Je suis,
chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.
Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France",
permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en
Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages qui me semblent les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est
cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté)
Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame
PREMIERE LECTURE - Actes 7, 55 - 60
Etienne était en face de ses accusateurs.
55 Rempli de l'
Esprit Saint,
il regardait vers le ciel ;
il vit la gloire de Dieu,
et Jésus debout à la droite de Dieu.
56 Il déclara :
« Voici que je contemple les cieux ouverts :
le Fils de l'homme est debout à la droite de Dieu. »
57 Ceux qui étaient là se bouchèrent les oreilles
et se mirent à pousser de grands cris ;
tous à la fois ils se précipitèrent sur lui,
58 l'entraînèrent hors de la ville
et commencèrent à lui jeter des pierres.
Les témoins avaient mis leurs vêtements
aux pieds d'un jeune homme appelé Saül.
59 Etienne, pendant qu'on le lapidait, priait ainsi :
« Seigneur Jésus, reçois mon esprit. »
60 Puis il se mit à genoux et s'écria d'une voix forte :
« Seigneur, ne leur compte pas ce
péché. »
Et, après cette parole, il s'endormit dans la mort.
Troisième personne de la Trinité.
Transgression volontaire d'une règle ou d'un commandement divin - point de rupture entre Dieu et l'homme.
Etienne a été dénoncé exactement comme Jésus et pour les mêmes raisons ; rien d'étonnant ! Ce qui avait été scandaleux pour les ennemis de Jésus l'est tout autant pour ceux d'Etienne. Il sera
donc condamné lui aussi. En attendant, il est traîné devant le Sanhédrin où le grand-prêtre l'interroge ; et Etienne répond par tout un discours sur le thème : vous croyez au projet de Dieu qui
a choisi notre peuple pour préparer la venue du
Messie dans le monde. Vous croyez à Abraham, vous croyez à Moïse...
Pourquoi vous dérobez-vous au moment où nous entrons avec Jésus dans la dernière étape ?
Il faut imaginer l'énormité de ces déclarations d'Etienne : il prétend voir le Fils de l'homme (et pour lui, il ne fait pas de doute que c'est Jésus) debout à la droite de Dieu. Or, pour des
Juifs, les mots « Fils de l'homme », « debout », « à la droite de Dieu » sont des mots très forts : la preuve, d'ailleurs, c'est qu'ils signent l'arrêt de mort de celui qui ose dire des choses
pareilles. Comme, quelque temps plus tôt, des affirmations du même genre ont provoqué la condamnation de Jésus. Dans l'évangile de Luc, il avait dit à ses juges : « Désormais le Fils de l'homme
siégera à la droite du Dieu puissant » ; et il avait provoqué la fureur du tribunal.
Et, pour tout arranger, Etienne accuse ses juges de « résister à l'
Esprit Saint ». Ce qui évidemment n'est pas pour leur faire plaisir
! Nous avons eu déjà de nombreuses occasions de voir que les autorités juives de Palestine au temps de Jésus (et tout aussi bien au temps d'Etienne, ce sont les mêmes) étaient des gens très
bien, soucieux de bien faire. Ils ne sont en aucun cas, conscients de « résister à l'
Esprit Saint », comme dit Etienne !
Depuis des siècles, on savait que le projet de Dieu était de répandre son Esprit sur toute l'humanité. Moïse, déjà, en rêvait : non seulement il ne voulait pas garder le monopole de l'intimité
avec Dieu, mais au contraire, il avait eu cette phrase qui était restée célèbre : « Si seulement tout le peuple du Seigneur devenait un peuple de
prophètes sur qui le Seigneur aurait
mis son esprit » (Nb 11, 26). Et les
prophètes avaient confirmé que c'était bien le projet de Dieu : tous
les Juifs avaient en tête la prophétie de Joël par exemple : « je répandrai mon esprit sur toute chair », ou encore celle d'Ezéchiel : « je mettrai en vous mon propre esprit ». Au chapitre
précédent du livre des Actes des
Apôtres, au moment du choix des
diacres, dont Etienne fait partie, Luc nous a
dit qu'Etienne, justement, était « un homme plein de foi et d'
Esprit Saint ». Ici, Luc le répète : il dit : « Rempli d'
Esprit
Saint, Etienne fixa ses regards vers le ciel ; il vit la gloire de Dieu , et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : Voici que je contemple les cieux ouverts »... fixer ses regards,
voir, contempler, ce sont trois mots du vocabulaire du regard. Luc nous dit indirectement que c'est la présence de l'Esprit en lui qui ouvre les yeux d'Etienne ; et alors il peut voir ce que
les autres ne voient pas.
Et que voit-il que les autres, ses accusateurs ne voient pas ?
Il voit « les
cieux ouverts » : cela revient à dire que le salut est arrivé ; il n'y a plus de frontière, de séparation entre le ciel et la terre
: l'Alliance entre Dieu et l'humanité est rétablie, le fossé entre Dieu et l'humanité est comblé. On se souvient de la phrase d'Isaïe : « Ah, si tu déchirais les cieux ! » (Is 63, 19).
Jésus est debout : le Ressuscité n'est plus couché dans la mort. Le mot «
debout » était très symbolique dans les premiers temps de l'Eglise : à
tel point que la position « debout » est devenue la position privilégiée de la
liturgie ; celui qui prie, « l'orant » est toujours représenté debout.
Pour la même raison, certains évêques des premiers siècles invitaient les fidèles à rester debout pendant toute la durée de la
messe du dimanche : parce que c'est le jour où nous faisons mémoire de la
résurrection de Jésus*.
Jésus est «
à la droite de Dieu » : on disait des rois qu'ils siégeaient à la droite de Dieu ; appliquer cette expression à Jésus, c'est donc une
manière de dire qu'il est le
Messie. Les juges qui entendent cette phrase dans la bouche d'Etienne ne
s'y trompent pas. Dire qu'il est le « Fils de l'homme » est tout aussi grave. L'expression «
Fils de l'homme » était l'un des titres du
Messie. En
quelques mots, Etienne vient donc de dire que Jésus, cet homme méprisé, éliminé, rejeté par les autorités religieuses est dans la gloire de Dieu. Ce qui revient à les accuser d'avoir commis non
seulement une erreur judiciaire, mais pire encore, un sacrilège !
Cette vision qu'a eue Etienne de la gloire du Christ va lui donner la force d'affronter le même destin que son maître : Luc accumule les détails de ressemblance entre les derniers moments
d'Etienne et ceux de Jésus. Etienne est traîné hors de la ville tout comme le Calvaire était en dehors de Jérusalem ; pendant qu'on le lapide, il prie : et spontanément il redit le même psaume
que Jésus : « En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit » (Ps 30/31) ; et enfin, il meurt en pardonnant à ses bourreaux. Jésus avait dit « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils
font », Etienne, au moment de mourir, dit à son tour « Seigneur, ne leur compte pas ce
péché » (et c'est bien le même auteur, Luc, qui le note).
Et Luc, dont on dit souvent qu'il est l'évangéliste de la
miséricorde, nous montre la fécondité de ce pardon : l'un des
bénéficiaires du pardon d'Etienne est Saül de Tarse, l'un des pires opposants au Christianisme naissant. Il se convertira bientôt pour devenir témoin et
martyr à son tour.
****
Complément
* « L'usage de ne pas plier les genoux pendant le jour du Seigneur est un symbole de la
résurrection par laquelle nous avons été libérés,
grâce au
Christ, des
péchés et de la mort qui a été mise à mort par lui. » (Saint
Irénée, Traité sur la Pâque, deuxième siècle). « C'est debout que nous faisons la prière le premier jour de la semaine, mais nous n'en savons pas tous la raison. Ce n'est pas seulement parce
que, ressuscités avec le Christ et devant « chercher les choses d'en haut » (Col 3, 1), nous rappelons à notre souvenir, en nous tenant debout quand nous prions en ce jour consacré à la
Résurrection, la
grâce qui nous a été donnée, mais parce
que ce jour-là paraît être en quelque sorte l'image du siècle à venir... » (Saint Basile, Traité du saint Esprit, quatrième siècle).
Dans la primitive Eglise, membre de la communauté chargé de l'annonce de l'Evangile.
Clerc qui a reçu le diaconat pour être signe du Christ serviteur.
Troisième personne de la Trinité.
Bienveillance de Dieu pour les hommes.
Culte public qui englobe l'ensemble de la prière de l'Eglise et les célébrations sacramentelles.
Personne qui témoigne de sa foi, sans la renier, jusqu'à la mort.
Célébration qui commémore le sacrifice du Christ.
Rédempteur, Sauveur annoncé dans l'Ancien Testament.
Attitude qui incite à l'indulgence et au pardon.
Transgression volontaire d'une règle ou d'un commandement divin - point de rupture entre Dieu et l'homme.
Personne inspirée par Dieu pour être son porte parole.
Centre de la foi et de l'espérance chrétienne.
PSAUME 96 ( 97)
Le Seigneur est roi ! Exulte la terre !
Joie pour les îles sans nombre !
Justice et droit sont l'appui de son trône.
Les cieux ont proclamé sa justice,
et tous les peuples ont vu sa gloire.
A genoux devant lui, tous les dieux !
Tu es, Seigneur, le Très-Haut
sur toute la terre :
tu domines de haut tous les dieux.
- Bien sûr, aujourd'hui, à la lumière de la
résurrection du Christ, quand nous disons « le Seigneur est roi
», nous le pensons de Jésus-Christ. Mais ce psaume a d'abord été composé pour célébrer le Dieu d'Israël ; je vous propose donc de le méditer tel qu'il a été composé.
« Le Seigneur est roi ! »Dès les premiers mots de ce psaume, nous savons qu'il a été composé pour honorer Dieu comme le seul roi, le roi devant lequel tous les roitelets de la terre doivent
courber la tête ! Dieu est le seul Dieu, le seul Seigneur, le seul roi... Si les
psaumes et les
prophètes y insistent tant, on devine
que cela n'allait pas de soi ! La lutte contre l'idolâtrie a été le grand combat de la foi d'Israël. Nous avons entendu ici : « A genoux devant lui, tous les dieux ! » et encore : « Tu domines
de haut tous les dieux ».
- Entendons-nous bien : ces phrases ne sont pas une reconnaissance qu'il y aurait d'autres dieux même inférieurs !... Au moment où ce psaume est écrit, la
Bible en a fini avec toute trace de
polythéisme : « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN », c'est le premier article du
credo juif. Des phrases comme « à genoux devant lui, tous les dieux » ou «
tu domines de haut tous les dieux » sont parfaitement claires dans la mentalité biblique : un seul être au monde mérite qu'on se mette à genoux devant lui, c'est Dieu, le Dieu d'Israël, le seul
Dieu. Toutes les génuflexions qu'on peut faire devant d'autres que Dieu ne sont que de l'idolâtrie.
- C'est bien d'ailleurs pour cela que Jésus a été condamné et exécuté : il a osé se prétendre Dieu lui-même ; c'est donc un blasphémateur et tout blasphémateur doit être retranché du peuple élu
; élu précisément pour annoncer au monde le Dieu unique.
- Il faut dire que tous les peuples alentour sont polythéistes. Peut-être y a-t-il eu une très courte parenthèse monothéiste en Egypte avec le pharaon Akhénaton, vers 1350 av. J. C. ? Mais il
ne s'agit apparemment pas d'un monothéisme strict. Et en dehors de cette très courte période, le peuple élu a été en permanence tout au long de l'histoire biblique, au contact de peuples
polythéistes, idolâtres. Et sa foi a chancelé plus d'une fois... à ce moment-là les
prophètes comparaient Israël à une épouse infidèle ; ils la
traitaient d'adultère, de prostituée... mais aussi et en même temps, chaque fois, ils assuraient le peuple élu du pardon de Dieu.
- Une autre trace dans la Bible de cette lutte contre l'idolâtrie, ce sont toutes les ressources dont
les écrivains disposent pour affirmer que Dieu est Unique. Pour moi, l'exemple le plus frappant est le premier chapitre de toute la Bible, le premier récit de la création dans le premier chapitre de la
Genèse. Ce texte a été écrit par les prêtres pendant l'Exil à
Babylone, donc au sixième siècle av. J.C. A cette époque-là, à Babylone, on croit que le ciel est peuplé de dieux, rivaux entre eux, d'ailleurs, et ceux qui ont décidé de fabriquer l'homme ont
bien l'intention d'en faire leur esclave : le bonheur de l'homme est le dernier de leurs soucis. La création a été faite à partir des restes du cadavre d'une divinité monstrueuse et l'homme
lui-même est un mélange : il est mortel, mais il renferme une parcelle divine qui provient du cadavre d'une divinité mauvaise.
- Les prêtres d'Israël vont donc se démarquer très fort de ces
représentations qui sont aux antipodes du projet de Dieu. Pour commencer, on va répéter que la création n'est que bonne : pas de mélange monstrueux à partir du cadavre d'un dieu mauvais vaincu
; c'est pourquoi, génialement, on a inséré ce refrain « et Dieu vit que cela était bon ». Ensuite, pour bien affirmer qu'il n'y a qu'un dieu, sans équivoque possible, pour qu'on ne soit pas
tenté d'honorer le soleil comme un dieu, ou la lune comme une déesse, on ne va même pas les nommer : le texte dit : « Et Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au
jour et le petit luminaire pour présider à la nuit ». Ils sont réduits à leur fonction utilitaire : deux ampoules en somme. Les voilà remis à leur place, si l'on peut dire ! Et enfin et
surtout, Dieu crée l'homme à son image et à sa ressemblance et il en fait le roi de la création : l'homme à l'image de Dieu, il fallait bien une révélation pour qu'on puisse oser y croire
!
- Je reviens à notre psaume : je note encore une chose très intéressante c'est la juxtaposition des deux parties de la première ligne : « Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! »... Ce qui
veut dire que la royauté de Dieu s'étend à toute la terre et cela pour le bonheur et l'exultation de toute la terre ! Une fois de plus, nous rencontrons cette note d'universalisme si importante
dans la découverte biblique. Les versets que nous avons entendus tout à l'heure en sont très marqués ; par exemple : « Joie pour les îles sans nombre !... Tous les peuples ont vu sa gloire. »
Dans d'autres versets c'est la notion de l'élection d'Israël qui est une fois de plus elle aussi réaffirmée : « Pour Sion qui entend, grande joie ! Les villes de Juda exultent devant tes
jugements, Seigneur ! » Ces deux aspects élection d'Israël, et
salut de l'humanité tout entière sont toujours liés dans les textes
bibliques tardifs, c'est-à-dire à partir du moment où on a cru vraiment au Dieu unique. S'il est le Dieu unique, il est également celui de l'humanité tout entière, ce qu'on appelle ici les îles
sans nombre.
Autre dimension très présente, elle aussi, la joie : elle éclate dans ce psaume, mais j'ose dire que l'ensemble de la
Bible est un livre joyeux, parce qu'elle annonce de mille manières que le
projet de Dieu est le bonheur de l'humanité. Et c'est précisément parce que le projet de Dieu sur l'humanité est un projet de joie et d'exultation que des croyants comme Etienne dont nous
parlait la première lecture ont pu mourir en disant en toute confiance « En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit ».
***
Dans d'autres versets de ce psaume, une autre façon de marquer la grandeur unique de Dieu consiste à décrire de grands bouleversements cosmiques lorsqu'il apparaît : feu, éclairs, nuage,
ténèbre, tremblements de terre ; (exemple versets 4-5 : « Quand ses éclairs illuminèrent le monde, la terre le vit et s'affola ; les montagnes fondaient comme cire devant le Seigneur... ») ;
chaque fois qu'on rencontre une description de ce genre, c'est un rappel de la grande rencontre de Moïse avec Dieu sur le mont Sinaï.
L'Ancien et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ.
Profession de foi.
Origines du monde et début de l'action de Dieu parmi les hommes.
Chrétien qui a reçu le sacrement de l'Ordre pour être signe du Christ pasteur.
Personne inspirée par Dieu pour être son porte parole.
Cantiques ou chants sacrés contenus dans l'Ancien Testament.
Centre de la foi et de l'espérance chrétienne.
DEUXIEME LECTURE - Apocalypse 22, 12 ...20
Moi, Jean,
j'ai entendu une voix qui me disait :
12 « Voici que je viens sans tarder,
et j'apporte avec moi le salaire
que je vais donner à chacun selon ce qu'il aura fait.
13 Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier,
le commencement et la fin.
14 Heureux, ceux qui lavent leurs vêtements
pour avoir droit aux fruits de l'arbre de vie,
et pouvoir franchir les portes de la cité.
16 Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange
vous apporter ce témoignage au sujet des Eglises.
Je suis le descendant, le rejeton de David,
l'étoile resplendissante du matin. »
17 L'Esprit et l'Epouse disent : « Viens ! »
Celui qui entend, qu'il dise aussi : « Viens ! »
Celui qui a soif, qu'il approche.
Celui qui le désire,
qu'il boive l'eau de la vie, gratuitement.
18 Et moi, je témoigne
devant tout homme qui écoute les paroles de la prophétie
écrite dans ce livre :
si quelqu'un inflige une addition à ce message,
Dieu lui infligera les malheurs dont parle ce livre ;
19 et si quelqu'un enlève des paroles à ce livre de prophétie,
Dieu lui enlèvera sa part des fruits de l'arbre de vie
et sa place dans la cité sainte
dont parle ce livre.
20 Et celui qui témoigne de tout cela déclare :
« Oui, je viens sans tarder. »
- Amen ! Viens, Seigneur Jésus !
Ce texte solennel est le final de l'Apocalypse : ce mot de « final » nous vient spontanément et au fond, il peut nous aider à entrer dans ce passage à première vue énigmatique. Dans une oeuvre
symphonique, le final c'est l'apothéose, mais tout était déjà contenu dans le début de l'oeuvre, ce qu'on appelle l'ouverture. Ici, c'est particulièrement vrai. Les mêmes mots, les mêmes
formules se répondent dans le premier et le dernier chapitres de l'Apocalypse : si bien qu'on peut vraiment parler d'une inclusion sur l'ensemble du livre ; (nous avons déjà rencontré plusieurs
fois ce procédé littéraire « d'inclusion » utilisé pour mettre en valeur ce qui est la bonne nouvelle contenue dans un texte). Plusieurs versets sont donc pratiquement identiques dans le
premier et dans le dernier chapitres ; par exemple : « Voici, Il vient au milieu des nuées et tout oeil le verra » (Ap 1, 7) est repris en écho : « Voici que je viens sans tarder » (22, 20) ;
et aussi dans l'un des derniers mots du livre, ce fameux « Viens, Seigneur Jésus » que nous redisons à chaque
messe, dans l'acclamation après la
consécration.
On lit également au premier chapitre de l'Apocalypse les expressions « Je suis le premier et le dernier » (1, 17)... « Je suis l'alpha et l'oméga » (1, 8)... tout comme nous les avons lues dans
le dernier chapitre. Cela bien sûr nous aide à décrypter ce livre un peu étrange comme un chant de victoire ! Le final de l'Apocalypse, c'est effectivement l'apothéose, le projet de Dieu enfin
accompli : « l'étoile resplendissante du matin » se lève. Tous les assoiffés peuvent s'approcher et boire l'eau de la vie. La soif a disparu, toute soif est comblée, la mort même a disparu :
puisqu'il s'agit de l'eau de la vie... et d'ailleurs le texte dit aussi que l'on peut s'approcher des fruits de l'arbre de vie.
Les temps messianiques sont donc bien là ; Saint Jean affirme très clairement que Jésus est le
Messie :« Moi, Jésus, je suis le descendant, le rejeton de David, l'étoile
resplendissante du matin ». Ou encore, dire solennellement qu'il VIENT, c'est aussi affirmer qu'il est le
Messie : rappelons-nous la fameuse phrase « Béni soit celui qui VIENT au
nom du Seigneur » qui était l'une des acclamations de la fête des Tentes (voir le psaume 117/118). Celui qui vient au nom du Seigneur, c'est le
Messie. Et si l'on regarde d'un peu plus
près, on s'aperçoit que notre passage de ce dimanche contient deux fois la phrase : « Voici que je viens sans tarder » : au début et à la fin de notre texte ; autre inclusion, qui n'est pas due
au hasard, évidemment : cela veut dire que c'est bien le message central de ce passage.
Mais c'est encore plus beau que ce qu'on attendait ! Car ce
Messie est Dieu : ce que personne n'aurait jamais osé imaginer ! Pourtant,
nous rencontrons plusieurs fois ici le fameux « Je suis » qui est le nom même de Dieu dans l'Ancien Testament. C'est aussi le sens de la triple expression (triple : trois, on s'en souvient,
c'est le chiffre de Dieu) ; cette triple expression « Je suis l'alpha et l'omega, le premier et le dernier, le commencement et la fin » dit bien qu'il est Dieu. Et d'ailleurs, chez le
prophète
Isaïe, la formule « le premier et le dernier » s'appliquait à Dieu et à lui seul : « C'est moi le premier, c'est moi le dernier, en dehors de moi, pas de dieu » (Is 44, 6) ; ou encore « C'est
moi le premier, c'est moi aussi le dernier » (Is 48, 12). L'expression « l'alpha et l'oméga » est évidemment synonyme : on le sait, alpha et oméga sont la première et la dernière lettres de
l'alphabet grec (n'oublions pas que le livre de l'Apocalypse a été écrit en grec).
Dans toutes ces expressions, il y a donc une notion de plénitude, d'accomplissement : un accomplissement qui vient sans tarder, à la demande insistante de l'Esprit et de l'Epouse : « L'Esprit
et l'Epouse disent : Viens ! » L'Epouse, ici, bien sûr, c'est le peuple chrétien, l'Eglise. Le peuple chrétien est le peuple de l'attente. Une attente impatiente, une attente ardente, une
attente active de la réalisation plénière du Royaume de Dieu. En principe, c'est notre première caractéristique.
Dernière remarque, mais très importante : l'Apocalypse est également le final de toute la
Bible ! Et on peut très bien découvrir des correspondances entre les
déclarations de l'Apocalypse et le livre de la
Genèse : le premier chapitre de la
Genèse disait la création, le projet de
Dieu, Adam, (c'est-à-dire l'humanité) vivant en harmonie et reine de la création... le final de l'Apocalypse nous montre ce projet de Dieu réalisé en la personne du Christ, le Nouvel Adam.
Quand, au dernier jour, le projet de Dieu se réalisera enfin pour tous les fils d'Adam, alors, sûrement, l'humanité tout entière pourra redire le dernier mot du récit de la création, dans la
Genèse : « Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Voilà, c'était très bon
! » (Gn 1, 31).
L'Ancien et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ.
Prière du prêtre redisant les paroles du Christ à la Cène.
Origines du monde et début de l'action de Dieu parmi les hommes.
Célébration qui commémore le sacrifice du Christ.
Rédempteur, Sauveur annoncé dans l'Ancien Testament.
Personne inspirée par Dieu pour être son porte parole.
EVANGILE - Jean 17, 20 - 26
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
les yeux levés au ciel, il priait ainsi :
20 « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là,
mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole
et croiront en moi :
21 que tous, ils soient un,
comme toi, Père, tu es en moi,
et moi en toi.
Qu'ils soient un en nous, eux aussi,
pour que le monde croie
que tu m'as envoyé.
22 Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée,
pour qu'ils soient un
comme nous sommes un :
23 moi en eux,
et toi en moi.
Que leur unité soit parfaite ;
ainsi, le monde saura
que tu m'as envoyé,
et que tu les as aimés
comme tu m'as aimé.
24 Père,
ceux que tu m'as donnés,
je veux que là où je suis,
eux aussi soient avec moi,
et qu'ils contemplent ma gloire,
celle que tu m'as donnée
parce que tu m'as aimé avant même la création du monde.
25 Père juste,
le monde ne t'a pas connu,
mais moi je t'ai connu,
et ils ont reconnu, eux aussi,
que tu m'as envoyé.
26 Je leur ai fait connaître ton nom,
et je le ferai connaître encore :
pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé,
et que moi aussi, je sois en eux. »
Nous sommes à la fin du dernier entretien de Jésus avec ses apôtres quelques heures avant sa mort. L'entretien prend maintenant la
forme d'une prière : il prie devant eux ; cela veut dire qu'il les fait entrer dans son intimité ; il leur fait partager ses désirs les plus profonds. Or de qui parle-t-il le plus dans sa prière
? Il parle du monde ; ce qu'il veut de toutes ses forces, c'est que le monde croie : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, eux aussi, pour
que le monde croie que tu m'as envoyé. » Un peu plus tard, il répète : « Que leur unité soit parfaite ; ainsi, le monde saura que tu m'as envoyé ». Et pourquoi est-il si important que le monde
reconnaisse en Jésus l'envoyé du Père ? Parce que c'est la plus belle preuve d'amour que Dieu peut donner au monde : « le monde saura que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.
» C'est bien le même Saint Jean qui rapporte la phrase de Jésus à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas,
mais ait la vie éternelle. » (Jn 3, 16).
A relire ces lignes, on est frappés de l'insistance de Jésus sur les mots amour et unité ; une fois de plus, il faut reconnaître que l'histoire de Dieu avec les hommes est une grande aventure,
une histoire d'amour. Dieu est Amour, il aime les hommes, et il envoie son Fils pour le leur dire de vive voix ! C'est bien ce que Jésus dira quelques heures plus tard à Pilate, au cours de son
interrogatoire : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » (Jn 18, 37)
Au moment de s'en aller, de passer de ce monde à son Père, comme dit Jean, Jésus transmet le témoin à ses disciples, et à travers eux à tous les disciples de tous les temps : « Je ne prie
pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi. » Désormais, c'est à eux que le témoignage est confié ; Jésus l'a dit quelques
instants auparavant : « Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. » (Jn 17, 18). Il le leur redira le soir de Pâques : « Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous
envoie. » (Jn 20, 21). Comme tous ceux qui, avant eux, tout au long de l'histoire biblique, ont été choisis par Dieu, ceux-ci sont choisis pour une mission ; et cette mission est toujours la même
pour tous les prophètes de tous les temps : annoncer que Dieu aime les hommes. A la
suite de Jésus-Christ, tout chrétien peut dire ou devrait pouvoir dire : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » Cette vérité qui est l'amour sans limites
de Dieu pour l'humanité, ou, si vous préférez, ce fameux « dessein bienveillant » dont parle la lettre aux Ephésiens.
Mais, voilà, il y a quand même une chose étrange dans tout cela : on peut se demander en quoi ce message est-il si dérangeant que Jésus l'ait payé de sa vie, comme de nombreux prophètes
avant lui et ses apôtres ensuite. Jésus aborde précisément cette question dans les
dernières phrases de notre texte de ce dimanche ; il dit : « Père juste, le monde ne t'a pas connu. » Pour lui, l'explication est là, c'est le drame de la méconnaissance. C'est bien ce que Saint
Jean dit dans le prologue de son évangile : « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas
accueilli. » (Jn 1, 10-11).
Comme Jésus, les disciples vivront ce déchirement, ce drame du refus par ceux à qui ils
annonceront pourtant la meilleure nouvelle qui soit. Le monde est l'objet de l'amour de Dieu et de ses prophètes mais aussi et en même temps le lieu du refus de cet amour.
Jésus a exprimé ce drame à plusieurs reprises : d'une part, « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique... Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais
pour que le monde soit sauvé par lui. » (3, 16...17 ; 12, 47). D'autre part, « Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï le premier... prenez courage, j'ai vaincu le monde ! » (15, 18 ; 16,
33).
C'est sur ce cri de victoire qu'il nous faut rester : nous savons que le chant d'amour de Dieu pour l'humanité finira bien par être entendu. A l'instant même où Jésus fait cette grande prière, où
il se confie ainsi à son Père devant ses disciples, il sait bien qu'il est déjà exaucé ; lui qui a dit : « Père, je
sais bien que tu m'exauces toujours. » (Jn 11, 42). C'est seulement pour hâter le jour qu'il insiste tant sur la consigne d'unité qu'il donne à ses envoyés : « Qu'ils soient un en nous eux aussi,
pour que le monde croie que tu m'as envoyé ».