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23 février 2008 6 23 /02 /février /2008 13:19
Le père Jean de Montalembert est également l'auteur d'un livre intitulé "L'aventure du christianisme" (avec des dessins de Brunor), publié au Cerf en Janvier 2008. Cet ouvrage ressemble à "Il est intelligent de croire", quant au contenu. Il s'adresse aux adolescents, à leurs parents et à leurs enseignants. J'ai compris qu'il était né d'une demande d'un groupe d'adolescents en contact avec l'auteur, en Argentine, et désireux de savoir comment argumenter pour défendre leur foi auprès d'un professeur de philosophie plutôt hostile.

J'ai parcouru cet ouvrage, qui m'a paru aussi intéressant que le précédent et que je me suis promis de lire dès que possible. En attendant, je vous en livre un extrait (page 183 et suivantes) qui devrait plaire à mes amis libéraux, croyants ou non, notamment ceux qui se battent pour la liberté de travailler le dimanche.

Jésus, homme libre.

(considérations de l'auteur sur la culture, qui façonne chaque homme et l'emprisonne un peu)

"Est-il permis, un jour de sabbat, de sauver une vie ou de la perdre ?"

Jésus était, comme tout le monde, façonné par sa culture qui était la culture juive de son époque, très marquée par la forte et originale pensée biblique. On sait par ailleurs que Jésus avait reçu une formation importante. Il savait lire et écrire, ce qui était rare en son temps. On l'appelait rabbi, ce qui veut dire maître en sagesse et en capacité d'interpréter les Ecritures sacrées d'Israël. Eh bien ! Jésus va montrer une extraordinaire liberté par rapport à sa propre culture, qui étonnera ses disciples et aussi son auditoire. L'évangile de saint Marc notera plusieurs fois que les gens qui entendaient son enseignement étaient frappés par l'autorité avec laquelle il parlait. Un bon exemple de la liberté de Jésus était son attitude par rapport au sabbat. Nous avons déjà parlé du commandement de la Loi qui oblige le peuple d'Israël à respecter le repos du sabbat. C'était un des fameux dix commandements reçus par Moïse au moment de l'alliance avec Dieu. C'était donc une loi très forte en Israël qui, avec le temps, s'était durcie au point qu'un jour de sabbat on n'avait strictement le droit de ne rien faire qui ressemble à du travail. Transgresser cette loi était une faute très grave. Jésus va faire exprès de guérir des gens le jour du sabbat et parfois dans une synagogue, là où les gens se rassemblaient pour honorer Dieu, écouter la Parole de Dieu en lisant des passages de la Bible. En faisant cela, il choquera beaucoup les gens très pieux de son peuple car il donnera l'impression de transgresser un commandement de Dieu. Mais lui dénoncera l'attitude trompeuse de ceux qui suivent scrupuleusement la loi de Moïse sans en chercher l'esprit. "Je vous demande s'il est permis le jour du sabbat de faire le bien ou le mal, de sauver une vie ou de la perdre" (Lc 6,9). Lors d'une dispute avec les autorités juives, Jésus dira même : "Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat." Ce qui était une affirmation proprement incroyable à prononcer.

"Il vous a été dit..., eh bien, moi je vous dis..."

Dans un très beau discours, rapporté par saint Matthieu, et que nous appelons le Sermon sur la montagne, Jésus se présentera comme le véritable interprète de la loi de Dieu, comme si lui, Jésus, connaissait réellement les intentions de Dieu. Ce sermon est prononcé sur la montagne, allusion claire à la montagne de Dieu où Israël a reçu sa charte fondamentale : les dix commandements et la loi de Moïse. Tout au long des paroles rassemblées dans ce "sermon", Jésus fera référence à cette charte fondamentale d'Israël : "Il vous a été dit..., mais moi je vous dis..." Jésus se présente comme l'interprète original et décisif de la loi de Moïse. Il fallait beaucoup d'autorité et de réflexion pour oser proposer une telle interprétation de l'antique loi d'Israël. Prenons quelques exemples :

Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre1 ; celui qui commettra un meurtre en répondra au tribunal. Et moi je vous dis : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal... Vous avez appris qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère2. Et moi je vous dis : quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà dans son coeur commis l'adultère avec elle... Vous avez appris qu'il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. Et moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre3...

A première vue, on pourrait croire à une interprétation encore plus radicale de la loi de Moïse de la part d'un penseur extrémiste. En fait non, Jésus le dit lui-même, il est venu accomplir la loi de Moïse. Il ne s'agit pas de nouveaux règlements plus difficiles encore à suivre que les précédents, mais de les comprendre comme principes de vie, car venant de Dieu. A la source de l'homicide, qu'y a-t-il ? La colère. Alors essaie de bannir la colère de ton coeur et tu ne te trouveras pas sur le chemin du meurtre. Au point de départ d'une histoire d'adultère, qui est une irruption violente dans une alliance, il y a le regard de convoitise qui attise les sens. Comme le dit le language populaire : celle-là, celui-ci, je veux le posséder. Alors l'adultère commence déjà par le regard. Purifie donc ton regard, rend-le chaste et aimant. La loi du talion4 était déjà une régulation de la violence : ne fais pas plus de mal, en te vengeant, que celui que tu as subi. Mais on reste toutefois dans le registre de la violence. Alors, toi, bascule du côté de Dieu : "Si on te frappe sur une joue, tends l'autre." C'est une façon de dire : pouce ! je n'entre pas dans ton jeu de violence.
Cette autorité de Jésus, la liberté avec laquelle il interprète la Loi, la sûreté et la profondeur de son enseignement mettront ainsi les disciples sur la voie de la découverte de l'identité exceptionnelle de Jésus. Il donne l'impression d'avoir plus d'autorité que Moïse lui-même, celui qui avait donné à Israël la loi de Dieu et qui avait été son instrument pour la libération de l'esclavage en Egypte.


1. Il s'agit du cinquième des 10 commandements ; voir Exode 20,13
2. Le sixième commandement ; voir Ex 20,14
3. Mt 5, 21 s.
4. On trouve cette loi dans le livre de l'Exode 21, 23 ou Lévitique 24, 19-20 qui est résumée par l'expression devenue populaire : Oeil pour oeil, dent pour dent. "S'il arrive un malheur, tu paieras vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie". La loi de Moïse cherchait, par cette règle, à contrôler les vendettas entre clans et familles, si chargées de violence. Au moins, qu'on ne fasse pas plus de violence qu'on en a subi. Le déchainement mimétique des vengeances pouvait mettre en péril toute la société.

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