Et ceux qui connaissent la région de Jérusalem comprennent tout de suite ! Jérusalem est à huit cents mètres d’altitude, à peu près, Jéricho à moins trois cents mètres ; on peut réellement parler d’une montée ! Encore que, bien sûr, le sens soit encore plus spirituel que géographique !
La Bible grecque a traduit « cantique des degrés », c’est-à-dire des « marches ». Or un escalier de quinze marches reliait la Cour des femmes au parvis du Temple ; certains en déduisent que chacun de ces quinze psaumes était chanté sur l’une des marches. Mais il est plus probable qu’ils accompagnaient l’ensemble du pèlerinage. Avant même d’arriver à Jérusalem, ces psaumes évoquaient par avance le déroulement de la fête.
Le psaume 129/130 est donc l’un des cantiques des Montées ; il semble évoquer un sacrifice de réparation qui devait être offert pendant la fête des Tentes, au cours d’une célébration pénitentielle. C’est pourquoi le vocabulaire de la faute et du pardon est relativement important dans ce psaume. Le pécheur qui parle ici, et qui supplie, sûr déjà d’être pardonné, c’est le peuple qui reconnaît à la fois l’infinie bonté de Dieu (sa Hessed) et l’incapacité foncière de l’homme à répondre à l’Alliance. Ces infidélités répétées à l’Alliance sont vécues comme une véritable « mort spirituelle » : « Des profondeurs, je crie vers Toi ». Mais ce cri s’adresse à celui dont l’Être même est le Pardon : c’est le sens de l’expression « Près de toi se trouve le pardon ». C’est dans son pardon que Dieu révèle sa puissance : Dieu est AMOUR et Il est DON, c’est la même chose ; or le PAR-DON n’est pas autre chose que le don : c’est le DON « par-delà », le don parfait, parachevé. Pardonner, c’est continuer à proposer une Alliance, un avenir possible, au-delà des infidélités de l’autre.
On sait que cette faculté de pardon de Dieu est l’une des grandes découvertes de Moïse ; c’est dans le livre de l’Exode que l’on entend cette magnifique définition du « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour ». Les prophètes ont répercuté cette Bonne Nouvelle, chaque fois qu’il fallait rendre l’espérance au peuple ; rappelez-vous Michée : « À quel Dieu te comparer, toi qui ôtes le péché, toi qui passes sur les révoltes ? Pour l’amour du reste (d’Israël), son patrimoine, loin de s’obstiner dans sa colère, lui, il se plaît à faire grâce. » (Mi 7,18). Et ce fameux texte d’Isaïe : « Recherchez le SEIGNEUR puisqu’il se laisse trouver, appelez-le puisqu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme malfaisant, ses pensées. Qu’il retourne vers le SEIGNEUR, qui lui manifestera sa tendresse, vers notre Dieu qui pardonne abondamment. » (Is 55, 6-7).
« Près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne » : cette formule très ramassée dit quelle doit être l’attitude du croyant face à ce Dieu qui n’est que don et pardon. Nous trouvons là encore une définition de la « crainte de Dieu » : ce n’est pas la crainte du châtiment ; au contraire, toute la pédagogie de Dieu au long de l’histoire biblique cherche à nous libérer de toute peur ; car la peur n’est pas une attitude d’homme libre et Dieu veut nous libérer totalement ; la « crainte de Dieu » au sens biblique, c’est une adoration pleine d’émerveillement devant la Toute-Puissance de Dieu faite seulement d’amour et de pardon ; une adoration, un émerveillement qui conduisent logiquement le croyant à obéir désormais à la Parole de Dieu, à ses commandements ; la « crainte de Dieu » n’est donc pas de la crainte au sens de la peur, mais une adoration confiante qui conduit à l’obéissance. Désormais, on fera tout son possible pour obéir à sa Loi dans la certitude que cette Loi n’est dictée que par son amour paternel.
LE PARDON DE DIEU, PILIER DE NOTRE ESPÉRANCE
Qu’on se rassure, cette certitude de la « miséricorde » de Dieu n’engendre pas chez le croyant la présomption ou l’indifférence au péché : au contraire ! Notre prise de conscience de la miséricorde de Dieu résonne en nous comme un appel à une vie meilleure ; et elle ouvre nos yeux sur les conséquences de nos actes.
Car le Par-don ne signifie pas pour autant effacement ni coup d’éponge : rien ne pourra effacer le mal que nous avons fait, ni le bien d’ailleurs ; et c’est bien ce qui fait la grandeur et la gravité, au sens étymologique du terme, le poids, de nos vies d’hommes ; le pardon, qu’il soit accordé par Dieu, ou par ceux qui ont souffert à cause de nous, n’efface rien, mais il permet de repartir dans une relation renouvelée. Il ne s’agit donc pas d’ignorer ou de minimiser nos fautes, mais de repartir toujours de l’avant, grâce au pardon de Dieu.
Cette certitude du PAR-DON, du DON toujours acquis au-delà de toutes les fautes inspire à Israël une attitude d’espérance extraordinaire. Israël repentant attend son pardon « plus qu’un veilleur ne guette l’aurore ». Il attend plus encore : au-delà du pardon ponctuel, ce qu’Israël attend, c’est la libération définitive du mal. Cette délivrance ne peut être l’œuvre que de Dieu seul : « C’est Lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes » : précisément parce que le peuple de l’Alliance expérimente sa faiblesse et son péché toujours renaissant, mais aussi la FIDÉLITÉ DE DIEU, il attend de Dieu lui-même la réalisation définitive de ses promesses. Au-delà du pardon immédiat, donc, c’est l’aurore définitive, l’aurore du Jour de Dieu que ce peuple attend de siècle en siècle, qu’il « espère contre toute espérance » comme Abraham. Tous les psaumes sont traversés par cette attente. Tout comme le livre de la Genèse, que nous avons lu en première lecture, annonçait que le mal sera un jour définitivement vaincu, ce psaume 129/130 est habité par la même certitude.
Il ne nous vient jamais à l’idée que le jour pourrait oublier de se lever après la nuit... Les chrétiens savent encore plus sûrement que notre monde va vers son accomplissement : un accomplissement qui se nomme Jésus-Christ : « Notre âme attend le SEIGNEUR plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. »
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Frères,
13 L'Écriture dit :
J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé.
Et nous aussi, qui avons le même esprit de foi,
nous croyons,
et c'est pourquoi nous parlons.
14 Car, nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus
nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus,
et il nous placera près de lui avec vous.
15 Et tout cela, c'est pour vous,
afin que la grâce, plus largement répandue,
dans un plus grand nombre,
fasse abonder l’action de grâce
pour la gloire de Dieu.
16 C'est pourquoi nous ne perdons pas courage,
et même si en nous l'homme extérieur va vers sa ruine,
l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour.
17 Car notre détresse du moment présent est légère
par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle
qu'elle produit pour nous.
18 Et notre regard ne s'attache pas à ce qui se voit,
mais à ce qui ne se voit pas ;
ce qui se voit est provisoire,
mais ce qui ne se voit pas est éternel.
5,1 Nous le savons, en effet,
même si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre,
est détruit,
nous avons un édifice construit par Dieu,
une demeure éternelle dans les cieux
qui n'est pas l'œuvre des hommes.
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UNE BONNE NOUVELLE SE DOIT D’ÊTRE ANNONCÉE
Dès le début de ce passage, Paul se situe dans la longue lignée des croyants : « L’Écriture dit ‘J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé’. » Vous aurez du mal à retrouver cette phrase dans la Bible, car elle ne se trouve que dans la traduction grecque de la Septante ; c’est le premier verset du psaume 115/116 : ce psaume que, justement, nous avons chanté dimanche dernier (pour la fête du Corps et du Sang du Christ). Il va nous aider à comprendre cette lecture d’aujourd’hui.
Ce psaume évoquait les épreuves du croyant et le secours que Dieu lui avait apporté : « Comment rendrai-je au SEIGNEUR tout le bien qu’il m’a fait ? » Comme toujours, il s’agit d’abord ici de l’expérience du peuple d’Israël tout entier avec toute son histoire : l’esclavage, sa lutte pour la liberté, sa libération par Dieu : « Il en coûte au SEIGNEUR de voir mourir les siens ! Ne suis-je pas, SEIGNEUR, ton serviteur, moi dont tu brisas les chaînes ? » Mais l’expérience individuelle du croyant se reconnaît, elle aussi, dans ce chemin d’épreuves et de reconnaissance de la présence agissante de Dieu. C’est à cela que Paul se réfère ici. Le psaume disait « Moi qui ai dit dans mon trouble ‘l’homme n’est que mensonge’ » : les Corinthiens, dont certains ne se sont pas privés de calomnier Paul, comprendront très bien l’allusion.
Pour autant, Paul n’écrit pas pour régler des comptes : chez lui, c’est l’émerveillement de la foi qui prime. Et, comme toujours, chez Paul, la foi veut dire foi que Jésus est ressuscité : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. Et nous aussi, qui avons le même esprit de foi, nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. CAR, nous le savons, Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus. » Il faut bien entendre le mot CAR. Pour Paul, depuis le chemin de Damas, la Résurrection du Christ est une évidence aveuglante ; dans sa première lettre à ces mêmes Corinthiens, il affirmait : « Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi. » (1 Co 15,14).
Et la Résurrection du Christ annonce et préfigure la nôtre ; cela aussi, pour Paul, est une évidence ; dans sa première lettre, toujours, il ne les sépare pas : « Si l’on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d’entre vous disent-ils qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité... Mais non ; Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts. » (1 Co 15,12-13.20) Comme vous savez, les prémices, dans l’Ancien Testament, ce sont les premières gerbes de la récolte et elles représentent l’ensemble de la moisson. Belle manière de dire que le Christ n’est pas le Fils solitaire de Dieu, il est le Fils aîné, premier-né d’une multitude de frères, comme dit encore Paul. C’est l’humanité tout entière qui a vocation à la Résurrection : « Comme tous meurent en Adam, en Christ, tous recevront la vie. » (1 Co 15,22).
C’est pour cela qu’un véritable apôtre ne peut pas se désintéresser du nombre de ses auditeurs : nous prenons peut-être quelquefois un peu vite notre parti de la déchristianisation : l’Église n’est pas là pour faire du marketing, c’est une évidence, mais si nous ne sommes pas pressés que la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ se répande, c’est qu’elle n’est pas vraiment Bonne Nouvelle ! Une vraie Bonne Nouvelle, on la crie sur les toits. Il y a tout cela dans ce passage : « afin que la grâce, plus largement répandue, dans un plus grand nombre, fasse abonder l’action de grâce pour la gloire de Dieu. »
C’est cette foi indomptable qui pousse l’apôtre à parler : « J’ai cru, C’EST POURQUOI j’ai parlé ». Dire « foi indomptable », c’est dire qu’elle rencontre inévitablement la contradiction. Si Paul précise « C’est pourquoi nous ne perdons pas courage... », c’est bien qu’il y aurait de quoi perdre courage.
GARDER LES YEUX FIXÉS SUR LA RÉSURRECTION DU CHRIST ET LA NÔTRE
Jésus avait prévenu ses disciples que la persécution ferait partie du programme : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. » (Mt 16,24). Cette annonce se situe dans l’évangile de Matthieu à un moment très important : entre la profession de foi de Pierre à Césarée et la Transfiguration. Tout de suite après la phrase émerveillée de Pierre, « C’est toi, le Christ, le Fils du Dieu vivant », Jésus annonce sa propre passion, sa mort et sa Résurrection ; et il ajoute aussitôt que ceux qui prendront sa suite marcheront sur ses traces, de souffrance et de gloire.
Lorsqu’il écrit cette seconde lettre aux Corinthiens, Paul a déjà expérimenté la souffrance, physique et morale, dans l’exercice de son ministère. Au début de cette lettre, il le rappelle très clairement : « Le péril que nous avons couru en Asie nous a accablé à l’extrême, au-delà de nos forces, au point que nous désespérions même de la vie. Notre confiance ne pouvait plus se fonder sur nous-mêmes mais sur Dieu qui ressuscite les morts. » (2 Co 1,8-9).
La seule manière de surmonter les épreuves, c’est de garder les yeux fixés sur la Résurrection du Christ et la nôtre : Paul oppose ce qui est provisoire et ce qui est éternel, l’homme extérieur et l’homme intérieur, ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, les épreuves du moment présent et la gloire éternelle qui nous est promise : « Notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu'elle produit pour nous. Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel. »1
Aux yeux de Paul, les épreuves ne sont pas souhaitables, mais elles sont inévitables ; mieux, le lieu de la détresse est aussi celui de la consolation : Paul ne se fait pas un titre de gloire de ses épreuves en elles-mêmes, mais c’est là qu’il expérimente la présence et la tendresse du Ressuscité. Au tout début de cette même lettre, il reprend un mot d’Isaïe : « Consolez, consolez mon peuple, dit Dieu » (Is 40, 1) et il écrit : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ; il nous console dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu. De même en effet que les souffrances du Christ abondent pour nous, de même, par le Christ, abonde aussi notre consolation. » (2 Co 1,3-5).
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Note
1 - Saint-Exupéry avait-il lu Paul quand il écrivait « L’essentiel est invisible pour les yeux » ?
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En ce temps-là,
20 Jésus revint à la maison avec ses disciples,
où de nouveau la foule se rassembla,
si bien qu'il n'était même pas possible de manger.
21 Les gens de chez lui, l'apprenant,
vinrent pour se saisir de lui,
car ils affirmaient :
« Il a perdu la tête. »
22 Les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient :
« Il est possédé par Béelzéboul ;
c'est par le chef des démons
qu'il expulse les démons. »
23 Les appelant près de lui,
Jésus leur dit en parabole :
« Comment Satan peut-il expulser Satan ?
24 Si un royaume est divisé contre lui-même,
ce royaume ne peut pas tenir.
25 Si les gens d’une même maison se divisent entre eux,
ces gens ne pourront pas tenir.
26 Si Satan s'est dressé contre lui-même, s'il s'est divisé,
il ne peut pas tenir ;
c'en est fini de lui.
27 Mais personne ne peut entrer dans la maison d'un homme fort
et piller ses biens,
s'il ne l'a d'abord ligoté.
Alors seulement il pillera sa maison.
2 Amen, je vous le dis :
Tout sera pardonné aux enfants des hommes,
leurs péchés et les blasphèmes qu'ils auront proférés.
29 Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint,
il n'aura jamais de pardon.
Il est coupable d'un péché pour toujours. »
30 Jésus parla ainsi parce qu'ils avaient dit :
« Il est possédé par un esprit impur. »
31 Alors arrivent sa mère et ses frères.
Restant au-dehors, ils le font appeler.
32 Une foule était assise autour de lui ;
et on lui dit :
« Voici que ta mère et tes frères sont là dehors :
ils te cherchent. »
33 Mais il leur répond :
« Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? »
3 Et parcourant du regard
ceux qui étaient assis en cercle autour de lui,
il dit : « Voici ma mère et mes frères.
35 Celui qui fait la volonté de Dieu,
celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »
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IL EST VENU CHEZ LUI ET LES SIENS NE L’ONT PAS REÇU
On croirait entendre saint Jean nous dire en parlant de Jésus : « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu » et encore « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Marc le dit autrement, mais il me semble que c’est bien le même message.
Les siens, les voilà : sa famille d’origine, mais aussi, sa communauté religieuse, les scribes de Jérusalem. Pour les uns comme pour les autres, Jésus est surprenant, inattendu, voire choquant. Alors, chacun se forge une explication : soit il est fou (c’est l’explication de la famille), soit il a fait un pacte avec le diable (ce sont les autorités religieuses qui le disent).
Curieusement, Jésus ne cherche pas à discuter avec ceux qui le croient fou, mais il prend très au sérieux l’autre accusation, celle d’être possédé du démon. Il commence par faire appel à la logique : on dit souvent que l’union fait la force, à l’inverse, dit Jésus, tout groupe divisé va à sa perte. Un royaume divisé par la guerre civile sera la proie des autres peuples qui profiteront de ses divisions ; une famille qui n’a plus d’esprit de famille n’est plus une famille ; et si Satan travaille contre lui-même, il n’ira pas bien loin. Dans ce cas-là, a l’air de dire Jésus, vous n’auriez qu’à vous réjouir, vous qui êtes les ennemis du diable, par profession, si j’ose dire.
Jusqu’ici, les explications de Jésus sont claires. Il continue : « Personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, s’il ne l’a d’abord ligoté. Alors seulement il pillera sa maison. » Marc nous a prévenus, il faut entendre cette phrase comme une parabole, on peut donc traduire : l’homme fort, c’est Satan ; si moi, Jésus, je me suis rendu maître dans la maison de Satan, puisque j’expulse les démons, c’est que je suis plus fort que Satan... entendez : Jésus est le vainqueur du mal. Le livre de la Genèse que nous avons entendu en première lecture, annonçait que le mal, un jour, serait vaincu : Jésus se présente ici comme celui qui enlève le mal du monde.
Puis Jésus quitte le registre des explications, le ton devient beaucoup plus grave : « Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes, leurs péchés et les blasphèmes qu'ils auront proférés. Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il n'aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. »
La première partie de la phrase ne nous étonne pas, heureusement ; nous sommes bien persuadés que Dieu pardonne toujours ; il pardonnera même, a l’air de dire Jésus, à ceux qui m’auront pris pour un fou. La miséricorde de Dieu est sans limite, l’Ancien Testament l’a tant de fois répété : « Oui, près du SEIGNEUR, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat » disait le psaume 129/130.
LE SOUPÇON CONTRE DIEU, SEUL PÉCHÉ IMPARDONNABLE
Mais alors, la deuxième phrase nous choque : Jésus dit qu’il existe un péché impardonnable, ce qu’il appelle le blasphème contre l’Esprit. Pourquoi emploie-t-il cette expression ? Que s’est-il passé au juste ? Rappelez-vous le début de l’évangile de Marc : la réputation de Jésus est parvenue à Jérusalem, on dit partout qu’il guérit les malades, et qu’il expulse les démons. Le peuple, dans sa simplicité, ne s’y trompe pas et reconnaît là l’œuvre de Dieu. Et c’est bien pour cela que l’on vient à lui en foule.
Mais certains scribes, eux, sont tellement loin de Dieu, maintenant, qu’ils ne savent même plus reconnaître l’œuvre de Dieu. C’est bien cela que Jésus leur reproche : leur attitude ressemble à celle du serpent du jardin de la Genèse. Le serpent avait prétendu révéler à l’homme et à la femme que Dieu, en donnant sa loi, était profondément malfaisant, malveillant ; le discours du serpent, était : « Dieu vous interdit les fruits de cet arbre, sous prétexte qu’ils sont vénéneux, mais au contraire, c’est pour les garder pour lui, parce qu’ils sont excellents ».
Jésus ne traite pas les scribes de serpents, mais il n’en est pas loin ; leur discours, en effet, ressemble à une mise en garde sur le thème : « vous prenez Jésus pour un bienfaiteur de l’humanité, mais vous ne voyez pas qu’il est votre ennemi, puisqu’il est l’ennemi de la vraie religion. »
Prêter des arrière-pensées malveillantes à Celui qui n’est qu’Amour, c’est cela que Jésus appelle « blasphémer contre l’Esprit ». Car c’est au moment même où Jésus guérit que les scribes le traitent de démon ; c’est n’avoir vraiment rien compris à l’amour de Dieu. Et, du coup, ils deviennent incapables de l’accueillir. Car on sait bien que l’Amour ne peut se donner que s’il est accueilli. Voilà pourquoi Jésus dit que ce péché-là est impardonnable : ce n’est pas que Dieu refuserait de pardonner, ce sont les cœurs des scribes qui sont fermés.
La fin du texte va exactement dans le même sens : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? ... Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » En d’autres termes, pour reconnaître le doigt de Dieu à l’œuvre, encore faut-il être de la famille de Dieu. Jésus dit cela en regardant tous ceux qui étaient en cercle autour de lui, c’est-à-dire cette foule qui accourait vers lui, parce qu’elle reconnaissait en lui la présence de l’Esprit. Là encore, on croit entendre saint Jean : « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu... Mais à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. » (Jn 1,12).
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Complément
Jésus était-il « Fou » ? Ceux qui l’accusent de « folie » ne savent pas si bien dire ! Mais c’est la folie de Dieu. Le Dieu Tout-Autre ne peut pas ne pas nous surprendre (ses pensées ne sont pas nos pensées ; Is 55, 8). « Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes. » (1 Co 1,25). La prétendue sagesse des hommes a éliminé Jésus ; mais c’est bien la folie de Dieu qui a sauvé le monde.