Je suis, chaque
dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.
Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France",
permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en
Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est
cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté)
Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame
PREMIERE LECTURE - Sagesse 11, 23 - 12 , 2
11, 23 Seigneur, tu as pitié de tous les hommes,
parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs
péchés,
pour qu'ils se convertissent.
24 Tu aimes en effet tout ce qui existe,
tu n'as de répulsion envers aucune de tes oeuvres ;
car tu n'aurais pas créé un être
en ayant de la haine envers lui.
25 Et comment aurait-il subsisté,
si tu ne l'avais pas voulu ?
Comment aurait-il conservé l'existence,
si tu ne l'y avais pas appelé ?
26 Mais tu épargnes tous les êtres,
parce qu'ils sont à toi,
Maître qui aimes la vie,
12, 1 toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres.
2 Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu,
tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent,
pour qu'ils se détournent du mal,
et qu'ils puissent croire en toi, Seigneur.
Transgression volontaire d'une règle ou d'un commandement divin - point de rupture entre Dieu et l'homme.
Il est superbe ce texte ! Tout entier rédigé à la deuxième personne, comme une prière : ce n'est pas une méditation sur Dieu, c'est une parole adressée à Dieu, une parole de gratitude ; et ce
genre littéraire tout à fait particulier nous donne un texte très émouvant. Plutôt que « gratitude », il faudrait dire « reconnaissance » au double sens du terme ; dans la « reconnaissance »,
il y a deux choses : il y a d'abord la connaissance et parce qu'il y a la connaissance, il peut y avoir la gratitude ; Israël a reçu ce privilège extraordinaire de la révélation et donc d'une
certaine connaissance et reconnaissance de Dieu. Or le livre de la Sagesse est un texte très tardif (il a été écrit seulement dans les années 50 av.J.C.) ; cela veut dire qu'il vient au terme
de l'histoire biblique et qu'il a bénéficié de toute la maturation de la foi d'Israël ; on ne s'étonne donc pas d'y trouver une sorte de synthèse de toutes les découvertes que le peuple élu a
faites au long des siècles.
Le texte que nous lisons ici est une hymne adressée au Dieu créateur ; il ne faut pas se priver de lire les versets qui précèdent tout juste ceux d'aujourd'hui : « Ta grande force est toujours
à ta disposition ; qui résistera à la vigueur de ton bras ?... Oui, le monde entier est devant toi comme le poids infime qui déséquilibre une balance, comme la goutte de rosée matinale qui
descend vers le sol ». Images superbes pour dire notre petitesse devant Dieu. Et spontanément, cette conscience de la puissance de Dieu et de notre propre impuissance pourrait nous remplir de
peur : historiquement, c'est certainement le premier sens de l'expression «
crainte de Dieu ». Mais Dieu s'est révélé progressivement à Israël
comme celui dont il ne faut pas avoir peur.
Car
la première découverte d'Israël, on le sait bien, ou si l'on préfère, le premier article du credo d'Israël c'est « Dieu libère son peuple », Dieu accompagne son
peuple dans son entreprise de libération, et cela gratuitement, sans aucun mérite du peuple, simplement par amour. La foi d'Israël est née de cette expérience vécue de l'Alliance avec ce Dieu
qui libère, le Dieu de l'Exode, le « Dieu de tendresse et de fidélité », comme il s'est révélé lui-même à Moïse. Et donc, quand Israël réfléchit sur l'oeuvre de la création, il
l'envisage à partir de son expérience et il en déduit que la création est elle aussi une oeuvre d'amour. Alors la peur n'est plus de mise : dans la foi, Israël garde une grande conscience de sa
petitesse, mais il sait que la puissance de Dieu n'est qu'amour. Et alors, petit à petit, l'expression «
crainte de Dieu » a changé de sens.
Désormais cette conscience de notre petitesse alimente une grande confiance.
Cette révélation progressive accordée à Israël tout au long de son expérience d'Alliance avec Dieu affleure à plusieurs reprises dans ce passage d'aujourd'hui. En voici quelques traces : par
exemple, nous lisons dans le livre de la Sagesse : « Tu aimes tout ce qui existe, tu n'as de répulsion envers aucune de tes oeuvres ; car tu n'aurais pas créé un être en ayant de la haine
envers lui. Et comment aurait-il subsisté si tu ne l'avais pas voulu ?... Maître qui aimes la vie »... Il y a là un écho du merveilleux poème de la Création, au premier chapitre de la
Genèse avec cette phrase qui revient comme un
refrain « Dieu vit que cela était bon ». D'un bout à l'autre, ce poème de la
Genèse affirme que Dieu aime ses créatures.
« Maître qui aimes la vie », cela veut dire aussi que la mort n'aura pas le dernier mot : c'est cette découverte que Dieu aime la vie et les vivants qui a progressivement amené Israël à croire
à la
résurrection des morts. «
Toi, dont le souffle impérissable anime tous les êtres » : là encore il y a une résonance avec la
Genèse, mais avec le chapitre 2 cette fois, le deuxième récit de
création : « Le Seigneur Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. » Magnifique image pour dire que
l'homme vit suspendu au souffle de Dieu.
Mais surtout, ce qui suscite la gratitude du croyant, c'est que l'amour du créateur résiste à toutes nos infidélités ; sa puissance n'est pas domination : pour nous, elle est soutien et
relèvement ! C'est cela la vraie puissance : « Tu as pitié de tous les hommes parce que tu peux tout ». On sait bien que le pardon demande beaucoup plus de force que la vengeance ; un peu plus
loin le livre de la Sagesse le dit très clairement : « Celui dont le pouvoir absolu est mis en doute fait montre de sa force... mais toi, Dieu, ta maîtrise sur tous te fait user de clémence
envers tous » (Sg 12, 13-18). Si Dieu pardonne, c'est parce qu'il aime la vie et les vivants justement, et c'est pour qu'on vive : « Tu as pitié de tous les hommes parce que tu peux tout... Tu
fermes les yeux sur leurs
péchés
POUR qu'ils se convertissent... Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent POUR qu'ils se détournent du mal et qu'ils puissent croire en
toi. » On entend là un écho du livre d'Ezéchiel : « Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et qu'il vive » (Ez 18, 23).
Autre écho : le livre de la Sagesse dit « Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis » ; le livre du Deutéronome comparait la patiente pédagogie de Dieu envers son peuple à
celle d'un père « Le Seigneur ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils » (Dt 8, 5). Force est bien d'admettre que Dieu n'a pas fini de déployer sa patience à notre
égard, que sa pédagogie n'est pas terminée, qu'il reste beaucoup à faire pour que nous soyons vraiment détournés du mal... mais il a toute la patience qu'il faut. Comme dit Saint Pierre, « Pour
le Seigneur, un seul jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour ».
***
Compléments
- Sg 11, 23 : « Tu as pitié de tous les hommes parce que tu peux tout »... « Celui dont le pouvoir absolu est mis en doute fait montre de sa force... mais toi, Dieu, ta maîtrise sur tous te
fait user de clémence envers tous » (Sg 12, 13-18). Dans le film « La liste de Schindler », il y a un moment très intense où le héros du film, Schindler, est en face du chef du camp de
concentration : le chef du camp a le pouvoir de vie et de mort sur les prisonniers et, à cet instant précis, il a envie de tuer un jeune garçon. Schindler lui explique qu'il serait beaucoup
plus grand en usant de son pouvoir pour faire vivre que pour faire mourir.
- Sg 15, 1 : Toi, notre Dieu, tu es bon et fidèle, tu es patient et tu gouvernes tous les êtres avec
miséricorde ». On reconnaît ici l'influence du livre de
l'Exode dans lequel Dieu s'est révélé lui-même comme le « Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté. »
Profession de foi.Origines du monde et début de l'action de Dieu parmi les
hommes.Attitude qui incite à l'indulgence et au pardon.Transgression volontaire d'une
règle ou d'un commandement divin - point de rupture entre Dieu et l'homme.Centre de la foi et de l'espérance chrétienne.
PSAUME 144 ( 145 )
1 Je t'exalterai, mon Dieu, mon Roi,
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
2 Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais !
8 Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour ;
9 la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse pour toutes ses oeuvres.
10 Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent
grâce
et que tes fidèles te bénissent !
11 Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.
13 Le Seigneur est vrai en tout ce qu'il dit,
fidèle en tout ce qu'il fait.
14 Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.
Bienveillance de Dieu pour les hommes.
On ne pouvait pas trouver mieux que ce psaume 144 pour faire écho à la première lecture de ce dimanche ! Le Livre de la Sagesse résumait en quelques versets toute la foi d'Israël : la
découverte d'un Dieu qui accompagne son peuple, depuis l'aube de la Création et tout au long de son histoire ; le psaume 144 redit la même chose dans un autre style mais avec le même
émerveillement.
- Cela commence par la forme du psaume qui est alphabétique : que vous vous reportiez à une
Bible ou à un livre de prières en hébreu, c'est clairement indiqué ;
non seulement le psaume 144 (145) comporte 22 versets, autant que de lettres dans l'alphabet hébreu, mais surtout chaque verset commence réellement par une des lettres de l'alphabet hébreu,
dans l'ordre alphabétique ; c'est ce qu'on appelle un acrostiche ; nous savons déjà que ce n'est pas un hasard : nous avons acquis le réflexe : en face d'un psaume alphabétique, nous savons
d'avance qu'il s'agit d'une action de
grâce pour l'Alliance : manière de dire « toute notre vie, de A à
Z, (en hébreu de aleph à tav) baigne dans l'Alliance, dans la tendresse de Dieu ».
- On ne s'étonne pas que ce psaume figure dans la prière juive de chaque matin : pour le juif croyant, depuis la première aube du monde, Dieu accompagne son peuple, chaque matin jusqu'à l'aube
du JOUR définitif, celui du monde à venir, celui de la création renouvelée ... Si je vais un peu plus loin dans la spiritualité juive, le Talmud (c'est-à-dire l'enseignement des rabbins des
premiers siècles après J.C.), affirme que celui qui récite ce psaume trois fois par jour, « peut être assuré d'être un fils du monde à venir ». Car la prière est un véritable apprentissage :
répétée inlassablement, pourvu que ce soit du fond du coeur, elle nous convertit insensiblement. Parce que ces mots ont été inspirés par l'
Esprit Saint, ils nous font peu à peu entrer dans la pensée de
Dieu. Rappelez-vous, le livre du Deutéronome nous disant que Dieu éduque l'homme comme un père éduque son fils... La prière est l'une des méthodes de cette pédagogie.
Si on regarde d'un peu plus près les huit versets précis qui ont été retenus aujourd'hui, il me semble premièrement qu'on a là un condensé de la Révélation à la fois très complet et très concis
...et, deuxièmement qu'ils entrent en résonance parfaite avec les autres lectures de ce dimanche ... Nous retrouvons la contemplation du livre de la Sagesse sur le Dieu d'Amour et de pardon à
la fois créateur et
libérateur.
« Seigneur, tu aimes tout ce qui existe », disait le livre de la Sagesse ; le psaume répond en écho : « La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses oeuvres. » Ou encore, le
livre de la Sagesse insistait sur le pardon de Dieu : « Tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout... Tu fermes les yeux sur les
péchés des hommes, pour qu'ils se convertissent. », le
psaume, lui, reprend la fameuse révélation de Dieu à Moïse, « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour ».( Ex 34, 6). C'est le meilleur résumé qu'on puisse donner
de toute la révélation biblique. Le pardon accordé à Zachée dans l'évangile de ce dimanche s'en fera l'écho dans le Nouveau Testament cette fois.
Vous avez entendu également dans ces deux textes du livre de la Sagesse et du psaume 144/145 la même insistance sur l'universalisme de l'amour et du projet de Dieu : la tendresse et la pitié du
Seigneur dont le peuple élu a eu le premier la Révélation, elles sont POUR TOUS ! Et cela, c'est une énorme découverte pour l'humanité... une découverte que nous devons au peuple élu... il ne
faudrait jamais l'oublier. C'est un thème que nous avons rencontré très souvent dans l'Ancien Testament : Dieu aime toute l'humanité, et son projet d'amour, son « dessein bienveillant »
concerne toute l'humanité.
Un autre accent de ce psaume insiste sur la royauté de Dieu : « Je t'exalterai, mon Dieu, mon Roi »... et encore « tes fidèles diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits ». Et
l'affirmation de la royauté de Dieu revient à plusieurs reprises dans d'autres versets. Mais ce n'est pas un roi comme ceux que l'on connaît sur la terre. Imaginez un roi à la fois
tout-puissant et bon : parce qu'il serait tout-puissant, il aurait les moyens de faire à son gré le bonheur ou le malheur de ses sujets ; mais parce qu'il serait bon il ne ferait que leur
bonheur... on en rêve.
Et justement, Dieu est ce roi à la fois tout-puissant et bon, sa puissance est celle de l'amour ; c'est la découverte qu'Israël a faite au long de son histoire. Quand on parle des exploits de
ce roi pas comme les autres, il s'agit toujours de son oeuvre pour son peuple : nous savons bien que le mot «
exploit » dans la
Bible est toujours une référence à
la libération d'Egypte : Dieu a libéré son peuple... et d'ailleurs, je ne devrais pas dire « Dieu A LIBERE « comme si c'était du passé... la foi d'Israël, c'est « Dieu
libère aujourd'hui son peuple, et ce depuis la première libération, et même depuis la création ».
- Pour terminer, si vous avez le courage de vous reporter au texte complet de ce psaume, vous verrez qu'il y a une parenté très grande entre ce texte et celui du Notre Père : par exemple, le
Notre Père s'adresse à Dieu non seulement comme à un Père : « Notre Père... donne-nous... pardonne-nous... délivre-nous du mal... »... un Père qui est le Dieu de tendresse et de pitié dont
parle ce psaume... Mais le Notre Père s'adresse également à Dieu comme à un roi : « Que ton Règne vienne »... En répétant régulièrement cette phrase, nous apprenons peu à peu à désirer vraiment
que vienne le règne de Dieu pour le bonheur et le salut de toute l'humanité. Le psaume disait quelque chose d'équivalent : « Que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits. »
- Comme le dit le Talmud que je vous citais tout à l'heure, en disant ce psaume de tout notre coeur, nous nous préparons à être « les fils du monde à venir ».
L'Ancien et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ.Troisième personne de la
Trinité.Bienveillance de Dieu pour les hommes.Transgression volontaire d'une règle ou
d'un commandement divin - point de rupture entre Dieu et l'homme.
DEUXIEME LECTURE - 2 Thessaloniciens 1, 11 - 2 , 2
Frères,
1, 11 nous prions continuellement pour vous,
afin que notre Dieu vous trouve dignes
de l'appel qu'il vous a adressé ;
par sa puissance, qu'il vous donne d'accomplir
tout le bien que vous désirez,
et qu'il rende active votre foi.
12 Ainsi, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous,
et vous en lui ;
voilà ce que nous réserve la
grâce de
notre Dieu
et du Seigneur Jésus Christ.
2, 1 Frères, nous voulons vous demander une chose,
au sujet de la venue de notre Seigneur Jésus Christ
et de notre rassemblement auprès de lui :
2 si l'on nous attribue une révélation,
une parole ou une lettre
prétendant que le jour du Seigneur est arrivé,
n'allez pas aussitôt perdre la tête,
ne vous laissez pas effrayer.
Bienveillance de Dieu pour les hommes.
Si Paul juge utile de dire aux Thessaloniciens « je prie continuellement pour vous », c'est que les choses ne sont pas si simples ;
Thessalonique est
l'une des premières communautés fondées par Paul et la première en Grèce ; on se souvient que son premier voyage missionnaire avait été pour la Turquie ; et c'est au cours de son deuxième
voyage qu'il a abordé en Grèce, d'abord à Philippes puis à Thessalonique. Partout Paul et ses compagnons de voyage adoptaient la même ligne de conduite : en bons Juifs pratiquants, ils se
rendaient à la synagogue le matin du sabbat (donc le samedi matin) et là, après la lecture traditionnelle de l'Ancien Testament, ils prenaient la parole pour annoncer que le Messie attendu dans l'Ancien Testament était bel et
bien venu en la personne de Jésus de Nazareth, crucifié, mort et ressuscité à Jérusalem, environ vingt ans auparavant.
Et partout les choses se passaient à peu près de la même façon : un certain nombre de leurs auditeurs les croyaient et demandaient à être baptisés ;
mais au fur et à mesure que leur succès grandissait, ils se faisaient des ennemis de plus en plus farouches ; qui venaient les contredire puis les chasser ou les faire emprisonner, sous
prétexte qu'avec ces nouvelles idées, les Chrétiens semaient la révolution. Et un jour ou l'autre, il fallait quitter la ville en laissant sur place de tout nouveaux baptisés qu'on avait eu
plus ou moins le temps de former. A Thessalonique, les choses se sont passées exactement de cette manière et, si l'on en croit le livre des Actes des Apôtres, Paul n'a pu y rester que le temps de trois sabbats,
c'est-à-dire au maximum trois semaines. Au bout de ces trois semaines, il a été obligé de fuir Thessalonique pour éviter d'être emprisonné. Trois semaines pour une conversion, c'est quand même
peu ! Il est vrai qu'il a suffi d'un instant à Paul lui-même sur le chemin de Damas pour être complètement retourné, converti au vrai sens du terme, par Jésus-Christ, mais ensuite, il avait été
enseigné longuement dans la foi par d'autres Chrétiens.
Les Chrétiens tout frais de Thessalonique ont donc eu trois semaines pour se convertir... mais après cette prédication sûrement enthousiasmante de Paul,
ils se sont quand même retrouvés un peu seuls face à leurs frères juifs qui refusaient cette conversion... Et, c'est toujours pareil, tant qu'une nouvelle religion n'est pas reconnue comme une
véritable religion, elle est traitée de secte ; les premiers chrétiens ont vécu cela. Voilà donc la première difficulté à laquelle s'affrontent les premiers convertis de Thessalonique : à peine
baptisés, les voilà laissés seuls à eux-mêmes ; Paul a dû repartir et eux restent face aux juifs, leurs proches, leurs amis d'hier, devenus tout d'un coup des persécuteurs. Rude épreuve pour
leur foi toute neuve. Paul a donc une première bonne raison de leur dire « je prie continuellement pour vous ».
Il en a aussi une autre, d'un tout autre ordre ; la deuxième difficulté de cette jeune communauté, trop vite laissée à elle-même, c'est de ne plus trop bien savoir où elle en est, de « perdre
la tête » comme dit Paul : puisque maintenant, on connaît le
Messie, puisque le Royaume de Dieu est arrivé avec la
Résurrection du Christ, puisque nous
sommes dans les derniers temps, alors on laisse tout tomber ; il paraît que certains en abandonnaient leur travail ; sans aller jusque-là, d'autres se font trop facilement l'écho des bruits les
plus divers concernant de prétendus événements ou révélations sur la fin du monde ; cela risque d'égarer les plus fragiles.
Paul les met en garde : « Frères, nous voulons vous demander une chose au sujet de la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ et de notre rassemblement auprès de lui : si l'on nous attribue une
révélation, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n'allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer ». Le texte du
Concile Vatican II sur la Révélation (« Dei Verbum » - la Parole de
Dieu) reprend le même thème pour les Chrétiens d'aujourd'hui : « Aucune révélation publique n'est à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre Seigneur Jésus-Christ ». Ne nous laissons
donc pas effrayer par quiconque, ne perdons pas la tête, mais attendons en confiance l'accomplissement du projet de Dieu : et si nous en croyons Paul, à la suite d'ailleurs de toute la
révélation biblique : « Voilà ce que nous réserve la
grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus-Christ : notre Seigneur
Jésus-Christ aura sa gloire en nous et nous en lui. »
Attendre en confiance ne veut pas dire rester passifs ; c'est très exactement ce que veut dire Paul ; il est on ne peut plus clair. C'est Dieu qui a l'initiative : il a un projet sur nous, il
nous a appelés. « Que notre Dieu vous trouve dignes de l'appel qu'il vous a adressé » ; mais ce n'est pas une raison pour rester inactifs, au contraire : Paul continue sa prière : « Par sa
puissance, que Dieu vous donne d'accomplir tout le bien que vous désirez, et qu'il rende active votre foi. » C'est nous qui accomplissons, mais c'est Dieu qui nous donne l'énergie pour le
faire. C'est bien ce qui s'est passé pour Zachée : c'est Jésus qui a pris l'initiative de s'inviter chez lui, manière de lui proposer l'Alliance avec Dieu au coeur même de sa vie concrète peu
conforme à l'Alliance ; ce faisant, Jésus lui manifestait qu'on n'est jamais perdu pour Dieu. Alors Zachée a pu, dans un deuxième temps, changer de comportement et conformer sa vie au projet de
Dieu. Avis aux Thessaloniciens et à nous-mêmes : Dieu nous appelle, à nous d'y répondre dans notre vie concrète, il n'y a pas de temps à perdre.
Dans la primitive Eglise, membre de la communauté chargé de l'annonce de l'Evangile.Réunion
de l'ensemble des évêques.Bienveillance de Dieu pour les hommes.Rédempteur, Sauveur
annoncé dans l'Ancien Testament.Centre de la foi et de l'espérance chrétienne.Concile
oecuménique ouvert par le pape Jean XXIII qui réunit à Rome tous les évêques du monde.
EVANGILE - Luc 19 , 1 - 10
1 Jésus traversait la ville de Jéricho.
2 Or il y avait un homme du nom de Zachée ;
il était le chef des collecteurs d'impôts,
et c'était quelqu'un de riche.
3 Il cherchait à voir qui était Jésus,
mais il n'y arrivait pas à cause de la foule,
car il était de petite taille.
4 Il courut donc en avant
et grimpa sur un sycomore
pour voir Jésus qui devait passer par là.
5 Arrivé à cet endroit,
Jésus leva les yeux et l'interpella :
« Zachée, descends vite :
aujourd'hui il faut que j'aille demeurer chez toi. »
6 Vite, il descendit,
et reçut Jésus avec joie.
7 Voyant cela, tous récriminaient :
« Il est allé loger chez un pécheur. »
8 Mais Zachée, s'avançant, dit au Seigneur :
« Voilà, Seigneur :
je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens,
et si j'ai fait du tort à quelqu'un,
je vais lui rendre quatre fois plus. »
9 Alors Jésus dit à son sujet :
« Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison,
car lui aussi est un fils d'Abraham.
10 En effet,
le Fils de l'homme est venu chercher et
sauver
ce qui était perdu. »
Quelques lignes auparavant, Jésus a eu cette phrase terrible : « Oui, il est plus facile à un chameau d'entrer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. » Alors ses
auditeurs lui ont aussitôt posé la question qui nous vient spontanément aux lèvres : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Et Jésus a répondu : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à
Dieu. » L'histoire de Zachée vient nous en apporter la preuve.
Jéricho, c'est paraît-il la ville la plus basse du monde, à - 300 mètres d'altitude : dans la vallée du Jourdain, un peu au Nord de la Mer Morte ; de là à Jérusalem, il y a 35 km de montée dans
un paysage désertique superbe. Ce jour-là, Jéricho était bruyante, les gens étaient dans la rue pour voir passer le
prophète et la petite troupe de
disciples qui le suivait ; il y avait donc la foule, Jésus ... et ce
Zachée perché dans le sycomore ; Zachée le publicain, responsable des impôts, ce qui signifiait pour tout le monde qu'il était à la fois collaborateur avec l'ennemi, l'occupant romain, et
soupçonné de voler allègrement ses compatriotes. C'est justement chez lui, Zachée, que Jésus s'invite ; Luc nous raconte que la foule est horrifiée que Jésus aille manger chez un pécheur ; mais
ces gens sont logiques : selon la loi juive, on ne doit pas frayer avec les impurs, or Zachée est rendu impur du seul fait de son contact avec les Romains qui sont des païens. Si Jésus était
vraiment le
prophète qu'on prétend,
il respecterait la Loi. Mais c'est la logique des hommes et une fois de plus, l'Ecriture nous montre que la logique de Dieu n'est pas la nôtre.
Zachée, donc, reçoit Jésus avec joie, nous dit Luc, et les choses auraient pu en rester là ; mais alors il se passe quelque chose : « Zachée, s'avançant, dit au Seigneur : Voilà, Seigneur... »
Arrêtons-nous là :
Zachée vient de reconnaître Jésus comme le Seigneur... et c'est cela être
sauvé. Le changement de comportement de Zachée ne viendra qu'ensuite, il en sera la suite logique, évidente. Le salut, c'est
d'abord Jésus reconnu et accueilli comme présence de Dieu... Une Présence offerte à tous, mais ce sont les petits, ceux qui se reconnaissent en situation de précarité qui l'accueillent. Ce n'est
pas parce que Zachée va donner de l'argent que Jésus déclare qu'il est sauvé ; ce qui sauve Zachée c'est d'accueillir Jésus comme le Seigneur. Et, bien sûr, le reste suit.
« Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison » : il y a deux fois le mot « aujourd'hui » dans ce passage ; première fois, Jésus dit « Aujourd'hui il faut que j'aille demeurer chez toi » ;
Jésus fait le premier pas, mais Zachée est encore tout à fait libre : il ne va certainement pas refuser de recevoir le
prophète, puisqu'il est grimpé sur le sycomore pour le
voir...
Mais cette rencontre inespérée avec Jésus aurait pu rester une simple rencontre, qui serait devenue avec le temps un bon souvenir. Zachée pouvait en rester là. Il était libre de recevoir Jésus
très poliment comme un hôte de marque, sans s'engager lui-même en profondeur, sans que cela change quoi que ce soit à sa vie.
Il était libre aussi d'en faire tout autre chose, de saisir la proposition de Jésus et d'en faire l'aujourd'hui du salut pour lui. Et, on l'aura remarqué, c'est seulement quand, librement, Zachée
a annoncé sa décision de changer de vie que Jésus parle de salut ; reprenons le texte : « Zachée, s'avançant, dit au Seigneur : voilà, Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens,
et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors, et alors seulement, Jésus dit à son sujet : « Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi
est un fils d'Abraham. »
Au fond, la leçon est la même que dans la
parabole du pharisien et du publicain de dimanche dernier, ou dans
l'histoire du bon larron : Zachée, comme le bon larron, comme le publicain, est « justifié » (selon le mot de Jésus à propos du publicain), parce qu'il a ouvert les yeux, il a fait la vérité.
Quand il ajoute « Zachée aussi est un fils d'Abraham », Jésus ne cherche certainement pas là à nous donner une précision d'état-civil ! Il rappelle seulement la promesse qui lie pour toujours
Dieu à la descendance d'Abraham : on pourrait traduire « fils de la promesse » : « Aujourd'hui le Salut est arrivé chez Zachée, car lui aussi est un fils de la promesse ». Les honnêtes gens qui
étaient là, scandalisés que Jésus fréquente ce collaborateur de Zachée, ce malhonnête, ce vendu... ces honnêtes gens ne doivent pas oublier que le salut est toujours offert à tous parce que Dieu,
lui, est toujours fidèle à sa promesse. Comme dit Paul, « Si nous sommes infidèles, Dieu, lui, reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même ». (2 Tm 2, 13). C'est le même Luc, d'ailleurs, qui
nous rapporte le Magnificat : « Il se souvient de la promesse faite à nos pères en faveur d'Abraham et de sa race à jamais » (Lc 1, 55).
On retrouve ici le double accent que nous avions déjà noté dans la
parabole du pharisien et du publicain : le salut est « cadeau », le
publicain « est justifié » (sous-entendu il ne se justifie pas lui-même). Mais il n'est pas passif pour autant : il « est justifié » parce qu'il accueille le salut donné par Dieu ; c'est la même
chose ici. Le salut est don de Dieu, cadeau de Dieu ; ce n'est pas Zachée qui est la cause de son salut, et pourtant son attitude d'accueil est indispensable pour que le salut advienne «
aujourd'hui » pour lui.
Comment ne pas faire le rapprochement avec le nom même de la ville de Zachée, Jéricho, la première ville de la Terre Promise conquise par les tribus d'Israël ; ils ont toujours considéré cette
conquête comme un don de Dieu et non comme une victoire dûe à leurs propres forces. Décidément, nous dit Saint Luc, le salut est toujours un cadeau. Jéricho, c'est aussi pour
Jésus, (dont le nom signifie Dieu sauve) la dernière étape de la montée à Jérusalem où s'accomplira le salut de l'humanité tout entière. Certainement, en
choisissant de s'inviter chez Zachée, Jésus ne cherche pas à donner une leçon : simplement, il révèle qui est Dieu, irrésistiblement attiré par ceux qui sont en train de se perdre.