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6 novembre 2023 1 06 /11 /novembre /2023 23:48
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

LECTURE DU LIVRE DE LA SAGESSE 6, 12-16

12 La Sagesse est resplendissante, elle ne se flétrit pas.
     Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l'aiment,
     elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.
13 Elle devance leurs désirs
     en se faisant connaître la première.
14 Celui qui la cherche dès l'aurore ne se fatiguera pas :
     il la trouvera assise à sa porte.
15 Penser à elle est la perfection du discernement,
     et celui qui veille à cause d’elle
     sera bientôt délivré du souci.
16 Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d'elle ;
     au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ;
     dans chacune de leurs pensées,
     elle vient à leur rencontre.
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OR DONC, ROIS, LAISSEZ-VOUS INSTRUIRE

Avant de lire ce texte, il faut « s’habiller le cœur », comme disait Antoine de Saint-Exupéry dans « Le petit prince ». Car, malgré son titre sérieux (livre de la sagesse) il s’agit ici d’un poème. Lisons-le donc.

Si, avec Aragon, les amoureux chantent « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre ? » les croyants le chantent encore plus ; car la foi est bien l’histoire d’une rencontre. Dans ce texte du livre de la Sagesse, comme dans toute la Bible, il s’agit de la foi d’Israël, de l’Alliance entre Dieu et son peuple. N’oublions pas que l’auteur du livre de la Sagesse est un croyant ! Je dis « l’auteur » à défaut de pouvoir être plus précise ! On ne sait pas qui il est : une seule chose est sûre : ce livre intitulé « Livre de la sagesse de Salomon » n’est très certainement pas du grand roi Salomon, le fils de David, qui a régné vers 950 av. J.-C. Ce Livre a été écrit en grec (et non en hébreu) par un Juif anonyme, à Alexandrie en Égypte, environ cinquante ans seulement, peut-être moins, avant la naissance de Jésus-Christ. Le passage que la liturgie nous offre ici fait partie de tout un ensemble de recommandations aux rois ; évidemment, l’attribution du livre au roi dont la Sagesse était proverbiale donnait toute latitude à l’auteur pour donner des conseils. 

Le chapitre 6 commence par : « Écoutez donc, ô rois, et comprenez ; instruisez-vous, juges de toute la terre. Soyez attentifs, vous qui dominez les foules, qui vous vantez de la multitude de vos peuples… C’est donc pour vous, souverains, que je parle, afin que vous appreniez la sagesse et que vous évitiez la chute. » (Sg 6,1-2.9). Son discours tient en trois points :

Premièrement, la Sagesse est la chose la plus précieuse du monde : et là, ce livre au titre trop sérieux recèle des envolées littéraires auxquelles on ne s’attendait pas : « La Sagesse est resplendissante, elle ne se flétrit pas ». Ou encore : « Elle est la respiration de la puissance de Dieu, l’émanation toute pure de la gloire du Souverain de l’univers… Elle est le rayonnement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, l’image de sa bonté. » (Sg 7,25-26). Elle est tellement précieuse qu’on la compare à la plus désirable des femmes : « Elle est plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations ; si on la compare à la lumière du jour, on la trouve bien supérieure, car le jour s’efface devant la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne peut rien. » (Sg 7,29-30). Et le roi Salomon confie : « C’est elle que j’ai aimée et recherchée depuis ma jeunesse, j’ai cherché à la prendre pour épouse, je suis devenu l’amant de sa beauté. » (Sg 8,2).

Deuxièmement, la Sagesse est à notre portée, ou, plus exactement, elle se met à notre portée : « Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment... elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. » Au passage, il faut admirer ce style très balancé que nous trouvons si souvent dans la Bible, en particulier chez les prophètes et dans les psaumes. Mais surtout, il y a dans ces deux phrases parallèles une affirmation fondamentale : c’est qu’il n’y a pas de conditions pour rencontrer Dieu ; pas de conditions d’intelligence, de mérite ou de valeur personnelle... Jésus le redira sous une autre forme : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. » (Mt 7,7-9).

QUI DEMANDE REÇOIT

Et l’auteur attribue au roi Salomon  cette confidence : « J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. » (Sg 7,7). Il nous suffit de la désirer : la seule condition, évidemment, la chercher, la désirer ardemment : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube » dit le psaume 62/63.  « Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte » ; toujours cette affirmation qu’elle est tout près de nous, et qu’il nous suffit de la chercher... manière aussi de dire que nous sommes libres ; Dieu ne nous force jamais la main.

Troisièmement, non seulement, elle répond à notre attente, mais elle-même nous recherche, elle nous devance ! Et là, il faut quand même de l’audace... Pourtant, l’auteur le dit en toutes lettres : « Elle devance leurs désirs en se faisant connaître la première »... « Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle. » Dieu prend l’initiative de se révéler à l’homme ; car, on l’a deviné, la Sagesse n’est autre que Dieu lui-même inspirant notre conduite. Plus tard, saint Paul dira de Jésus-Christ qu’il est la Sagesse de Dieu : « Ce Christ est puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1,24). « Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle » : de nous-mêmes, nous ne pourrions pas atteindre Dieu. Et la dignité dont il est question ici, c’est seulement ce désir de Dieu : la seule dignité qui nous est demandée, c’est d’avoir un cœur qui cherche Dieu. Serait-ce cela la « robe des noces » de la parabole ?

Et voilà pourquoi il peut y avoir rencontre, Alliance : on sait bien que, pour qu’il y ait vraiment rencontre intime entre deux êtres, il faut que les deux le désirent ; et c’est ce que nous dit le passage d’aujourd’hui : Dieu est à la recherche de l’homme ; il faut et il suffit que l’homme soit à la recherche de Dieu : « Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre ».

On peut se poser la question : sur quels critères peut-on juger qu’un roi (ou quiconque) aura été sage ou non ? Voici ce qu’en dit Jérémie : « Que le sage ne se vante pas de sa sagesse, que le fort ne se vante pas de sa force, que le riche ne se vante pas de sa richesse. Mais celui qui se vante, qu’il se vante plutôt de ceci : avoir de l’intelligence pour me connaître, moi, le SEIGNEUR qui exerce sur la terre la fidélité, le droit et la justice. Oui, en cela je me plais, oracle du SEIGNEUR ! » (Jr 9, 22-23). Voilà donc les critères de la vraie sagesse : celle qui se traduit par la bonté, le droit, la justice.

Notre auteur dit quelque chose d’équivalent : « La domination vous a été donnée par le Seigneur, et le pouvoir, par le Très-Haut, lui qui examinera votre conduite et scrutera vos intentions. En effet, vous êtes les ministres de sa royauté ; si donc vous n’avez pas rendu la justice avec droiture, ni observé la Loi, ni vécu selon les intentions de Dieu, il fondra sur vous, terrifiant et rapide…les puissants seront jugés avec puissance. » (Sg 6,3-4). Décidément, où qu’on se tourne dans la Bible, cela revient toujours au même : la seule chose qui nous est demandée, c’est d’agir selon la volonté de Dieu  : « Ce n’est pas en me disant ‘Seigneur, Seigneur’ qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père... » (Mt 7,21) et le prophète Michée précise : « Homme, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t’appliquer à marcher avec ton Dieu (d’autres traductions disent « la vigilance » dans la marche avec ton Dieu) (Mi 6,8). Toutes les autres lectures de ce trente-deuxième dimanche nous parleront de cette vigilance.
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PSAUME 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 7-8

2   Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube :
     mon âme a soif de toi ;
     après toi languit ma chair,
     terre aride, altérée, sans eau.

3   Je t'ai contemplé au sanctuaire,
     j'ai vu ta force et ta gloire.
4   Ton amour vaut mieux que la vie :
     tu seras la louange de mes lèvres !   

5   Toute ma vie je vais te bénir,
     lever les mains en invoquant ton nom.
6   Comme par un festin je serai rassasié :
     la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.   

7   Dans la nuit, je me souviens de toi
     et je reste des heures à te parler.
8   Oui, tu es venu à mon secours :
     je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
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JE CRIE DE JOIE À L’OMBRE DE TES AILES 

 « Je crie de joie à l’ombre de tes ailes » : c’est beau, mais c’est quand même étonnant ! En fait, il faut se transporter en pensée, à l’intérieur du Temple de Jérusalem (avant sa destruction, bien sûr, en 587 av. J.-C. par Nabuchodonosor)... et supposer que nous sommes prêtres ou lévites. Là, dans le lieu  le plus sacré, le « Saint des Saints », se trouvait l’Arche d’Alliance : attention, quand nous disons Arche aujourd’hui, nous risquons de penser à une œuvre architecturale imposante : les Parisiens penseront peut-être à ce qu’ils appellent la Grande Arche de la Défense... Pour Israël, c’est tout autre chose ! Il s’agit de ce qu’ils avaient de plus sacré 1 : un petit coffret de bois précieux, recouvert d’or, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui abritait les tables de la Loi. Sur ce coffret, veillaient deux énormes statues de chérubins.

Les « Chérubins » n’ont pas été inventés par Israël : le mot vient de Mésopotamie. C’étaient des êtres célestes, à corps de lion, et face d’homme, et surtout des ailes immenses. En Mésopotamie, ils étaient honorés comme des divinités... En Israël au contraire, on prend bien soin de montrer qu’ils ne sont que des créatures : ils sont représentés comme des protecteurs de l’Arche, mais leurs ailes déployées sont considérées comme le marchepied du trône de Dieu. Ici, un prêtre en prière dans le Temple, à l’ombre des ailes des chérubins se sent enveloppé de la tendresse de son Dieu depuis l’aube jusqu’à la nuit.2

Les autres images de ce psaume sont toutes également empruntées au vocabulaire des lévites : « Je t’ai contemplé au sanctuaire » : ils étaient les seuls à pénétrer dans la partie sainte du Temple... » toute ma vie, je vais te bénir » : effectivement toute leur vie était consacrée à la louange de Dieu... » lever les mains en invoquant ton nom » : là nous voyons le lévite en prière, les mains levées... « Comme par un festin je serai rassasié », c’est une allusion à certains sacrifices qui étaient suivis d’un repas de communion pour tous les assistants, et d’autre part, on sait que les lévites recevaient pour leur nourriture une part de la viande des sacrifices... « Dans la nuit, je me souviens de toi, je reste des heures à te parler » : lorsqu’ils étaient de service à Jérusalem, leur vie entière se déroulait dans l’enceinte du Temple.

 En fait, ce psaume est une métaphore : ce lévite, c’est Israël tout entier qui, depuis l’aube de son histoire et jusqu’à la fin des temps, s’émerveille de l’intimité que Dieu lui propose  : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi... »  Et quand il dit « dès l’aube », il veut dire depuis l’aube des temps : depuis toujours le peuple d’Israël est en quête de son Dieu. « Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau » : en Israël, ces expressions sont très réalistes : la terre désertique, assoiffée, qui n’attend que la pluie pour revivre, c’est une expérience habituelle, très suggestive.

DIEU, TU ES MON DIEU, JE TE CHERCHE DÈS L'AUBE

Depuis l’aube de son histoire, Israël a soif de son Dieu, une soif d’autant plus grande qu’il a expérimenté la présence, l’intimité proposée par Dieu. Et donc, à un deuxième niveau, c’est l’expérience du peuple qui affleure dans ce psaume : par exemple « mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau »  est certainement une allusion au séjour dans le désert après la sortie d’Égypte et à l’expérience terrible de la soif à Massa et Meriba (Ex 17). La plus belle prière est certainement celle qui jaillit de notre pauvreté spirituelle, comme la plainte du déshydraté : « J’ai soif ».

« Je t’ai contemplé au sanctuaire » est une allusion aux manifestations de Dieu au Sinaï, le lieu sacré où le peuple a contemplé son Dieu qui lui offrait l’Alliance. » J’ai vu ta force et ta gloire », dans la mémoire d’Israël, cela évoque les prodiges de l’Exode pour libérer son peuple de l’esclavage en Égypte. Tout autant que la formule « Tu es venu à mon secours » : on n’oubliera jamais, de mémoire d’homme, en Israël, cette phrase de Dieu à Moïse : « J’ai vu, oui, vraiment, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer. » (Ex 3,7).

Quand on méditait sur cette libération apportée au peuple d’Israël par son Dieu, on comparait parfois celui-ci à un aigle apprenant à ses petits à voler : « Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. » (Dt 32,11). En écho on lit dans le livre de l’Exode, au moment de la célébration de l’Alliance : « Tu diras à la maison de Jacob... Vous avez vu comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai fait arriver jusqu’à moi. » (Ex 19,4). Si bien que les ailes des chérubins dans le Temple prenaient encore une autre signification. Elles sont les ailes protectrices de celui qui apprend à Israël le chemin de la liberté.

Toutes ces évocations d’une vie d’Alliance, d’intimité sans ombre sont peut-être la preuve que ce psaume a été écrit dans une période moins lumineuse ! Où l’on a bien besoin de s’accrocher aux souvenirs du passé. Tout n’est pas si rose et les derniers versets (que la liturgie ne nous fait pas chanter), disent fortement, violemment même l’attente de la disparition du mal sur la terre, par exemple : « Ceux qui pourchassent mon âme, qu’ils descendent aux profondeurs de la terre »...  Israël attend la pleine réalisation des promesses de Dieu, les cieux nouveaux, la terre nouvelle, et la délivrance de tout mal et de toute persécution.

L’expression « je te cherche dès l’aube... mon âme a soif » dit aussi que cette quête n’est pas encore comblée : Israël est le peuple de l’attente, de l’espérance : » Mon âme attend le Seigneur, plus sûrement qu’un veilleur n’attend l’aurore. » (Ps 129/130,6). Quand Jésus parle de veille, de vigilance dans la parabole des vierges sages et des vierges folles (qui sera notre évangile de ce trente-deuxième dimanche), c’est à cela qu’il pense : une recherche permanente de Dieu.

Aujourd’hui à la suite du peuple juif, le peuple chrétien reprend à son compte cette prière, cette soif, cette attente : le psaume 62/63 fait partie de la prière des Heures du dimanche matin de la première semaine. Car dans la liturgie chrétienne, le dimanche, jour de la Résurrection du Christ, est le jour privilégié où nous célébrons la totalité du mystère de l’Alliance de Dieu avec son peuple, depuis l’aube de son histoire, dans l’attente de l’avènement définitif de son Royaume.
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Notes

1 – L’Arche d’Alliance est perdue depuis l’Exil à Babylone et personne ne sait ce qu’elle est devenue.

2 – En réalité, seul le grand-prêtre avait accès au Saint des Saints, une fois par an, le jour du Yom Kippour (le Grand Pardon). Le prêtre en prière, s’imagine être sous l’ombre de l’Arche.
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LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX THESSALONICIENS 4, 13-18

13 Frères,
     nous ne voulons pas vous laisser dans l'ignorance
     au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort ;
     il ne faut pas que vous soyez abattus
     comme les autres, qui n'ont pas d'espérance.
14 Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ;
     de même, nous le croyons aussi, ceux qui se sont endormis,
     Dieu, par Jésus, les emmènera avec lui.
15 Car, sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci :
     nous les vivants,
     nous qui sommes encore là pour la venue du Seigneur,
     nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis.
16 Au signal donné par la voix de l'archange, et par la trompette divine,
     le Seigneur lui-même descendra du ciel,
     et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d'abord.
17 Ensuite, nous les vivants,
     nous qui sommes encore là,
     nous serons emportés sur les nuées du ciel,
     en même temps qu'eux,
     à la rencontre du Seigneur.
     Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur.
18 Réconfortez-vous donc les uns les autres
     avec ce que je viens de dire.
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L’ESPÉRANCE DES CHRÉTIENS

On se demande souvent ce que les chrétiens ont de plus que les autres ; saint Paul vient de nous donner une réponse : nous avons reçu en cadeau l’espérance ! D’après lui, c’est ce qui nous distingue : « Il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres qui n’ont pas d’espérance ». Une espérance qui ne repose ni sur des raisonnements, ni sur des convictions, ni sur de quelconques prédictions... mais sur un événement qui est le socle de notre foi : à savoir la Résurrection de Jésus-Christ.

Dans la première lettre aux Corinthiens, Paul va jusqu’à dire : « Si Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu » (1 Co 15,14). De deux choses l’une : ou bien Christ est ressuscité ou bien il ne l’est pas. S’il n’est pas ressuscité, alors notre foi est un château de cartes qui ne peut que s’écrouler. « Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur... et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espérance dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. » (1 Co 15,17-19). Si c’est cela, nous avons été trompés et l’avenir est bouché.

Mais, bien sûr, Paul continue, toujours dans cette lettre aux Corinthiens : «  Mais non ; Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts. » » (1 Co 15,20). « Prémices », c’est-à-dire premier-né de l’humanité vivante. Paul fait allusion, ici, à la coutume de l’offrande des prémices dans l’Ancien Testament : lorsqu’on offrait à Dieu la première gerbe de la récolte, ou l’animal premier-né du troupeau, ces offrandes (ces « prémices ») représentaient la totalité de la récolte, l’ensemble du troupeau. De la même manière, Jésus ressuscité est « prémices » de toute l’humanité.

Et alors nous pouvons contempler ce projet de Dieu : le Dieu vivant a conçu un peuple de vivants ; et c’est pour cela que nous sommes le peuple de l’espérance ; rappelons-nous la discussion de Jésus avec les Sadducéens (Mt 22,23s) : à l’époque du Christ, la foi en la Résurrection était un progrès tout récent de la théologie juive ; les Pharisiens y croyaient, mais pas encore les Sadducéens : ils donnaient pour argument la complexité des rapports dans l’au-delà pour une femme qui aurait eu sur terre successivement sept maris : « À la résurrection, duquel des sept sera-t-elle l’épouse, puisque chacun l’a eue pour épouse ? » (Mt 22,28). Jésus leur répond, d’abord, qu’il ne faut pas envisager la Résurrection comme une copie de notre vie sur la terre, la perspective de la mort en moins ; mais surtout, il affirme la Résurrection : «  Au sujet de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu ce qui vous a été dit par Dieu : Moi, je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ? Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » (Mt 22,31-32).

LA CRÉATION TOUT ENTIÈRE GÉMIT DANS LES DOULEURS DE L’ENFANTEMENT

Cette parole-là lui a permis, à lui, Jésus, le premier, d’affronter la mort. Quand il annonce sa Passion à ses disciples, il annonce toujours en même temps sa Résurrection (Mt 16,16 par ex) ; cette parole-là doit nous permettre à notre tour d’affronter la vie sans angoisse excessive à la pensée de son terme inéluctable, et d’affronter la mort, le jour venu. Comme dit Paul encore : « J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet, la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu… Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Rm 8,18-22).

Cet enfantement, c’est celui du dessein bienveillant de Dieu : s’il y a un moment où nous devons nous souvenir à tout prix que le dessein de Dieu est bienveillant, c’est quand nous envisageons notre mort ; et alors, il ne nous reste plus qu’à nous laisser faire puisque sa volonté est bonne pour nous : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement, réunir l’univers entier sous un seul chef (une seule tête), le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. » (Ep 1,9-10).

RIEN NE POURRA NOUS SÉPARER DE LUI

Ce projet de Dieu, c’est donc un peuple de vivants qui ne font qu’un en Jésus-Christ, comme un seul homme. Au fond, ce qui nous est le plus difficile à imaginer, c’est ce projet d’union : « Réunir l’univers entier sous un seul chef (une seule tête), le Christ ». (Ep 1,10). C’est certainement à cela que Paul pensait lorsqu’il écrivait : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?... J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8,35-39).

Rien ne pourra nous séparer de lui, rien, pas même la mort biologique : c’est pour cela que Paul emploie l’image du sommeil ; quelqu’un qui dort est bien vivant ! Et donc ceux qui nous ont quittés ne seront pas séparés du Christ. Comme dit Paul dans notre texte d’aujourd’hui : « Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur ». Voilà qui devrait nous permettre de nous réconforter mutuellement. Paul lui-même en a eu peut-être parfois besoin puisqu’il dit dans la deuxième lettre aux Corinthiens : « C’est pourquoi nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous. Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel. » (2 Co 4,16-18) ; et dans la lettre aux Philippiens : « Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. » (Phi 3,20-21).

Pour terminer, imaginons le dernier jour, celui que Jésus appelle « l’avènement du Fils de l’Homme » : le journaliste de service écrira « Ils se sont tous levés comme un seul homme » !
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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU 25, 1-13

     En ce temps-là,
     Jésus disait à ses disciples cette parabole :
1   « Le royaume des Cieux sera comparable
     à dix jeunes filles invitées à des noces,
     qui prirent leur lampe
     pour sortir à la rencontre de l’époux.
2   Cinq d’entre elles étaient insouciantes,
     et cinq étaient prévoyantes :
3   les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile,
4   tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes,
     des flacons d’huile.
5   Comme l’époux tardait,
     elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
6   Au milieu de la nuit, il y eut un cri :
     ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’
7   Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent
     et se mirent à préparer leur lampe.
8   Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes :
     ‘Donnez-nous de votre huile,
     car nos lampes s’éteignent.’
9   Les prévoyantes leur répondirent :
     ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous,
     allez plutôt chez les marchands vous en acheter.’
10 Pendant qu’elles allaient en acheter,
     l’époux arriva.
     Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces,
     et la porte fut fermée.
11 Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent :
     ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’
12 Il leur répondit :
     ‘Amen, je vous le dis :
     je ne vous connais pas.’

13 Veillez donc,
     car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

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LA PARABOLE DES DIX JEUNES FILLES

« Le Royaume des cieux est semblable à dix jeunes filles invitées à des noces ... » Cette comparaison très positive avec des noces prouve bien que Jésus n’a pas imaginé cette parabole pour nous inquiéter ; il nous invite à nous transporter déjà au terme du voyage, quand le Royaume sera accompli et il nous dit ‘Ce sera comme un soir de noce’ : d’entrée de jeu, on peut donc déjà déduire que même la dernière parole « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure » ne doit pas nous faire peur, ce n’est jamais le but de Jésus. À nous de déchiffrer ce qu’elle veut dire.

C’est une parabole, c’est-à-dire que c’est la leçon finale qui compte. Ce n’est pas une allégorie, il n’y a donc pas à chercher des correspondances entre chaque détail de l’histoire et des situations ou des personnes concrètes. Enfin, ne nous scandalisons pas de ces prévoyantes qui refusent de partager, ce n’est pas une parabole sur le partage.

Toutes ces précautions prises, il reste à découvrir ce que peut vouloir dire cette fameuse dernière phrase « Veillez donc ». Pour commencer, reprenons les éléments de la parabole : des noces, une invitation ; dix jeunes filles, cinq d’entre elles sont insouciantes, cinq sont prévoyantes ou avisées selon les traductions ; les prévoyantes ont de l’huile en réserve, les insouciantes ont pris leur lampe sans emporter d’huile... or il est vrai qu’une lampe à huile sans huile n’est plus une lampe à huile... C’est aussi insensé 1 que de mettre une lampe sous le boisseau : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. » (Mt 5,15).

L’époux tarde à venir et tout notre petit monde s’endort, les prévoyantes comme les autres : on peut noter au passage que ce sommeil ne leur est pas reproché, ce qui prouve que le mot de la fin « Veillez » n’interdit pas de dormir, ce qui est pour le moins paradoxal ! L’époux finit quand même par arriver et l’on connaît la suite : les prévoyantes entrent dans la salle de noces, les insouciantes se voient fermer la porte avec cette phrase dont on ne sait pas dire si elle est dure ou attristée « Je ne vous connais pas » leur dit l’époux. Et cette fameuse conclusion : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

À LA RENCONTRE DE L’ÉPOUX CHAQUE JOUR

Chose curieuse, Jésus a déjà traité à peu près le même thème dans une autre parabole, celle des deux maisons : l’une est bâtie sur le roc, l’autre sur le sable. « La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé » : l’une des deux a résisté, l’autre s’est écroulée ; jusque-là rien de surprenant, on aurait pu s’en douter ; mais voici que Jésus s’explique : celui qui a bâti sur le roc, c’est « tout homme qui entend les paroles que je dis et les met en pratique... » ; que sont  ces fameuses « paroles qu’il dit » ? Nous sommes au chapitre 7 de saint Matthieu ; quelques lignes auparavant, on a pu lire : « Ce n’est pas en me disant ‘Seigneur, Seigneur’, qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Ce jour-là, beaucoup me diront : ‘Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?’ Alors je leur déclarerai : ‘Je ne vous ai jamais connus. Écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal. » (Mt 7, 21-27).

Et Jésus continue : « Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique, est comparable à un homme prévoyant 2 qui a construit sa maison sur le roc... ». Dans la parabole des deux maisons, le lien est donc clair : « Je ne vous connais pas, car vous commettez le mal » ; en d’autres termes, ‘vous faites de très belles choses (prophéties, miracles...) mais vous n’aimez pas vos frères’ ; ici, dans la parabole des dix vierges, cela revient au même : c’est ‘Je ne vous connais pas, vous n’êtes pas la lumière du monde... vous êtes appelées à l’être, mais il n’y a pas d’huile dans vos lampes’.

Dans les deux paraboles, Jésus emploie cette même formule « Je ne vous connais pas » : ce n’est pas un verdict sans appel, c’est un constat triste : ‘Je ne vous connais pas encore’, ‘Vous n’êtes pas encore prêts pour le Royaume, vous n’êtes pas prêts pour les noces’ ; il faut sans doute l’entendre au sens de ‘Je ne vous reconnais pas’ : vous ne me ressemblez pas, vous n’êtes pas en communion avec moi.

Le rapprochement avec la parabole des deux maisons peut encore nous éclairer : celle-ci était la conclusion du discours sur la montagne dans lequel Jésus proclamait  « Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi’. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes...Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5,43-48).

« Veiller », c’est donc vivre au jour le jour cette ressemblance avec le Père pour laquelle nous sommes faits : c’est aimer comme lui ; chose impossible, sommes-nous tentés de dire... heureusement cette ressemblance d’amour est cadeau ; comme nous l’ont dit les autres lectures de ce dimanche, il nous suffit de la désirer ; de le chercher, comme dit le psaume « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube » ; d’aller à la rencontre de cette Sagesse dont nous parlait la première lecture, celle qui se traduit par la bonté, le droit, la justice. Veiller, en fin de compte, c’est être toujours prêt à le recevoir. Cette rencontre de l’époux se fait non pas au bout du temps, à la fin de l’histoire terrestre de chacun, mais à chaque jour du temps ; c’est à chaque jour du temps qu’il nous modèle à son image.
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Notes

1- « Insensé » : c’est affaire de cohérence.

2-Le mot grec qui a été traduit en français par « prévoyant » est bien le même dans les deux paraboles (Mt 7,24 // Mt 25,2).

Compléments

- Il y a plusieurs manières d’envisager le temps qui passe ; pour un chrétien, elle ne peut être que positive : c’est le temps qui prépare la venue du Seigneur, « l’avènement du Fils de l’Homme ». Jean-Sébastien Bach a traité ce thème dans un choral intitulé « Le choral du veilleur » et qui est en fait une variation sur la parabole des jeunes filles prévoyantes et des jeunes filles insouciantes  ; il commence par un pas de danse très gai sur un registre un peu haut : vous les avez reconnues, ce sont les jeunes filles insouciantes ; puis, plus bas, intervient gravement la musique du cantique « Adoro te devote » : ce sont les vierges prévoyantes en train de méditer ; enfin au pédalier, s’installe un rythme régulier, appuyé, qui symbolise le temps qui s’écoule.

- « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure » : personne ne peut remplir ma lampe à ma place. Il y va de ma liberté et de ma responsabilité.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 12 11 2023, 32e dimanche du temps ordinaire A

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