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28 décembre 2022 3 28 /12 /décembre /2022 21:30
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DES NOMBRES  6, 22-27

22 Le SEIGNEUR parla à Moïse. Il dit :
23 « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras :
     Voici en quels termes vous bénirez les fils d’Israël :
24 “Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde !
25 Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage,
     qu’il te prenne en grâce !
26 Que le SEIGNEUR tourne vers toi son visage,
     qu’il t’apporte la paix !”
27 Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël,
     et moi, je les bénirai. »
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QUE LE SEIGNEUR FASSE BRILLER SUR TOI SON VISAGE

Voici donc comment les prêtres d'Israël, depuis Aaron et ses fils, bénissaient le peuple au cours des cérémonies liturgiques au Temple de Jérusalem... Formule qui fait partie du patrimoine chrétien désormais : puisque cette phrase du livre des Nombres  figure parmi les bénédictions solennelles proposées pour la fin de la Messe. Vous avez remarqué la phrase : « Ils invoqueront mon nom sur les fils d’Israël » ; c’est une façon de parler, puisque, précisément, là-bas, on ne dit jamais le nom de Dieu, pour marquer le respect qu’on lui porte.

On sait à quel point, dans ce monde-là, le nom représente la personne elle-même. Prononcer le nom est un acte juridique marquant une prise de possession, mais aussi un engagement de protection. Quand un guerrier conquiert une ville, par exemple, on dit qu’il prononce son nom sur elle ; et le jour du mariage, le nom du mari est prononcé sur sa femme ; là encore, cela implique appartenance et promesse de vigilance (à noter que la femme ne porte pas le nom de son mari pour autant).

Quand Dieu révèle son nom à son peuple, il se rend accessible à sa prière. Réciproquement, l’invocation du nom de Dieu constitue normalement un gage de bénédiction. Par voie de conséquence, les atteintes portées au peuple de Dieu constituent un blasphème contre son nom, une insulte personnelle. Du coup, nous comprenons mieux la phrase de Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). Sur toutes les personnes que nous rencontrerons cette année, nous pourrons nous dire que Dieu a posé son nom ! Voilà qui nous incitera à les regarder d’un œil neuf !

Revenons sur la bénédiction du Livre des Nombres. Je vous propose quatre remarques :

Première remarque : la formule des prêtres est au singulier : « Que le SEIGNEUR te bénisse » et non pas : « Que le SEIGNEUR vous bénisse » ; mais, en réalité, il s’agit bien d’Israël tout entier : c’est un singulier collectif. Et, plus tard, le peuple d’Israël a bien compris que cette protection de Dieu ne lui est pas réservée, qu’elle est offerte à l’humanité tout entière.

Deuxième remarque : « Que le SEIGNEUR te bénisse » (v. 24) est au subjonctif ; curieuse expression quand on y réfléchit : est-ce que le Seigneur pourrait ne pas nous bénir ? « Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage... Que le SEIGNEUR tourne vers toi son visage... » De la même manière : « Ils invoqueront ainsi mon Nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. » (v. 27). On a envie de demander : sinon il ne les bénirait pas ? Lui qui « fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants », c’est-à-dire sur tous les hommes, Lui qui nous dit d’aimer même nos ennemis... ? Bien sûr, nous connaissons la réponse : nous savons bien que Dieu nous bénit sans cesse, que Dieu nous accompagne, qu’il est avec nous en toutes circonstances.

Et pourtant ce subjonctif, comme tous les subjonctifs, exprime un souhait : mais c’est de nous qu’il s’agit : Dieu nous bénit sans cesse, mais nous sommes libres de ne pas accueillir sa bénédiction... comme le soleil brille en permanence même quand nous recherchons l’ombre... nous sommes libres de rechercher l’ombre... de la même manière, nous sommes libres d’échapper à cette action bienfaisante de Dieu... Celui ou celle qui se met à l’abri du soleil, perd toute chance de bronzer... ce ne sera pas la faute du soleil !

Alors, la formule « que Dieu vous bénisse » est le souhait que nous nous mettions sous la bénédiction de Dieu... On pourrait dire : Dieu nous propose sa bénédiction (sous-entendu : libre à nous de nous laisser faire ou pas). Ce subjonctif, justement, est là pour manifester notre liberté.

Troisième remarque, en forme de question : En quoi consiste la « bénédiction » de Dieu ? Que se passe-t-il pour nous ? Bénir est un mot latin : « bene dicere », « dire du bien »... Dieu dit du bien de nous. Ne nous étonnons pas que Dieu « dise du bien » de nous ! Puisqu’il nous aime... Il pense du bien de nous, il dit du bien de nous... Il ne voit en nous que ce qui est bien. Or la Parole de Dieu est acte : « Il dit et cela fut » (Gn 1). Donc quand Dieu dit du bien de nous, sa Parole agit en nous, elle nous transforme, elle nous fait du bien. Quand nous demandons la bénédiction de Dieu, nous nous offrons à son action transformante.

Quatrième remarque : ce n’est pas pour autant un coup de baguette magique ! Être « béni », c’est être dans la grâce de Dieu, vivre en harmonie avec Dieu, vivre dans l’Alliance. Cela ne nous épargnera pas pour autant les difficultés, les épreuves comme tout le monde ! Mais celui qui vit dans la bénédiction de Dieu, traversera les épreuves en « tenant la main de Dieu ». « Béni seras-tu, plus que tous les peuples » promettait Moïse au peuple d’Israël (Dt 7,14). Le peuple d’Israël est béni, cela ne l’a pas empêché de traverser des périodes terribles, mais au sein de ses épreuves le croyant sait que Dieu l’accompagne.

En cette fête de Marie, mère de Dieu, tout ceci prend un sens particulier. Lorsque l’ange Gabriel envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance de Jésus l’a saluée, il lui a dit « Je te salue, comblée de grâce » (Lc 1,28) ;  elle est par excellence celle sur qui le nom de Dieu a été prononcé, celle qui reste sous cette très douce protection : « Tu es bénie entre toutes les femmes… », lui dira Élisabeth (Lc 1,42).
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Complément

Cinquième remarque : Malheureusement, le texte français ne nous délivre pas toute la richesse de la formule originelle en hébreu ; cela pour deux raisons. Tout d’abord, le nom de Dieu, YHVH transcrit ici par « le SEIGNEUR », est celui que Dieu a révélé lui-même à Moïse. À lui tout seul, il est une promesse de présence protectrice, celle-là même qui a accompagné les fils d’Israël depuis leur sortie d’Égypte.

Ensuite, la traduction des verbes hébreux par un subjonctif en français est un indéniable appauvrissement. Car le système verbal en hébreu est très différent du français : pour être complet, il faudrait traduire « Le SEIGNEUR te bénit et te garde depuis toujours, il te bénit et te garde en ce moment, et il te bénira et te gardera à jamais. » Telle est bien notre foi !
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PSAUME 66 (67)

2   Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse,
     que son visage s'illumine pour nous ;
3   et ton chemin sera connu sur la terre,
     ton salut, parmi toutes les nations.   

5   Que les nations chantent leur joie,
     car tu gouvernes le monde avec justice ;
     sur la terre, tu conduis les nations.

7   La terre a donné son fruit ;
     Dieu, notre Dieu nous bénit.
8   Que la terre tout entière l'adore !
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« DIEU, NOTRE DIEU NOUS BÉNIT »

On ne pouvait pas trouver de plus belle réponse que ce psaume 66 en écho à la première lecture qui nous offrait la superbe formule de bénédiction rapportée par le livre des Nombres : « Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde ! Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage, Qu’il te prenne en grâce ! Que le SEIGNEUR tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » Notre psaume est bien dans la même tonalité.

Je vous propose cinq remarques :

Première remarque : sur le sens même du mot « bénédiction » pour commencer. On trouve chez le prophète Zacharie cette phrase : « En ces jours-là, dix hommes de toute langue et de toute nation saisiront un Juif par son vêtement et lui diront : ‘Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous.’ » (Za 8,23). Voilà une très belle définition de la « bénédiction » : dire que Dieu nous bénit, c’est dire que Dieu nous accompagne, que Dieu est avec nous. C’était, d’ailleurs, le Nom même de Dieu révélé au Sinaï : YHVH, ce Nom imprononçable1 que l’on traduit par « SEIGNEUR ». On ne sait pas le traduire mais nos frères juifs le comprennent comme une promesse de présence permanente de Dieu auprès de son peuple.

Deuxième remarque : Cette fois, c’est le peuple qui appelle sur lui, qui demande la bénédiction de Dieu : « Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse » ; à propos de la formule des prêtres (la bénédiction du livre des Nombres), j’avais insisté sur le fait que nous sommes assurés en permanence de la bénédiction de Dieu, mais que nous sommes libres de ne pas l’accueillir ; quand le prêtre dit « Que le Seigneur vous bénisse », il n’exprime pas le souhait que Dieu veuille bien nous bénir... comme si Dieu pouvait tout d’un coup cesser de nous bénir ! Le prêtre exprime le souhait que nous ouvrions notre cœur à cette bénédiction de Dieu qui peut, si nous le désirons, agir en nous et nous transformer. La fin de ce psaume le dit très bien : « Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse...Dieu, notre Dieu, nous bénit. » Ces deux phrases ne sont pas contradictoires : Dieu nous bénit sans cesse, c’est une certitude (« Dieu, notre Dieu, nous bénit » v.7) ; pour nous ouvrir à son action, il suffit que nous le désirions (« Que Dieu nous bénisse » v.2).

Troisième remarque : Cette certitude d’être exaucé avant même de formuler une demande est caractéristique de toute prière en Israël. Le croyant sait qu’il baigne en permanence dans la bénédiction, la présence bienfaisante de Dieu. « Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours » disait Jésus (Jn 11,42).

« QUE LES NATIONS CHANTENT LEUR JOIE »

Quatrième remarque : Le peuple d’Israël  ne  demande pas cette bénédiction pour lui seul. Car  cette bénédiction prononcée sur Israël  rayonnera, rejaillira sur les autres : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre », avait dit Dieu à Abraham (Gn 12,3).  Dans ce psaume, on retrouve, comme toujours, les deux thèmes entrelacés : d’une part ce qu’on appelle l’élection d’Israël, de l’autre l’universalisme du projet de Dieu ; l’œuvre du salut de l’humanité s’accomplit à travers l’élection d’Israël.

L’élection d’Israël est bien présente dans l’expression « Dieu, notre Dieu », qui à elle seule est un rappel de l’Alliance que Dieu a conclue avec le peuple qu’il a choisi. L’universalisme du projet de Dieu est aussi très clairement affirmé : « Ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations », ou encore « Que les nations chantent leur joie ». Et d’ailleurs, ce psaume comporte un refrain répété deux fois qui appelle le jour où tous les peuples, enfin, accueilleront la bénédiction de Dieu : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce, tous ensemble ! »

Israël sait qu’il est choisi pour être le peuple témoin : la lumière qui brille sur lui est le reflet de Celui qu’il doit faire connaître au monde. À vrai dire, cette compréhension de l’élection d’Israël comme une vocation n’a pas été immédiate pour les hommes de la Bible. Et c’est bien compréhensible : au tout début de l’histoire biblique, chaque peuple s’imaginait que les divinités régnaient sur des territoires : il y avait les divinités de Babylone et les divinités de l’Égypte et celles de tous les autres pays. C’est seulement au sixième siècle, probablement, que le peuple d’Israël a compris que son Dieu avec lequel avait été conclue l’Alliance du Sinaï, était le Dieu de tout l’univers ; l’élection d’Israël n’était pas abolie pour autant, mais elle prenait un sens nouveau. Le texte de Zacharie, que nous lisions tout à l’heure, est écrit dans cette nouvelle perspective. « En ces jours-là, dix hommes de toute langue et de toute nation saisiront un Juif par son vêtement et lui diront : ‘Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous.’ » (Za 8,23).

À notre tour, nous sommes un peuple témoin : chaque fois que nous recevons la bénédiction de Dieu, c’est pour devenir dans le monde les reflets de sa lumière. Voilà un magnifique souhait que nous pouvons formuler les uns pour les autres en ce début d’année : être des vecteurs de la lumière de Dieu pour tous ceux qu’elle n’éblouit pas encore.         

Cinquième remarque : « La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. » Parce que la Parole de Dieu est acte, elle produit du fruit. Dieu avait promis une terre fertile où couleraient le lait et le miel. Et Dieu a tenu promesse. À plus forte raison, les chrétiens relisent ce psaume en pensant à la naissance du Sauveur : quand les temps furent accomplis, la terre a porté son fruit.
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Note

Par respect pour le Nom de Dieu (YHVH, ce que l’on appelle le Tétragramme), et en fidélité à la récente directive romaine (24 octobre 2008), chaque fois que je le rencontre dans un texte de l’Ancien Testament, je le transcris systématiquement en français par le mot « SEIGNEUR » en majuscules.
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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX GALATES  4, 4-7

     Frères,
4   lorsqu’est venue la plénitude des temps,
     Dieu a envoyé son Fils,
     né d’une femme
     et soumis à la loi de Moïse,
5   afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi
     et pour que nous soyons adoptés comme fils.
6   Et voici la preuve que vous êtes des fils :
     Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs,
     et cet Esprit crie
     « Abba ! », c’est-à-dire : Père !
7   Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils,
     et puisque tu es fils, tu es aussi héritier :
     c’est l’œuvre de Dieu.
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LORSQU’EST VENUE LA PLÉNITUDE DES TEMPS...

 « Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils » : nous retrouvons ici un thème très cher à Paul : le thème de l’accomplissement du projet de Dieu. Pour les croyants juifs, puis chrétiens, c’est un élément très important de notre foi : l’histoire n’est pas un perpétuel recommencement, elle est une marche progressive de l’humanité vers son accomplissement, vers la réalisation du « dessein bienveillant de Dieu ». C’est un thème très important dans les lettres de saint Paul ; et il est, je crois, une bonne clé de lecture pour aborder les lettres de Paul, mais pas lui seulement : en fait, c’est une clé de lecture pour toute la Bible, dès l’Ancien Testament.

Je m’arrête un peu sur ce point : les auteurs du Nouveau Testament prennent bien soin de préciser à plusieurs reprises que la vie, la passion, la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth accomplissent les Écritures. Paul, par exemple, affirme à ses juges : « Je n’ai rien dit en dehors de ce que Moïse et les prophètes avaient prédit. » (Ac 26,22). Et Matthieu en particulier aime dire « Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète... ». Une question nous vient immédiatement à l’esprit : tout était-il donc écrit d’avance ? En fait, c’est sur le mot « pour » qu’il faut bien s’entendre car il peut avoir deux sens : ou bien un sens de finalité, ou bien seulement un sens de conséquence. Si l’on optait pour le sens de finalité, alors, les événements se seraient produits selon un plan bien défini, prédéterminé. Si on opte pour le sens de conséquence (et c’est, je crois, ce qu’il faut faire), les événements se sont produits de telle ou telle manière et, après coup, nous comprenons comment, à travers ces événements, Dieu a accompli son projet.

Celui-ci n’est donc pas un programme, comme si le rôle de tout un chacun était déjà déterminé par avance. Dieu prend le risque de notre liberté ; et, au long des siècles, les hommes ont bien souvent contrecarré le beau projet. Alors on a pu entendre les prophètes se lamenter ; mais ils n’ont jamais perdu l’espérance ; bien au contraire, ils ont promis à maintes reprises que Dieu ne se lassait pas. Isaïe, par exemple, annonçait de la part de Dieu : « Je dis : Mon projet tiendra ; tout mon désir, je l’accomplirai. » (Is 46,10). Et Jérémie n’était pas en reste : « Moi, je connais les pensées que je forme à votre sujet - oracle du SEIGNEUR -, pensées de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance. » (Jr 29,11). Ce que les auteurs du Nouveau Testament contemplent inlassablement, c’est l’accomplissement par Jésus des promesses de Dieu.

...DIEU A ENVOYÉ SON FILS

« Dieu a envoyé son Fils : né d’une femme, et soumis à la Loi de Moïse » : en quelques mots Paul nous dit tout le mystère de la personne de Jésus : Fils de Dieu, homme comme tous les autres, Juif comme tous les Juifs. L’expression « né d’une femme », pour commencer, est courante dans la Bible ; elle veut dire tout simplement  « un  homme comme les autres » ;  il arrive par exemple que, pour ne pas répéter dans une même phrase le mot «  homme », on le remplace par « l’enfant de la femme » (Si 10,18 ; Jb 15,14 ; Jb 25,4). Jésus lui-même l’a employée en parlant de Jean-Baptiste : « Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste. » (Mt 11,11).1 Quant à l’expression « soumis à la Loi de Moïse », elle signifie qu’il a accepté la condition des hommes de son peuple.

Paul continue « Afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils ». Nous avons déjà rencontré de nombreuses fois le mot « racheter » : nous savons qu’il signifie « libérer », « affranchir ». Dans l’Ancien Testament, le « racheteur » était précisément celui qui affranchissait l’esclave. Ce n’est donc pas la même chose d’être soumis à la Loi et d’être fils... Il y a un passage à faire : le sujet de la Loi, c’est celui qui se soumet à des ordres ; il se conduit en esclave. Le fils, c’est celui qui vit dans l’amour et la confiance : il peut « obéir » à son père ; c’est-à-dire mettre son oreille sous la parole du père parce qu’il fait confiance à son père, il sait que la parole du père n’est dictée que par l’amour. Ce qui veut dire que nous passons de la domination de la Loi à l’obéissance des fils.

L’ESPRIT DE SON FILS EST DANS NOS CŒURS

Ce passage à une attitude filiale, confiante, nous pouvons le faire parce que « Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie ‘Abba’ ! » ce qui veut dire « Père ». Le seul cri qui nous sauve, en toutes circonstances, c’est ce mot « Abba », Père, qui est le cri du petit enfant. Être sûr, quoi qu’il arrive, que Dieu est un Père pour nous, qu’il n’est que bienveillant à notre égard, c’est l’attitude filiale que le Christ est venu vivre parmi nous, en notre nom. Paul continue : « Tu n’es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier ». Il faut prendre le mot au sens fort ; « héritier », cela veut dire que ce qui est à Lui nous est promis ; seulement, il faut oser le croire... et c’est là notre problème.

Quand Jésus nous traite « d’hommes de peu de foi », peut-être est-ce cela qu’il veut dire : nous n’osons pas croire que l’Esprit de Dieu est en nous, nous n’osons pas croire que sa force est en nous, nous n’osons pas croire que tout ce qui est à lui est à nous ; c’est-à-dire que sa capacité d’amour est en nous.

Sans oublier que nous n’y avons aucun mérite ! Si nous sommes héritiers, c’est par la grâce de Dieu : alors nous commençons à comprendre pourquoi on peut dire que « tout est grâce ».
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Note

Paul pensait peut-être à ce que le livre de la Sagesse fait dire à Salomon : « Moi aussi, je suis un mortel, pareil à tous, descendant du premier homme façonné à partir de la terre ; au ventre d’une mère, j’ai été sculpté dans la chair. » (Sg 7,1).
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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC  2,16-21

     En ce temps-là,
16 les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem,
     et ils découvrirent Marie et Joseph,
     avec le nouveau-né
     couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu,
     ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé
     au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient
     de ce que leur racontaient les bergers.
19 Marie, cependant, retenait tous ces événements
     et les méditait dans son cœur.
20 Les bergers repartirent ;
     ils glorifiaient et louaient Dieu
     pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu,
     selon ce qui leur avait été annoncé.
21 Quand fut arrivé le huitième jour,
     celui de la circoncision,
     l’enfant reçut le nom de Jésus,
     le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
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CE QUE TU AS CACHÉ AUX SAGES ET AUX SAVANTS, TU L’AS RÉVÉLÉ AUX TOUT-PETITS

Ce récit apparemment anecdotique est en réalité profondément « théologique ». Ce qui veut dire que tous les détails comptent. Je vous propose de les relire un à un dans l’ordre du texte.

Les bergers, tout d’abord : c’étaient des gens peu recommandables, des marginaux, car leur métier les empêchait de fréquenter les synagogues et de respecter le sabbat. Or ce sont eux qui sont les premiers prévenus de l’événement qui vient de bouleverser l’histoire de l’humanité ! Et ils deviennent de ce fait les premiers apôtres, les premiers témoins : ils racontent, on les écoute, ils étonnent ! Ils racontent cette annonce étrange dont ils ont bénéficié en pleine nuit ; voici le récit de Luc pour cette fameuse nuit : « Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L'Ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte. Alors l'ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd'hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Et soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'Il aime. » (sous-entendu parce que Dieu les aime ; Lc 2,8-14). Ils racontent tout cela, avec leurs mots à eux ; et on ne peut s’empêcher de penser à une fameuse phrase de Jésus, une trentaine d’années plus tard : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Lc 10,21 ; Mt 11,25). Cela a commencé dès le début de sa vie.

Tout ceci se passe dans le petit village de Bethléem : tout le monde le savait à l’époque, c’est la ville qui devait voir naître le Messie, dans la descendance de David. Bethléem, c’est aussi la ville dont le nom signifie littéralement « la maison du pain » et le nouveau-né est couché dans une mangeoire : belle image pour celui qui vient se donner en nourriture pour l’humanité.

MARIE, CEPENDANT, RETENAIT TOUS CES ÉVÈNEMENTS ET LES MÉDITAIT DANS SON CŒUR

« Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » (Lc 2,19). À l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son cœur ; Luc veut-il faire ici un rapprochement avec la vision du fils de l’homme chez le prophète Daniel ? Après cette vision, Daniel avoue : « Je gardai dans mon cœur ces événements. » (Dn 7,28). Ce serait pour Luc une manière de profiler déjà devant nous le destin grandiose de ce nourrisson. On sait, premièrement, que le livre de Daniel était bien connu au temps de Jésus, et, deuxièmement, qu’il annonçait un Messie-Roi triomphant de tous les ennemis d’Israël.

Le nom de l’enfant, déjà, révèle son mystère : « Jésus » signifie « Dieu sauve » et si (à l’inverse de Matthieu) Luc ne précise pas cette étymologie, il a, quelques versets plus haut, rapporté la phrase de l’ange « Il vous est né un Sauveur » (Lc 2,11).

En même temps, il vit à fond la solidarité avec son peuple : comme tout enfant juif, il est circoncis le huitième jour ; il a été « soumis à la Loi de Moïse afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi », dit Paul dans la lettre aux Galates (Ga 4,4 : notre deuxième lecture). Les trois autres évangiles ne parlent pas de la circoncision de Jésus, tellement la chose allait de soi. « Cela deviendra le signe de l’Alliance entre moi et vous... Inscrite dans votre chair, mon alliance deviendra une alliance éternelle », avait dit Dieu à Abraham (Gn 17,11.13). Et le Livre du Lévitique en avait tiré une loi selon laquelle tout garçon devait être circoncis le huitième jour. Joseph et Marie n’ont fait que s’y conformer : pour tout Juif de l’époque, obéir à la Loi de Moïse était le meilleur moyen, pensait-on, de faire la volonté de Dieu. Le plus surprenant pour nous n’est donc pas le fait même de la circoncision de Jésus, mais l’insistance de l’évangéliste : visiblement, saint Luc a souhaité marquer la volonté du jeune couple de se conformer en tous points à la Loi de Moïse.

Il y revient quelques lignes plus tard, pour raconter la présentation de l’enfant au Temple : « Quand fut accompli le temps prescrit par la Loi de Moïse pour la purification,  les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi... Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la Loi du Seigneur. » (Lc 2,22-24). Plus que la bonne volonté d’un couple fervent, sans doute Luc veut-il nous faire entrevoir l’entière solidarité de Jésus avec son peuple ; le dernier soir, Jésus lui-même l’a revendiquée : « Il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les impies. » (Lc 22,37).

Enfin, dernière remarque, on ne peut s’empêcher de noter (et cela est valable pour les quatre lectures de cette fête) la discrétion du personnage de Marie, alors même que cette liturgie lui est dédiée sous le vocable de « Marie, Mère de Dieu ». Luc dit seulement : « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » À l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son cœur ; peut-être ce silence même de Marie est-il un message pour nous : la gloire de Marie, c’est justement d’avoir tout simplement accepté d’être la mère de Dieu, d’avoir su se mettre tout entière, humblement, au service de l’accomplissement du projet de salut de Dieu ; elle n’est pas le centre du projet ; le centre du projet, c’est Jésus, celui dont le nom signifie « Dieu sauve ».

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 01 01 2023, Sainte Marie, mère de Dieu A

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