Je suis,
chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.
Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France",
permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en
Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages qui me semblent les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est
cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté)
Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame
PREMIERE LECTURE - Actes des Apôtres 2, 1-11
1 Quand arriva la
Pentecôte, (le cinquantième jour après Pâques)
ils se trouvaient réunis tous ensemble.
2 Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent :
toute la maison où ils se tenaient en fut remplie.
3 Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues
et qui se posa sur chacun d'eux.
4 Alors ils furent tous remplis de l'
Esprit Saint :
ils se mirent à parler en d'autres langues,
et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit.
5 Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des juifs fervents,
issus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 Lorsque les gens entendirent le bruit,
ils se rassemblèrent en foule.
Ils étaient dans la stupéfaction
parce que chacun d'eux les entendait parler sa propre langue.
7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient :
« Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
9 Parthes, Mèdes et Elamites,
habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce,
des bords de la mer Noire, de la province d'Asie,
10 de la Phrygie, de la Pamphylie,
de l'Egypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici,
11 Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes,
tous, nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »
Troisième personne de la Trinité.Fête du don du Saint Esprit aux Apôtres qui fait d'eux des
témoins du Christ ressuscité.
Première chose à retenir de ce texte : Jérusalem est la ville du don de l'Esprit : elle n'est pas seulement la ville où Jésus a institué l'
Eucharistie, la ville où il est
ressuscité, elle est aussi la ville où l'Esprit a été répandu sur l'humanité.
A l'époque du Christ, la Pentecôte juive était très importante : c'était la fête du don
de la loi, l'une des trois fêtes de l'année pour lesquelles on se rendait à Jérusalem en pèlerinage. La première ligne du texte d'aujourd'hui nous le
rappelle : « Quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient réunis tous ensemble
».
Bien sûr, Luc ici parle des
disciples ; mais la suite du texte dit bien que la ville de
Jérusalem grouillait de monde venu de partout, des milliers de juifs pieux venus parfois de très loin : « il y avait, séjournant à Jérusalem, des juifs fervents issus de toutes les nations qui
sont sous le ciel »... On est donc très nombreux à Jérusalem l'année de la mort de Jésus : j'ai dit intentionnellement « la mort » de Jésus, sans parler de sa
résurrection ;
car celle-ci pour l'instant est restée confidentielle. Ces gens venus de partout n'ont probablement jamais entendu parler d'un certain Jésus de Nazareth ; cette année-là est comme toutes les
autres, cette fête de
Pentecôte sera comme toutes les autres. Mais déjà, ce n'est
pas rien ! On vient à Jérusalem dans la ferveur, la foi, l'enthousiasme d'un
pèlerinage pour renouveler l'Alliance avec Dieu.
Pour les
disciples, bien sûr, cette fête de
Pentecôte,
cinquante jours après la Pâque de Jésus, celui qu'ils reconnaissent comme « Christ », c'est-à-dire «
Messie », celui qu'ils ont vu entendu, touché... après sa
résurrection... cette
Pentecôte ne ressemble à aucune
autre ; pour eux plus rien n'est comme avant... Ce qui ne veut pas dire qu'ils s'attendent à ce qui va se passer !
Pour bien nous faire comprendre ce qui se passe, Luc nous le raconte ici, dans des termes qu'il a de toute évidence choisis très soigneusement pour évoquer au moins trois textes de l'Ancien
Testament : ces trois textes, ce sont premièrement le don de la Loi au Sinaï ; deuxièmement une parole du
prophète Joël ; troisièmement l'épisode de la tour de Babel
...
Commençons par le Sinaï : les langues de feu de la
Pentecôte, le bruit « pareil à celui d'un violent coup de vent
» suggèrent que nous sommes ici dans la ligne de ce qui s'était passé au Sinaï, quand Dieu avait donné les tables de la loi à Moïse ; on trouve cela au livre de l'Exode (chap. 19) : « Le
troisième jour, quand vint le matin, il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la montagne et la voix d'un cor très puissant ; dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir
le peuple à la rencontre de Dieu hors du camp, et ils se tinrent tout en bas de la montagne. La montagne du Sinaï n'était que fumée, parce que le Seigneur y était descendu dans le feu ; sa
fumée monta comme le feu d'une fournaise, et toute la montagne trembla violemment ... Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre ».
En s'inscrivant dans la ligne de l'événement du Sinaï, Saint Luc veut nous faire comprendre que cette
Pentecôte, cette année-là, est beaucoup plus qu'un
pèlerinage traditionnel : c'est un nouveau Sinaï ; comme Dieu
avait donné sa loi à son peuple pour lui enseigner à vivre dans l'Alliance, désormais Dieu donne son propre Esprit à son peuple... et là on réentend les paroles d'Ezéchiel par exemple : « Je
mettrai en vous mon propre esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes...vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ». Désormais
la loi de Dieu (qui est le seul moyen de vivre vraiment libres et heureux, il ne faut pas l'oublier) désormais cette loi de Dieu est écrite non plus
sur des tables de pierre mais sur des tables de chair, le coeur de l'homme.
Deuxièmement, Luc a très certainement voulu évoquer une parole du
prophète Joël : on la trouve au chapitre 3 : « Je répandrai mon
esprit sur toute chair », dit Dieu (« toute chair » c'est-à-dire tout être humain) : l'énumération des nationalités représentées à Jérusalem cette année-là et la précision qu'il s'y trouvait «
des juifs, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel » nous montrent que la prophétie de Joël est accomplie.
Troisièmement, l'épisode de Babel : vous vous souvenez de l'histoire de Babel : en la simplifiant beaucoup, on peut la raconter comme une pièce en deux actes : Acte 1, tous les hommes parlaient
la même langue : ils avaient le même langage et les mêmes mots. Ils décident d'entreprendre une grande oeuvre qui mobilisera toutes leurs énergies : la construction d'une tour immense... Acte
2, Dieu intervient pour mettre le holà : il les disperse à la surface de la terre et brouille leurs langues. Désormais les hommes ne se comprendront plus...
Nous nous demandons souvent ce qu'il faut en conclure ?... Si on veut bien ne pas faire de procès d'intention à Dieu,
impossible d'imaginer qu'il ait agi pour autre chose que pour notre bonheur... Donc, si Dieu intervient, c'est pour épargner à l'humanité une fausse piste : la piste de la pensée unique, du
projet unique ; quelque chose comme « mes petits enfants, vous recherchez l'unité, c'est bien ; mais ne vous trompez pas de chemin : l'unité n'est pas dans l'uniformité ! La véritable unité de
l'amour ne peut se trouver que dans la diversité ».
Le récit de la
Pentecôte chez Luc s'inscrit bien dans la ligne de Babel : à
Babel, l'humanité apprend la diversité, à la
Pentecôte, elle apprend l'unité dans la diversité : désormais
toutes les nations qui sont sous le ciel entendent proclamer dans leurs diverses langues l'unique message : les merveilles de Dieu.
Celles et ceux qui ont suivi et qui suivent Jésus Christ.Louange, action de grâce rendue à
Dieu.Rédempteur, Sauveur annoncé dans l'Ancien Testament.Voyage effectué par un croyant
vers un lieu de dévotion.Fête du don du Saint Esprit aux Apôtres qui fait d'eux des témoins du Christ ressuscité.Personne inspirée par Dieu pour être son porte parole.Centre de la foi et de l'espérance chrétienne.
PSAUME 103 ( 104 )
Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes oeuvres, Seigneur !
La terre s'emplit de tes biens.
Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle ; ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.
Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses oeuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.
Il faudrait pouvoir lire ce psaume en entier ! Trente-six versets de louange pure, d'émerveillement devant les oeuvres de Dieu. J'ai dit des « versets », parce que c'est le mot habituel pour
les
psaumes, mais j'aurais dû dire trente-six « vers » car il s'agit en
réalité d'un poème superbe.
On n'est pas surpris qu'il nous soit proposé pour la fête de la
Pentecôte puisque Luc, dans le livre des Actes, nous raconte
que le matin de la
Pentecôte, les
Apôtres, remplis de l'Esprit-Saint se
sont mis à proclamer dans toutes les langues les merveilles de Dieu.
Vous me direz : pour s'émerveiller devant la Création, il n'y a pas besoin d'avoir la foi ! C'est vrai, et on trouve certainement dans toutes les civilisations des poèmes magnifiques sur les
beautés de la nature. En particulier on a retrouvé en Egypte sur le tombeau d'un Pharaon un poème écrit par le célèbre Pharaon Akh-en-Aton (Aménophis IV) : il s'agit d'une hymne au Dieu-Soleil
: Aménophis IV a vécu vers 1350 av. J.C. , à une époque où les Hébreux étaient en Egypte ; ils ont peut-être connu ce poème.
Entre le poème du Pharaon et le psaume 103 il y a des similitudes de style et de vocabulaire, c'est évident : le langage de l'émerveillement est le même sous toutes les latitudes ! Mais ce qui
est très intéressant, ce sont les différences : elles sont la trace de la Révélation qui a été faite au peuple de l'Alliance.
La première différence, et elle est essentielle pour la foi d'Israël, Dieu seul est Dieu ; il n'y a pas d'autre Dieu que lui ; et donc le soleil n'est pas un dieu ! Nous avons déjà eu
l'occasion de le remarquer au sujet du récit de la création dans la
Genèse: la
Bible prend grand soin de remettre le
soleil et la lune à leurs places , ils ne sont pas des dieux, ils sont uniquement des luminaires, c'est tout. Et ils sont des créatures, eux aussi : un des versets dit nettement « Toi, Dieu, tu
fis la lune qui marque les temps et le soleil qui connaît l'heure de son coucher ». Je ne vais pas en parler longtemps car il s'agit de versets qui n'ont pas été retenus pour la fête de la
Pentecôte, mais plusieurs versets présentent bien Dieu comme
le seul maître de la création ; le poète emploie pour lui tout un vocabulaire royal : Dieu est présenté comme un roi magnifique, majestueux et victorieux. Par exemple, le mot « grand » que nous
avons entendu est un mot employé pour dire la victoire du roi à la guerre. Manière bien humaine, évidemment, pour dire la maîtrise de Dieu sur tous les éléments du ciel, de la terre et de la
mer.
Deuxième particularité de la
Bible : la création n'est que bonne ; on a là un écho de ce fameux
poème de la
Genèse qui répète inlassablement comme un refrain « Et Dieu vit
que cela était bon ! »... Et d'ailleurs, ce n'est certainement pas un hasard si ce psaume 103 est bâti sur le même schéma que ce texte de la
Genèse : il reprend un à un les
éléments des six jours de la création, dans le même ordre , et lui aussi, il met au sommet l'homme qui est rempli du souffle de Dieu ; et c'est bien ce souffle de Dieu en nous, qui nous fait
vibrer en sa présence, qui nous fait entrer en résonance avec Lui.
D'un bout à l'autre, donc, le ton de ce psaume tout entier n'est qu'émerveillement. « Je veux chanter au Seigneur tant que je vis, jouer pour mon Dieu tant que je dure... moi, je me réjouis
dans le Seigneur ».
Pour autant le mal n'est pas ignoré : puisque l'avant-dernier verset souhaite sa disparition : « Que les pécheurs disparaissent de la terre ! Que les impies n'existent plus ! » Mais les hommes
de l'Ancien Testament avaient bien compris que le mal n'est pas l'oeuvre de Dieu puisque la création tout entière est bonne. Et on sait qu'un jour il le fera disparaître de la terre : le roi
victorieux des éléments vaincra finalement tout ce qui entrave le bonheur de l'homme.
Troisième particularité de la foi d'Israël : la Création n'est pas un acte du passé : comme si Dieu avait lancé la terre et les humains dans l'espace, une fois pour toutes. Elle est une
relation persistante entre le Créateur et ses créatures ; quand nous disons dans le
Credo « Je crois en Dieu tout-puissant, créateur du ciel et de la terre
», nous n'affirmons pas seulement notre foi en un acte initial de Dieu, mais nous nous reconnaissons en relation de dépendance à son égard : le psaume ici le dit très bien : « Tous comptent sur
toi... Tu caches ton visage, ils s'épouvantent ; tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle, ils sont créés ; tu renouvelles la face de la
terre ».
Autre particularité, encore, de la foi d'Israël, autre marque de la révélation faite à ce peuple : au sommet de la création , il y a l'homme ; créé pour être le roi de la création, il est
rempli du souffle même de Dieu ; il fallait bien une révélation pour que l'humanité ose penser une chose pareille ! Et c'est bien ce que nous célébrons à la
Pentecôte : cet Esprit de Dieu
qui est en nous vibre en sa présence : il entre en résonance avec lui . Et c'est pour cela que le psalmiste peut dire : « Que Dieu se réjouisse en ses oeuvres ! ... Moi, je me réjouis dans le
Seigneur ».
Enfin, et c'est très important : on sait bien qu'en Israël toute réflexion sur la création s'inscrit dans la perspective de l'Alliance :
Israël a
d'abord expérimenté l'oeuvre de libération de Dieu et seulement ensuite a médité la création à la lumière de cette expérience. Dans
ce psaume précis, on en a des traces :
D'abord le nom de Dieu employé ici est le fameux nom en quatre lettres, YHVH, qui est la révélation précisément du Dieu de l'Alliance.
Ensuite, vous avez entendu tout à l'heure l'expression « Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! » L'expression « mon Dieu » avec le possessif est toujours un rappel de l'Alliance puisque le projet
de Dieu dans cette Alliance était précisément dit dans la formule « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ». Cette promesse-là, c'est dans le don de l'Esprit « à toute chair », comme dit
le
prophète Joël, c'est-à-dire à tout homme, qu'elle s'accomplit.
Dans la primitive Eglise, membre de la communauté chargé de l'annonce de l'Evangile.L'Ancien
et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ.Profession de foi.Origines du monde
et début de l'action de Dieu parmi les hommes.Fête du don du Saint Esprit aux Apôtres qui fait d'eux des témoins du Christ
ressuscité.Personne inspirée par Dieu pour être son porte parole.Cantiques ou chants
sacrés contenus dans l'Ancien Testament.
DEUXIEME LECTURE - Romains 8, 8 - 17
Frères,
8 sous l'emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu.
9 Or vous, vous n'êtes pas sous l'emprise de la chair,
mais sous l'emprise de l'Esprit,
puisque l'Esprit de Dieu habite en vous.
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ
ne lui appartient pas.
10 Mais si le Christ est en vous,
votre corps a beau être voué à la mort à cause du
péché,
l'Esprit est votre vie,
parce que vous êtes devenus des justes.
11 Et si l'Esprit
de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts
habite en vous,
celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts
donnera aussi la vie à vos corps mortels
par son Esprit qui habite en vous.
12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette,
mais ce n'est pas envers la chair ;
nous n'avons pas à vivre sous l'emprise de la chair.
13 Car si vous vivez sous l'emprise de la chair,
vous devez mourir ;
mais si, par l'Esprit,
vous tuez les désordres de l'homme pécheur,
vous vivrez.
14 Tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu,
ceux-là sont fils de Dieu.
15 L'Esprit que vous avez reçu
ne fait pas de vous des esclaves,
des gens qui ont encore peur ;
c'est un Esprit qui fait de vous des fils ;
poussés par cet Esprit,
nous crions vers le Père en l'appelant « Abba ! »
16 C'est donc l'
Esprit Saint lui-même
qui affirme à notre esprit
que nous sommes enfants de Dieu.
17 Puisque nous sommes ses enfants,
nous sommes aussi ses héritiers ;
héritiers de Dieu,
héritiers avec le Christ,
à condition de souffrir avec lui
pour être avec lui dans sa gloire.
Troisième personne de la Trinité.Transgression volontaire d'une règle ou d'un commandement divin
- point de rupture entre Dieu et l'homme.
- La grosse difficulté de ce texte est dans le mot «
chair » : chez Saint Paul, il n'a pas le même sens que dans notre français courant
d'aujourd'hui. Nous, nous sommes tentés d'opposer deux composantes de l'être humain que nous appelons le corps et l'âme et nous risquons donc de faire un épouvantable contresens : quand Paul
parle de chair et d'esprit, ce n'est pas du tout cela qu'il a en vue. Ce que Saint Paul appelle « chair », ce n'est pas ce que nous appelons le corps ; ce que Paul appelle l'Esprit, ce n'est
pas ce que nous appelons l'âme. D'ailleurs Paul précise plusieurs fois qu'il s'agit de l'Esprit de Dieu, ou encore il dit « l'Esprit du Christ ».
- Et encore, si on y regarde de plus près, il n'oppose pas deux mots « chair » et «
Esprit », mais deux expressions « vivre selon la chair » et «
vivre selon l'Esprit ». Pour lui, il faut choisir entre deux modes de vie ; ou pour dire autrement, il faut choisir nos maîtres, ou notre ligne de conduite, si vous préférez.
- Et là, on retrouve le thème des deux voies, très habituel pour le Juif qu'est Saint Paul, les deux voies, au sens de deux routes, bien sûr. A nous de choisir : pour mener notre existence,
pour prendre des décisions, pour réagir devant les difficultés ou les épreuves, il y a deux attitudes possibles : la confiance en Dieu, ou la méfiance... la certitude qu'il ne nous abandonne
jamais, ou le doute... la conviction que Dieu ne veut que notre bonheur, ou le soupçon qu'il voudrait notre malheur... la fidélité à ses commandements parce qu'on lui fait confiance, ou la
désobéissance parce qu'on croit mieux savoir...
- Devant les épreuves quotidiennes de la vie au désert, et en particulier devant l'épreuve de la soif, le peuple avait soupçonné Dieu de l'abandonner et avait fait un véritable procès
d'intention à Dieu et à Moïse ; vous avez reconnu l'épisode de Massa et Meriba au livre de l'Exode. Devant la limite opposée à ses désirs, Adam soupçonne Dieu et désobéit ; c'est l'épisode de
la chute au Paradis terrestre ; j'ai parlé au présent, parce que nous sommes tous Adam à certaines heures ; c'est l'éternel problème de la confiance, « la question de confiance », si vous
préférez, problème tellement fondamental dans nos vies qu'on l'appelle «
originel ».
- A l'opposé de cette attitude de soupçon, de révolte contre Dieu, l'attitude du Christ est de confiance et donc de soumission : puisqu'il sait que la volonté de Dieu n'est que bonne, il s'y
plie volontiers. Même et y compris devant la souffrance et la mort.
- Il y a donc deux attitudes opposées et ce sont ces deux attitudes que Paul appelle « vivre selon la chair » ou « vivre selon l'Esprit » ; et au verset qui précède juste le passage que nous
lisons aujourd'hui, il avait lui-même dit « le mouvement de la chair est révolte contre Dieu ».
- Et Paul développe cette opposition en nous proposant deux synonymes : « vivre selon la chair » c'est se conduire vis-à-vis de Dieu en esclaves : l'esclave n'a pas confiance en son maître, il
se soumet par obligation et par peur des représailles ; l'autre attitude, « vivre selon l'Esprit », il la traduit par « se conduire en fils » : et il entend par là une relation de confiance et
de tendresse.
- Enfin, il dit deux choses : premièrement, seule l'attitude dictée par l'Esprit de Dieu, l'attitude de confiance et d'amour, à l'exemple du Christ, cette attitude-là est porteuse de vie ;
tandis que la méfiance et le soupçon mènent à la mort ; « Si vous vivez sous l'emprise de la chair, (sous-entendu l'attitude de méfiance et de désobéissance envers Dieu), vous devez mourir :
mais si, par l'Esprit, vous tuez les désordres de l'homme pécheur, vous vivrez. » je traduis : ce qui, en chacun de vous, est attitude d'esclave, est destructeur ; ce qui, en chacun de vous,
est attitude filiale, confiante, est chemin de paix et de bonheur.
- Deuxièmement, nous dit Paul, d'ores et déjà, l'Esprit de Dieu est en vous, vous êtes des fils, vous appelez Dieu « Abba-Père » : «
L'Esprit que vous avez
reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant
Abba ! »
- Le jour où l'humanité tout entière reconnaîtra en Dieu son Père, ce jour-là, le projet de Dieu sera accompli et nous pourrons tous ensemble entrer dans sa gloire ; quelques versets plus loin,
Paul dit : « la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. »
-
Il reste la dernière phrase du texte d'aujourd'hui : « Puisque nous sommes les enfants de Dieu, nous sommes aussi ses héritiers ; héritiers de Dieu,
héritiers avec le Christ, à condition de souffrir avec lui pour être avec lui dans sa gloire. » Cette phrase peut se lire de deux manières ; le contresens, l'attitude d'esclave, ce serait
d'imaginer un Dieu qui met des conditions à l'héritage ! Au contraire, si nous écoutons l'Esprit de Dieu, qui nous fait voir en Dieu un Père plein d'amour, nous comprenons que nous sommes
invités une fois de plus à demeurer dans la confiance, surtout quand nous abordons la souffrance : comme pour le Christ, les souffrances sont inévitables pour ceux qui s'engagent à sa suite sur
le chemin du témoignage ; mais vécues avec lui et comme lui dans la confiance, elles sont chemin de résurrection. En fait, « à condition de souffrir avec lui
» veut dire « à condition de rester greffés sur lui à tout moment, y compris dans la souffrance inévitable ».
Centre de la foi et de l'espérance chrétienne.
EVANGILE : Jean 14, 15-16. 23b-26
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
il disait à ses
disciples :
15 « Si vous m'aimez,
vous resterez fidèles à mes commandements.
16 Moi, je prierai le Père,
et il vous donnera un autre Défenseur
qui sera pour toujours avec vous.
23 Si quelqu'un m'aime,
il restera fidèle à ma parole ;
mon Père l'aimera,
nous viendrons chez lui,
nous irons demeurer auprès de lui.
24 Celui qui ne m'aime pas
ne restera pas fidèle à mes paroles.
Or, la parole que vous entendez
n'est pas de moi :
elle est du Père qui m'a envoyé.
25 Je vous dis tout cela
pendant que je demeure encore avec vous ;
26 mais le Défenseur,
l'
Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Celles et ceux qui ont suivi et qui suivent Jésus Christ.Troisième personne de la Trinité.
Nous avons déjà lu cet évangile il y a quinze jours, mais il prend bien sûr aujourd'hui un nouvel éclairage par les autres textes qui nous sont proposés pour la fête de la Pentecôte. Par
exemple, il est intéressant que, pour la fête du don de l'Esprit, l'évangile qui nous est proposé ne nous parle que d'amour ! Souvent, nous sommes tentés de penser à l'Esprit Saint en termes
d'inspiration, d'idées, de discernement, d'intelligence en quelque sorte ; Jésus nous dit ici : l'Esprit de Dieu, c'est tout autre chose, c'est l'Amour personnifié ; pas étonnant, me direz-vous,
puisque, comme dit Saint Jean, « Dieu est Amour ».
Cela veut dire que, le matin de la Pentecôte, à Jérusalem, quand les disciples ont été remplis de
l'Esprit Saint, c'est l'amour même qui est en Dieu qui les a
envahis. Et de même, nous aussi, baptisés, confirmés, notre capacité d'amour est habitée par l'amour même de Dieu. « Tu envoies ton souffle, ils sont créés » dit le psaume 103 (104) de cette fête
du don de l'Esprit : effectivement, créés à l'image de Dieu, appelés à lui ressembler toujours plus, nous sommes constamment en train d'être modelés par lui à son image ; regardez le potier en
train de façonner son vase, celui-ci s'affine de plus en plus dans les mains de l'artisan... Nous sommes cette poterie dans les mains de Dieu : notre ressemblance avec lui s'affine de plus en
plus au fur et à mesure que nous laissons l'Esprit d'amour nous transformer.
Dans le passage de la lettre aux Romains que nous lisons pour cette fête de Pentecôte, il est plutôt question de notre relation à Dieu ; on
pourrait le résumer par la phrase : nous ne sommes plus des esclaves, nous sommes des fils de Dieu. Dans cet évangile, Jésus fait le lien entre notre relation à Dieu et notre relation à nos
frères : « Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements », et son commandement, nous savons bien ce qu'il est : « mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je
vous ai aimés » (Jn 13, 34) ; et nous avions vu l'autre jour que cette expression fait référence au lavement des pieds, c'est-à-dire une attitude résolue de service.
Si bien qu'on peut traduire « Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements » par « Si vous m'aimez, vous vous mettrez au service les uns des autres ». L'amour de Dieu et l'amour des
frères sont inséparables, tellement inséparables que c'est à la qualité de notre mise au service de nos frères que l'on peut juger de la qualité de notre amour de Dieu. Du coup on peut retourner
la phrase « Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements » : elle veut dire « Si vous ne vous mettez pas au service de vos frères, ne prétendez pas que vous m'aimez »
!
Un peu plus loin, Jésus reprend une expression tout à fait semblable mais il développe encore : « Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui,
nous irons demeurer auprès de lui. » Cela ne veut évidemment pas dire que notre Père du ciel pourrait ne pas nous aimer si nous ne nous mettons pas au service de nos frères ! En Dieu, il n'y a
pas de marchandages, pas de conditions ! Au contraire, la caractéristique de la miséricorde, c'est de se pencher encore plus près des
miséreux, et miséreux, nous le sommes sur le plan de l'amour et du service des autres.
Mais ce que veut dire cette phrase, c'est quelque chose que nous connaissons bien : la capacité d'aimer est un art et tout art s'apprend en s'exerçant ! L'amour du Père est sans mesure, infini ;
c'est notre capacité d'accueil de cet amour qui est limitée et qui grandit à mesure que nous l'exerçons. Si bien que l'on pourrait traduire : « Si quelqu'un m'aime, il se mettra au service des
autres. Et peu à peu son coeur s'élargira et l'amour de Dieu l'envahira de plus en plus et il pourra encore mieux servir les autres... et ainsi de suite jusqu'à l'infini... » jusqu'à l'infini au
vrai sens du terme.
Pour terminer, revenons sur le mot « Défenseur » : il est vrai que nous avons besoin d'un Défenseur... mais pas devant Dieu, bien sûr ! Saint Paul
nous l'a bien dit dans la lettre aux Romains (qui est notre seconde lecture de cette fête) : « L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est
un Esprit qui fait de vous des fils ». Nous n'avons donc plus peur de Dieu, nous n'avons pas besoin de Défenseur devant lui. Mais alors devant qui ? Jésus dit bien : « Je prierai le Père, et il
vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. » Nous avons besoin d'un Défenseur, d'un avocat pour nous défendre devant nous-mêmes, devant nos réticences à nous mettre au
service des autres, devant nos timidités du genre « Qu'est-ce que si peu de pains et de poissons pour tant de monde ? »
Nous avons bien besoin de ce Défenseur qui constamment, plaidera en nous pour les autres. Et ce faisant, c'est nous en réalité qu'il défendra, car notre vrai bonheur, c'est de nous laisser
modeler chaque jour par le potier à son image.