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30 janvier 2022 7 30 /01 /janvier /2022 23:47
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 05 février 2022).

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE 6, 1...8

 

1   L'année de la mort du roi Ozias,
     je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ;
     les pans de son manteau remplissaient le Temple.
2   Des séraphins se tenaient au-dessus de lui.
3   Ils se criaient l'un à l'autre :
     « Saint ! Saint ! Saint, le SEIGNEUR de l'univers !
     Toute la terre est remplie de sa gloire. »
4   Les pivots des portes se mirent à trembler
     à la voix de celui qui criait,
     et le Temple se remplissait de fumée.
5   Je dis alors :
     « Malheur à moi ! Je suis perdu,
     car je suis un homme aux lèvres impures,
     j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures ;
     et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l'univers ! »
6   L'un des séraphins vola vers moi,
     tenant un charbon brûlant
     qu'il avait pris avec des pinces sur l'autel.
7   Il l'approcha de ma bouche et dit :
     « Ceci a touché tes lèvres,
     et maintenant ta faute est enlevée,
     ton péché est pardonné. »
8   J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait :
     « Qui enverrai-je ?
     Qui sera notre messager ? »
     Et j'ai répondu :
     « Me voici :
     envoie-moi ! »
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SAINT ! SAINT ! SAINT, LE SEIGNEUR DE L’UNIVERS !

La semaine dernière, nous lisions le récit de la vocation de Jérémie, aujourd’hui, celle d’Isaïe ; deux très grands prophètes à nos yeux. Et pourtant, l’un comme l’autre avouent leur petitesse : Jérémie se sent incapable de parler, mais puisque Dieu a pris l’initiative de le choisir, c’est Dieu aussi qui l’inspirera et lui donnera la force nécessaire. Isaïe, lui, est saisi par un sentiment d’indignité ; mais là encore, puisque c’est Dieu qui l’a choisi, c’est Dieu aussi qui le purifiera.

Jérémie était prêtre et nous ne savons pas où il a reçu l’appel de Dieu ; curieusement, c’est Isaïe qui n’était pas prêtre, qui situe sa vocation au temple de Jérusalem : » L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ». Quand Isaïe nous dit « je vis », cela veut dire qu’il s’agit non pas d’un récit, mais d’une vision ; ne cherchons donc pas dans son évocation un déroulement logique d’événements. Les livres prophétiques sont émaillés de visions fantastiques : à nous de décoder ce langage extrêmement suggestif, même s’il surprend notre mentalité contemporaine.

Isaïe nous dit qu’en ce qui le concerne, cela s’est passé « l’année de la mort du roi Ozias » : c’est une indication précieuse. Il est rare que nous puissions évoquer des dates avec autant de précision ; cette fois, nous le pouvons car on sait que le roi Ozias a régné à Jérusalem de 781 à 740 av. J.-C. Depuis la mort du roi Salomon (en 933, c’est-à-dire depuis près de deux cents ans), le royaume de David et de Salomon est divisé : il y a deux royaumes, deux rois, deux capitales : au Sud, Ozias est roi de Jérusalem, au Nord, Menahem est roi de Samarie. On sait également que Ozias était lépreux et qu’il est mort de cette maladie à Jérusalem en 740. C’est donc cette année-là qu’Isaïe a reçu sa vocation de prophète : ensuite, il a prêché pendant environ quarante ans (là on est moins précis) et il est resté dans la mémoire collective d’Israël comme un très grand prophète et en particulier le prophète de la sainteté de Dieu.1

 « Saint ! Saint ! Saint, le SEIGNEUR de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire » : vous avez reconnu le Sanctus de nos messes. Il date donc au moins du prophète Isaïe. (Peut-être cette acclamation faisait-elle déjà partie de la liturgie au temple de Jérusalem, mais on n’en a pas la preuve ; on a seulement retrouvé des expressions équivalentes plus anciennes en Égypte).

Dire que Dieu est « Saint », au sens biblique, c’est dire qu’il est Tout Autre que l’homme. Dieu n’est pas à l’image de l’homme ; bien au contraire, la Bible affirme l’inverse : c’est l’homme qui est « à l’image de Dieu » ; ce n’est pas la même chose !

TOUTE LA TERRE EST REMPLIE DE SA GLOIRE 

Cela veut dire que nous devrions rester très modestes et très prudents chaque fois que nous parlons de Dieu ! Parce que Dieu est le Tout Autre, il nous est radicalement, irrémédiablement impossible de l’imaginer tel qu’il est, nos mots humains ne peuvent jamais rendre compte de lui.2

La première partie de la vision d’Isaïe dit bien cette prise de conscience fondamentale ; et ce qu’il nous décrit ressemble étrangement à d’autres évocations des grandes manifestations de Dieu dans la  Bible : Dieu est assis sur un trône très élevé, une fumée se répand et remplit tout l’espace, une voix tonne... elle tonne si fort que les lieux tremblent... Isaïe ne peut pas s’empêcher de penser à ce qui s’était passé pour Moïse sur la montagne du Sinaï, au moment où Dieu avait fait alliance avec son peuple et donné les tables de la Loi ; c’est le livre de l’Exode qui raconte : « La montagne du Sinaï était toute fumante, car le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; la fumée montait, comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait violemment. La sonnerie du cor était de plus en plus puissante. Moïse parlait et la voix de Dieu lui répondait » (Ex 19,18-19).

L’homme Isaïe mesure alors sa petitesse et il ressent comme une sorte de crainte : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l’univers ! »  Cette « crainte », comme découverte de notre petitesse, du fossé infranchissable qui nous sépare de Dieu si Dieu lui-même ne le comble pas, est une première étape indispensable dans notre relation à Dieu. Mais Dieu n’en reste pas là. D’ordinaire, dans la Bible, il y a toujours cette parole de la part de Dieu : « ne crains pas »... Ici, la parole n’est pas dite mais elle est remplacée par un geste très suggestif : un des séraphins, un de ceux qui, justement, proclament la sainteté de Dieu, va accomplir le geste qui purifie l’homme, qui comble le fossé, qui permet à l’homme d’entrer en relation avec Dieu : « L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche... » Manière de dire que c’est Dieu qui prend l’initiative de se faire proche de l’homme ; ce fossé qui nous sépare de Dieu, c’est Dieu lui-même qui le comble.

Quand Isaïe parlera de Dieu, plus tard, il lui arrivera souvent de l’appeler « Le Saint d’Israël » : cette expression dit bien que Dieu est le Saint, le Tout-Autre, mais aussi qu’il s’est fait proche de son peuple, puisque celui-ci peut aller jusqu’à revendiquer une relation d’appartenance (Dieu est « Le Saint d’Israël »).

La merveille, c’est que ce qui est vrai pour le peuple d’Israël l’est désormais pour notre Église et pour chacun d’entre nous.
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Notes

1 – Le livre qui porte le nom d’Isaïe comporte soixante-six chapitres : ce n’est pas l’œuvre d’un seul homme, mais un ensemble de trois recueils.

Les chapitres 1 à 39 sont majoritairement l’œuvre du prophète qui nous relate ici sa vocation (à l’intérieur de ces 39 chapitres, certaines pages sont probablement postérieures) ; les chapitres 40 à 55 sont l’œuvre d’un prophète qui prêchait pendant l’Exil à Babylone (au sixième siècle avant notre ère) ; les chapitres 56 à 66 rapportent la prédication d’un troisième prophète, contemporain de la période du retour de l’Exil.

2 - La sainteté n’est pas une notion morale, ni même un attribut de Dieu, elle est sa nature même ; car l’adjectif  « divin » n'existe pas en hébreu, il est remplacé par le mot « saint » qui signifie Tout-Autre (sous-entendu Tout-Autre que l'homme), celui que nous ne pouvons jamais atteindre par nous-mêmes, celui qui nous dépasse infiniment, à tel point que nous n’avons aucune prise sur lui. Ce que le prophète Osée traduisait : « Moi, je suis Dieu et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint. » (Os 11,9). Pour cette raison, dans la Bible, aucun humain n’est jamais considéré comme saint, tout au plus peut-on être « sanctifié » par Dieu et, de ce fait, refléter son image, ce qui est de tout temps notre vocation ultime.

Et, bien évidemment, nous ne pouvons pas imaginer quelqu’un qui est Tout-Autre que nous-mêmes. D’où la réaction d’effroi du prophète Isaïe : « Je suis un homme aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l’univers ».
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PSAUME  137 (138),1-5.7c-8

 

1   De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce,
     tu as entendu les paroles de ma bouche.
     Je te chante en présence des anges,
2   vers ton temple sacré, je me prosterne.

     Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
     car tu élèves au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
3   Le jour où tu répondis à mon appel,
     tu fis grandir en mon âme la force.

4   Tous les rois de la terre te rendent grâce
     quand ils entendent les paroles de ta bouche.
5   Ils chantent les chemins du SEIGNEUR :
     « Qu'elle est grande, la gloire du SEIGNEUR ! »

7c Ta droite me rend vainqueur.
8   Le SEIGNEUR fait tout pour moi !
     SEIGNEUR, éternel est ton amour :
     n'arrête pas l'œuvre de tes mains.
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DE TOUT MON CŒUR, SEIGNEUR, JE TE RENDS GRÂCE

Il se dégage de ce psaume une impression très particulière, très douce, de joie profonde et de sérénité. Dès le premier verset, tout est dit. Par exemple, l’expression « rendre grâce » est répétée : « De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce » … « Je rends grâce à ton nom ». Le croyant est celui qui vit dans la grâce de Dieu et qui le reconnaît tout simplement, le cœur noyé de reconnaissance.

J’ai dit « le croyant », mais ce croyant n’est pas un individu particulier, c’est le peuple d’Israël, comme toujours dans les psaumes, qui parle ici et qui rend grâce pour l’Alliance que Dieu lui a proposée. Cela s’entend à la répétition du nom « SEIGNEUR » que l’on entend à plusieurs reprises dans ces quelques versets. C’est le fameux NOM de Dieu, ce que nous appelons le « tétragramme » puisqu’il s’agit de quatre consonnes, ce Nom révélé par Dieu à Moïse au Sinaï au moment de l’épisode du buisson ardent (Ex 3). Dieu s’est encore révélé à Moïse au cours de l’Exode dans le Sinaï, sous le nom de « amour et vérité » : nous l’entendons également ici : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». Nous retrouvons cette même expression « amour et vérité » à plusieurs reprises dans d’autres psaumes et dans l’ensemble de la Bible ; c’est la précieuse découverte d’Israël, grâce au souffle de Dieu, bien sûr. On peut la lire au chapitre 34 de l’Exode : « (je suis) le SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34,6). Et ce n’est pas un hasard si cette révélation de la tendresse de Dieu est intervenue après l’épisode du veau d’or, c’est-à-dire une infidélité caractérisée du peuple. Car c’est précisément à l’occasion de ses infidélités répétées que le peuple d’Israël a fait l’expérience de l’inépuisable miséricorde de Dieu.

C’est cette fidélité de Dieu que l’on chante inlassablement au temple de Jérusalem : « Vers ton temple sacré je me prosterne » ... le décor ici est le même que dans le récit de la vocation d’Isaïe que nous avons lu en première lecture… et le psaume continue : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». Dans le récit de la vocation d’Isaïe, l’accent était mis sur la sainteté de Dieu, le fossé qui nous sépare de Dieu, et que nous ne pouvons combler par nos propres forces ni par aucune action, si méritoire soit-elle... C’est Dieu lui-même qui en permanence comble ce fossé et nous invite à entrer dans son intimité. Dans ce psaume, nous découvrons en quoi consiste la sainteté de Dieu : Dieu est Amour et vérité : voilà sa sainteté... et il est vrai qu’en cela un fossé nous sépare de Lui.

À la fin du psaume, nous retrouvons une autre expression de cette prise de conscience de l’amour de Dieu : « éternel est ton amour », vous avez reconnu le refrain du psaume 135 (136) qui est, lui aussi, un rappel de la libération de l’Exode. L’allusion à la « droite » (traduisez la main) de Dieu (dans le verset « Ta droite me rend vainqueur ») est encore un autre rappel de l’Exode : car, selon l’expression consacrée, Dieu nous a libérés « à main forte et à bras étendu » (Dt 4,34).

TOUS LES ROIS DE LA TERRE TE RENDRONT GRÂCE

Cette Alliance du Sinaï a fait d’Israël le bénéficiaire de la Révélation, le confident de Dieu ; et c’est ce qui vient d’être exprimé de plusieurs manières. Mais Israël a découvert également que ce n’est pas le tout d’être le confident de Dieu. Désormais, il doit en être le prophète : c’est-à-dire qu’il a la charge, la responsabilité de proclamer l’amour et la vérité de Dieu à l’ensemble de l’humanité.

C’est le sens du verset : « Tous les rois de la terre te rendent grâce »1. À dire vrai, c’est pour le moins une anticipation ! Tous les rois de la terre ne sont pas encore convertis, ni au temps de David, ni même à la fin de l’Ancien Testament, et pas encore non plus aujourd’hui... loin de là ! Mais cette anticipation, on y tient : elle est un rappel du double aspect de la vocation d’Israël dont je viens de parler. Pour que les rois de la terre s’inclinent devant Dieu, il faudra qu’ils aient entendu la Bonne Nouvelle. Le psaume dit bien : « Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche ». Quand Israël aura rempli sa mission de témoin de Dieu, alors on pourra chanter vraiment : « De tout mon cœur je te rends grâce // tous les rois de la terre te rendent grâce ».

Dernière remarque à propos d’une phrase apparemment toute simple : « Je te chante en présence des anges ». Il est intéressant de noter que, dans la Bible en hébreu, la formule était : « Je te chante devant les dieux ». C’était une sorte de profession de foi, manière d’affirmer qu’Israël ne tombe pas dans l’idolâtrie : Dieu seul est Dieu, les dieux des autres peuples ne sont que néant. Mais s’il est utile de l’affirmer, c’est que le danger n’est pas totalement écarté. Cela sonne donc plutôt comme une résolution.

En revanche, quand la Bible hébraïque a été traduite en grec, les traducteurs, considérant probablement qu’il n’y avait plus de danger d’idolâtrie ont remplacé le mot « dieux » par « anges ». D’où notre verset : « Je te change en présence des anges » (or notre psautier liturgique s’inspire du grec).

Enfin, le psaume se termine par une prière : « N’arrête pas l’œuvre de tes mains », ce qui veut dire « continue malgré nos infidélités répétées » ; il faut lire ensemble les deux phrases « SEIGNEUR, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. » C’est parce que l’amour de Dieu est éternel que nous savons qu’il n’arrêtera pas « l’œuvre de ses mains ».

Et c’est bien pour cela que nous ne cessons de rendre grâce : « Le SEIGNEUR fait tout pour moi », chante le psaume. Nous savons que nous sommes enveloppés en permanence de sa présence et de sa sollicitude. Comme dit saint Paul : « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment » (Rm 8,28), c’est-à-dire « qui lui font confiance ».
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Note

1 – « Tous les rois de la terre te rendent grâce » : cette traduction par un indicatif présent est un choix. La forme du verbe en hébreu (qu’on appelle un inaccompli) pourrait tout aussi valablement être traduite par un futur (« Tous les rois de la terre te rendront grâce ») ou un subjonctif (« Que tous les rois de la terre te rendent grâce »). Cela change évidemment quelque peu le sens.
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LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS 15,1-11

 

1   Frères,
     je vous rappelle la Bonne Nouvelle
     que je vous ai annoncée ;
     cet Évangile, vous l'avez reçu ;
     c’est en lui que vous tenez bon,
2   c’est par lui que vous serez sauvés
     si vous le gardez tel que je vous l'ai annoncé ;
     autrement, c'est pour rien que vous êtes devenus croyants.
3   Avant tout, je vous ai transmis ceci,
     que j'ai moi-même reçu :
     le Christ est mort pour nos péchés
     conformément aux Écritures,
4   et il fut mis au tombeau ;
     il est ressuscité le troisième jour
     conformément aux Écritures,
5   il est apparu à Pierre, puis aux Douze ;
6   ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois
     - la plupart sont encore vivants,
     et quelques-uns sont endormis dans la mort -,
7   ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres.
8   Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis.
9   Car moi, je suis le plus petit des Apôtres,
     je ne suis pas digne d'être appelé Apôtre,
     puisque j'ai persécuté l'Église de Dieu.
10 Mais ce que je suis,
     je le suis par la grâce de Dieu,
     et sa grâce, venant en moi, n'a pas été stérile.
     Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ;
     à vrai dire, ce n'est pas moi,
     c'est la grâce de Dieu avec moi.
11 Bref, qu'il s'agisse de moi ou des autres,
     voilà ce que nous proclamons,
     voilà ce que vous croyez.
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LES DEUX PILIERS DE NOTRE FOI : CHRIST EST MORT – CHRIST EST RESSUSCITÉ

« Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu... » nous dit Paul. Si nous sommes ici, à lire les lettres de saint Paul, c’est parce que depuis deux mille ans, génération après génération, l’Évangile se transmet : notre foi, nous la devons à ceux qui nous ont précédés. On peut comparer cette transmission de l’Évangile à une course de relais : sur le même parcours, régulièrement, les coureurs sont remplacés par de nouvelles équipes, de nouveaux concurrents, auxquels ils transmettent un objet (qu’on appelle le « relais », le « témoin ») ; entendons-nous bien, la foi n’est pas un objet, mais gardons l’idée d’une course ; pour l’Évangile, le relais se transmet depuis deux mille ans sans défaillance.

Paul ne fait pas partie de l’équipe qui a pris le départ la première : en dehors de l’apparition sur le chemin de Damas, il n’a pas connu le Christ, il n’a pas été témoin des événements de la vie de Jésus de Nazareth. Mais il peut citer ses sources : ce sont les Apôtres de la première génération, si l’on peut dire (et pour lui, plus précisément, Ananie, Barnabé et la communauté chrétienne d’Antioche de Syrie) ; grâce à eux, lui, Paul, a reçu le témoin et il le transmet à son tour. Ce qu’il transmet c’est l’Évangile, la Bonne Nouvelle qui tient en deux phrases, mieux en deux mots ! Deux phrases, les voici : « le Christ est mort pour nos péchés, il est ressuscité le troisième jour » ; deux mots : mort / ressuscité ; ce sont les deux piliers de notre foi.

Pour appuyer son propos, Paul affirme que tout cela est conforme aux Écritures (c’est-à-dire, à l’heure où il écrit, à l’Ancien Testament) : « Le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures ». En réalité, on ne trouve nulle part dans les Écritures des affirmations concernant explicitement la mort et la résurrection du Messie : la formule « conformément aux Écritures » ne signifie pas que tout était écrit d’avance ; la formule « selon les Écritures » signifie que tout ce qui est arrivé est conforme au dessein bienveillant de Dieu ; on pourrait remplacer ici le mot « Écritures » par le mot « projet de Dieu » ou « promesse de Dieu » : conformément à la promesse de Dieu, le Christ est mort pour nos péchés, c’est-à-dire nos péchés sont effacés... Conformément à la promesse de Dieu, le Christ est ressuscité, c’est-à-dire la mort est vaincue. L’Ancien Testament résonnait de ces promesses : promesses de pardon des péchés, promesses de salut, promesses de vie.

Par exemple, l’expression « le troisième jour », à elle seule, dans l’Ancien Testament, évoquait une promesse de salut, de libération ; dire « il y aura un troisième jour » revenait à dire « Dieu interviendra ».

LE TROISIÈME JOUR, CONFORMÉMENT AUX ÉCRITURES

Le troisième jour, au mont Moryyah, Dieu avait suggéré à Abraham la solution pour sauver Isaac (Gn 22,4) ; le troisième jour, Joseph, en Égypte, avait rendu la liberté à ses frères  (Gn 42,18) ; le troisième jour, le Seigneur s’était manifesté à son peuple rassemblé au pied du Mont Sinaï (Ex 19,11.16) ; le troisième jour, Jonas enfin converti avait retrouvé la terre ferme et sa mission (Jon 2,1) ; c’est bien ainsi qu’on interprétait la parole d’Osée : « Il nous guérira après deux jours ; au troisième jour nous serons ressuscités et nous vivrons devant lui. » (Os 6,2).

Le troisième jour n’est donc pas une donnée chronologique mais l’expression d’une espérance : celle du triomphe de la vie au bénéfice de tous. Proclamer « Le Christ est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures » est donc bien l’affirmation d’un salut pour tous. Un salut qui est le triomphe de la vie ; un salut actuel pour tous les temps et pour tous les hommes puisque le Christ est vivant pour toujours.

 Cette Bonne Nouvelle, nous dit Paul, il faut absolument y rester attachés : « Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu, c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé. » « Vous serez sauvés », c’est-à-dire vous pourrez participer à ce triomphe de Jésus-Christ sur la mort et le péché : grâce à lui, ou greffés sur lui, vous ferez partie de cette humanité nouvelle désormais animée par l’Esprit Saint.

Ce salut, Paul l’a expérimenté lui-même, lui le persécuteur pardonné, converti et transformé en colonne de l’Église... lui qui n’oubliera jamais qu’il a été un persécuteur des chrétiens : « Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. » Plus qu’aucun autre il est bien placé pour en parler ! Il suffit de croire au pardon pour être pardonné... Voilà la merveille de l’amour de Dieu pour l’humanité, un amour sans conditions, un amour sans cesse offert. C’est cela qu’en théologie, on appelle la « grâce ». Une grâce qu’il nous suffit d’accepter. Paul, comme Isaïe, comme Pierre, a grande conscience de son péché ; mais il laisse la grâce de Dieu agir en lui : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et la grâce, venant en moi, n’a pas été stérile : je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. » D’un persécuteur Dieu a fait un apôtre, le plus ardent qui soit, tout comme, de Jérémie, le jeune homme timide, il avait fait un prophète intrépide, comme d’Isaïe aux lèvres impures, il a fait la « bouche de Dieu », comme de Pierre, le renégat, il a fait le fondement de son Église.

Un salut qu’il suffit d’accepter : c’est vraiment une Bonne Nouvelle ! Il ne reste plus qu’à la crier sur les toits !
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ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT LUC  5, 1-11

 

           En ce temps-là,
1         la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu,
           tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth.
2        Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ;
           les pêcheurs en étaient descendus
           et lavaient leurs filets.
3         Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon,
           et lui demanda de s'écarter un peu du rivage.
           Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait les foules.
4         Quand il eut fini de parler,
           il dit à Simon :
           « Avance au large,
           et jetez vos filets pour la pêche. »
5         Simon lui répondit :
           « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ;
           mais, sur ta parole,
           je vais jeter les filets. »
6         Et l’ayant fait,
           ils capturèrent une telle quantité de poissons
           que leurs filets allaient se déchirer.
7         Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque
           de venir les aider.
           Ceux-ci vinrent,
           et ils remplirent les deux barques,
           à tel point qu'elles enfonçaient.
8         À cette vue,
           Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant :
           « Éloigne-toi de moi, Seigneur,
           car je suis un homme pécheur. »
9         En effet, un grand effroi l'avait saisi,
           lui et tous ceux qui étaient avec lui,
           devant la quantité de poissons qu'ils avaient pêchés ;
10       et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon.
           Jésus dit à Simon :
           « Sois sans crainte,
           désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
11       Alors ils ramenèrent les barques au rivage
           et, laissant tout, ils le suivirent.
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AVANCE AU LARGE, ET JETEZ VOS FILETS

On n'a pas beaucoup l'habitude de comparer l'Apôtre Pierre au prophète Isaïe, et pourtant le rapprochement des textes de la liturgie de ce cinquième dimanche nous y invite, en nous faisant lire les récits de leurs vocations. Le décor n'est pas le même : pour Isaïe, cela se passait au cours d'une vision qui se déroulait dans le temple de Jérusalem ; Pierre, lui, est sur le lac de Tibériade (appelé aussi lac de Génésareth). L'un et l'autre sont subitement mis en présence de Dieu lui-même : Isaïe au cours de sa vision, Pierre parce qu’il assiste à un miracle. Les précisions apportées par Luc ne laissent aucun doute là-dessus : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre », c’est le constat de l’homme de métier. Puis, le succès inespéré de l’entreprise pourtant vouée à l’échec à vues humaines : si la pêche ne donne rien la nuit, elle a encore moins de chances d’être fructueuse le jour, tous les pêcheurs le disent ; mais sur la simple parole de Jésus, le miracle se produit : « Ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. »

 Et tous les deux, Pierre et Isaïe, ont la même réaction devant cette irruption de Dieu dans leur vie ; tous les deux ont une même conscience de la sainteté de Dieu et de l’abîme qui nous sépare de lui. Et leurs expressions à tous les deux se ressemblent beaucoup : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur », dit Pierre ; et Isaïe disait « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR de l’univers ! »

Mais, apparemment, ce n’est pas notre péché, notre indignité qui arrête Dieu ! Il lui suffit que nous en prenions conscience, que nous soyons en vérité devant lui. Car le jour où nous prenons conscience de notre pauvreté, Dieu peut nous combler. Tous les deux, Pierre et Isaïe, sont donc en proie à une espèce de crainte devant la manifestation évidente de Dieu. Alors, toujours dans sa vision, Isaïe voit s’accomplir le geste qui le purifie et le rassure ; Pierre, lui, entend la parole de réconfort de Jésus : « Sois sans crainte ». Enfin, tous les deux reçoivent une vocation, au service du même projet de Dieu, bien sûr, qui est le salut des hommes. Isaïe sera un messager, un prophète. Pierre sera un pêcheur d’hommes, un « sauveteur ».

« Ce sont des hommes que tu prendras » : en grec, le sens du mot employé ici est « prendre vivant » ; quand il s’agit de poissons, c’est le mot qu’on emploie pour la pêche au filet : capturer des poissons, les arracher à la mer, c’est les tuer parce que la mer est leur milieu naturel... Mais quand il s’agit des hommes que l’on arrache à la mer, il signifie sauver : prendre vivants des hommes, les arracher à la mer, c’est les empêcher de se noyer, c’est les sauver.

SUR TA PAROLE, NOUS JETTERONS LES FILETS

Sur cette phrase de Jésus, « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras », Pierre ne répond pas ; la simplicité du texte est impressionnante : « Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. »  Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « suivre » : les disciples ne se contenteront pas de suivre le maître pour l’écouter ; ils seront associés à sa tâche, ils deviendront ses collaborateurs. Même si l’entreprise paraît vouée à l’échec à vues humaines, il faudra continuer à lancer les filets. Nous sommes placés là devant le mystère extraordinaire de notre collaboration à l’œuvre de Dieu : nous ne pouvons rien faire sans Dieu, mais Dieu ne veut rien faire sans nous. Comme disait Paul dans la deuxième lecture, c’est la grâce de Dieu qui fait tout : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile : je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »

La seule collaboration qui nous est demandée, si on y réfléchit, c’est la confiance et la disponibilité. Tout a commencé parce que Pierre a fait confiance : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » À ce maître qu’il vient d’entendre parler à la foule longuement, il fait confiance, assez pour l’écouter, assez pour se risquer à une nouvelle tentative de pêche ; après le miracle, il ne dit plus « Maître », il dit « Seigneur », le nom réservé à Dieu ; et c’est aux pieds du Seigneur qu’il se prosterne ; et alors il est prêt à entendre l’appel : pour se risquer à cette nouvelle sorte de pêche que lui propose Jésus, il faut le reconnaître comme le Seigneur.

Grâce à la générosité d’Isaïe qui a accepté de devenir messager, grâce à la générosité de Pierre et de ses compagnons qui ont tout laissé pour suivre Jésus, grâce à la générosité de Paul qui, après le chemin de Damas, a consacré le reste de sa vie à témoigner du Christ ressuscité, à notre tour, nous sommes là ; la parole du Christ résonne encore à nos oreilles : « Avance au large, et jetez les filets »... À notre tour de répondre : « Sur ta parole, nous jetterons les filets ».

Moralité : faisons confiance et acceptons de jeter nos filets. Pour que la pêche soit miraculeuse, il suffit de croire en Lui.

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