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11 décembre 2017 1 11 /12 /décembre /2017 23:17

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 16 décembre 2017).

En bas de page, vous avez les versions vidéo des commentaires, trouvées sur KTO TV.

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE   61, 1-2a. 10-1

 

1          L'Esprit du SEIGNEUR Dieu est sur moi               
            parce que le SEIGNEUR m'a consacré par l'onction.          
            Il m'a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles,                 
            guérir ceux qui ont le cœur brisé,                 
            proclamer aux captifs leur délivrance,                      
            aux prisonniers leur libération,
2          proclamer une année de bienfaits accordée par le SEIGNEUR.
10        Je tressaille de joie dans le SEIGNEUR,                 
            mon âme exulte en mon Dieu.
            Car il m'a vêtue des vêtements du salut,                  
            il m'a couverte du manteau de la justice,      
            comme le jeune marié orné du diadème,                  
            la jeune mariée que parent ses joyaux.
11        Comme la terre fait éclore son germe,                      
            et le jardin, germer ses semences,     
            le SEIGNEUR Dieu fera germer la justice et la louange                
            devant toutes les nations.
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Il y a deux parties dans ce texte : dans la première, c’est bien Isaïe en personne, en tant que prophète, qui annonce une bonne nouvelle au peuple juif ; tandis que dans la seconde, c’est le peuple lui-même qui se réjouit comme si les promesses de la première partie étaient déjà accomplies : là on est en pleine anticipation ; la première partie, ce sont les versets « L’Esprit du SEIGNEUR Dieu est sur moi... Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle » ; la seconde commence par « Je tressaille de joie dans le SEIGNEUR, mon âme exulte en mon Dieu. »

Je commence par la première partie :

 

LES DIFFICULTÉS DU RETOUR AU PAYS

« L’Esprit du SEIGNEUR Dieu est sur moi... Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le SEIGNEUR. » C’est le prophète qui parle. Mais de qui parle-t-il ?

Qui sont ces cœurs brisés, ces captifs, ces prisonniers, ces pauvres (littéralement les « dos courbés ») ? Bien sûr, il s’agit des habitants de Jérusalem et du peuple juif tout entier. Mais pourquoi sont-ils si affligés ?

Car, à l’heure où Isaïe leur parle, justement, les habitants de Jérusalem ne sont plus ni prisonniers ni captifs : au contraire, ils sont revenus de l’Exil à Babylone, et ils ont même entrepris les travaux de restauration du Temple de Jérusalem. Je vous rappelle le contexte :

Vous vous souvenez que l’Exil à Babylone a pris fin, tout simplement parce que Babylone, après ses heures de gloire, a été conquise à son tour par Cyrus, roi de Perse ; or, contrairement aux autres empereurs qui ont conquis successivement la région, Cyrus favorise le retour au pays des populations déplacées ; les déportés sont donc revenus. Il est vrai qu’ils ne sont pas un peuple libre pour autant, puisque la terre d’Israël est désormais sous la domination des rois de Perse, Cyrus puis ses successeurs ; mais enfin, on ne peut quand même pas parler de prison ou de captivité au vrai sens du terme.

Seulement, voilà, finalement, ces exilés rentrés au pays sont affreusement déçus du retour : là-bas, à Babylone, ils attendaient leur libération, leur délivrance comme un grand bonheur... Ils espéraient connaître l’éblouissement de celui qui a été dans un cachot aveugle et qui émerge tout d’un coup à la lumière le jour où on lui ouvre la porte. En fait, ils découvrent qu’il existe dans nos vies d’autres prisons, d’autres chaînes, moins matérielles, mais tout aussi oppressantes.

Car au pays, on ne les attendait pas vraiment. Et on leur a mis tous les bâtons possibles dans les roues pour les empêcher de reconstruire le Temple. Il faut dire qu’en leur absence, d’autres populations également déplacées par les vainqueurs ont été installées à Jérusalem, et y ont introduit leur propre religion ; désormais, par le biais des mariages mixtes (entre des Juifs et des étrangères), la religion juive est en minorité. Qui respecte encore la Loi ? Elle est loin, la pureté de la pratique religieuse qu’on espérait restaurer !         

D’où l’éternelle question qui renaît à chaque étape difficile : Dieu n’aurait-il pas abandonné son peuple ? Et la réponse toujours renouvelée des prophètes, et ici, en particulier d’Isaïe : Dieu ne peut pas se renier lui-même ; gardez confiance, vous êtes encore et toujours le peuple élu par Dieu pour une mission bien particulière.

Du coup, nous pouvons relire les premiers versets de notre texte d’aujourd’hui : « L’Esprit du SEIGNEUR Dieu est sur moi, (c’est donc Isaïe qui parle) parce que le SEIGNEUR m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le SEIGNEUR. » Le premier sens de ce texte, c’est donc : ne vous laissez pas aller au découragement, Dieu ne vous abandonnera jamais.

Reste un mot un peu surprenant dans la bouche d’Isaïe : « Le SEIGNEUR m’a consacré par l’onction. » Il s’agit de l’onction d’huile que recevaient les rois le jour de leur sacre ; celui qui avait reçu l’onction s’appelait désormais un « messie » parce que messie en hébreu veut dire « oint, consacré » ; et cette onction signifiait que le consacré (normalement le roi) avait mission d’apporter le bonheur à son peuple ; et voilà que c’est un prophète qui parle de lui-même dans les termes où l’on parlait des rois. Il dit : « Le SEIGNEUR a fait de moi un Messie ».

C’est la preuve que, à l’époque du troisième Isaïe (auteur de ce texte) alors précisément qu’il n’y a plus de roi sur le trône de David, l’attente juive du Messie évolue ; elle n’est plus seulement l’attente d’un roi, fils de David ; le Messie attendu pourrait bien être un prophète.

 

« JE TRESSAILLE DE JOIE DANS LE SEIGNEUR »

Pour résumer cette annonce d’Isaïe, le bonheur, le vrai, c’est-à-dire la justice, la consolation pour tous va se lever sur Jérusalem ; alors la deuxième partie du texte s’éclaire : c’est Jérusalem (c’est-à-dire le peuple de Dieu) qui parle. Jérusalem qui se réjouit déjà, comme si c’était là : « Je tressaille de joie dans le SEIGNEUR, mon âme exulte en mon Dieu. » Les prophètes usent souvent de ce genre d’anticipations pour montrer à quel point on peut être sûrs des promesses de Dieu.

La fin du texte est très imagée : le manteau de la justice, des bijoux, un diadème : « Le SEIGNEUR m'a vêtue des vêtements du salut, il m'a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux. » Non seulement, c’est magnifique, mais le message théologique est très important : le manteau de la justice, c’est Dieu qui nous en enveloppe...

Cela veut dire que notre rêve le plus profond, la pureté du cœur, est un cadeau de Dieu. C’est un don gratuit de Dieu, la plus magnifique des parures, le plus beau des bijoux, des diadèmes.

Le texte se termine par ce que j’appellerai la parabole de la semence : « Comme la terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le SEIGNEUR Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations. » La germination est une belle image pour soutenir l’espérance : traduisez : confiance, à toute graine, il faut du temps...

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Complément : L’Année sabbatique ou jubilaire

Lorsque Isaïe parle de l’année de bienfaits accordée par le Seigneur, il fait allusion à une coutume bien particulière qui nous est moins familière sans doute, mais que ses contemporains connaissaient très bien ; c’est presque un terme technique : il s’agit de l’année sabbatique ou même jubilaire ; tous les sept ans (l’année sabbatique), les esclaves hébreux devaient être libérés sans contrepartie ; tous les cinquante ans (l’année jubilaire), ce sont tous les habitants qui devaient être libérés, toutes les dettes remises, toutes les propriétés rendues à leurs premiers propriétaires. En un mot, on redécouvrait l’idéal de justice sociale voulu par Dieu pour la Terre Sainte.

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MAGNIFICAT DE LA VIERGE MARIE   Luc 1, 46b-48, 49-50, 53-54

 

46        Mon âme exalte le Seigneur, 
            exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
48        Il s'est penché sur son humble servante ;      
            désormais tous les âges me diront bienheureuse.          

49        Le Puissant fit pour moi des merveilles ;      
            Saint est son nom !
50        Son amour s'étend d'âge en âge        
            sur ceux qui le craignent.          

53        Il comble de biens les affamés,         
            renvoie les riches les mains vides.
54        Il relève Israël, son serviteur,
            il se souvient de son amour.

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LE CHANT DE LA VISITATION

Vous vous rappelez les circonstances dans lesquelles la Vierge Marie a chanté ce que nous appelons le Magnificat. Elle vient de recevoir la visite de l’ange Gabriel qui lui a annoncé la naissance de Jésus et qui lui a révélé la grossesse de sa cousine Élisabeth. Elle est aussitôt partie rendre visite à sa cousine : « En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. » (Luc 1, 39 - 45). En guise de réponse, Marie entonne le Magnificat.

Une chose assez surprenante à propos du Magnificat : si vous ouvrez votre Bible à cette page de saint Luc, vous trouverez dans la marge des quantités de références à d’autres textes bibliques ; et si vous connaissez les psaumes, vous en avez reconnu des bribes dans presque toutes les phrases du Magnificat. Ce qui veut dire que Marie n’a pas inventé les mots de sa prière. Pour exprimer son émerveillement devant l’action de Dieu, elle a tout simplement repris des phrases prononcées par ses ancêtres dans la foi.

Il y a là, déjà, une double leçon : d’humilité d’abord. Spontanément, pourtant mise devant une situation d’exception, Marie reprend tout simplement les expressions de la prière de son peuple.

De sens communautaire ensuite : on dirait aujourd’hui de sens de l’Église. Car aucune des citations bibliques reprises dans le Magnificat n’a un caractère individualiste ; elles concernent toujours le peuple tout entier. C’est l’une des grandes caractéristiques de la prière juive et maintenant de la prière chrétienne : le croyant n’oublie jamais qu’il fait partie d’un peuple et que toute vocation, loin de le mettre à l’écart, le met au service de ce peuple.

 

LA PRIÈRE DES HOMMES DE LA BIBLE

On retrouve donc dans la prière de Marie les grands thèmes des prières bibliques : j’en retiens au moins quatre :

Premièrement, la joie de la foi

Deuxièmement, l’émerveillement devant la fidélité de Dieu à ses promesses et à son Alliance

Troisièmement, l’action de grâce pour l’œuvre de Dieu

Quatrièmement, la découverte de la prédilection de Dieu pour les pauvres et les petits

Premier thème des prières bibliques, la joie de la foi : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur » ; dans la première lecture de ce troisième dimanche de l’Avent, nous lisons presque la réplique de cette phrase : « Je tressaille de joie dans le SEIGNEUR, mon âme exulte en mon Dieu » (Is 61, 10) ; c’est un texte du troisième Isaïe, donc vers 500 av. J.-C. Et cent ans plus tôt, vers 600 av. J.-C., Habacuq avait dit : « Je bondis de joie dans le SEIGNEUR, j’exulte en Dieu, mon Sauveur ! » (Ha 3,18).

Deuxième thème des prières bibliques : l’émerveillement devant la fidélité de Dieu à ses promesses et à son Alliance : chez Michée par exemple : « Tu accordes à Jacob ta fidélité, à Abraham ta faveur, comme tu l’as juré à nos pères depuis les jours d’autrefois. » (Mi 7,20). Et les psaumes y reviennent souvent : « Il s’est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d’Israël. » (Ps 97/98,3). « Oui, le SEIGNEUR est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge » (Ps 99/100,5).

Troisième thème des prières bibliques : l’action de grâce pour l’œuvre de Dieu : Cela, c’est l’un des thèmes majeurs de la Bible, vous le savez bien ; et quand on dit l’œuvre de Dieu, il s’agit toujours de l’unique sujet de toute la Bible, c’est-à-dire son grand projet, son œuvre de libération de l’humanité. Par exemple : « Il est ta louange, il est ton Dieu, lui qui a fait pour toi ces choses grandes et terribles que tu as vues de tes yeux » (Dt 10, 21). Ou encore, dans le psaume 110/111 : « Il apporte la délivrance à son peuple, son alliance est promulguée pour toujours. »

Enfin, quatrième thème des prières bibliques :  la découverte de la sollicitude particulière de Dieu pour les pauvres et les petits : et toujours il intervient pour les rétablir dans leur dignité. « Il s’est penché sur son humble servante, désormais tous les âges me diront bienheureuse », chante Marie. On trouve quelque chose de tout à fait semblable dans le cantique d’Anne, la maman de Samuel : « Mon cœur exulte à cause du SEIGNEUR ; mon front s’est relevé grâce à mon Dieu ! De la poussière, il relève le faible, il retire le malheureux de la cendre pour qu’il siège parmi les princes, et reçoive un trône de gloire. » (1 S 2,1.8). Ce thème du renversement de situation est très cher à la Bible, dès l’Ancien Testament ; par exemple dans le psaume 112/113,7 : « De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre, pour qu’il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple ».  Ou encore cette phrase superbe du livre de Ben Sirac : « Le Seigneur a renversé les princes de leurs trônes des orgueilleux, et installé les doux à leur place. » (Si 10,14).

J’ai parlé de « sollicitude particulière » de Dieu pour les pauvres et les petits. Je n’ai pas parlé de « préférence » de Dieu pour les pauvres. Parce qu’il me semble que l’Amour infini n’a pas de préférences, il est infini pour chacun de nous, grands ou petits. J’ai parlé de « sollicitude particulière pour les pauvres » parce que ce sont ceux qui ont de plus urgents besoins. Mais tous, grands ou petits, nous pouvons compter sur l’Amour infini.

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DEUXIÈME LECTURE   1 Thessaloniciens   5, 16-24

 

         Frères,
16     soyez toujours dans la joie,
17     priez sans relâche,
18     rendez grâce en toute circonstance :
         c’est la volonté de Dieu à votre égard
         dans le Christ Jésus.
19     N’éteignez pas l’Esprit,
20     ne méprisez pas les prophéties,
21     mais discernez la valeur de toute chose :
         ce qui est bien, gardez-le ;
22     éloignez-vous de toute espèce de mal.
23     Que le Dieu de la paix lui-même
         vous sanctifie tout entiers ;
         que votre esprit, votre âme et votre corps,
         soient tout entiers gardés sans reproche
         pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ.
24     Il est fidèle, Celui qui vous appelle :
         tout cela, il le fera.

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LES YEUX FIXÉS SUR L’HORIZON

Je prends une comparaison, lorsque nous partons en voyage, c’est le but (la destination finale) du voyage qui nous dicte la route à prendre ; pour Paul, le but du voyage chrétien, c’est l’établissement du Royaume de Dieu à la fin des temps. Et, dans toutes ses lettres, on découvre à quel point le retour du Christ est l’horizon de toutes ses pensées.

C’est ce qui justifie toutes les recommandations qu’il donne ici aux Thessaloniciens. Vivre les yeux fixés sur l’horizon (c’est-à-dire l’établissement du Royaume de Dieu), c’est prier, c’est agir et tout cela dans la joie.

Il ne s’agit pas de n’importe quelle joie bien sûr : il ne s’agit pas d’un optimisme béat, et d’ailleurs, si saint Paul doit préciser « soyez toujours dans la joie », c’est que les Thessaloniciens avaient parfois du mal à rester joyeux ; ce que l’on comprend bien puisque l’on sait qu’ils connaissaient déjà la persécution ; et que Paul a dû quitter précipitamment Thessalonique, après seulement quelques semaines de présence et de prédication parce que la colonie juive le dénonçait au pouvoir romain comme fauteur de troubles.

Aujourd’hui encore, on a parfois du mal à se réjouir quand on pense à toutes les guerres meurtrières qui endeuillent trop de pays tous les jours, au terrorisme et à la persécution religieuse qui fleurit ici ou là, ou aux problèmes économiques et à la vie misérable de tant d’hommes et de femmes sur la planète.

Et pourtant, aux yeux de Paul, la joie est possible et même recommandée : il s’agit de la joie profonde de l’assemblée croyante ; joie d’accueillir la Bonne Nouvelle de la Parole de Dieu ; joie de lire dans nos vies les signes de l’Esprit ; joie d’une vie fraternelle...

 

IL EST FIDÈLE, LE DIEU QUI VOUS APPELLE

Joie de voir naître, lentement peut-être, mais sûrement, le Règne de Dieu. Joie de nous appuyer, non pas sur nos propres forces, mais sur le rocher de la fidélité de Dieu. Vous avez remarqué dans notre texte les derniers mots de Paul : « Il est fidèle, le Dieu qui vous appelle : tout cela il l’accomplira » ; dans cette phrase, je lis au moins trois choses :

Premièrement, Il le fera ; c’est-à-dire que le premier artisan du Royaume de Dieu, c’est Dieu lui-même.

Deuxièmement, Il est fidèle : pour des interlocuteurs juifs, c’était leur foi, leur certitude depuis bien longtemps ; parce que leur histoire était justement pleine de l’expérience de cette fidélité de Dieu, quelles que soient les infidélités de son peuple ; mais pour des interlocuteurs non-juifs, c’était une nouvelle extraordinaire que de découvrir que l’histoire tout entière de l’humanité est accompagnée par la fidélité de Dieu ; d’un Dieu qui n’a pas d’autre but que le bonheur du genre humain tout entier. Rappelez-vous ce que Paul écrit dans la lettre à Timothée : « Je recommande avant tout que l’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâce, pour tous les hommes... Voilà ce qui est beau et agréable aux yeux de Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 1-4).

Si seulement tous nos contemporains étaient conscients que Dieu n’a pas d’autre but que le salut et le bonheur de tous les hommes... Il me semble que la face du monde serait changée !

Troisièmement, Dieu vous appelle : cette expression vient contrebalancer ce que j’ai dit plus haut ; d’une part, il est vrai que Dieu est le premier artisan de la venue du Royaume... Mais il nous appelle à y contribuer.

Par la prière, d’abord : vous l’avez entendu dans la lettre à Timothée, mais aussi dans le début du texte d’aujourd’hui : « Priez sans relâche, rendez grâce en toutes circonstances : c’est la volonté de Dieu à votre égard ».      

Par toute notre action, ensuite... parce que prier, ce n’est pas nous débarrasser sur Dieu des tâches qui nous reviennent, c’est puiser dans son Esprit les ressources nécessaires, en force et en imagination, pour accomplir la participation qu’il attend de nous.

 

N’ÉTEIGNEZ PAS L’ESPRIT

 Et c’est bien pour cela que Paul ajoute « N’éteignez pas l’Esprit » : comme on dirait il ne faut pas éteindre un feu, une flamme qui éclaire la nuit ; ce qui signifie que l’Esprit est une flamme qui brûle déjà en nous et dans le monde. Rappelez-vous cette phrase superbe de la quatrième prière eucharistique : « L’Esprit poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification ».

Paul fait encore deux recommandations : « Ne repoussez pas les prophètes, mais discernez la valeur de toute chose » ; quand on sait à quel point les Grecs étaient friands de manifestations charismatiques (don des langues, prophéties...) on peut comprendre ce double conseil : d’une part, respectez les dons qui se manifestent parmi vous : si quelqu’un prophétise, c’est-à-dire est le porte-parole de Dieu, acceptez de vous laisser interpeller : ne courez pas le risque de refuser d’écouter Dieu lui-même ; mais sachez discerner ; ne suivez pas n’importe qui aveuglément.

Comment reconnaître ce qui vient de l’Esprit Saint ? C’est bien simple : comme il le dira plus tard, dans la lettre aux Corinthiens, ce qui vient de l’Esprit Saint, c’est ce qui édifie la communauté.

Il me semble qu’ici le critère que nous donne Paul, c’est « choisissez ce qui fait avancer le Royaume ».

Comme le disait  Mgr Coffy : « Réintroduire dans nos pensées, nos jugements, nos comportements une référence au Royaume de Dieu qui vient est aujourd’hui une tâche essentielle de l’Église, non pas parce que la culture met l’accent sur le futur - raison non négligeable - mais parce que la fidélité à la Révélation l’exige ». (« Église, signe de salut au milieu des hommes » ; Conférence des Évêques à Lourdes, 1971).

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Complément

Traditionnellement, ce dimanche s’appelait le dimanche de « Gaudete », ce qui veut dire en latin « réjouissez-vous », et les ornements étaient roses. Ce mot « gaudete » est le premier de cette deuxième lecture, tirée de la première lettre de saint Paul aux Thessaloniciens

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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN  1, 6-8. 19-28

 

6       Il y eut un homme envoyé par Dieu ;
         son nom était Jean.
7       Il est venu comme témoin,
         pour rendre témoignage à la Lumière,
         afin que tous croient par lui.
8       Cet homme n’était pas la Lumière,
         mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

19     Voici le témoignage de Jean,
         quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem
         des prêtres et des lévites pour lui demander :
         « Qui es-tu ? »
20     Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement :
         « Je ne suis pas le Christ. »
21     Ils lui demandèrent :
         « Alors qu’en est-il ?
         Es-tu le prophète Élie ? »
         Il répondit : « Je ne le suis pas.
         – Es-tu le Prophète annoncé ? »
         Il répondit : « Non. »
22     Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ?
         Il faut que nous donnions une réponse
         à ceux qui nous ont envoyés.
         Que dis-tu sur toi-même ? »
23     Il répondit :
         « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert :
         Redressez le chemin du Seigneur,
         comme a dit le prophète Isaïe. »

24     Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.
25     Ils lui posèrent encore cette question :
         « Pourquoi donc baptises-tu,
         si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »
26     Jean leur répondit :
         « Moi, je baptise dans l’eau.
         Mais au milieu de vous
         se tient celui que vous ne connaissez pas ;
         c’est lui qui vient derrière moi,
         et je ne suis pas digne
         de délier la courroie de sa sandale. »
27     Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain,
         à l’endroit où Jean baptisait.

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DANS L’ATTENTE GÉNÉRALE

Les questions posées à Jean-Baptiste reflètent bien l'état d'esprit qui régnait en Israël au moment de la venue du Christ : visiblement, on attendait le Messie de façon très prochaine ; et dans certains milieux, au moins, cette attente était devenue une impatience, si bien que dans les dernières décennies avant la venue du Christ, on a cru plusieurs fois le reconnaître enfin ; et de toute évidence, Jean-Baptiste jouissait d'une réputation telle qu'on s'est posé la question à son sujet.

Tout le monde attendait, oui, mais tout le monde n’attendait pas la même chose, ou le même personnage : c’est pour cela que les questions se bousculent : « Es-tu le Messie lui-même ? Ou bien Élie ? Ou bien encore le Prophète annoncé ? » Car les promesses de l’Ancien Testament alimentaient l’espérance et l’impatience, mais elles n’étaient pas très claires : certains s’appuyaient en particulier sur les derniers versets du prophète Malachie : « Voici que je vais vous envoyer Élie, le prophète, avant que ne vienne le Jour du SEIGNEUR, jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères (Ml 3, 23-24). Il y avait aussi dans le livre du Deutéronome cette promesse : « Dieu dit à Moïse : Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. » (Dt 18,18). Très certainement, cette promesse était considérée comme l’une des annonces du Messie. Mais s’appliquait-elle à Jean-Baptiste ?

JE SUIS LA VOIX QUI CRIE

À toutes ces questions, « Es-tu le Messie ? Es-tu Élie ? Es-tu le Prophète annoncé ? » Jean-Baptiste répond par la négative : il n’est ni le Messie, ni Élie, ni le Prophète annoncé, au sens de nouveau Moïse, il n’est qu’une simple voix. Quand il parle de sa mission, il ne se réfère ni à Malachie, ni au Deutéronome, mais à Isaïe : « Je suis la voix qui crie dans le désert : Redressez le chemin du SEIGNEUR, comme a dit le prophète Isaïe. » (Is 40, nous l’avons lu pour le deuxième dimanche de l’Avent).

Chez Isaïe, c’était une annonce de la libération prochaine  du peuple exilé à Babylone : le Seigneur allait venir lui-même prendre la tête de son peuple et le ramener sur sa terre ; par la suite, ce texte avait été relu comme une annonce de la venue du Messie ; c’est bien dans ce sens que Jean-Baptiste le cite : le Messie est proche, lui-même (Jean) est seulement la voix qui l’annonce.

Derrière les dénégations de Jean-Baptiste se profile donc l’affirmation essentielle : le Messie est proche, même si vous ne l’avez pas encore reconnu ; « Au milieu de vous se tient Celui que vous ne connaissez pas. » Lui-même semble ne pas le connaître encore ; il le dit explicitement quelques versets plus loin : c’est seulement lorsque Jésus s’est présenté à lui pour lui demander le Baptême que Jean-Baptiste a eu la certitude qu’il était le Messie ; je vous rappelle ce passage (dans le même évangile de Jean) : « Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit-Saint ». (Jn 1,33).

Ce qui veut dire que Jean-Baptiste a connu ce que nous appelons quelquefois la nuit de la foi : il a commencé à annoncer la présence de Jésus au milieu des hommes avant même de l’avoir reconnu. À cela on reconnaît le vrai prophète : premièrement, il poursuit sa mission, même dans la nuit… car ce qui compte avant tout, c’est que les hommes croient : « Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. » (On retrouve là une très grande insistance de saint Jean tout au long de son évangile : « afin que tous croient »).

Deuxièmement, il ne nous attire pas vers lui, il nous tourne vers celui qu’il annonce ; Jean-Baptiste remet bien les choses en place : c’est vers lui que les foules viennent ; mais aussitôt, il les dirige vers le Christ. Il ne se présente pas en porteur de la vérité, mais il tourne les cœurs vers la vérité.

Saint Jean insiste beaucoup sur l’humilité de Jean-Baptiste devant Jésus : « Je ne suis pas digne de défaire la courroie de sa sandale. » Il semble qu’il n’était pas inutile peut-être de mettre les choses au point pour les lecteurs de l’évangile ; car on sait par ailleurs (et on le devine ici) que les disciples de Jean-Baptiste ont parfois pris ombrage du succès croissant de Jésus et que, plus tard, parmi les premiers Chrétiens, certains auraient eu tendance à inverser les rôles. C’est pour cela que Jean insiste : « Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la lumière... (et Jean continue) Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme ».

Un peu plus loin, dans ce même évangile de saint Jean, c’est Jésus lui-même qui dira : « Jean-Baptiste était la lampe qui brûle et qui brille » (Jn 5, 35). Jean-Baptiste est la lampe, il n’est pas la lumière elle-même. Zacharie, son père, ne s’était pas trompé quand il chantait : « Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins » (Lc 1, 76).

 

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, année liturgique B. 3e dimanche de l'Avent (17 décembre 2017)

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